dancing with our hands tied (charli)

Il y a plusieurs semaines maintenant, début décembre pour être exacte, Sofia avait évoqué de faire un road-trip avec moi. L'idée lui était sûrement venue de notre partie de billard au bar, le soir d'Halloween. Sur le coup, j'avais accepté sa proposition, sans savoir dans quoi je me lançais et si finalement, cela allait bien arriver. Mais si, à ma plus grande surprise, une fois les examens passés et Noël fait avec Iggy, la brune m'emmena pour Featherston. La jeune femme qui mettait tellement de son temps dans son boulot m'accordait plusieurs jours, seule avec moi, me donnant ainsi l'impression d'être spéciale. Après un rapide tour du village, un repas pris à l'un des restaurants et un temps calme dans notre chambre d'hôtel, nous nous décidons à aller à la patinoire. Arrivées sur place, ma petite amie m'interroge sur la pratique du patin à glace que je pouvais avoir en Suède. « En effet. Mais généralement, là-bas, nous en faisons sur des lacs gelés. » Même si je ne suis pas une débutante, je crains que les sensations ne soient pas les mêmes sur une patinoire artificielle faite avec des dalles en plastique. Nous récupérons nos patins et les enfilons. Alors qu'elle se lève et qu'elle essaye de marcher, Sofia fait une réflexion sur son équilibre et sur le fait qu'elle va avoir besoin de moi pour tenir debout. « Tant que tu ne me fais pas tomber, c'est bon. » Avec une chute, nous pourrions nous blesser et surtout, il est bien plus difficile de se remettre en position pour patiner une fois au sol. « N'oublies pas que tu as dit "pas de boulot durant le séjour", donc évitons de finir aux urgences. » Si cela doit arriver, nous ne pourrons rien y faire. Mais ce serait quand même dommage d'en arriver là. Surtout si c'est Sofia qui est touchée, car il ne faut pas oublier que c'est elle qui nous a conduis jusqu'ici. Nous nous levons et nous dirigeons jusqu'à la patinoire. Par chance, il n'y a pas beaucoup de monde. Cela nous évitera d'avoir de la difficulté en plus. Je laisse la jeune femme passer devant, lui laissant ainsi le champ libre pour faire ce qu'elle veut. Très vite, Sofia ne semble plus avoir besoin de moi à ses côtés, alors je ralentis et la laisse partir seule. Mais lorsqu'elle revient, elle semble avoir oublié comment freiner et m'utilise comme point d'accroche pour pouvoir s'arrêter. Le pire est évité puisque nous sommes toujours debout, sur nos patins. « Tu veux littéralement tomber dans mes bras. » Dis-je, amusée par la situation. « Tu sais que tu n'as pas besoin de m'impressionner. » Si c'était le cas, je ne suis pas certaine que c'est ici que je l'aurais amenée. « Je suis déjà toute à toi. » Dis-je, dans un murmure, au coin de son oreille. Je glisse ma main dans la sienne et je l'entraîne, avec moi, dans un nouveau tour de piste, mais à un rythme très lent, histoire que nous ne nous finissions pas les jambes en l'air. Je ne pensais pas que cela me procurerait autant de bien. Cependant, pouvoir faire du patin à glace comme avant me donnerait presque l'impression d'être de retour en Suède. En fond, j'entends une chanson bien caractéristique de la période – bien qu'un peu en retard, Noël étant passé – et je ne peux m'empêcher de commencer à la chanter. « I don't want a lot for Christmas. There is just one thing I need. [...] Make my wish come true. All I want for Christmas is you. » Doucement, je crois que l'on est en train de me perdre. Plus les jours passent et plus je laisse l'occasion à Sofia de me voir vulnérable. Je vais finir par tomber pour elle, en espérant que la chute ne sera pas trop douloureuse.

Avec Sofia, c'est beau, c'est bien. Mais ça l'est peut-être un peu trop. Même si nous nous sommes tournées autour un certain temps, depuis que nous avons sauté le pas, les choses se sont faites assez vite entre nous. Nous avons passé Noël ensemble, avec Iggy aussi, avant de prendre la route pour venir ici : finalement, en quelques jours, nous ne nous sommes pas vraiment quittées. Je ne vais pas me plaindre, pas maintenant, mais peut-être que les choses se compliqueront une fois que nous serons retournées à notre quotidien classique. Et si finalement, tout était devenu trop beau trop vite ? Je n'ai pas envie d'y penser pour l'instant, au risque de gâcher les quelques jours que nous avons ensemble. Alors qu'une musique de Noël bien connue passe en fond, je ne peux m'empêcher de pousser un peu la chansonnette, visant directement la brune avec les paroles. Cette dernière me complimente et je doute quelques instants de son honnêteté. Est-ce ironique ou pas ? Je l'ignore. Mais la fin de sa phrase me fait rire : peut-être que dans le fond, j'étais en train d'essayer de la charmer. Après plusieurs tours à deux, l'interne se dirige vers l'un des bords de la patinoire pour s'arrêter et très vite, elle m'attire avec elle. À en croire ce qu'elle me dit, je n'ai pas besoin de lui chanter la sérénade, j'ai déjà réussi à gagner son cœur. Je tire peut-être des conclusions hâtives, mais c'est ce que je comprends avec sa phrase. Mes bras viennent l'entourer, alors que la jeune femme m'embrasse. Il semblerait qu'elle ait besoin de faire une pause, puisqu'elle m'invite à lui faire une démonstration de patinage. « Ne serait-ce pas mieux que je te montre toute l'étendue de mon talent en Suède ? » Cette idée de voyage resurgit dans mon esprit. Nous avions parlé d'un road-trip et nous voilà ici, alors pourquoi pas la Suède ? En terme d'organisation, c'est sûrement un peu plus compliqué, mais il ne faut jamais dire jamais. « Bon d'accord.. je te montre un peu. » Dis-je, alors que je me fais amadouer par sa bouille. Je reprends mes distances et me relance à l'assaut de la glace. Je réalise plusieurs tours, un peu plus rapidement que tout à l'heure. Même si ça me plaît, les sensations ne sont pas les mêmes. Je finis par me rapprocher de Sofia, mais avant d'arriver vraiment à sa hauteur, je glisse et tombe à la renverse. « Aïe. » Dis-je sur le coup, avant de rigoler un peu. Plus de peur que de mal, c'est le principal. Sans trop de mal, je me relève et quitte l'endroit pour laisser les autres personnes patiner sans avoir à se soucier de moi. « Et si on quittait cette patinoire pour aller prendre un chocolat chaud ? » Cette expérience ensemble était agréable, mais il reste encore un bon nombre de choses à faire dans cette ville avant notre départ. Nous quittons la glace et rendons nos patins, avant d'arpenter les rues de Featherston. Arrivées devant un café, nous pénétrons dans le bâtiment et nous installons à une table. Les serveurs ont visiblement l'habitude de voir des visiteurs à cette période de l'année, puisque nos commandes sont très vite prises. En attendant que nos boissons arrivent, je glisse une main dans l'une de mes poches et en sors un petit sachet. À l'intérieur, il y a un collier avec une pierre, l'améthyste, la pierre des poissons, que j'ai trouvé un peu plus tôt lorsque nous nous sommes baladées sur le marché de Noël. « J'ai trouvé ça tout à l'heure. J'ai pensé que ça pourrait te plaire. » Même si ça peut paraître un peu soudain comme achat, c'était réfléchi : j'ai préféré un collier à un bracelet pour que ce soit plus simple pour son travail. Je ne sais pas ce qu'ils ont le droit de porter et ce qu'ils doivent obligatoirement quitter avant de commencer leur journée.

Me retrouver sur une patinoire, même artificielle, me fait plaisir. Durant ces quatre dernières années, j'aurais pu en faire à Island Bay ou à Wellington, car il n'est pas rare d'en voir une s'installer pour la période des fêtes. Pourtant, je n'y suis jamais allée. La particularité aujourd'hui, c'est bien d'y être avec Sofia. Ce moment nostalgique passé, conclu par une chute de ma part, je propose à la jeune femme de partir pour aller boire un chocolat chaud. Ce qu'elle accepte volontiers. Est-ce lié au fait qu'elle n'est pas très à l'aise sur des patins ? Peut-être. Mais la raison n'importe peu. Nos affaires rendues aux employés de la patinoire, nous arpentons les rues de la ville de Featherston à la recherche d'un café et notre choix finit par se porter sur un bâtiment à l'architecture locale. À l'intérieur, nous commandons deux boissons et en attendant qu'elles arrivent, je décide d'offrir un petit quelque chose à la brune. La surprise est bien présente, comme quoi, parfois je sais être discrète. En échange, la jeune femme n'a rien pour moi. Ce n'est pas un problème ça. Mon achat n'a pas été fait dans le but d'avoir quelque chose en retour, mais simplement de lui faire plaisir. Ce qui semble être le cas. Sur le marché de Noël, j'ai trouvé ce stand de pierres très agréable et pour un cadeau, je me suis dit que ça sortait un peu de l'ordinaire. Sofia attrape doucement ma main sur la table et un sourire se dessine sur mes lèvres de la voir heureuse comme cela. Rapidement, elle remet sur la table un sujet que j'ai évoqué un peu plus tôt. « Pourquoi pas ? Ça fait longtemps que je n'y suis pas allée. » Quatre ans. Depuis que je suis arrivée ici, je ne suis jamais retournée dans mon pays natal. Sûrement à cause de la douleur que cela pouvait me procurer d'y être sans ma grand-mère. Elle caresse doucement l’intérieur de ma main avec son pouce, me distrayant suffisamment pour que je n’ai pas à plonger dans ce souvenir triste. Je ne peux m’empêcher de rigoler lorsqu’elle évoque un changement radical pour son corps de néo-zélandaise si nous décidons d’y aller pendant l’hiver. C’est vrai que la météo pourrait la surprendre, mais bien équipée, ça le ferait. Surtout si elle tient à voir des aurores boréales. C’est un très beau spectacle à voir, mais ce n’est pas la seule chose qui représente la Suède, il n’y aurait donc rien d’idiot à y aller à un autre moment de l’année. « Ce n’est pas urgent. Partir en été est sûrement mieux. » Les températures seront plus proches que celles dont nous avons l’habitude d’avoir ici et le jour durera plus longtemps. « Météo clémente veut aussi dire valise plus légère. » Il faut toujours penser au côté pratique. Partir en hiver, c’est prévoir des tenues adaptées et généralement, ce n’est pas le genre de vêtements qui rentre dans une valise cabine. « J’ai déjà vu des aurores boréales. J’ai fait un séjour dans le Nord de la Suède pour cela. À Stockholm, c’est beaucoup moins fréquent. Mais il y a tout de même de très belles choses à voir. » Si un jour, elle décide de faire les deux, alors il faudra partir un certain temps. « Je pourrais te montrer l'endroit où j'ai grandi. » Une maison qui a sûrement été vendue depuis mon départ, mais il n'y a pas que ça. Il y a toutes les rues où j'ai pu grandir, les écoles où j'ai été. « On irait ensuite se promener dans la vieille ville. On pourrait aller jusqu'au Moderna Museet et manger des spécialités suédoises au marché couvert de Sauhall. » Entrevoir un tel programme me met des étoiles dans les yeux. Pourtant, pour l'instant, ce n'est qu'un projet. Entre le boulot de Sofia, mes études et l'organisation, c'est peut-être même qu'un rêve. « On aurait aussi la possibilité de terminer la journée avec une croisière sur le lac Mälar. » La jeune femme est la première personne à qui je propose ce genre de choses. En réalité, je parle assez peu de la Suède avec mes amis. « Un programme qui te plairait ? » Le serveur vient nous interrompre en venant déposer nos deux chocolats chauds face à nous. Je profite de ce moment pour lui demander une part de bûche au chocolat. Il acquiesce et revient quelques secondes plus tard avec le gâteau. Une fois récupéré, je lâche la main de ma petite amie pour attraper une cuillère et très vite, je la plante dans la bûche pour en manger une bouchée. « Tu en veux ? » Ma demande était un peu soudaine, mais j'ai vu ce gâteau sur la table de nos voisins et cela m'a donné envie. Cependant, je ne l'ai pas pris exclusivement pour moi : durant ce séjour, je partage tout avec elle.

Encore une fois, l'idée de faire un voyage en Suède, toutes les deux, revient sur la table. C'est peut-être un peu utopique comme projet, mais parfois, ça fait du bien de rêver. Lorsque la météo sera plus clémente et que les billets seront moins chers, peut-être que notre relation ne nous permettra plus un tel voyage. Mais tant pis, le temps de quelques semaines, nous aurons imaginé le meilleur, en très bonne compagnie. Le programme que je lui énonce semble lui plaire. D'ailleurs, comme elle le dit, énoncé de la sorte, la brune pourrait me suivre n'importe où. « Malheureusement, la Suède est bien le seul pays dont je peux te vanter les mérites. » C'est le seul que je connais aussi bien. Même pour Island Bay ou Wellington, je ne suis pas capable d'en faire autant. « Plus tard, j'aimerais bien voyager un peu plus. Pourquoi pas dans l'Europe. Il y a beaucoup de beaux pays, tous collés les uns aux autres. » Nous avons considéré notre venue ici comme un road-trip, mais je suis sûre qu'en faire un là-bas, avec une destination différente dans chaque pays, est une tout autre chose. Et même sans road-trip, si je pouvais apprendre à connaître un peu plus le monde, ça me ferait plaisir. En arrivant ici, étant une étrangère pour tous les autres lycéens, ils partaient du principe que je connaissais toute l'Europe sur le bout des doigts. Ils étaient bien loin du compte. Avec mon métier, futur métier, en fonction de ce que je choisirais durant mes études et après, j'aurais peut-être la possibilité de voyager un peu plus, de découvrir de nouvelles cultures, de nouveaux sports. Mais pour ça, il faut encore que je me motive un peu : je ne suis qu'à la moitié de mon parcours pour l'instant. Alors que nos deux boissons arrivent, je demande une part de bûche pour grignoter un peu. Celle-ci arrive dans la foulée. C’est l’avantage d’être dans un café qui n’est pas encore bondé. Suite à ma proposition, ma petite amie semble partante pour en prendre une bouchée, pour goûter. Ayant l’assiette face à elle, je fais le choix de "nourrir" la brune. Puis c’est à mon tour de prendre une bouchée, mais l’une comme l’autre, nous finissons avec du chocolat autour de la bouche. Sofia retire le sien, avant de retirer le mien du bout de son doigt. La jeune femme est amusée par la situation, sûrement parce que ce simple geste nous ramène quelques semaines en arrière, là où nous nous sommes avouées notre attirance réciproque. Une fois la bûche entamée, Sofia m’interroge sur la suite de notre programme. « De la luge ? Tu es une grande adepte des sports de glisse aujourd’hui. » Dis-je, amusée par sa proposition. Au moins, l’expérience de la patinoire ne l’a pas traumatisée. « Je suis partante pour le lac. La balade autour doit être agréable et je suis sûre que nous trouverons plusieurs activités sur place. » Pour découvrir un peu plus la faune et la flore de l’endroit. Il doit sûrement aussi avoir un parcours sportif, pour ceux qui habitent ici et qui souhaite faire de l’activité au quotidien, mais nous ne sommes pas ici pour cela. Alors que je continue à me servir de la pâtisserie, je réfléchis à ce que nous pourrons faire d’autres. « Et si jamais tu es encore pleine d’énergie après ça, nous pourrons essayer la luge. Les fesses posées sur le sol, nous serons peut-être meilleures. » Il ne sera plus question d’équilibre à ce moment-là. Je reprends une cuillère, mais la tend à Sofia cette fois-ci. « Nous pourrons aussi nous balader dans la ville, les bâtiments sont très jolis. » La marche ne m’effraie pas. Nous sommes ici pour quelques jours, alors autant profiter pleinement de l’extérieur tant que la météo le permet.

Me projeter de la sorte, ça ne me ressemble pas. Pourtant, avec Sofia, tout semble plus facile. Je m'autorise à rêver un peu plus, à imaginer un futur avec elle. Peut-être que pour une fois, je me sens suffisamment bien pour ne pas chercher à tout gâcher. Je me prends même à envisager de l'emmener en Suède, là où aucune de mes connaissances les plus récentes n'a été. En arrivant à Island Bay, j'ai volontairement laissé mon pays natal derrière moi : il me fallait cette rupture là pour avancer après le décès de ma grand-mère. Néanmoins, même si un tel voyage est envisagé, nous avons encore le temps de voir venir. D'ailleurs, comme le souligne la brune, il est même préférable de s'essayer à quelque chose d'autre avant. Quelque chose de moins loin, un peu comme aujourd'hui. La Nouvelle-Zélande est un beau pays et il y a bien d'autres choses à découvrir que ce qu'offre la capitale et sa banlieue. Ce n'est pas vraiment l'Europe, mais ce n'est pas vraiment comparable. Ce projet de road-trip à travers plusieurs pays n'est pas envisageable pour l'instant et je le sais bien. Pour cela, il faut plusieurs semaines de disponibles, voire plusieurs mois, donc ça pourrait être envisageable seulement après mes études. Pourquoi pas. Nous n'en sommes pas encore là, alors autant se consacrer sur notre séjour ici. La première proposition de la jeune femme, la luge, m'étonne un peu. Après l'épisode du patinage, je pensais qu'elle souhaiterait quelque chose de plus calme, de moins glissant. Je propose de garder l'idée du lac pour tout de suite et celle de la luge pour plus tard. Nous sommes ici pour plusieurs jours, alors nous aurons bien besoin de quoi nous occuper pour les autres jours. Sofia s'interroge sur mes intentions et je ne peux m'empêcher de rigoler un peu. « Je n'ai pas toujours la même définition du mot "vacances" que les autres. » Déjà enfant, je préférais partir dans un centre de loisirs que de rester plusieurs jours à la maison à ne rien faire. J'avais besoin d'être canalisée et je pense que ça n'a pas vraiment changé depuis. « Je ne voudrais pas que tu t'écroules sur le lit ce soir, dès que la porte du logement sera fermée. » Si j'ai envie de profiter d'elle la journée, c'est aussi le soir, même si c'est seulement pour discuter, allongées sur notre lit. Le sujet de la luge évoqué, gardé en tête pour plus tard, j'évoque aussi la possibilité de se balader en ville. Ce n'est pas un endroit que je connaissais avant de venir ici, alors il y a plein de choses à découvrir. Une fois la part de bûche et nos boissons terminées, nous sortons du café. Maintenant que nous avons nos plans en tête, inutile de lézarder plus longtemps. Dehors, Sofia me demande de lui mettre le collier que je viens de lui offrir. Emballée par cette idée, je m'exécute. Alors que la pierre repose au niveau de ses omoplates, la brune la prend entre ses mains, un sourire sur les lèvres. Mon cadeau a l'effet escompté et c'est le plus important. « Tu n'as pas besoin. » Dis-je, lorsqu'elle évoque ce qu'elle pourrait m'offrir en retour. Ce n'était pas mon intention, je n'attends rien en retour de ce collier. Malheureusement, je sais bien que ce n'est pas ces quelques mots qui vont l'arrêter si vraiment elle se met en tête de m'offrir quelque chose. Nous verrons bien ce que les prochains jours nous réservent. L’interne reporte son attention sur les bâtiments qui nous entourent et elle essaye de s’orienter vers le lac. « Allons-y ! » Je viens glisser ma main dans la sienne et ainsi, nous partons en direction du lac. Nous ne sommes pas les seules à avoir choisi cette option. Néanmoins, il n’y a pas non plus la foule et il est agréable de se balader autour du plan d’eau. Après plusieurs minutes à marcher et la moitié du chemin parcouru, je propose à Sofia de nous asseoir sur un banc. « Tu marches souvent ? » À force de côtoyer la brune, j’ai appris qu’elle aimait le yoga et le piano, et qu’à l’inverse, elle avait une rancœur tenace pour la cuisine. Mais je suis encore bien loin de la connaître par cœur, il me reste encore beaucoup de choses à apprendre à son sujet. La réciproque est vraie. Il faut dire que par habitude, j’ai tendance à ne pas me livrer au sujet des choses qui me touchent le plus. Cependant, j’essaye de m’améliorer là-dessus, de lui faire part d’anecdotes pour qu’elle puisse plus facilement savoir qui elle a en face d’elle. « Tu faisais cela en étant enfant ? Randonnée et camping ? » Je ne sais pas si cela collait vraiment avec son enfance et sa mère, mais je me risque quand même à une telle question. « Je veux bien aller n’importe où avec toi, mais pas de camping ! » Dès que nous avons évoqué de telles choses, nous avons commencé à faire des plans pour plus tard. Mais là, non. Je n’ai jamais dormi dans une toile de tente et ce n’est pas ce qui m’attire le plus.

Notre séjour ici ne va pas durer plus que quelques jours, alors nous devons faire toutes les choses qui nous donnent envie dans un laps de temps assez court. Pour cela, nous allons avoir besoin d'endurance et par chance, comme elle le souligne, la jeune femme m'a déjà démontré à quel point elle était douée pour cela. D'ailleurs, rien que d'y penser, un sourire se dessine sur les lèvres. Ce genre d'endurance, elle peut me le montrer à tout moment, à n'importe quel endroit. Mais je ne dois pas penser à cela, surtout pas là, car nous avons d'autres choses de prévues. Rapidement, une fois notre pause terminée, nous quittons le café et nous lançons à l'assaut du lac. Après un petit temps à marcher, nous nous asseyons sur un banc pour prolonger un peu plus ce moment au plein milieu de la nature. Je me tourne vers elle et appuie mon coude contre le dossier, pour que mon bras puisse ensuite soutenir ma tête. Posée là, seules, je me permets de l'interroger un peu. En réponse à ma question, la brune affirme être une fille de la ville. Ça a ses avantages, comme ses défauts, mais au moins, je suis sûre qu'elle ne m'emmènera pas dans un camping ou au moins, pas dans une tente. « Une cabane ? Ça devrait pouvoir s'arranger. » Étrangement, je trouve même cela très romantique. S'en suit une histoire de Sofia au sujet de sa mère et d'une tradition qu'elles avaient. « J'ai comme l'impression que tu lui ressembles beaucoup. » Elles partagent une partie de leur sang, mais aussi leur métier, ça n'aide sûrement pas. C'est peut-être ce dernier détail qui joue sur leurs occupations similaires. Après s'être confiée, ma petite amie s'intéresse à moi et avoue être persuadée que j'ai toujours été une pile électrique, même enfant. « Tu comprends mieux pour la batterie maintenant ? » Avec les années, c'est devenu un plaisir de pratiquer, mais au début, c'était principalement pour me canaliser. « D'aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours fait du sport. Natation, basket-ball, boxe, vélo. J'avais besoin de ça pour me défouler et je pense que ça soulageait un peu ma grand-mère. Quand je rentrais chez nous, j'étais généralement fatiguée et j'étais donc un peu moins difficile. » Difficile n'est peut-être pas le terme exact, mais quand on est âgé, il est bien plus compliqué de suivre un enfant, quelque soit son énergie. Normalement, elle n'aurait pas dû faire ça, elle aurait dû m'avoir que quelques jours par an. Je l'ai toujours trouvée courageuse, elle aurait pu fermer les yeux et simplement me laisser avec les services sociaux, mais non, elle a tenu à m'offrir ce que mes parents ne pouvaient pas faire. « La tradition que j'avais avec elle, c'était de cuisiner. C'est peut-être pour ça que j'aime autant être derrière les fourneaux quand j'en ai l'occasion. » Il y a bien sûre autre chose qui me pousse à cuisiner, mais elle n'a pas besoin de le savoir aujourd'hui. « Si tu ressembles à ta mère, je pense que c'est mon cas aussi. Même si ça me fait mal de l'admettre. » Je grimace un peu. Avec les années passées ici, j'ai compris que même si je ne le voulais pas, je ressemblais en partie à ma mère. « Nous savons mentir toutes les deux. Mais toujours pour la bonne cause ! » Pour le coup, je ne lui vends pas la meilleure partie de nous, d’Iggy et moi. Mais un point commun est un point commun, non ? « Si je ne me trompe pas, elle n’a jamais mis les pieds en Suède. Elle n’a pas voulu compliquer le repas de Noël. » Ma main libre vient doucement caresser le bras de la brune. C’est d’ailleurs assez bizarre de se dire que ma mère a fait en sorte que ce repas se déroule de la meilleure des façons. Elle avait bien plus d’un sujet en sa possession pour me faire défaut. « Mais elle a quand même dû faire des recherches, car ce qu’elle a dit était vrai. » Plus les années passent et plus je me fais surprendre par elle. « Je me demande dans quelle histoire tu t’es lancée. » Dis-je, alors qu’un sourire se dessine sur mes lèvres. Elle aurait pu passer Noël avec quelqu’un d’autre, avoir une histoire avec une autre femme, ou bien même avec un homme, et pourtant, c’est avec moi qu’elle a décidé de faire tout ça.

Avec Sofia, je découvre une certaine facette de ma personnalité. J'ai toujours eu tendance à mettre une distance entre les gens et moi, mais avec elle, c'est différent. Chaque jour qui passe, j'ai envie d'être avec elle, de l'être pleinement. C'est sûrement un peu risqué, car même si tout est beau à ce moment précis, qu'est-ce qu'il en sera dans les jours à venir, quand Sofia sera repartie à l'hôpital et moi à l'université ? Nous avons deux vies différentes et malheureusement, je ne suis pas certaine qu'elles puissent coller. Il y a un temps pour tout et là, ce n'est pas celui pour penser à cela. Nous sommes ici, toutes les deux, alors autant en profiter pleinement. Assises sur ce banc, nous nous laissons aller à quelques révélations. Il ne s'agit pas des premières, mais sûrement pas des dernières non plus – il y a toujours à apprendre sur quelqu'un. Néanmoins, en étant honnête avec Sofia, je ne réalise pas vraiment ce qui se joue. Si j'avoue qu'Iggy a menti pendant le repas de Noël, j'offre aussi ma tête sur un plateau à ma petite amie. Cette partie de moi n'est pas celle qu'elle préfère, sûrement parce que c'est la première chose que je lui ai donnée de moi. Mais c'était pour la bonne cause – c'est aussi ce que j'ai dit la première fois, alors peut-être que ça remet le tout en question. Si j'étais montée contre ma mère au tout début du dîner, je n'aurais pas donné cher de sa peau pour la suite. Nous ne sommes pas proches, ce n'est pas un secret, mais si elle avait commencé à révéler des choses sur moi, à ma place, je pense que je serais rapidement montée dans les tours. Bien sûr, il y a choses et choses. Qu'elle commence à parler de mon enfance, des photographies qu'a pu lui envoyer ma grand-mère, pas de soucis. Mais qu'elle se mette à évoquer des sujets qui me concernent pleinement comme ma vie en Suède ou alors mes troubles alimentaires, je pense que je ne l'aurais pas supporté. Pour clôturer ce sujet, je ne peux m'empêcher de plaisanter un peu en demandant à la jeune femme dans quoi elle s'est embarquée avec moi. Même si je dis cela sur le ton de l'humour, il arrive que parfois, j'ai du mal à comprendre ce qu'elle fait avec moi. Je suis plutôt basique comme fille, plutôt chiante sur les bords même. La brune se met dans la même position que moi et reprend le sujet que nous avons quitté il y a quelques minutes. À contrario des ressemblances que je peux avoir ma mère, Sofia avait des différences avec la sienne. En effet, cette dernière adorait cuisiner. Ma petite amie ne dit rien, mais ce n'est pas nécessaire, je vois bien où elle veut en venir et naturellement, un sourire se dessine sur mes lèvres. Si elle lui a visiblement transmis l'amour de son métier, il y a certaines choses qui ne sont pas passées. De premier abord, madame Rogers m'aurait sûrement appréciée. Pour la cuisine au moins, car pour le reste, pour la distraction que je suis pour sa fille, j'ai un doute. « C'est sûr qu'elle n'aurait sûrement pas été très emballée en ouvrant la porte. » Je parle bien évidemment de la porte de ce bureau à l'hôpital, mais je ne pense pas avoir besoin d'en dire plus à la jeune femme pour qu'elle comprenne. Si elle était encore de ce monde, elle aurait très bien pu être cette personne qui nous a dérangées. « J'aurais aimé la rencontrer. » Tout en parlant, je porte ma main au visage de la brune pour remettre l'une de ses mèches de cheveux derrière son oreille. Ce que je dis, ça dépasse peut-être un peu mes pensées et c'est facile de dire cela alors qu'elle n'est plus de ce monde. C’est quand même un sacré poids sur les épaules de rencontrer la famille de quelqu’un qui partage notre vie. Si je n’ai jamais eu de réels partenaires dans ma vie, il en va de même avec ce genre de rencontre. Malgré l’emploi-du-temps chargé qu’avait sa mère, la description que Sofia en fait d’elle est très flatteuse, alors peut-être que l’occupation de la brune aurait été notre seul sujet de discorde. Malheureusement, nous ne le saurons jamais. « On devrait essayer de cuisiner un jour. Toutes les deux. » Je redresse légèrement la tête, comme si je venais d’avoir l’idée du siècle. Je ne sais pas si c’est quelque chose qu’elle faisait avec sa mère, mais ça pourrait être l’occasion de faire quelque chose qu’elle aimait, quelque chose que j’aime aussi. En plus, tout ce qui peut être appris dans ce genre de moment est toujours utile. « Quoique.. ça pourrait te donner envie de retourner plus vite au boulot et j’ai juste envie de profiter de toi le plus possible. » Je viens lier ma main à la sienne. Ça serait quand même dommage qu’elle soit obligée d’en arriver là, à vouloir me fuir. « Merci pour ce séjour. C’est parfait. » Il y a encore quelques semaines, je n’aurais jamais pu m’imaginer ici, avec elle. Je glisse volontairement sur le banc pour venir me coller à elle, ma main qui était venue remettre l’une de ses mèches en place vient cette fois-ci encadrer son visage et je m’approche un peu plus d’elle pour l’embrasser. Je plonge ensuite mon regard dans le sien pendant de longues secondes, avec un sourire sur les lèvres. Pour une première fois, je ne pouvais pas imaginer meilleure partenaire. Ma tête se pose sur son épaule et mes yeux se perdent sur l’horizon. Je suis tout simplement heureuse et je ne peux m’empêcher de penser au reste de ce séjour, aux différentes activités qui nous attendent et aux nombreux souvenirs que nous allons nous créer.