Abel | On the mend

Abel Mariano

ft. Jake Gyllenhaal

Make it rain

Family doesn't end with blood. On ne choisit pas sa famille, malheureusement. Abel n'a pas spécialement gagné au loto niveau parents. Mary non plus d'ailleurs. Elle, encore très jeune, innocente, voulant voir le bon côté de chaque personne, ne cessait de dire
à son frère que leurs parents sont juste malades et qu'ils doivent être soignés. Si simple. Abel avait fait de son mieux pour l'éloigner des parents pendant les moments où ils étaient dans leur plus mauvais état. Le nombre de fois où il a menacé son père pour qu'il agisse comme un adulte lorsque Mary est dans les parages. C'est peut-être ces petits moments "agréables" passés avec eux, moments où ils étaient plus ou moins sobres, qui ont fait qu'elle gardait un espoir. C'est peut-être ça qui l'a poussée à lui demander de ne jamais totalement les abandonner. Comment il pouvait lui promettre un truc comme ça.
The city that never sleeps.New York, parce qu’il avait besoin de changement, de s’éloigner de sa vie d’avant. Enfin, pas totalement. Une fois qu’il a étendu son ‘réseau’, Abel a repris son trafic. Un peu plus de succès dans cette beaucoup plus grande ville. Ironiquement, il avait plus de succès auprès des riches de l’Upper East Side. Comme quoi, la misère ne se résume pas aux finances.
Pendant de bonnes petites années, sa vie est ainsi. Il bascule entre son trafic et des boulots par-ci, par-là, pour éviter toute suspicion. Ne pas avoir de job connu, sortir principalement le soir, et pouvoir avoir un appartement pas trop dégueulasse et une voiture de collection, ça pouvait facilement lui attirer des soucis. Mais il n’est pas bête Abel. Il n’a peut-être pas fait d’études supérieures, il a toujours eu l’esprit futé.
Parce que sa mère est tombée malade entre-temps mais surtout parce qu’il a fait une promesse, il envoyait une somme d’argent chaque mois à ses parents, pour ‘aider’. Il doute que ce soit vraiment utilisé pour les traitements de sa mère, malgré ce qu’ils lui disaient lorsqu’il prenait sur lui pour les appeler. Si ce n’était pour la promesse, il aurait très probablement complètement coupé les ponts.

The eyes, chico, they never lie. Il a suffi d’un regard pour qu’Abel tombe sous le charme. Pendant cette exposition dans une galerie d’art, alors qu’il avait déniché un job de serveur pour l’évènement. Lui, qui n’y comprenait rien, à ces tableaux qui finissent vendus à des milliers de dollars et elle, cette belle femme émerveillée devant les œuvres.
Out of his league, mais il tente sa chance quand même. Une fois le service fini, il l’attend dehors, pour lui demander son numéro et l’inviter pour un verre. Et ça a marché. The rest is history. La première fois qu’il a une relation qui dure plus de deux mois. Première fois qu’il envisage de laisser sa vie d’hors-la-loi derrière lui. Et au bout de quelques mois avec elle, il le fait, laisse la responsabilité à son acolyte, et se contente des boulots qu’il arrive à dénicher. Il ne va pas nier que la petite fortune qu’il s’est fait grâce à son trafic a bien été utile aussi.
Pour la première fois, il envisage un futur avec quelqu’un, une vie « normale ». Alors il veut être honnête, Abel. Il veut qu’elle sache qui il est vraiment. Il lui explique qu’il n’a pas toujours été une bonne personne, qu’il a fait des choses que quelqu’un de bien ne ferait pas. Elle ne voulait pas avoir les détails, juste une promesse qu’il n’a pas directement fait du mal à quelqu’un et qu’il a quitté ce monde malhonnête. « I swear ».  

L’amour dure.. 2 ans. Abel y tient, à cette relation, et elle aussi. Mais leurs horizons et ambitions ne sont pas les mêmes. Lui, il se contente de ce qu’il a, il n’a pas vraiment de projet professionnel, il est bien dans ce nouveau confort qu’il s’est trouvé. Elle, elle a des ambitions, elle veut bouger, agrandir son réseau, exposer, et elle a bien raison. Seulement, Abel sent qu’il n’est plus ‘assez’ pour elle, et surtout, il a l’impression qu’il la retient. Et hors de question qu’il soit la raison qu’elle n’atteigne pas ses objectifs. Alors il prend ses distances, il voit leur relation s’essouffler, sans qu’il ne fasse d’effort. Ils finissent par en parler, puis se séparer, après deux ans ensemble.
Un malheur n’arrive jamais seul. Abel n’a pas le temps de faire le deuil de la meilleure chose qu’il a vécu, qu’il se retrouve derrière les barreaux, quelques mois plus tard. Rattrapé par son passé, dénoncé par un ancien client qui voulait voir sa propre peine réduite. Décidément, le temps n’efface pas le crime. Abel passe une année et demie à la prison de Rikers Island. Son père avait donc raison finalement : les mecs comme eux finissent soient dans l’addiction, la prison, ou le cercueil. Ce même père qui ne l’a appelé qu’une fois pendant son incarcération, probablement pour s’assurer que sa femme et lui continueraient quand même à recevoir de l’argent chaque mois.
Fresh start, part 2. Abel reprend ses marques dans le monde, à sa sortie. Une partie de sa fortune, bien cachée, était restée intacte grâce à son ancien acolyte, devenu ami depuis le temps, et lui a servi pour ne pas se retrouver à la rue. Il a aussi dû vendre sa belle voiture de collection. Un travail pour un détenu tout fraîchement sorti de prison, ça ne courrait pas les rues. Il en a eu marre, au bout d’un moment, alors il a décidé de bouger de New York, faire le tour de certaines villes du pays, voyage qui a duré plusieurs mois, au cours duquel il a rencontré tout un tas de personnes, certains amis jusqu’à maintenant. Des amis, des amantes, et même un semblant de relation, qui a pris fin au bout de quelques mois, lors de son passage par le Vermont avant le retour à New York.

The years go by. Time, it flies. Une vie qui continue, des boulots par-ci par-là, Abel n’a plus en tête de reprendre le trafic, malgré toute la fortune que ça pourrait lui apporter. Il ne voulait pas risquer se retrouver derrière les barreaux, il devait sûrement être surveillé de loin, si jamais il reprend. Il ne vit pas dans la misère, mais pas non plus dans le luxe. Le confort, juste ça, et ça lui suffisait.

It’s been the ruin of many a poor boy. Il y a presque un an, la mère d’Abel n’est plus de ce monde, après des années de santé fragile. Il se demande même comment elle a survécu tout ce temps, avec toutes les merdes qu’elle avait dans le corps. Il repart à Boston, pour les funérailles. Loin de ressentir de la profonde tristesse face à cette perte. Ses parents, il les a perdus le jour où il est né. Mais il est là, il fait bonne figure. Il retrouve même son père, ce soir-là, à son appartement d’enfance. Toujours les mêmes bruits, les mêmes odeurs, ça ne lui manquait pas. Mariano Senior, fidèle à lui-même, avait aussi son odeur propre à lui ce soir, celle de l’alcool qui émanait de tous les côtés. Mais Abel s’en fout, il ne s’attendait pas à autre chose. Il est juste là, présent, bouquin à la main à quelques mètres de son père, parce qu’il avait fait une promesse il y a des années.
T’sais, t’aurais pu être là plus souvent, t’occuper de nous, on est tes parents après tout.
Il est sérieux ? Remarque sortie de nulle part, juste parce qu’il ne supportait pas le silence peut-être.
Ah ouais ? On dirait pas, y a aucune photo de vos enfants dans l’appart.
Pas une de Mary, et ça l’énerve plus qu’autre chose. Il continue à marmonner, le vieux, et Abel ne dit rien, se contente de serrer la mâchoire. Qu’est-ce qu’il lui a pris de rester ici.  
Oh ça va, au moins on était là, on bossait pour te nourrir ! Contrairement à toi j’ai pas été un père absent, alors fais pas ton malin.
T’as dit quoi là ?
Des conneries, ce ne sont que des conneries. C’est ce qu’Abel aurait cru, si ce n’était ce regard soudainement suspect, qui avait du mal à se poser à un seul endroit. Cette hésitation. Abel pose son livre et se lève. Il insiste pour que son père crache le morceau, se met presque à crier en le voyant hésiter, balbutier. Jusqu’à ce qu’il parle. Le sang d’Abel ne fait qu’un tour. Une vérité cachée pendant des années, parce que ses parents craignaient qu’il ne leur envoie plus de l’argent, s’il apprend qu’il a un enfant. Cet appel qu’ils ont reçu lorsqu’Abel venait d’être jeté en prison. Cet appel qu’il lui ont caché tout ce temps. Elle a dû croire qu’il ne voulait pas avoir affaire à elle et son enfant. Leur enfant. Abel est tout un tas de choses, mais ce n’est pas un lâche. Un coup de poing perdu, une porte claquée, et une recherche effrénée sur Internet pour la retrouver. Elle doit être une grande artiste maintenant, sûrement, ça ne l’étonnerait pas. Il la retrouve. Il l’appelle quelques jours plus tard. Cette voix qui arrive à apaiser ne serait-ce qu’un peu la colère qu’il avait en lui. Il lui explique la vérité des choses, elle lui explique aussi ce qu’il s’est passé. Hors de question qu’il reste là, sans rien faire. Elle allait bientôt poser ses valises à l’autre bout du monde, en Nouvelle-Zélande, et il la rejoindra.