All apologies || Charli

All apologies

Charli || Erik

Alors que les dernières notes de Nirvana résonnent dans l’habitacle, Erik coupe le moteur de la Nissan électrique qu’il vient d'acquérir, garé sur le parking de l’université où Solveig étudie. Les mots du chanteur résonnent dans sa tête. Que peut dire de plus un père absent ces vingt-deux dernières années à sa fille, à part toutes mes excuses ? Il lui a semblé plus judicieux d’aller la rencontrer dans un lieu neutre, plutôt que de lui apprendre de but en blanc qu’il a emménagé la maison juste à côté de la leur avec sa mère. Elle ne tardera pas à s’en rendre compte et il ne compte pas le lui cacher, tout comme ses intentions de renouer avec elle. Il a toujours été un père à chier. Même pas un père du tout d’ailleurs. La vérité c’est qu’il a eu peur de lui-même, peur de transmettre ses propres tares à sa fille, alors c’était plus facile de la confier à sa grand-mère. Il a pris des nouvelles régulièrement, discrètement, questionnant sa mère à chaque fois qu’il l’avait au téléphone. Solveig était heureuse à Stockholm et c’est tout ce qui comptait. Peu importe qu’elle ai un père complètement barge et une mère qui n’avait jamais voulu d’elle, aux côtés de sa grand-mère, elle a eu une chance de vivre une enfance douce et normale. Même sans ses troubles dépressifs qui le plongeaient dans le noir absolu à l’époque où il est devenu père, le scénariste ne sait pas comment il aurait fait pour s’occuper d’un enfant. Chaque semaine dans un pays différent, la fête, la célébrité, elle aurait grandi dans un monde bien trop mauvais pour elle. Lui-même avait apprécié de vivre dans ce monde protégé aux côtés de sa mère, son père ne leur rendant visite qu’une fois par mois tout au plus, lui aussi très pris par son métier d’artiste chorégraphe. Cela n’excuse pas ces cinq dernières années où il l’a laissée habiter avec sa mère et il devra s’en expliquer également. Il est dix-sept heures et selon l’emploi du temps que sa mère Iggy lui a fourni hier, elle devrait sortir de cours d’une minute à l’autre. Cette ambiance universitaire lui rappelle de bons souvenirs de son campus de Berkeley. C’est là qu’elle se matérialise enfin sur les grandes marches. Il ne l’a vue qu’en photos sur son compte Instragram. Elle est bien plus belle et l’émotion bien plus forte qu’il ne l’aurait imaginé. Elle lui ressemble, ça le frappe et le désarme. Il se sent comme un con. Le souffle coupé, il lève le bras dans sa direction.
— Solveig !
Son prénom entre ses lèvres lui semble irréel, mais il est là, il assume. Il ne s’attend même pas à ce qu’elle l’appelle papa. Peut-être même ne va-t-elle pas le reconnaître ?
— Bonjour…
Son ton est gêné et incertain. Bien loin de la belle assurance qu’il affiche sur les plateaux de tournage. Il a l’habitude que son monde tourne autour de lui, mais il a la conviction que si la rousse a bel et bien le caractère de son père, leurs relations devraient être houleuses. Du moins au début seulement il espère.
— On peut… aller boire un verre quelque part ?
Non pas qu’il voudrait inciter sa propre fille à ses penchants pour l’alcool, surtout à une heure pareille de l’après-midi, mais il lui paraît bien plus simple d’apprendre à se connaître dans un lieu neutre où elle aura possibilité de fuir si elle en a envie. Ce qu’il redoute en vérité.