serendipity. (eden & keila)

J’ignore combien de temps je vais rester dans cette ville. Island Bay n’a rien à voir avec Jaipur où je vis depuis huit ans, ni même avec Tel-Aviv où j’ai vécu toute mon enfance et mon adolescence. Et même si j’ai beaucoup voyagé jusqu’à aujourd’hui, on ne peut pas dire que ce genre de petite ville soit exactement ce que je recherchais. Mais après tout, je ne suis pas là pour l’endroit, et même si c’est une ville charmante, je ne l’aurai pas choisie simplement pour ce qu’elle est.
Toujours est-il que je suis ici désormais, et que je compte bien m’occuper, en attendant d’arriver à mes fins. Peu importe le temps que ça prendra. Je commence à tourner en rond à l’hôtel, et je ne veux pas prendre le risque que Laurel me croise dans les rues de sa ville. Chaque chose en son temps, je dois rester discrète. L’application de rencontre est un parfait moyen pour faire passer le temps et rencontrer de nouvelles personnes sans avoir la sensation de tourner en rond. La première pioche est une bonne pioche, j’ai de la chance. Une femme intéressante, quasiment le même âge que moi - même si ce critère n’en est pas vraiment un pour moi - et suffisamment de mystère pour attiser ma curiosité. Je n’attends rien de cette rencontre, je me laisse simplement guider par ce que la vie a à m’apporter.
J’enfile une robe fleurie, simple et de saison, que j’agrémente d’une veste en jean et d’une paire de converse blanches. Pas question de jouer les prises de tête, ici, je ne suis pas une femme d’affaires, et j’ai pris des vacances. Plus ou moins, parce que je continue de bosser à distance, il ne faut pas exagérer. Un compte en banque ne se remplit pas par l’opération du Saint-Esprit.
Il est désormais l’heure de me rendre au café où j’ai rendez-vous avec Eden. Je retrouve l’adresse directement dans l’application, et la rentre dans mon gps. Une quinzaine de minutes à pieds, c’est tout à fait raisonnable. Paire de solaires sur le bout de mon nez, et me voilà partie arpenter les ruelles de ce village paisible.
Une fois sur place, je balaye l’intérieur du regard pour vérifier qu’il n’y a pas de Laurel en vue, et pousse la porte du café. Visiblement, je suis la première à être arrivée, légèrement en avance. Je salue la personne derrière le comptoir sans savoir s’il s’agit de la fameuse demi-soeur, et m’installe à une table libre, avant de laisser mes yeux détailler l’agréable décoration. Mon rendez-vous ne devrait plus tarder, et je suis impatiente de connaître cette nouvelle presque inconnue. Pour la première fois depuis bien longtemps, je n’ai pas cherché à en savoir plus sur elle de mon côté, je me contenterai de ce qu’elle m’offrira. Le carillon de la porte retentit et un sourire étire mes lèvres lorsque je vois la brune passer la porte. Je lui offre un discret signe de main, juste pour qu’elle n’émette pas de doute.

serendipity
crédit/ tumblr ✶ keila

Si on m'avait dit que je serai un jour inscrite sur une application de rencontres, je n'y aurais pas cru. Pour moi qui ne suis pas du tout portée réseaux sociaux - et même téléphone portable tout court d'ailleurs - c'est un petit miracle. Oui, oui, ce n'est pas une blague. C'est une amie qui a eu la merveilleuse idée de me créer un profil dans mon dos. Selon ses dires, "ça me fera du bien". Dois-je lui rappeler que je ne suis pas désespérée au point de rencontrer quelqu'un sur une application de ce genre ? D'ailleurs, la vraie question à poser c'est : est-ce que j'ai vraiment envie de rencontrer quelqu'un ? Ma relation précédente est encore trop récente à mon goût. Et dans ma tête, bien que je sois officiellement célibataire, ce n'est pas pour autant que je me considère sur le marché, comme on dit. Sur Lovemaker, c'est un peu ça non ? On fait son marché, en swipant à droite ou à gauche selon nos préférences. Bon ok, je comprends pas trop le concept mais après tout, pourquoi pas. La première fille sur qui je suis tombée est plutôt intéressante. En tout cas elle ne m'a pas donné envie de supprimer mon compte à la première minute, et ça, c'est déjà énorme. Mieux encore, elle m'a proposé de se rencontrer en vrai autour d'un café et je n'ai pas dit non. Si mon amie savait, je crois qu'elle n'en croirait pas ses oreilles. Comme quoi, les miracles existent vraiment. Sur le coup, ça me paraissait être une bonne idée. Mais plus le rendez-vous approche, plus je me sens un peu conne. Que vais-je bien pouvoir lui dire en face à face ? Même si elle m'a bien précisé que ce n'était sans aucune arrière pensée, j'ai un peu peur de ne pas me sentir réellement à ma place. Bref, on verra bien, c'est trop tard maintenant. Loin de moi l'idée de renoncer à la dernière minute, je ne suis pas de ce genre là. Autant aller jusqu'au bout des choses, et qui sait, cette rencontre en amènera peut-être d'autres ? Seul l'avenir nous le dira. Décontractée, je cherche avant tout à rester naturelle. Un simple jean accompagné d'un top feront bien l'affaire. Ce n'est pas un rendez-vous "séduction à tout prix", loin de là. J'arrive rapidement devant le café de ma demi-sœur - qui est accessoirement aussi celui de Celeste, avant de faire mon entrée. D'ailleurs, je n'avais pas pensé que le mercredi était justement un des jours de travail de mon ex. Est-ce que c'était une bonne idée de lui donner rendez-vous ici ? Oui et non, mais de mon point de vue, je ne fais rien de mal. Je lui adresse un petit sourire discret avant d'avancer jusqu'à la table où se trouve la jeune femme. « Keila, c'est bien ça ? » Nous n'avons pas échangé nos prénoms sur l'application mais je me souviens l'avoir lu quelque part sur son profil. « Je suis rassurée de voir que tu n'es pas une psychopathe. » Ajoutais-je pour plaisanter, jouant le compte de l'humour.

Je ne suis pas quelqu’un d’angoissé de nature. J’ai vécu bien assez de situations épiques dans ma vie pour avoir peur d’une rencontre avec une inconnue. Il m’en faudrait beaucoup plus que ça. C’est donc tout à fait détendue et sans attente aucune que je m’installe en attendant mon rendez-vous. De ce que j’ai compris, c’est plutôt elle qui devrait se sentir un peu moins à la place, puisque ce genre de ‘pratique’ n’est pas du tout dans ses habitude. Je suis flattée qu’elle fasse comme une exception pour moi. Lorsque la brunette passe la porte, je remarque immédiatement son petit sourire en direction de la personne se trouvant derrière le comptoir. La prochaine attention m’est adressée, jusqu’à ce qu’elle me rejoigne. « Keila, c'est bien ça ? » Je hoche la tête à l’affirmative.  « Tout à fait. » « Je suis rassurée de voir que tu n'es pas une psychopathe. » Un rire amusé franchit la barrière de mes lèvres, avant que je ne rajoute avec humour  « J’ai préféré venir sans ma moustache, je me suis dit que ce serait  plus discret. » Oui, j’ai toujours trouvé que les moustaches donnaient aux hommes un côté franchement pervers. Je ne suis pas une adepte, clairement.
Je profite du petite temps où elle s’installe pour la détailler discrètement. Ses cheveux châtains qui tombent en cascade sur ses épaules, ses yeux bruns pétillants, et ce petit grain de beauté au coin des lèvres. Un vrai tableau.
« Je n’ai pas encore regardé la carte, mais puisqu’on était parties sur un chocolat, je me suis dit que ça n’avait pas d’intérêt de la parcourir. » dis-je en tapotant la carte qui se trouvait déjà sur la table à mon arrivée.  « A moins qu’il y ait une spécialité ici que je doive absolument goûter ? » Après tout, tant qu’à être dans un nouveau pays où je n’avais encore jamais mis les pieds, autant en profiter pour goûter les plats et boissons typiques. Je suis de nature curieuse, et pas moins courageuse, donc je suis prête à tout pour découvrir la culture du lieu. J’adresse un regard à la brune au comptoir, puis un sourire, pour lui signifier que nous sommes prêtes à commander. Chaque pays ses coutumes, je ne voudrais pas faire un pas de travers, je préfère observer.

serendipity
crédit/ tumblr ✶ keila

C'est bien la première fois que je me prête à un exercice de ce genre. 'Exercice', oui. Parce qu'à mon niveau, ça ressemble quand même en quelques sortes à une épreuve. Ce n'est pas naturel pour moi d'avoir des rendez-vous. Encore moins des rendez-vous qui découlent d'une rencontre virtuelle. En réalité, je ne sais même pas trop comment dois-je me comporter avec elle ? Qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ? Quand on est en couple depuis dix ans, mariée en plus, on a l'étrange impression de ne plus vraiment être dans le coup. C'est exactement mon cas. Même si je ne suis plus en couple justement. Il faut que je réapprenne à vivre seule, et surtout à avancer dans une nouvelle dynamique de femme célibataire. C'est facile à dire, mais un peu moins facile à faire. A croire que la théorie est toujours plus simple que la pratique. Mais le mieux pour moi ne serait pas de rester simplement naturelle ? Finalement, c'est le mieux que je puisse faire. Rester authentique, être moi : simple, basique. Je tente un petit trait d'humour pour commencer histoire de lancer les hostilités. « J’ai préféré venir sans ma moustache, je me suis dit que ce serait plus discret. » Mon rire se mélange au sien, et le feeling passe naturellement. Je m'installe sur la chaise devant elle, posant mes affaires à mes pieds. « Je n’ai pas encore regardé la carte, mais puisqu’on était parties sur un chocolat, je me suis dit que ça n’avait pas d’intérêt de la parcourir. » Pour le chocolat, ce n'était pas une obligation pour elle. C'est juste que le café et moi, ça fait deux. Le goût me répugne. Et pourtant, cherchez l'erreur, quand j'étais petite, je passais mon temps à boire le fond des tasses de café de mon père. « A moins qu’il y ait une spécialité ici que je doive absolument goûter ? » Je hausse un peu les épaules avant de répondre. « Les néo-zélandais sont des adeptes du café, du vrai. Comme les anglais sont amoureux du thé, pour comparer. » Elle a une galerie à Londres, elle connait forcément cette tradition. « Mais je crois que je ne suis pas comme tout le monde... je n'aime ni l'un ni l'autre. » Un petit rire amusé s'échappe d'entre mes lèvres. C'est à ce moment-là que Celeste arrive pour prendre notre commande. « Un chocolat viennois pour moi s'il te plait. » Je lui offre un large sourire avant de tourner la tête vers Keila pour qu'elle puisse commander à son tour. Une fois fait, je m'adresse de nouveau à mon ex petite amie. « Et si tu peux nous mettre des petites mignardises avec, ça serait parfait. Merci ! » Je n'ose pas lui demander si elle va bien ou quoi que ce soit d'autre, de peur que mon attention paraisse déplacée. Mais le sourire qui est ancré à mes lèvres parle pour moi. La jeune femme repart, et mon attention se reporte sur Keila. « Alors cette visite d'appartement, ça a donné quoi ? » Je me renseigne sur elle, puisqu'elle avait mentionné avoir un rendez-vous ce matin pour un appartement.

Je suis ravie de voir que mon humour passe bien, je vais tâcher de rester plutôt légère. D’un naturel audacieuse, je prends les devants en lui expliquant que je n’ai pas pris soin de regarder la carte. Je ne connais pas vraiment les us et coutumes de ce pays, et je lui laisse le soin de m’en informer brièvement. « Les néo-zélandais sont des adeptes du café, du vrai. Comme les anglais sont amoureux du thé, pour comparer. » Je souris de voir qu’elle fait un comparatif avec quelque chose qu’elle sait que je connais. Nous avons parlé de l’Angleterre sur l’application, et j’aime sa manière de le mentionner à nouveau. « Mais je crois que je ne suis pas comme tout le monde... je n'aime ni l'un ni l'autre. » Mon rire se mêle au sien, avant que la serveuse ne vienne prendre notre commande. Sans surprise Eden commande un chocolat viennois. « Je vais prendre un café, s’il vous plait. » Je ne suis pas une droguée du café. La journée, j’ai plutôt tendance à enchaîner les thés, et boire un bon café une fois de temps en temps, pour en apprécier réellement les saveurs. La belle anglaise commande sans tarder des petites mignardises, et si je n’ai pas tendance à être gourmande, j’avoue que juste le terme pourrait me mettre l’eau à la bouche.
Je n’ai pas le temps de lui demander si c’était la fameuse demi-soeur dont elle me parlait par message, que déjà Eden enchaîne sur une question pour le moins intéressante. « Alors cette visite d'appartement, ça a donné quoi ? » Je secoue la tête en grimaçant légèrement. « Rien de concluant. Le mec qui m’a fait la visite a posé beaucoup trop de questions personnelles que j’ai toutes évitées. L’appartement n’était pas génial non plus, je ne suis pas restée bien longtemps. » Je ne sais pas si je vais rester dans le coin très longtemps, et d’ailleurs, je ne sais pas non plus si c’est une bonne chose que je sois ici. Beaucoup de questions se bousculent encore dans ma tête, il va falloir que j’y remédie sérieusement. « Mais j’ai remarqué qu’il y avait quand même pas mal d’offres, je devrais pas avoir trop de mal à trouver. » Je hausse un peu les épaules et garde mon attention rivée sur la jeune femme. « Et toi, tu es de retour en Nouvelle Zélande depuis longtemps ? » Après tout, on est ici pour discuter, apprendre un peu à se connaître. On ne connaît pas l’issue de ce rendez-vous, mais autant qu’il soit agréable. Je n’allais pas commencer directement en lui demandant si elle avait des enfants, par exemple. C’est peut-être un peu trop intrusif. Je l’imagine très bien avec un ou des enfants, son côté doux, sans doute. Ce n’est pas pour rien qu’elle en a fait son métier…

serendipity
crédit/ tumblr ✶ keila

Avec le recul, j'ai l'impression que ce n'était pas une si bonne idée que ça que de donner rendez-vous à Keila ici. Avec Celeste dans les parages, j'ai peur de ne pas être tout à fait à l'aise. Et en même temps, ce rendez-vous n'en est pas vraiment un non plus. En tout cas, de mon côté, il n'y a aucune arrière pensée. Ce n'est pas parce que je partage un café avec une fille d'une application que je suis en train de flirter. En vrai, je ne saurais même pas comment m'y prendre pour le faire. Et si ça avait vraiment été dans mes intentions, je ne serais justement pas venue ici. Je tente de me détendre, essayant de faire connaissance avec cette jeune femme pour passer un bon moment. Je m'intéresse à elle, et à sa visite d'appartement dont elle m'avait justement parlé sur l'application. Mais apparemment ce n'était pas concluant. « Dans le secteur, c'est vrai qu'il y a quand même pas mal de potentiel. » Quand je suis arrivée ici, je suis moi-même passée par cette étape de recherche de logement. Et que ce soit des appartements ou des maisons, il y en a pour tous les goûts. « Je me fais pas de soucis pour toi, tu devrais facilement trouver un endroit qui te plaise. » Pour ma part, je n'ai pas mis très longtemps pour trouver la perle rare. Une maison moderne comme je cherchais, dans laquelle je pourrais réussir à refaire ma vie. Si je l'ai d'ailleurs déjà bien arrangé à mon goût, ce n'est pas encore fini. « Et toi, tu es de retour en Nouvelle Zélande depuis longtemps ? » Quand on y pense, le temps passe trop vite. J'ai l'impression d'être arrivée ici il y a quelques semaines seulement. « Depuis la rentrée de septembre. » Mais ça ne fait pas très longtemps que j'arrive vraiment à en profiter, sortir, et rencontrer du monde. Au début, j'avais vraiment du mal à faire le deuil de mon ancienne vie. C'est encore délicat sur certains points, notamment sur le fait d'être seule, mais le temps finira sans doute par apaiser mes blessures - enfin, je l'espère. « J'ai eu besoin d'un petit temps d'adaptation pour me réhabituer à la vie ici, mais maintenant, je me sens mieux. » Ce n'est pas tant la vie néo-zélandaise le problème sur le coup. Mais nous avions déjà évoqué rapidement mon ancienne relation, et il est donc facile pour elle de comprendre et de faire le lien. « Island Bay n'a absolument rien à voir avec Londres, mais c'est justement ce que j'aime. » Je suis consciente que pour d'autres, le fait de ne pas être dans une grande ville soit problématique. Mais Wellington n'est pas loin, et l'ambiance chaleureuse et familiale de cette petite ville côtière a quand même son charme. Celeste revient alors nous apporter notre commande, et je me contente de lui adresser un petit sourire discret pour la remercier.

Eden s’intéresse à ma recherche d’appartement. Elle n’a pas fait que survoler notre conversation sur l’application, comme d’autres peuvent le faire, elle a aussi écouté - ou en tout cas lu - ce que j’avais à partager avec elle, et c’est une très bonne chose. Je ne doute pas qu’elle soit quelqu’un de bien, en tout cas, elle en a tout l’air. Et puis, mon inscription sur cette application n’avait pas pour but de trouver l’amour. Mon coeur est déjà prix, et c’est justement pour cette raison que je suis aujourd’hui sur les terres néo zélandaises. « Dans le secteur, c'est vrai qu'il y a quand même pas mal de potentiel. Je me fais pas de soucis pour toi, tu devrais facilement trouver un endroit qui te plaise. » Je hoche la tête en souriant. Je ne compte pas lui dire de suite que je ne suis pas sûre de rester, ça jetterait sans doute un froid dans la conversation. Si je lui ai donné rendez-vous, c’est pour apprendre à la connaître, me faire un petit réseau sur place, sans arrière pensée. A moi de poser une question, parce que finalement, nous n’avons pas discuté si longtemps sur l’application, avant de décider de nous rencontrer. Après tout, je trouve ça quand même plus humain d’échanger de vive voix, voir si le feeling passe ou non.
Elle m’explique être rentrée en septembre dernier, pour la rentrée. La réponse semble logique, et je la laisse poursuivre. « J'ai eu besoin d'un petit temps d'adaptation pour me réhabituer à la vie ici, mais maintenant, je me sens mieux. » Je lui offre un sourire bienveillant. L’adaptation, je connais, surtout quand on passe d’un pays à un autre, et que les cultures sont extrêmement différentes. En plus de ça, elle a dû abandonner une vie à deux, au profit d’une vie seule. Enfin, de ce que j’ai cru comprendre, sans entrer dans les détails. « Island Bay n'a absolument rien à voir avec Londres, mais c'est justement ce que j'aime. » Je lui offre un sourire bienveillant. Je connais bien Londres pour y avoir vécu quelques mois - mais toujours moins qu’elle de toute évidence - et je ne peux que comprendre ce qu’elle m’avoue là. « Oui, les anglais sont tout à fait différents, en dehors de l’effervescence de la ville. J’adore Londres, mais c’est vrai que c’est pas du tout comparable ! » Je retourne souvent dans la capitale anglaise, notamment parce que j’ai une galerie sur place, et j’ai toujours plaisir à déambuler dans les rues de cette ville.
La serveuse nous apporte notre commande et je remarque le sourire que lui adresse Eden. Elle m’avait parlé du café de sa soeur, j’ai un doute sur la question. Sans parler du physique - il pourrait bien s’agir d’une soeur adoptive ou d’une demi soeur très différente - je remarque surtout le langage du corps. Le non verbal est ce que je maîtrise le mieux, même si je n’ai aucune formation à ce sujet. Je remercie aussi la jeune femme d’un sourire et, une fois qu’elle est assez loin, je demande à Eden, tout en jetant un regard furtif en direction du comptoir. « C’est ta soeur, dont tu m’avais parlé ? » Autant en avoir le coeur net. Mais à voir son regard, j’ai déjà la réponse à ma question. Ce n’est pas sa soeur, loin de là même.

serendipity
crédit/ tumblr ✶ keila

Mon ancienne vie londonienne n'avait strictement rien à voir avec la vie que je peux avoir ici à Island Bay. Mais comme Keila le dit si bien, ce n'est pas du tout comparable. Je ne cherche d'ailleurs pas à comparer, au contraire. J'avais justement besoin de cette nouvelle vie pour essayer de tourner définitivement la page sur mon passé. A croire même que le poste d'institutrice vacant était un signe du destin. En tout cas, je ne regrette pas d'avoir décidé de revenir vivre en Nouvelle-Zélande. Je commence doucement à me sentir mieux, et c'est le plus important. Il me faudra sans doute du temps pour réussir à me remettre complètement de l'échec de mon mariage, le chemin sera encore long, mais c'est déjà en bonne voie. Je ne suis pas véritablement en terre inconnue aussi, forcément, ça aide. J'ai la chance d'avoir de la famille et des connaissances dans les parages. D'ailleurs, dans ce café, je suis un peu comme à la maison. Ma soeur n'est pas là, mais il y a Celeste. En parlant d'elle, c'est à ce moment-là que la jeune femme me questionne à son sujet. « C’est ta soeur, dont tu m’avais parlé ? » C'est vrai que nous en avions parlé sur l'application. « Euh... non. » Je laisse inconsciemment échapper un petit rire nerveux d'entre mes lèvres. Pas vraiment non. Bien que sa question me mette mal à l'aise, j'essaye tout de même de développer un peu plus. « C'est la meilleure amie de ma soeur, elles sont toutes les deux propriétaires de ce café. » Je ne veux pas spécialement rentrer dans les détails non plus. Ce n'est pas vraiment le moment de parler de mon ex, encore moins quand la personne concernée se trouve dans la même pièce que nous. D'autant plus que Celeste n'est pas une ex comme les autres... elle a été mon premier amour, la première qui a su captiver mon coeur. Mais bref, ce n'est pas le sujet à aborder dans un rendez-vous. « Tu verras, si tu as l'occasion de rester un peu à Island Bay, le monde est vraiment petit par ici. Tout le monde connait tout le monde. » Ajoutais-je en riant légèrement. C'est vrai que pour le coup, entre ma soeur et mon ex, les connexions sont plutôt faciles. D'autant plus quand on sait que je suis moi-même amie avec la grande soeur de Celeste. Vous suivez toujours ? « Tu ne connais vraiment personne dans le coin ? » Je sais qu'elle est venue ici pour le boulot, mais je ne connais pas tous les détails non plus. Et cette question est un bon moyen d'essayer d'en apprendre un peu plus sur elle.

Le sujet de Londres est mis sur le tapis, et j’ai l’avantage de pouvoir parler en connaissance de cause. Je n’y ai pas vécu aussi longtemps qu’elle, c’est un fait, mais l’année où j’y ai vécu a suffit pour me familiariser avec la culture anglaise. J’adore retourner dans ce pays, et particulièrement dans cette ville que je chéris. Ce n’est pas pour rien que j’ai choisi d’y acheter une galerie, et c’est peut-être l’une de celles qui marche le mieux.
Une fois nos commandes récupérées, je demande à la jolie brunette en face de moi si la personne qui nous a servies est celle dont elle m’avait parlé sur l’application. A savoir, sa soeur. Le rire qu’elle échappe après avoir répondu négativement à la question est un peu étrange je dois dire. « C'est la meilleure amie de ma soeur, elles sont toutes les deux propriétaires de ce café. » Je me contente d’un hochement de tête, même si la réponse ne correspond pas à son attitude. Ok, c’est la meilleure amie de sa soeur. Mais pourquoi ce rire nerveux ? Je ne la connais pas assez pour tenter une question de ce type, je ne voudrais pas la mettre davantage mal à l’aise, je ne suis pas là pour ça. « Tu verras, si tu as l'occasion de rester un peu à Island Bay, le monde est vraiment petit par ici. Tout le monde connait tout le monde. » Je lui adresse cette fois un sourire, tout en récupérant un peu de mousse de lait sur mon chocolat, pour la porter à mes lèvres. « Je me doute, oui. » Comme tous les petits villages, d’ailleurs. « Tu ne connais vraiment personne dans le coin ? » Question à cent mille dollars. Je lui adresse un sourire, elle a touché le point sensible. « Non. Enfin… si. Mais c’est compliqué… » Je me pince un peu les lèvres, pas vraiment sûre de vouloir parler de la raison qui m’amène ici. Pourtant, je ressens une sorte de connexion avec elle, sans savoir me l’expliquer. Comme si je pouvais lui faire confiance, être honnête. Enfin, autant que je puisse l’être avec une inconnue, qu’on se le dise. « Je suis venue pour retrouver une connaissance, disons que son départ d’Inde a été un peu précipité. Enfin peu importe. » Et je n’ai pas envie d’entrer dans les détails non plus. Pourtant, parler de Lee me met dans un état un peu étrange, que je ne saurai qualifier. « Mais en dehors de cette personne, je ne connais personne non. D’où mon inscription sur l’application, histoire de rencontrer un peu des gens d’ici, ça met un peu de piquant. » Un rire amusé s’échappe d’entre mes lèvres. Après tout, c’est un moyen comme un autre d’apprendre à connaître des gens, ou de choisir de ne pas se dévoiler entièrement. Bref. « Et toi alors, tu es heureuse d’être de retour ? Tu as retrouvé ta famille, tes amis ? » Je cherche à apprendre à la connaître, le plus naturellement du monde. Et étrangement ou pas, je ne sens aucun flirt ni d’un côté ni de l’autre.

serendipity
crédit/ tumblr ✶ keila

Parler de Celeste avec la jeune femme est un peu étrange. En réalité, j'ai un peu de mal à oublier ce qu'il s'est passé la dernière fois quand elle est venue diner chez moi. Ce baiser était... surprenant. Et pourtant, pas si inattendu que ça. Comme une évidence, une remontée dans le temps. Ce n'était pas désagréable, même si la soirée s'est un peu terminée en queue de poisson. Pour être honnête, j'ai eu peur de ce que pouvait représenter ce baiser justement. Peut-être qu'il n'était pas si anodin qu'on aimerait le penser ? Je sais pas, je sais plus. Je crois que c'est un peu flou dans ma tête - et dans mon coeur aussi surtout. En tout cas, savoir que Celeste n'est pas loin de notre table n'arrange pas vraiment la situation. C'était peut-être maladroit de ma part de venir dans son café avec Keila. Et si elle pense que... ? Enfin non, il n'y a rien entre nous. Et il n'y a même aucun flirt que ce soit du côté de Keila ou du mien. A présent, à mon tour de m'intéresser à elle et de creuser davantage à son sujet. A ce que j'ai compris, Keila est plutôt une femme des grandes villes, qui aime voyager par-ci, par-là. Mais pourquoi être venue se perdre jusqu'à Island Bay ? Avec le recul, je ne serais pas étonnée si ce n'était pas seulement pour des raisons professionnelles.  « Non. Enfin… si. Mais c’est compliqué… » Ah voilà. Il y a peut-être une autre raison qui se cache derrière sa venue ici. « Je suis venue pour retrouver une connaissance, disons que son départ d’Inde a été un peu précipité. Enfin peu importe. » Je me contente d'un simple hochement de tête accompagné d'un petit sourire. Je ne veux pas paraitre intrusive en lui demandant plus de détails pour le moment. « Mais en dehors de cette personne, je ne connais personne non. D’où mon inscription sur l’application, histoire de rencontrer un peu des gens d’ici, ça met un peu de piquant. » Même si je ne suis pas une adepte des réseaux sociaux en tout genre, il faut avouer que c'est quand même un bon moyen de faire des connaissances. De là à ce que ce soit des rencontres intéressantes, c'est une autre histoire. Enfin, avec elle, c'est le cas. Mais c'est peut-être l'exception qui confirme la règle ? « J'avoue que j'étais un peu réfractaire à l'idée au début... » Une légère grimace vient suivre le rire qui s'échappe d'entre mes lèvres. « Mais notre rencontre est en train de me faire changer d'avis. » Ajoutais-je dans un sourire qui se veut vraiment sincère. « Et toi alors, tu es heureuse d’être de retour ? Tu as retrouvé ta famille, tes amis ? » Bien que mon retour soit encore récent, je peux quand même déjà dire à quel point il a été bénéfique pour moi. Et il continue encore de l'être, évidemment. « Oui, ça fait du bien ! Je crois que j'avais vraiment besoin de ce retour aux sources pour essayer d'avancer. » Aller de l'avant pour tourner la page sur le passé. « Comme tu t'en doutes, mon ancienne relation ne s'est pas terminée de la meilleure des manières... » On en a vaguement discuté sur l'application, mais il est peut-être temps que je me confie plus en profondeur à elle. Keila a ce je-ne-sais-quoi qui me donne envie de lui faire confiance. « J'étais mariée, et avec elle depuis presque dix ans. » Théoriquement, nous sommes encore mariées d'ailleurs. « Mais apparemment ce n'était plus suffisant. » Ou 'je ne lui suffisais plus' si on veut être tout à fait exact.

Je ne sais pas pourquoi je mentionne cette histoire, la raison pour laquelle je suis ici. Je m’étais promis de n’en parler à personne avant d’avoir retrouvé Laurel. Mais force est de constater que le destin me met quelque peu à l’épreuve. Ma patience ayant des limites, je dois faire preuve de ténacité pour ne pas retomber dans mes vieux démons. Je tourne un peu la discussion sur cette fameuse application sur laquelle nous avons commencé à discuter. Je l’ai sentie assez peu à l’aise, et mon ressenti se confirme quand elle me confie « J'avoue que j'étais un peu réfractaire à l'idée au début... » Je souris un peu, pour moi-même, parce que je peux tout à fait comprendre. « Mais notre rencontre est en train de me faire changer d'avis. » Mon sourire s’agrandit, je suis heureuse d’entendre ça, même si depuis que nous sommes arrivée, il n’y a eu aucun signe de potentiel flirt en vue. Je crois qu’aucune de nous deux n’était dans ce mood là, et c’est probablement pour ça d’ailleurs que ça se passe aussi bien. « Je te renvoie le compliment ! J’avais peur de tomber que sur ses personnes qui ne cherchaient que l’amour, charnel ou sentimental. Je suis bien contente d’être tombée sur toi. » Et sans tarder, je reprends mes questions pour en apprendre un peu plus sur elle. « Oui, ça fait du bien ! Je crois que j'avais vraiment besoin de ce retour aux sources pour essayer d’avancer. Comme tu t'en doutes, mon ancienne relation ne s'est pas terminée de la meilleure des manières... » Je grimace un peu tout en hochant la tête. « J’avais cru comprendre même si tu es restée très évasive sur le sujet. » Et je n’ai pas voulu insister, après tout, c’est son histoire et elle est en droit de ne pas vouloir la partager. « J'étais mariée, et avec elle depuis presque dix ans. Mais apparemment ce n'était plus suffisant. » Je lui adresse une moue compatissante. « Aïe… » Certaines personnes ne sont pas faites pour honorer la part du contrat du mariage qui stipule ‘jurer fidélité’. « J’ai vécu l’infidélité aussi, même si je n’étais pas mariée heureusement. Mais peu importe le nombre d’année, ça fait toujours un mal de chien. » Et c’est peut-être pire quand ça fait des années. « Vous avez des enfants ? » Si en plus il y a les enfants au milieu, c’est une autre charge à porter. Tellement de couples choisissent de rester ensemble malgré leurs différends, juste pour protéger les enfants. J’ai toujours trouvé cette pratique absurde, mais ce n’est que mon point de vue. « En tout cas, on ne se connaît pas, mais sache que si tu veux en parler, pour évacuer un peu, il paraît que je suis une bonne oreille attentive. » Je lui offre un sourire compatissant, lui laissant ouverte une porte si elle en ressent le besoin. « En tout cas, merci pour cette découverte. Je ne suis pas fan des chocolats chauds en général, mais je dois avouer que celui là est un vrai délice ! »

serendipity
crédit/ tumblr ✶ keila

Je me surprends un peu moi-même à me confier à elle. Après cette discussion sur l'application et maintenant cette rencontre en tête à tête, c'est une nouvelle surprise pour moi de me sentir suffisamment à l'aise avec elle pour lui parler de Morgan. On ne se connait pas et pourtant, ça ne me dérange pas de me livrer à elle. Je comprends mieux quand les gens disent que c'est toujours plus simple de se confier à un-e inconnu-e. Loin de moi l'envie de prendre Keila pour ma psychologue, mais le fait de lui parler me fait du bien. Je ne sens pas chez elle un quelconque jugement désagréable, ou une pitié malsaine comme certains pourraient avoir à mon égard. Non, elle me prête simplement une oreille attentive qu'il serait difficile de ne pas apprécier. « Aïe… J’ai vécu l’infidélité aussi, même si je n’étais pas mariée heureusement. Mais peu importe le nombre d’années, ça fait toujours un mal de chien. » C'est le moins que l'on puisse dire. En tout cas, l'infidélité dans sa globalité est vraiment un sujet sensible pour moi. Et ça ne date pas d'hier. En réalité, cette histoire est beaucoup plus ancienne que ça. L’élément déclencheur a été la trahison de ma mère. Jeune, il y a des évènements qui ont plus d'impact que d'autres sur notre vie. Pour ma part, la double vie de ma mère en était un. « Vous avez des enfants ? » Je secoue la tête à la négative, même si ce n'est pas aussi simple que ça. « Non. » Avec le recul, c'est peut-être un mal pour un bien d'avoir découvert le pot aux roses maintenant. Même si ce n'est jamais agréable de découvrir sa femme dans le lit conjugal avec une autre. « Mais on avait pour projet d'adopter, les démarches étaient même déjà lancées... » Je parle au passé, et pourtant, ce projet n'a pas été totalement avorté. « Enfin, c'est un mal pour un bien, je suppose. » Une grimace vient alors déformer les traits de mon visage. Avec un enfant à charge, ce n'est pas la même charge à porter. Et d'un côté, je préfère que personne d'autre ne soit mêlé à tout ça. Une victime dans cette histoire est largement suffisante. « En tout cas, on ne se connaît pas, mais sache que si tu veux en parler, pour évacuer un peu, il paraît que je suis une bonne oreille attentive. » Je n'en doute pas, en si peu de temps, elle a déjà réussi à le prouver. « C'est gentil ! » L'idée de la revoir dans un autre contexte n'est pas désagréable. « En tout cas, merci pour cette découverte. Je ne suis pas fan des chocolats chauds en général, mais je dois avouer que celui là est un vrai délice ! » Je lui souris avant de répondre. « Merci à toi, je ne pensais pas passer un si bon moment en venant ici. » Je crois que ça me fait du bien de rencontrer du monde, de sortir un peu plus. Pour poursuivre la conversation, je fais maintenant référence à son travail.« Tu envisages d'ouvrir une galerie dans le coin ou pas du tout ? » Après tout, pourquoi pas. Pas à Island Bay même bien sur, mais à Wellington, ça pourrait marcher. « D'ailleurs, je sais que tu en as une à Londres mais c'est tout ce que je sais... Est-ce qu'il y a en d'autres ? » Je joue les curieuses, mais c'est un moyen comme un autre d'apprendre un peu plus à la connaitre.

Je suis contente qu’elle se confie un peu à moi, je dois dire que c’est une victoire. On ne se connaît pas, et pourtant j’ai bien senti que ça n’était pas dans ses habitudes de se livrer de cette manière à des inconnus. Il y a de ces gens qui aiment parleur d’eux à n’importe qui, mais Eden n’a pas l’air d’être de ce genre là. Ce qui me conforte dans l’idée que j’ai été assez douce et ouverte, pour qu’elle ait envie de me délivrer quelques secrets de son passé. Plus que ça même, une vraie douleur. Je suis plutôt bien placée pour comprendre ce qu’elle a pu endurer, même si ce n’est pas la même histoire. La trahison est ce qu’elle est : douloureuse. Pour quiconque. Je continue de la faire parler en lui demandant si elles avaient des enfants, ce que je n’espère pas au fond de moi. Je n’ai jamais été très proche de ces petits êtres, même si je ne les déteste pas, je ne me suis jamais vue avec une famille. Il n’empêche que je respecte les gens qui ont ce rêve, et je serai bien triste d’apprendre qu’une nouvelle famille a été brisée par les infidélités d’une des deux parties. Heureusement, la réponse est négative, mais j’ai comme l’impression que ça ne s’arrête pas là. Eden précise la situation. « Mais on avait pour projet d'adopter, les démarches étaient même déjà lancées… Enfin, c'est un mal pour un bien, je suppose. » Je grimace légèrement tout en haussant les épaules. Il vaut mieux le prendre comme ça effectivement. Les regrets, ça n’a jamais rien apporté de bon. Les remords non plus cela dit, mais au moins, on a essayé, et je trouve que c’est toujours moins pire. Quoi qu’il en soit, je lui explique que je suis ouverte à la discussion, si elle en ressent le besoin. Je ne suis pas une amie, et parfois, ça peut aider quand on connaît moins la personne. Je la remercie pour le chocolat, aussi, parce que même si en général je n’en suis pas friande, là, j’ai beaucoup apprécié. « Merci à toi, je ne pensais pas passer un si bon moment en venant ici. » Je suis flattée. « Tu envisages d'ouvrir une galerie dans le coin ou pas du tout ?  D'ailleurs, je sais que tu en as une à Londres mais c'est tout ce que je sais... Est-ce qu'il y a en d'autres ? » Si elle me lance sur le sujet du boulot, on n’a pas terminé… Un sourire se dessine immédiatement sur mes lèvres. Quand on a un métier-passion, ça aide. « Je ne sais pas si je vais en ouvrir une ici, j’ai vu quelques locaux intéressants à Wellington, mais je dois d’abord gérer le côté personnel de ma situation… » Et ce n’est pas une mince affaire.  Oui, j’en ai ouvert plusieurs. La première à Jaipur, puis Mumbai, Londres, Paris et Milan. Elles sont toutes gérées par des gens de confiance, sauf celle de Jaipur à laquelle j’ai travaillé jusqu’à mon arrivée ici. Chacune d’entre elles a une histoire, une étape de ma vie. » Certains se font des tatouages pour marquer leurs grandes étapes de vie, moi, j’ai acheté des locaux pour en faire des galeries, dans les endroits du monde que je préfère. Ça me donne un prétexte pour retourner dans toutes ces villes assez régulièrement. « Tu as beaucoup voyagé jusqu’à maintenant ? »

serendipity
crédit/ tumblr ✶ keila

Parler de notre projet d'adoption est encore difficile pour moi. Faut dire que c'était quand même le projet de notre vie. Pouvoir devenir mamans, c'est tout ce dont nous rêvions. Ensemble. Comme la suite logique de notre relation. Mais le destin en a décidé autrement. Ou plutôt Morgan en a décidé autrement. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé dans sa tête pour aller voir ailleurs, mais il y a forcément une raison. Même si elle continue à dire qu'il ne s’agissait là que d'une simple erreur. "Simple", c'est assez paradoxal de dire ça, quand on connait tout ce que son geste a fini par engendrer. Mais elle me connaissait sur le bout des doigts, sans doute mieux que quiconque. Elle savait ce que représentait l'infidélité à mes yeux. Mais elle a pris le risque quand même... Bref, et si on parlait d'elle maintenant ? Pour le faire, rien de mieux que de la lancer sur son travail. « Je ne sais pas si je vais en ouvrir une ici, j’ai vu quelques locaux intéressants à Wellington, mais je dois d’abord gérer le côté personnel de ma situation… » Ah. Effectivement nos vies personnelles ne sont souvent pas de minces affaires. « Oui, j’en ai ouvert plusieurs. La première à Jaipur, puis Mumbai, Londres, Paris et Milan. Elles sont toutes gérées par des gens de confiance, sauf celle de Jaipur à laquelle j’ai travaillé jusqu’à mon arrivée ici. Chacune d’entre elles a une histoire, une étape de ma vie. » Je suis littéralement en train de boire ses paroles. En vrai, toutes les villes citées font vraiment rêver, c'est fascinant. « Tu as beaucoup voyagé jusqu’à maintenant ? » J'ai vécu entre l'Angleterre et ici, avec un bref passage en Australie pour mes études. Mais pour le reste, c'est vrai que j'ai visité quelques autres pays en tant que simple touriste. « J'ai eu la chance de visiter plusieurs pays quand j'étais plus jeune, notamment en Europe. » Mais une fois qu'on a goûté aux voyages, on en veut toujours plus ! « Mais ça fait longtemps que je n'ai pas pu voyager... ça me manque ! » Il y a tellement d'autres endroits merveilleux à découvrir. « Rien que de t'entendre parler de toutes ces villes, ça me donne envie ! » Pourquoi pas après tout ? Avec mon métier, j'ai la chance d'avoir pas mal de périodes de vacances. « Si un jour tu cherches de la compagnie, je suis partante. » Je lui souris, sans forcément prendre conscience que ma phrase pourrait avoir l'air tendancieuse.

Je vois son regard briller quand je parle des villes dans lesquelles j’ai pu ouvrir des galeries. Je sais bien que ma situation fait envie, même si bien sûr, elle ne connaît pas tous les tenants et aboutissants. Toujours est-il que les voyages font partie intégrante de mon quotidien, et je ne m’en passerai pour rien au monde. A mon tour de lui demande si, de son côté, elle a eu la chance de voyager. « J'ai eu la chance de visiter plusieurs pays quand j'étais plus jeune, notamment en Europe. » Je lui offre un large sourire. Il y a tellement à voir sur le globe, mais j’avoue que j’ai eu un véritable coup de coeur pour l’Europe. « Mais ça fait longtemps que je n'ai pas pu voyager... ça me manque ! » Je continue de lui sourire avant d’appuyer, sans tarder : « Il n’est jamais trop tard pour voyager. Mon grand oncle est parti en vadrouille un peu partout, jusqu’à ses 92 ans ! » Et il n’a jamais été plus vaillant que dans ses plus vieilles années. Il aura profité jusqu’au dernier moment, et je compte bien en faire autant. « Rien que de t'entendre parler de toutes ces villes, ça me donne envie ! » Je sais bien qu’il faut les finances, pour ça, mais il y a toujours des solutions, des missions humanitaires, tout un tas de choses qui permettent de voyager sans trop dépenser. « Alors, il faut le faire ! » Je suis enthousiaste, c’est vrai, mais je le suis toujours quand il s’agit des voyages. « Si un jour tu cherches de la compagnie, je suis partante. » Oh, voilà qui est intéressant ! Elle serait prête à m’accompagner sur un voyage professionnel. J’aime voyager seule, mais j’aime aussi pouvoir partager certaines destinations avec des personnes avec qui je me sens bien. Je ne suis pas contre l’idée, si nos relations sont aussi agréables que cette rencontre. « Avec plaisir ! Je le note dans un coin de ma tête, promis je ne t’oublierai pas ! » Je lui adresse un clin d’oeil, et n’ai pas le temps de renchérir quand j’entends mon téléphone sonner, plus ou moins discrètement dans mon sac à main. Grimaçant, je jette juste un oeil à l’appelant. « Mince, je vais devoir écourter ce moment, je suis vraiment désolée, je devoir m’appelle… Tu m’excuses ? Je te laisse mon numéro, on peut se revoir quand tu veux, quand tu peux ! » Je sors de mon sac une carte avec mon nom et mon numéro, que je fais glisser sur la table. « En tout cas, c’était vraiment un plaisir de partager ce moment avec toi, en espérant que ce ne soit pas le premier et le dernier. » Je lui offre un sourire, et la salue avant d’aller payer nos consommations, et quitter le café, téléphone à l’oreille.