Un matin à l'apparence festif (avec Tani Cordell)

Arlington vient de terminer le compte rendu d’un entretien qui avait eu lieu avec un patient en vue de sa sortie. La balle trônant sur son bureau et lui faisant de l’œil depuis le début ne tarde guère à se retrouver dans ses mains afin de viser le mini panier de basket accroché sur un pan de mur face à lui. Il prend son temps pour être certain de ne pas le rater avant de la lancer. Bien entendu, il faut que sa collègue se décide pile à ce moment-là de débarquer pour prendre un air suspect face à son travail « Je suppose que tu n’as pas trop à te plaindre de la surcharge de travail ici ? Tu m’as ramené mes viennoiseries au fait ? ».

Un rire s’échappe des lèvres du psychologue qui tapote sur son dossier venant d’être fermé « ce n’est pas de ma faute si tu choisis toujours le mauvais moment pour venir me voir. » Il secoue sa tête puis se lève pour aller récupérer la balle au sol afin de la remettre sur son bureau « Ton panier de viennoiseries est posé en salle de pause, il y a même ton prénom dessus. Merci encore pour avoir fait ça. »
Elle acquiesce sans poser davantage de question même si cela doit certainement la démanger. Cet homme qui est arrivé dans son service il y a maintenant trois ans est toujours extrêmement discret sur ce qu’il fait en dehors de l’hôpital. Un carton dans les mains, elle s’apprête à faire demi-tour quand son visage s’éclaire d’une idée. « Du coup comme de toute évidence tu te tournes les pouces et que moi je travaille, tu veux bien apporter le carton au service pédiatrie ? L’association pour les enfants est là et l’hôpital a fait un appel aux dons pour récupérer un peu de matériel pour leurs animations. »

Arlington accepte sans se faire prier, il a un grand besoin d’aller s’aérer l’esprit et il est assez curieux de voir l’association à l’œuvre. Il les a aperçus plusieurs fois quand il passait dans le couloir, les bénévoles ont toujours ce sourire aux lèvres et les enfants sont ravis de ces moments partagés. Il prend le carton quand un infirmier arrive vers eux « ah tu vas au service pédiatrie ? Attends ne bouge pas ». Il détalle comme un lapin, avant de vite revenir, un sourire louche au coin des lèvres. « Apparemment il y a un dress code, désolé ce n’est pas moi qui décide ». Sans avoir eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait, Arlington se retrouve avec un pull vert qui porte en décoration un sapin avec des pompons et des lumières qui clignotent. Il marche dans le couloir et franchis la porte du service pédiatrie en direction de la salle d’animation. J’ai comme le sentiment de m’être légèrement fait avoir.

La porte de la salle est grande ouverte, une musique en fond sonore se fait à peine entendre sous les rires des enfants qui résonnent dans la pièce. Les enfants sont par petits groupes, très concentrés dans leurs ateliers avec à chaque table un ou une bénévole pour les aider. Arlington adresse un clin d’œil à certains enfants qu’il connait bien et qui s’empressent d’ailleurs de venir le retrouver avant de faire de drôles de têtes. L’un d’entre eux pointe son doigt vers son pull « tu sais Noël ce n’est pas encore tout de suite ». Le professionnel esquisse un sourire amusé avant d’acquiescer à sa remarque puis lui ébouriffe les cheveux, juste pour l’entendre râler, il s’avance ensuite vers une jeune femme au visage familier, qui admire un bricolage qu’elle vient certainement de finir avec un enfant. Les quelques papiers de soie perdus dans ses cheveux en tout cas l’incite à le penser.

« Bonjour, on m’a chargé de vous remettre ceci, je peux le déposer quelque part ? »

Cela faisait maintenant plusieurs fois que Tani venait rendre visite aux enfants hospitalisés, elle avait donc ses repères. Si elle redoutait au départ ne pas être acceptée, elle s'était intégrée très facilement, aussi bien au niveau des autres bénévoles que des enfants. Il faut dire que ces derniers n'étaient pas difficile, tant que quelqu'un était là pour faire passer leur journée plus rapidement, et rendre leur quotidien plus supportable, c'est tout ce qu'ils demandaient.

Chacune des visites de l'association était une véritable bouffée d'air frais pour les gamins qui passaient leur journée ici. Leur quotidien n'était pas tout rose et malgré leur jeune âge, ils ne se plaignaient quasiment pas. Il y avait de quoi en tirer des leçons pour les adultes ! D'ailleurs, même si la française n'était pas du genre à se plaindre quand quelque chose n'allait pas, elle avait encore moins l'envie de le faire quand elle savait ce qui l'attendait dans les prochaines semaines voire mois. Certes, elle n'avait pas une belle ligne droite devant elle, mais elle se disait qu'il y avait toujours pire ailleurs. Et le pire était illustré par ces enfants, aussi petits soit-ils.

Aujourd'hui était une visite un peu spéciale pour l'association. L'hôpital avait mis en place des dons qui allaient servir à financer le matériel dont les bénévoles ont besoin pour mener à bien les divers ateliers. Parce que ça ne reste qu'une association, et même si chacun y met du sien en apportant du matériel achetés par leurs soins, il n'en demeure pas moins que les enfants ont besoin d'un maximum de diversité pour ne pas tomber dans la routine.

Elle était en charge de l'atelier manuel, du papier crépon, de la colle, des feutres, des crayons de couleur, tout était disposé sur la table de sorte à ce que les enfants puissent se servir par eux-mêmes. Seul les ciseaux devaient être utilisés par le responsable de l'atelier afin d'éviter toute blessure. Ce n'est pas parce qu'on est dans un hôpital qu'il faut en profiter pour minimiser les risques. Tandis que chaque enfant avait terminé son bricolage, Tani était restée un peu plus longtemps avec l'un d'entre eux afin de l'aider. Chacun appréciait le résultat de son travail, tandis que la blonde avait un large sourire sur le visage de les voir ainsi.

" - Oh bonjour !" répondit-elle un peu surprise par cette venue.

Sans se départir de son visage, elle se tourne vers l'homme qu'elle avait vu une ou deux fois lors de ses venues, sans pour autant connaître son identité.

" - Oui merci, vous pouvez le déposer sur la table ici" dit-elle en désignant l'endroit en question.

Elle ne put s'empêcher de l'observer quelques secondes, son accoutrement était assez original, était-ce pour divertir les enfants à sa façon, ou bien, sa manière de s'habituer habituelle ? Évidemment, elle ne lui poserait jamais la question. Passant la main dans ses cheveux, elle remarqua qu'elle avait un morceau de papier crépon coincé dedans.

" - Pardonnez moi, je ne suis pas très présentable. Après un atelier manuel, on en ressort rarement indemne !" fit-il en émettant un léger rire.

HRP:

Un sourire se dessine sur le visage d’Arlington en apercevant le petit mouvement des épaules de la jeune femme, il ne fût aucun doute qu’elle ne s’attendait pas à une venue de quelqu’un extérieur à l’association. Les yeux de la bénévole sont curieux et pourtant l’espace d’un instant le professionnel aurait juré voir une lueur de crainte dans son regard au moment où elle se tourna après avoir sursauté. Il s’éclaircit la voix un instant tout en se tournant pour regarder l’endroit indiqué au centre de la pièce.

- Excusez-moi pour vous avoir surpris, ce n’était nullement mon intention. Je ne suis pas certain qu’on est déjà été présenter auparavant. Je suis un des psychologues de l’hôpital, Arlington Crawford.

Arlington coince le carton sous un bras pour tendre l'autre main à la femme avant de la féliciter pour l'ambiance qu'elle avait réussie à créer et qui règne dans la salle d'animation. Il s'avance ensuite jusqu'à la table centrale pour déposer et sortir le matériel du carton. Des gestes très lents pour faire monter le suspens auprès des enfants. L'ensemble des objets sortis, le carton disparait sous la table afin que cela ne gêne en rien le champ de vision. Un coup d'œil derrière son épaule où il surprend le regard de la jeune femme poser sur lui et décide de s'avancer de nouveau vers elle. Son rire est communicatif, il se joint ainsi à elle, puis ouvre les bras pour lui montrer son accoutrement.

-Ne vous en faites pas, je pourrais difficilement vous le reprocher au vu du mien. Je crois qu’on m’a tendu un piège sur le code vestimentaire. Il prit un ton de confidence avant de terminer par une grimace.

Le psychologue hésite un instant, entre retourner finir ses comptes-rendus ou bien rester par ici quitte à proposer son aide. Il n’est pourtant pas très doué dans tout ce qui est travaux manuels, mais il désire connaitre un peu mieux l’association et son action ici.

-Vous n’êtes pas nombreux aujourd’hui contrairement à certaines fois. Cela dépend des ateliers menés ? Cela ne vous dérange pas que je reste un petit peu ? Il tourna légèrement pour réfléchir éventuellement à ce qu’il pourrait faire.

Tani n'est pas vraiment de nature peureuse, mais avec le brouhaha dans la salle d'animation, elle n'avait pas entendue arriver le jeune homme. Peut-être aussi que c'était l'approche du procès qui la rendait plus un peu nerveuse et sur ses gardes qu'en temps normal..

" - Non y'a pas de problème, avec le bruit ambiant je ne vous avez pas vu !" fit-elle en se sentant presque obligée de se justifier de la réaction qu'elle venait d'avoir.

Après qu'il se soit présenté, la française fit de même avec son petit accent qui trahissait ses origines.

" - Enchantée, je m'appelle Tani Cordell. Comme vous avez pu le constater certainement, je suis bénévole pour l'association." dit-elle en serrant la main de son interlocuteur tout en gardant un œil attentif sur les enfants. 

Tani observa le psychologue lorsqu'il s'approcha des enfants et déballa le contenu de son carton. Autour de lui, tous les yeux étaient braqués sur sa personne, il n'avait pas le droit de faire un faux pas. Un léger sourire sur ses lèvres tandis qu'elle observa la scène à distance. Elle s'excuse de sa tenue lorsque ce dernier revient vers elle. La jeune Cordell n'était pas du genre à toujours être impeccable sur elle, mais elle aimait renvoyer une bonne image aux autres, hors avec les morceaux de papiers crépon qui traînaient dans ses cheveux, elle n'était pas certaine que son image soit très positive.

" - Effectivement, je ne sais pas qui vous a donné cette information, mais je crois que vous vous êtes fait avoir en beauté. L'essentiel c'est que ça puisse amuser les enfants."

Elle avait remarqué certains d'entre eux qui lui avait dit que Noël n'était pas encore demain. Dans d'autres circonstances, peut-être qu'une telle remarque aurait pu être mal perçu, mais venant des petites têtes, il n'y avait jamais rien de méchant dans leurs propos, juste une sincérité qui pouvait parfois perturber les adultes devant tant de franchise.

" - Ça dépend en priorité de nos emplois du temps, pour beaucoup, on passe notre temps libre à l'association mais en dehors de ça, on a un travail à honorer, donc la charge est assez variable. Disons que chacun vient quand il a du temps, alors parfois c'est vrai qu'on est peu, mais je vous en prie, quel atelier vous ferez plaisir ?" demanda-t-elle en désignant chacun de ceux établis dans la salle.

Il y avait l'embarras du choix : construction de châteaux de cartes, coloriage, création d'œuvres d'art à l'aide de papier crépon, électronique pour les plus grand d'entre eux. Libre à lui d'opter pour celui qui lui plaisait le plus.

Arlington laisse échapper un rire à la remarque tout à fait pertinente de la jeune femme. En effet, il ne fait aucun doute que la plaisanterie aura vite fait le tour des couloirs de l’hôpital le dotant ainsi d’une jolie réputation. Ceci dit, il ne se préoccupe pas tellement de ce qu’on peut dire de lui, encore plus si cela émane d’une blague. Il est bon perdant en fonction de la situation.

Il écoute les affirmations et les explications de la bénévole quant à la disponibilité de chacun. Il ne pût qu’acquiescer, lui-même prenant du temps pour ce qu’il lui tient à cœur et ne compte jamais ses heures. Son regard arpente la pièce pour s’arrêter sur les différents ateliers, il sait d’avance qu’il ne peut pas non plus rester aussi longtemps qu’il le souhaite, il ne vaut donc mieux pas prendre en charge un atelier créatif

Il se tourne vers Tani Cordell, un sourire toujours fixé sur ses lèvres. L’accent de cette jeune femme lui rappelle celui de sa défunte mère, malgré le nombre d’année qui s’est écoulé, il suffit juste de quelques sons pour reconnaitre la mélodie maternelle. Il brûle d’impatience de lui demander s’il ne se trompe pas et de quel coin vient-elle, mais cela pourrait sembler terriblement intrusif dans la vie de la personne.

-Je pense que je vais tenter d’ériger un grand édifice avec les cartes…. Enfin, de contribuer à le construire. D’un mouvement de son menton il regarda l’œuvre qui se prenait vie sous les mains de la jeune femme. « Vous avez l’air d’être relativement créative, vous êtes je suppose dans le métier de l’art ? » A peine eut il finit sa phrase qu’il se rends compte que finalement sa remarque n’était peut-être pas mieux que celle qu’il venait de se faire au sujet de ses origines.

Un enfant à ce moment-là choisi de se planter face à lui lorsqu’il entendit que le psychologue avait l’intention de rejoindre les constructeurs. Il faut dire que les enfants aimaient tout particulièrement qu’on s’intéresse à eux, de toutes les manières possibles. On pouvait difficilement leur reprocher, surtout lorsque leur quotidien n’est pas tout rose.

- Excusez-moi pour ma curiosité, vous n’êtes pas obligée de me répondre. il lui adresse un petit signe de tête avant de constater que Tani s’était déjà fait accaparer par un autre enfant. Il s’éloigna avec le jeune garçon pour rejoindre le tapis où trônait quelques châteaux avant de se mettre accroupis, les cartes en mains. Quelques cartes posées, il s’attaque à présent au premier étage aidé par plusieurs enfants. Les gestes sont méticuleux.

Si ça ne tenait qu'à elle, Tani aurait apprécié pouvoir venir ici tous les jours, de participer à chaque passage de l'association à l'hôpital, malheureusement, il arrivait qu'elle ne soit pas disponible. Et chacun tente d'arranger au mieux son agenda pour être là le plus souvent possible, il faut se rendre à l’évidence, ce n'est pas toujours possible.

La bénévole présente ensuite les ateliers à disposition afin que le psychologue puisse prendre part à l'un d'entre eux. Évidemment, elle sait qu'il n'y resterait pas des heures, après tout, lui aussi à un métier et il faut bien qu'il s'occupe des patients qui ont besoin de lui. Mais malgré ça, les enfants sont toujours ravis de passer du temps avec des têtes qui leur sont moins familières que les autres. Il opta pour la construction d'un château de cartes, ce qui fit sourire la blonde qui aurait parié dessus.

" - C'est gentil pour le compliment, on peut dire que je suis dans un métier d'art, de l'art culinaire. Je suis boulangère pâtissière."

Et puis, en dehors de son travail, la française aimait créer, elle avait l'esprit créatif, ne serait-ce que pour inventer de nouvelles recettes qu'elle aimait concocter.

" - Enfin, je suis apprentie plus exactement.." fit-il en baissant la tête.

Elle avait toujours un peu honte d'avoir ça, elle avait atteint un âge où beaucoup avait déjà un métier bien ancré, certains avaient déjà des responsabilités liées à ce dernier, tandis qu'elle, elle avait tout recommencé à zéro en arrivant à Island Bay.

" - Non y'a pas de mal." fit-elle avec un sourire afin de lui faire comprendre qu'il n'y avait pas de gêne à avoir.

Et avant même que ce dernier ai pu répliquer autre chose, chacun fut accaparé par des enfants impatients de montrer leur travail ! Tani rejoignit un atelier manuel tout en gardant un œil quelque peu distrait sur le psychologue. Dans d'autres circonstances, cette oeillade aurait pu être mal perçu, mais il n'y avait rien de mauvais là-dedans, juste de la curiosité.

Tout à son château de cartes, le professionnel n’a pas eu le temps de répondre à la jeune femme quant à son métier actuel, les enfants ont souvent la manie d’accaparer les adultes au moment où ils échangent entre eux. Une façon bien à eux de réclamer l’attention, de s’assurer qu’on ne les oublie pas, après tout c’est leur jour.

Il perdit toute notion du temps hypnotisé par les formes des cartes avant de jeter un regard circulaire pour s’apercevoir que la salle s’était légèrement désemplie. Les enfants présents ici ont tous des suivis particulièrement lourds et ils n’échappent pas aux heures de soin même lorsque l’association fais son entrée. Arlington se redresse alors lentement pour s’étirer, les muscles engourdis d’être resté longtemps sur le sol, puis il s’approche de la table où se trouve Tani.

« Vous vous en sortez avec votre ribambelle de papier de soie ? Dites, je comptais aller me chercher un café, vous en voulez un ? » Sa voix était calme, un sourire bienveillant avant qu’il ne reprenne « tout à l’heure vous m’avez parlé de votre métier et je n’ai pas eu le temps de vous répondre. Je trouve cela impressionnant les personnes qui parviennent à reprendre une nouvelle voie en étant adulte, cela ne doit pas être évident ». Oui Arlington ne pouvait qu’imaginer la force que cela devait représenter, un véritable défi de se plonger dans un environnement dont on ne maîtrisait rien, de refaire sa place auprès de ses semblables avec les regards qui ne sont pas toujours bienveillants.

Le psychologue sorti de la pièce avec une Tani qui avait laissé entrevoir un sourire énigmatique, sa curiosité d’autant plus piquée. Tout à son café, ses pensées vagabondaient: Que faisait-elle avant ? Quel était son élément déclencheur pour sortir ainsi de sa zone de confort ? Il secoua la tête puis attrapa les tasses pour retourner dans la salle. Il ne voulait pas perdre plus de temps, il ne savait pas combien de temps l’association était encore là et lui-même ne tardant pas à devoir se remettre au travail. Il passa devant la vitre de la salle, un froncement de sourcil en constatant que la jeune femme n’était pas à l’intérieur. Où avait-elle bien pu passer ?

Si le souhait de Tani d'avoir au moins trois enfants était aujourd'hui un douloureux souvenir, elle se nourrissait des moments qu'elle passait avec les enfants à l'hôpital. Certes ce n'était pas les siens et une fois qu'elle avait quitté la structure médicale, chacun reprenait son chemin, elle retrouvant la solitude qui la berçait depuis quasiment un an.

Lors des activités qu'ils organisaient en venant ici, ils savaient que certains enfants étaient contraints de quitter ces dernières en plein milieu, et oui, ce n'est pas parce qu'ils apportaient un peu de joie dans leur quotidien qu'il fallait oublier que s'ils étaient là, c'est parce que leur santé demandait une surveillance étroite. Et celle-ci passait par des examens à réaliser afin de s'assurer que leur état ne se dégradait pas. Alors certains ronchonnaient quand ils étaient forcés d'abandonner leur création, mais Tani les mettait toujours de côté pour qu'ils puissent les retrouver et les reprendre là où ils s'étaient arrêtés lors du prochain passage de l'association.

Tandis qu'elle aidait les enfants qui en avaient besoin, tout en donnant des conseils aux autres, la jeune femme entendit la voix du psychologue derrière elle.

" - Oh et bien, ils sont très créatifs !" fit-elle un large sourire aux lèvres tout en regardant chacune de leur création.

L'imagination des enfants avait toujours surpris la française, il y avait tellement à apprendre d'eux, de leur monde, que parfois elle aimerait replonger à cette époque là. Hélas, elle était bien loin désormais.

" - Je suis plutôt chocolat chaud si ça ne vous dérange pas
" dit-elle un air légèrement gêné par cette demande.

Elle l'écouta avec attention, et durant quelques instants, elle était sur le point de lui révéler la vérité. Que tout cela n'était pas un choix volontaire, qu'elle y avait été forcé mais qu'au final, elle s'y plaisait pas mal dans ce qu'elle faisait. Elle aurait pu trouver pire, donc elle s'estimait heureuse.

" - C'est vrai que ce n'est pas facile de partir de rien, mais au moins l'avantage c'est qu'on ne peut que s'améliorer !"

Est-ce que c'était le fait qu'il soit psychologue ou sa manière d'arriver à faire se confier les gens ? Mais Tani se sentait en sécurité avec lui, comme si elle pouvait lui dire la vérité, mais ce serait trop risquée pour elle et pour lui aussi. Et puis, de toute façon, elle n'avait pas le droit d'en parler. Arlington avait finit par aller chercher les boissons chaudes tandis que la jeune apprentie son téléphone vibrer. Elle quitta la pièce pour répondre à l'appel. Lorsqu'elle fut de retour, son visage avait radicalement changé, tout comme la joie présente quelques instants plus tôt avait laissé place à la peur et l'angoisse. Ce procès la mettait dans tout ses états, et même si elle essayait de sourire auprès des enfants, elle savait que sa supercherie ne passera pas longtemps inaperçue. Aidant les enfants dans leurs créations avec le tremblement incontrôlé de ses mains n'était pas aisé, mais il restait que peu de temps avant que l'association quitte l'endroit, elle ferait bonne figure jusqu'à cet instant.

A la réponse de la jeune femme, Arlington ne peut s’empêcher de sourire. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle lui demande un chocolat chaud, il était rare d’entendre un adulte faire ce choix d’autant plus en plein milieu de la journée et après avoir passé du temps auprès d’enfants. Lui-même appréciait les enfants, mais il devait se rendre à l’évidence, le café ou même le thé était plus que vitale s’il voulait tenir la même cadence des enfants. Ceci dit, peut être que la bénévole avait découvert que le chocolat chaud de l’hôpital était bien meilleur que le café. Il était rare qu’il prenne d’ailleurs celui de l’hôpital, il préférait souvent aller le chercher dans le petit commerce qui était non loin, non seulement le café était meilleur, mais les pâtisseries étaient toujours délicieuses. Pendant un instant, le psychologue repensa à la façon dont la femme s’était confiée, oui elle avait eu l’air enthousiaste et en même temps quelque chose semblait s’être dissimulés. Ses lèvres entrouvertes quelques instants sans qu’aucun son sorte pour se reprendre très vite. Qu’est ce qu’elle aurait voulu dire à ce moment-là ?

Le psychologue entra de nouveau dans la salle et se dirigea vers une table surélevée pour poser les tasses. Il demanda à quelques enfants s’ils savaient où Tani se trouvait. L’un d’entre eux parle d’un appel téléphonique avant de reprendre ses occupations. Quelques gorgées de cafés et quelques coups de mains auprès des enfants et il vit la porte s’ouvrir de nouveau. La jeune femme l’avait forcément vu, pourtant elle s’appliquait à s’affairer auprès des enfants sans s’interrompre une minute. Une autre femme entra à son tour avec des sacs et annonça aux enfants que l’atelier était désormais terminé. En effet l’association allait partir et il était donc temps de ranger les affaires. Arlington donna un coup de main puis entreprit de se rapprocher de la plus âgée, pour la questionner à voix basse.
« Bonjour, Tani va bien ? On dirait que quelque chose s’est passée », elle regarda étonnée l'homme avant de jeter un regard dans la direction de la jeune bénévole « vous savez, les femmes sont souvent d’humeur changeante ». Le sourcil du professionnel s’arqua un instant face à cette réponse avant de terminer d’aider. Les enfants quittèrent la pièce un à un après avoir remercié, les mains chargées de leur bricolage.

Arlington s’approcha de la jeune Cordell et un souvenir d’enfant surgit dans sa mémoire, cette phrase que sa maman lui disait souvent. Il s’exprima à voix haute dans un français maladroit, avec beaucoup d’accent « Ton chocolat chaud va être froid ». Un léger sourire au coin avant de la voir sursauter pour la deuxième fois « Décidément, excusez-moi je ne voulais pas vous surprendre. Je disais que votre chocolat chaud avait dû refroidir depuis le temps, vous voulez que j’aille en chercher un autre ? » Il hésita encore un instant avant de poursuivre « Vous allez bien ? Vous semblez… déstabilisée. »

Tani n'avait jamais apprécié le café, elle avait goûté plusieurs fois mais sans grand succès à chacune de ses tentatives, en revanche le chocolat chaud avait toujours été son coup de cœur. Pour avoir goûté celui de l'hôpital, il était plutôt pas mal pour celui d'un distributeur, ça ne valait pas celui qu'elle se préparait, mais c'était mieux que rien ! Elle remarqua que sa réponse semblait avoir dérouté le jeune homme quelques instants avant qu'il ne parte chercher les boissons chaudes. Quelques instants plus tard, c'était au tour de la française de quitter la pièce pour répondre à un appel téléphonique.

Lorsqu'elle revient dans la pièce où l'association finissait les dernières créations avant de remballer et de quitter les lieux, elle se força à faire bonne figure, à sourire aux enfants qui n'avaient pas besoin de ses malheurs en plus de ceux qu'ils portaient déjà sur les frêles épaules. Toute cette situation était de plus en plus difficile à gérer pour elle, vivre dans la peau constante, sursauter à chaque claquement de porte ou lorsqu'on l'approche discrètement par derrière. Ce n'était pas la vie dont elle avait rêvée, ce n'était plus plus qu'une question de jours avant le procès, mais l'issue de ce dernier ne sera peut-être pas celle qu'elle espère, au quel cas, sa vie risque d'en être chamboulé à tout jamais. Elle avait acceptée de vivre dans un motel, sous la protection de deux gardes vingt quatre heures sur vingt quatre pour sa sécurité, mais vivre ainsi jusqu'à la fin de ses jours n'étaient pas pensable. Tani avait envie de faire des projets, de ne plus vivre au jour le jour, de ce dire que ce qu'elle construisait aujourd'hui, pouvait être balayé par un départ précipité le lendemain. Ce n'était pas une vie d'une innocente mais plutôt celle d'un criminel.

La française aida à ranger les ateliers avec les enfants, puis elle ne manqua pas de marquer leur nom sur chacune de leur création pour éviter tout conflit ultérieurs. Une fois qu'ils étaient repartis avec leur trophée et un visage illuminé à l'idée de la prochaine visite de l'association, Tani souffla un grand coup et n'avait pas entendu arriver Arlington qui la fit sursauter une seconde fois. Le sourire de façade réapparut sur son visage tandis qu'elle se tournait vers lui.

" - Non merci, c'est déjà très gentil à vous d'avoir été le chercher. Il y a bien du thé froid, alors le chocolat froid doit bien exister aussi"

L'humour était sa seule arme de défense pour ne pas s'effondrer devant cet homme.

" - Ce n'est rien, juste une nouvelle à laquelle je ne m'attendais pas, mais je vais bien, c'est gentil de vous inquiéter."

Encore quelques minutes et la jeune femme pourrait enfin arrêter de jouer la comédie, il fallait qu'elle tienne, qu'elle face bonne figure devant toutes ces personnes. Lorsqu'elle sera seule, elle aura le droit de montrer ses larmes sans peur d'être jugée.

" - En tout cas, merci pour votre aide, déjà ça a nous a fait des mains supplémentaires et en plus, les enfants ont beaucoup apprécié votre présence. Certains m'ont même confiés qu'ils aimeraient vous revoir à notre prochain passage !" confie-t-elle avec un large sourire qui paraissait sincère, du moins pour le commun des mortels, sans doute pas pour un psychologue.

Le psychologue esquissa un petit sourire en acquiesçant à la remarque de la jeune femme, il lui semblait même que sa petite touche d’humour était véridique, car il lui semblait avoir déjà un nom de marque pour du chocolat chaud mais froid. Ses yeux ne purent s’empêcher de sonder le regard de Tani, un défaut professionnel. Il faut dire que le geste qu’elle a eu avec sa main comme si elle tentait de faire disparaitre les souvenirs qui affluaient, ce petit mouvement de mâchoire qu’il avait déjà pu observer chez des amies lorsqu’elles essayaient de faire bonne figure. Oui, tout un tas de mécanisme commençait à s’opérer chez la bénévole, bien entendu il aurait été malpoli de sa part de lui en faire part. Après tout, ils ne se connaissaient pas plus que cela et la seule chose dont avait certainement envie la blonde c’était de disparaitre loin de toute cette foule pour souffler à son aise. Il ne pouvait pas le lui reprocher. Dans son cas, lorsque ça n’allait pas il avait tendance à retrouver sa grotte, sa bulle, ou bien à aller camper sur une petite plage, se ressourcer pour faire ensuite face au monde extérieur.

Arlington laissa échapper une grimace avant de hocher la tête gravement, non il ne l’embêterait pas plus longtemps, mais pour autant ça l’embêtait de laisser partir quelqu’un sans parvenir à trouver les mots nécessaires.
« Je suppose que ça ne fait pas partis des bonnes nouvelles, j’espère que vous ne l’attendiez pas depuis trop longtemps. Peut être même que cette mauvaise nouvelle vous permettra par la suite de suivre un chemin qui était prédestiné, rien n’arrive jamais par hasard »

Son bipeur émit une petite sonnerie tandis qu’elle le remerciait de sa présence, elle avait l’air d’être sincère pour autant, les yeux étaient trop différents du sourire qu’elle affichait. Oui décidément, cette nouvelle allait très probablement avoir un impact sur elle pendant plusieurs jours. Il tendit sa main à Tani pour lui dire au revoir, tout en lui rendant son sourire.

« Je vous remercie, cela m’a fait également plaisir. J’essayerais de me tenir informé auprès de la responsable du service pour savoir quand l’association sera de retour. » Il fit une pause quelques instants puis repris à voix basse tout en quittant avec elle la pièce pour avancer dans le couloir jusqu’à lui tenir la porte qui menait au couloir annexe.
« Si jamais ce qui vous préoccupe est pesant pour vous, n’hésitez pas à vous tourner vers quelqu’un…. Votre entourage ou un professionnel vous savez. Sinon … en attendant de savoir quoi faire, pour vous remonter le moral, vous trouverez à quelques rues de l’hôpital une excellente pâtisserie. Je pourrais presque conseiller un bar, mais après on va dire que les professionnels de santé incitent à la consommation. » Un léger rire du psychologue s’échappa très vite recouvert du brouhaha de l’hôpital.

Tani était une jeune femme toujours souriante, même lorsque ça n'allait pas. Certains diront qu'elle est naïve et trop gentille, d'autres diront que c'est une perle et qu'elle tente de trouver du positif dans tout ce qui peut arriver, même le pire. Pourtant à cet instant présent, la française ne voyait pas de positif, même en cherchant bien. Le procès avait lieu dans quelques semaines et on venait de lui apprendre que des hommes de son fiancé avaient été envoyé à Island Bay pour finir le travail. Alors oui, elle avait un service de sécurité qui veillait sur elle, mais cela n'empêchait qu'ils n'étaient pas infaillibles, ils sont juste humains, et face à ces criminels, Tani était terrorisée. Elle qui avait recommencé à vivre, même si l'angoisse prenait le dessus parfois, elle s'était fait un début de vie sociale ici. Devoir tout abandonné une fois de plus lui minait le moral, en plus d'être effrayée pour sa vie.

" - Pour être tout à fait honnête, c'est le genre de nouvelles auquel on s'attend mais qu'on essaye de repousser le plus possible, jusqu'à y être confronté de force.."

Elle savait que ça pouvait arriver, que Flavio finirait par envoyer quelqu'un à ses trousses pour éviter qu'elle témoigne. Pourtant, l'annonce verbale qu'on venait de lui faire avait eu l'effet d'un coup de massue sur la tête. Tout cela devenait réel désormais. Chaque personne qu'elle croisait pouvait être les sbires de son fiancé.

Les bénévoles avaient finis de débarrasser la pièce, la rendant ainsi aussi inanimés qu'avant leur arrivée, c'est à ce même moment que le bipeur du psychologue se mit à sonner. Pile poil au bon moment. Les enfants ont été contents de partager un instant avec lui, il était apprécié par les petites têtes qui souhaitaient même le revoir lors de leur prochaine visite.

" - Merci." fit-elle tandis que ce dernier en parfait gentleman lui tenait la porte.

Il reprit alors la parole en lui conseillant ne pas rester ainsi, de parler de ce qui la minait avec son entourage. Entourage qu'elle n'avait pas. Ou d'un professionnel, ce dernier mot la fit sourire.

" - Essayeriez-vous d'avoir de nouveaux patients monsieur Crawford ?"

Si ça ne tenait qu'à elle, bien sûr qu'elle se serait confiée à lui immédiatement, mais, dans le cas présent il était surtout question de ne pas mettre sa vie en danger, ni celle de qui que ce soit d'autre. Après le procès, elle retournerait peut-être le voir, si son invitation tenait toujours. Mais la menace était beaucoup trop élevée pour lui dire ce qui pesait sur ses épaules.

" - Pour être plus sérieuse, si ça ne tenait qu'à moi j'aurai bien évidemment pris conseil auprès d'un spécialiste, malheureusement c'est plus compliqué que ça, et à cet instant précis je ne peux pas me permettre de le faire, aussi bien pour ma sécurité que pour celle de la personne à qui je confierai mes propos."

Elle fit une moue désolée tout en s'excusant presque d'agir ainsi.

" - Si j'avais pu, je l'aurais faire à l'instant même où vous vous êtes présenté."

Elle avait conscience qu'elle passait pour une femme en pleine détresse en disant ceci, mais cet homme lui inspirait confiance, et le feeling et la confiance sont les deux critères qui vous font choisir les bons professionnels de santé.

" - Je tâcherai d'aller goûter à ces délicieuses pâtisseries dont vous vantez les mérites en quittant l'établissement. Je vous donnerais mon avis lors de ma prochaine visite."

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