nice to meet you (riley, tegan & marley)

Je suis de bonne humeur aujourd’hui. C’est plus souvent le cas ces cinq dernière années, que les cinq qui ont précédé. Mais j’apprends à appréhender le bonheur, pendant un temps, il avait tendance à me faire peur. La journée au café se passe à merveille, on a l’habitude d’avoir une clientèle adorable en quasi totalité. A vrai dire, les pires sont souvent les touristes qui ne respectent pas toujours les choses - ni les employés d’ailleurs. Derrière le comptoir, je prépare les commandes avec un petit air guilleret. En fond sonore, une playlist de covers version jazzy me laisse fredonner quelques airs. J’ai pratiquement toujours vécu avec un fond musical, et quand ça n’est pas le cas, j’ai tendance à légèrement angoisser.
Aujourd’hui, ma cousine Riley doit venir me rendre visite ici, c’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai échangé mon après-midi avec Céleste. C’est l’avantage de travailler en ‘famille’, c’est qu’on peut s’arranger quand on veut, et quand on peut. Je remets un peu d’ordre dans la vitrine et range correctement les pâtisseries, quand le petit carillon de la porte retentit. Je lève la tête et mon sourire s’élargit en une fraction de seconde. Je profite  de n’avoir aucun client à servir pour quitter le comptoir et rejoindre ma cousine. « Ma cousine préférée ! » Et pour cause, je n’en ai qu’une. Mais si j’en avais une autre, résolument, elle resterait ma préférée. Je viens la prendre dans mes bras dans une tendre étreinte, puis la relâche et pose mon regard sur la jeune femme qui l’accompagne. Sa meilleure amie, donc. « Tu dois être Tegan ! Enchantée ! » Je ne prends pas le risque de la saluer d’une accolade la jeune femme, il ya des gens qui n’aiment pas ça. « Installez-vous, Céleste devrait arriver d’un moment à l’autre pour me libérer. Choisissez ce que vous voulez, c’est la maison qui régale ! » J’adresse un clin d’oeil complice à ma cousine, et les laisse s’installer où elles veulent. Un petit groupe de clients arrive et je reste concentrée pour ne pas faire n’importe quoi. Il m’arrive d’être distraite, mais je me soigne. D’un oeil discret, j’observe Riley et Tegan, en réalité, surtout Tegan, comme si j’essayais  déjà de la sonder.
Céleste finit par faire son apparition, je la prends dans mes bras et la laisse aller se changer, pour qu’elle puisse prendre le relais. Une fois fait, c’est à mon tour de passer par l’arrière salle et le vestiaire. Je retire mon tablier, détache mes cheveux dans lesquels je passe une main pour leur donner un peu de forme, et récupère mon sac, avant de rejoindre les deux jeunes femmes à table. « Vous avez choisi ? » Je prends leur commande et file derrière le comptoir préparer ce qu’il faut, avant de revenir avec un plateau de nos boissons, et quelques sucreries. Je m’installe avec elles et laisse échapper un petit soupir. « Ça me fait plaisir que vous soyez venues jusqu’à moi ! »

Qui aurait pu croire qu’un jour, j’aurais l’étiquette d’agence immobilière ? Personne sûrement. Mais il faut croire que tout arrive et que pour une fois, je suis la personne qui a le bon carnet d’adresse pour proposer une nouvelle colocataire à ma cousine. Colocataire.. je ne sais pas si c’est le terme exact puisque dans cette situation, le loyer ne va pas vraiment être partagé de manière équitable. Disons juste que la jeune femme cherche à se faire un peu d’argent en mettant à disposition une pièce qu’elle n’utilise pas. Pour ceux qui n’ont pas forcément les moyens de louer un appartement tout entier, c’est plutôt bien. D’ailleurs, je n’aurais pas été au sein de ma colocation actuelle, je l’aurais peut-être soudoyée pour qu’elle m’accepte sous son toit. Néanmoins, ce n’est pas parce que je n’ai plus besoin d’aide que ce n’est pas le cas de tout mon entourage, Tegan en particulier. Ma meilleure amie est en ville depuis plusieurs semaines maintenant et c’est tout autant de temps qu’elle a logé à la colocation, dans mon lit. Pour elle, je pourrais vivre comme cela encore des mois, mais il faut se rendre à l’évidence : elle doit trouver un logement pour se sentir pleinement chez elle à Island Bay. J’ai évoqué cette possibilité à ma cousine, puis à Tegan et c’est ainsi que le rendez-vous a été pris, aujourd’hui, au café de Marley pour pouvoir faire les présentations. Ce n’est peut-être pas comme ça qu’elles sauront si elles sont prêtes à vivre ensemble, mais au moins, elles pourront se faire une rapide idée de qui elles sont. J'ai patiemment attendue la brune à l'arrêt de bus le plus proche de l'établissement, afin de lui éviter de repasser à l'appartement, et c'est ensemble que nous parcourons les derniers mètres. Arrivées devant, je pousse doucement la porte. Par chance, à l'instant T, il n'y a pas beaucoup de monde dans le café. « Marley ! » Dis-je, pour la saluer. Je rigole un peu au qualificatif qu'elle me donne – à ma connaissance, je suis sa seule cousine, la concurrence n'est donc pas très forte. Elle m'offre une accolade, avant de poser son regard sur la brune qui m'accompagne. « C'est ça. La fameuse Tegan. » Pour l'instant, la propriétaire de l'établissement n'est pas complètement disponible. Mais elle le sera rapidement, lorsque l'une de ses associées arrivera, alors elle nous propose de nous installer et de réfléchir à ce que nous voulons en attendant. Je prends les devants et me dirige vers une table pouvant accueillir quatre personnes, à côté d'une fenêtre. « Jusque là, ça va ? Elle ne te donne pas envie de partir en courant ? » Ces mots s'échappent de mes lèvres une fois installée. Après ça, je récupère l'une des cartes pour pouvoir faire mon choix. Après un peu d'activité au sein du café et l'arrivée de sa collègue, Marley est disponible et nous rejoint. « Un chocolat viennois avec un cookie pour moi, s'il te plaît. » Je laisse ma meilleure amie commander, puis le temps à ma cousine de préparer notre commande. Maintenant posée avec nous, elle va pouvoir se détendre un peu. « Tu as dit que c'était offert par la maison, c'était un très bon argument. » Je lève légèrement les mains vers le ciel. « Je rigole, je serais venue malgré tout. » Amusée, je viens lui donner un petit coup d'épaule. « Ça me fait plaisir de te voir. Tu vas bien ? » Un sourire se dessine sur mes lèvres, alors que je rapproche ma boisson de moi.

« C'est ça. La fameuse Tegan. »  « Salut ! Enchantée aussi, et quoi qu’elle t’ait raconté... c’est vrai. » Je la regarde la jeune femme en souriant, plus amusée qu’autre chose. « Même quand elle a dit que tu étais bordélique et que tu avais un humour douteux ? » Je regarde Riley et lui adresse un clin d’oeil malicieux. Après tout, c’est vraiment ce que m’a vendu Riley, mais je suis sûre qu’elle a beaucoup de qualités. Je les laisse s’installer à une table où j’aurai la place de m’incruster un peu plus tard, et retourne servir les clients. Une fois Celeste arrivée, et la commande des deux jeunes femmes prise, je reviens auprès d’elles avec les victuailles. Trois chocolats viennois - la spécialité de la maison - et quelques friandises dont un cookie et un muffin aux myrtilles. « Tu as dit que c'était offert par la maison, c'était un très bon argument. » affirme Riley avant de se raviser à moitié. « Ouais ouais, laisse-moi en douter maintenant… » Je lui adresse un petit regard suspicieux, les yeux plissés, avant de lui sourire. « Ça me fait plaisir de te voir. Tu vas bien ? » Chacune devant notre chocolat viennois, le temps commence un peu à se gâter dehors, même si les températures ne sont pas les mêmes qu’en Europe, entre autre. « Oui ça va, en ce moment c’est un peu la routine, mais c’est pas plus mal, ça a un côté réconfortant, et ça me change de toutes ces années à vagabonder à droite à gauche ! » Je hausse les épaules en souriant. Riley et moi avons vécu toutes les deux ce passage hors Nouvelle Zélande, même si les raisons étaient probablement différentes, et bien entendu, ce que nous avons vécu pendant ce laps de temps aussi. « En tout cas, il est super mignon ce café, je crois que je n’étais pas encore passée par ici, mais j’adore ! Il est à toi ? » demande Tegan, une étincelle de malice dans le regard. Pourtant, je la sens véritablement intéressée par la réponse, ça n’a pas l’air d’être simplement une manière de me brosser dans le sens du poil. « Pas seulement. Je travaille ici depuis cinq ans, et on a racheté le commerce il y a un an avec ma meilleure amie Celeste, qui est derrière le comptoir, et une autre amie. » Je me tourne vers Celeste en prononçant son nom, et reporte mon attention sur la brunette aux yeux de biche. « J’adore cet endroit, c’est un peu ma 2ème maison. » D’ailleurs, j’y suis presque plus souvent que chez moi. « J’ai pas posé beaucoup de questions à Riley, je me suis dit que ce serait plus sympa d’avoir tes réponses sans intermédiaires. Tu fais quoi dans la vie ? » que je lui demande, tout en me penchant vers ma cousine qui se trouve à côté de moi. Je lui dis alors tout bas - mais assez distinctement pour que le messe basse soit entendu aussi par Tegan : « N’hésite pas à sonner le signal d’alarme si elle raconte n’importe quoi… que je sache où est le vrai du faux. » Je ris un peu, et reporte sans tarder mon attention vers Tegan pour avoir la réponse à ma question.

Très vite, dès les présentations, Tegan fait ce que l'on appelle du grand Tegan. Sans même savoir ce que j'ai pu dire à ma cousine à son sujet, elle affirme que tout est vrai et forcément, ça ne tombe pas dans l'oreille d'une sourde : Marley en profite pour évoquer ses quelques défauts que j'ai évoqués dans notre échange de messages. Il est vrai que j'aurais pu vanter bien d'autres choses à son sujet, mais pour ça, il est toujours mieux que ce soit la gérante de café qui se fasse son propre avis. En plus, ce que j'ai pu lui dire, ce n'était en aucun cas dans le but de lui faire peur. Les vêtements de Tegan qui traînent et ses blagues, c'est ce qui fait son charme. « Oups. » Je grimace légèrement en direction de ma meilleure amie. Ça va me causer des problèmes ça. Néanmoins, une fois Marley partie pour finir son travail, je décide de prendre les devants et de demander à Tegan si sa première impression est bonne. Il est certain que ça ne fera pas tout, mais si celle-ci est positive, c'est déjà un bon début. En réponse à ça, la jeune femme ne peut s'empêcher de plaisanter un peu. Je n'aurais donc pas vraiment son avis, même si par chance, chez elle, quand elle fait des blagues de la sorte, c'est généralement bon signe. Les commandes passées, ma cousine s'absente quelques minutes et revient les bras chargés de pleins de bonnes choses. À son retour, je ne peux m'empêcher de la taquiner un peu, avant d'avouer être heureuse de la voir. Pour elle, c'est un peu la routine et cela la change de quand elle bougeait plus, une période où elle n'était plus à Island Bay. C'est quelque chose que je peux comprendre, puisque moi aussi, parfois, j'aimerais bien repartir un peu à l'étranger. Sûrement pour pouvoir m'éloigner un peu de la réalité et qui sait, peut-être que si je suis loin, l'idée que Freya puisse devenir ma belle-sœur me sera moins problématique. Pour se lancer dans la conversation, Tegan compliment le café où elles se trouvent et demande à Marley s'il est à elle. Je ne peux m'empêcher de froncer un peu les sourcils. Est-ce simplement pour se lancer ou a-t-elle oublié de lire l'intégrité des messages que je lui ai envoyés ? Peu importe la réponse à cette question, je ne vais pas lui en tenir rigueur. Passionnée par ce qu'elle fait, la jeune femme lui répond avec un large sourire sur les lèvres. Puis c'est à son tour de l'interroger sur son occupation. Mais avant d'avoir la moindre réponse de la part de Tegan, ma cousine se tourne vers moi et lui demande de signaler si un mensonge est dit. « Si elle commence à se qualifier de cordon bleu, je tirerais la sonnette d'alarme. » Dis-je, amusée. « Mais elle n'a pas de raison de mentir. D'ailleurs, à sa place, je ne le ferais pas. » Un sourire se dessine sur mes lèvres, à destination de ma meilleure amie. Nous nous sommes rencontrées à l'internat et si je n'y étais jamais allée, nos chemins ne se seraient jamais croisés et je manquerais de quelque chose dans ma vie aujourd'hui. Tegan est comme une partie de moi maintenant et je serais un peu vide si elle n'était pas là pour ensoleiller mes journées.

Tegan pose une question en premier, et je me fais une joie d’y répondre, au vue du sujet. J’adore ce café, j’y travaillais avant que Céleste n’y travaille, et c’est ensemble qu’on a acquis cette clientèle, même avant de devenir propriétaires. Il y aurait tant à raconter, mais on n’est pas vraiment là pour parler de moi.  « Waouh, tu m’étonnes. Ça doit être génial de passer tes journées avec ta meilleure amie. Tu ne dois même pas avoir l’impression de travailler. » Je ris un peu tout en hochant la tête. Elle a raison, c’est un vrai avantage, même si c’est aussi un risque, parce qu’on ne sait pas de quoi demain sera fait. Toutes les amitiés ne sont pas éternelles, la nôtre a eu des phases, et aujourd’hui on s’entend à merveille.
A mon tour cette fois de lui poser une question, mais j’en profite pour mettre ma cousine dans le jeu, en lui demandant de jouer les détecteurs de mensonges. Elle est encore la mieux placée pour le faire. Reportant mon regard sur la brunette, je lui offre toute mon attention.  « Disons que je sais faire le minimum pour ne pas mourir de faim.. Et je suis propre, et bien dressée. Et je fais mes nuits aussi. » Je glousse légèrement face à sa description, entre l’affichette d’un chiot à adopter dans un refuge, ou l’annonce d’une mère désespérée à l’idée de trouver une nounou pour son enfant turbulent. Elle se ravise sur la dernière partie de sa phrase en voyant le regard de sa meilleure amie, près de moi. Un animal nocturne, donc.  « Mais par contre, je suis discrète ! Et ça, c’est vrai ! » demande d’affirmation à l’attention de Riley, pendant que je souris, amusée. « C’est l’essentiel. Tu fais bien ce que tu veux de tes nuits, tant que tu ne réveilles pas la maison et le quartier en rentrant. » Après tout, j’ai eu son âge moi aussi, ça remonte à quelques années. Réflexion faite, à son âge j’étais déjà mère depuis deux ans, ça nous fait une vingtaine bien différente.
Enfin vient la question à ma réponse. Elle me parle d’une école, le nom me dit quelque chose, et bien vite elle m’explique ce qu’elle étudie. L’art de la scène, intéressant. D’ailleurs, ça doit se voir sur mon visage, je suis surprise, mais pas dans le mauvais sens su terme. Juste surprise. Sans transition, elle parle de son diplôme de droit. Australien. Là, je tique un peu. Elle était en Australie avant d’arriver ici ? Peut-être qu’on s’est déjà croisées ? Je garde cette question sous le coude, pendant qu’elle enchaîne.  « Ah, et j’anime les anniversaires, les bar mitzvah, et les enterrements de vie de jeune fille. » Je ris à nouveau face à sa répartie, et comprends mieux le rapport avec son choix d’école.  « Par contre, je n’accepte qu’une forme de paiement. » J’arque un sourcil, attendant la fin de sa phrase, alors qu’elle se saisit du muffin que j’avais choisi pour elle.  « Les muffins aux myrtilles ! D’ailleurs, c’est ton super-pouvoir de deviner les pâtisseries préférées des gens ? » Un nouveau rire franchit la barrière de mes lèvres. « Un don oui, on peut appeler ça comme ça. » Etrangement, il ya plus de personnes qu’on croit qui n’aiment pas le chocolat. Alors le muffin à la myrtille est un peu un ‘must-have’, il est difficile de ne pas l’apprécier. Ni trop ni pas assez sucré, un goût de fruit pas trop prononcé mais subtile. Une merveille. « Je prends bonne note en tout cas. Pour le paiement. » Je lui souris et tourne la tête en direction de ma cousine pour m’adresser directement à elle, faisant mine que Tegan n’est pas là. « Pourquoi tu trouves que son humour est douteux ? Je la trouve drôle… »

Naturellement, les deux femmes échangent entre elles. Après tout, c'est un peu pour cela que nous sommes ici, non ? Pour leur première rencontre, je ne suis que l'intermédiaire. Tout est entre leurs mains pour la suite. En grande majeure partie spectatrice de tout cela, j'écoute ce que ma cousine raconte au sujet de son café, puis quand arrive le moment pour Tegan de répondre à certaines questions, je ne peux m'empêcher de froncer légèrement les sourcils à certaines de ses réponses. C'est plus fort que moi, depuis que Marley m'a donné le pouvoir de mettre en évidence les mensonges de ma meilleure amie, je prends un malin plaisir à la mettre sous pression. Bien sûr, vu le sujet abordé, il ne serait question que de petits bobards, des mensonges insignifiants. Nous avons tous des défauts, il faut apprendre à vivre avec et de ce que je connais de Tegan – c'est-à-dire beaucoup de choses, les siens ne devraient pas être gênants pour une cohabitation avec ma cousine. Assise entre les deux femmes, j'ai l'impression que le courant passe plutôt bien entre elles. Il ne s'agit que de banalités et peut-être que je me trompe, mais pour une première impression, j'ai l'impression qu'elle est bonne. En même temps, le jour où quelqu'un n'appréciera pas Tegan, ou même Marley, les poules auront des dents. Je ne suis peut-être pas très objective, c'est vrai, mais je n'y peux rien si ces deux-là font partie intégrante de ma vie. Le dernier sujet en cours terminé, la deuxième Carvalho de cette table se tourne vers moi et m’interroge sur l’humour de ma meilleure amie, que j’ai qualifié de douteux dans l’un de mes messages. « Elle est dans un bon jour là. » Je hausse légèrement les épaules. Il est vrai que pour l’instant, Tegan est restée assez soft. Peut-être qu’elle est un peu timide, c’est la seule option que je vois, même si pour le coup, venant d’elle, c’est un peu étonnant. « Mais il faut se méfier, ce n’est pas toujours le cas. » Mieux vaut prévenir que guérir, non ? Et puis, si un matin, elle lui sort l’une de ces blagues un peu douteuse, Marley ne pourra pas jouer la personne surprise. « C’est aussi une façon de voir les choses. Certains diront que c’est ce qui fait son charme. » Femme qui rit à moitié dans ton lit. Justement ça, c’est le genre de phrase qu’elle pourrait sortir. D’ailleurs, je suis même sûre que cela a déjà fonctionné auprès de certaines de ses prétendantes. Il faut bien de tout pour faire un monde, non ? « Elle se débride peut-être avec le temps. Nous nous connaissons depuis mon année à l’internat, en Australie, alors il n’y a plus vraiment de barrières entre nous. » Elle sait bien que ce n’est plus ça qui mettra fin à notre amitié. Maintenant, tout ce qu’elle peut dire ou faire, ça fait partie de mon quotidien. Je suis même sûre qu’à force de la côtoyer, je suis capable de finir l’une de ces fameuses blagues.

« Elle est dans un bon jour là. » affirme Riley avec discernement, ce qui me fait sourire d’autant plus. On dirait que ces deux là sont vraiment comme chien et chat, je trouve ça mignon. Je fais du ping pong entre les deux têtes brunes, un coup pour entendre les piques de l’une, l’autre coup pour voir le résultat sur le visage de l’autre. C’est un jeu plutôt amusant, d’autant que je ne ressens aucune animosité entre elles, ce n’est que du jeu. « Elle se débride peut-être avec le temps. Nous nous connaissons depuis mon année à l’internat, en Australie, alors il n’y a plus vraiment de barrières entre nous. » J’arque un sourcil sous le sous-entendu. J’ai cru comprendre pendant notre échange de sms qu’elles avaient déjà partagé leur lit avec intimité. Mais ça ne me regarde pas, elles font bien ce qu’elles veulent. « Débrider ? Tu m’as prise pour un cheval ? » Je pouffe de rire et replonge le nez dans mon mug de chocolat, en prenant soin de ne pas me mettre de la chantilly partout. « Finalement, je retire ce que j’ai dit. Il ne faut pas croire tout ce qu’elle raconte. Je crois qu’elle me déteste, en fait. » Je lui offre un joli sourire et secoue la tête. « Mais non, ça va que je connais le côté taquin de ma cousine, et t’en fais pas, j’ai jamais pris ce qu’elle disait pour parole d’Evangile. » Je regarde cette fois Riley et lui donne un petit coup de coude amusé. C’est de bonne guerre.
Tegan me demande la direction des toilettes, et j’acquiesce en la regardant partir, puis disparaître. « Elle me plaît beaucoup. » que je déclare peut-être un peu solennellement avant de tourner le regard en direction de ma cousine. « Elle a l’air vraiment gentille, même si je ne doute pas que son côté maladroit soit pas toujours évident à gérer. Mais je connais ça, j’ai l’habitude. » Je hausse un peu les épaules et grignote mon muffin avant de lui demander. « Ça va, tu vas pas être trop triste de te retrouver seule dans ton lit ? » J’arque à nouveau un sourcil dans une petite moue taquine. Je ne sais pas s’il y a vraiment une histoire entre elles ou si c’est juste comme ça pour s’amuser. Riley avait tendance à dire que c’était plutôt la 2ème solution, mais je préfère en avoir le coeur net, et autant que ce soit avant le retour de la principale concernée.
Une fois de retour, Tegan reprend place autour de la table, et je jette un regard à ma montre. « Je suis désolée, je ne voulais pas être impolie, mais je dois aller chercher mon filleul à l’école. » Je porte mon regard sur Riley en me levant de ma chaise. « Rile’s, je te laisse le soin de donner mon numéro à Tegan. » Et je viens plaquer un baiser tendre sur sa tempe. Je replace ma chaise sous la table et me rapproche de Tegan, posant une main sur son épaule chaleureusement. « Tegan, on se voit bientôt, tu me diras quand tu auras rassemblé tes affaires, et n’hésite pas si tu as besoin d’un coup de main pour tout rapatrier à la maison. » Je lui offre un clin d’oeil entendu, accompagné d’un sourire. Si ce n’est pas une affirmation en bonne et du forme que je l’ai choisie pour cette place de coloc, je ne vois pas comment le formuler autrement. Une fois l’affaire conclue, je quitte mon café pour rejoindre l’école, et en profiter pour serrer ma soeur dans mes bras.

Finalement, en étant ici, à cette place, j’ai l’impression d’avoir les cartes en main. Malheureusement, ce rôle n’a que très peu d’importance aujourd’hui, vu qu’il n’y a pas de gros enjeux. En réalité, je n’ai même aucun intérêt à ruiner ce rendez-vous. Même si l’idée de garder Tegan pour moi me plaît, je ne peux pas la priver d’un nouveau logement – surtout si celui-ci se trouve chez ma cousine, une personne que ma meilleure amie appréciera à coup sûr. Néanmoins, je ne serais pas moi-même si je ne venais pas un peu charrier la brune. Et à ma plus grande joie, cela fonctionne à merveille. Il y a même un peu d’exagération, de son côté comme du mien. Je retrouve ma meilleure amie, celle des grands jours et autant dire qu’elle a bien fait de quitter l’Australie et le droit pour Island Bay et ses cours d’arts dramatiques : c’est une très bonne comédienne. Telle une vraie Drama Queen, elle quitte la table, nous laissant seules avec Marley, pour se rendre aux toilettes. Comme je pouvais m’y attendre, ce que j’ai dit n’a aucunement impacté l’avis positif de ma cuisine à son sujet. « Elle l’est. Généralement, tout le monde l’aime. » C’est quelque chose que je trouve remarquable chez elle. Je crois même que je la jalouse un peu là-dessus. « Elle sait qu’il y aura toujours une place pour elle à la colocation, les soirs où elle en a besoin. En espérant qu’elle ne me rayera pas de sa vie après tout ça. » Je lève les yeux au ciel, avant de les reposer dans ceux de Marley. Ensemble, nous avons surmonté bien plus grave qu’une petite querelle – aussi fausse soit-elle aujourd’hui. Elle était là quand je n’allais pas bien, quand je me suis retrouvée à des centaines de kilomètres de chez moi pour mettre au monde une petite fille que je ne connais pas. Après un petit moment, Tegan fait son retour à notre table, visiblement toujours "fâchée" contre moi. Pourtant, elle va devoir faire des efforts, car avec Marley qui doit s’en aller, elle va de nouveau se retrouver en tête-à-tête avec moi. « Je m’en occupe. » Dis-je, alors qu’elle me charge de donner son numéro à ma meilleure amie. La propriétaire du café dépose un baiser sur ma tempe et offre un geste affectif à Tegan avant de partir pour l’école de son neveu. De nouveau seules, un large sourire se dessine sur mes lèvres. Voir la brune si silencieuse, ça me fait rire. « Donc là, tu ne vas plus du tout m’adresser la parole ? Tu sais qu’on dort dans le même lit. » Elle finira par ouvrir la bouche, je le sais. Ou alors elle poussera le vice loin et ira jusqu’à dormir sur le canapé. « Et dire que j’allais me proposer pour t’aider avec tes affaires. » Je lève légèrement les mains vers le ciel. Quoique.. cette idée ne m’emballe pas tant que ça. Plus on sera à l’aider et plus elle partira vite. « Tu veux autre chose ? Je te l’offre pour me faire pardonner. »