moving on up → noomes

Cependant, elle ne le relâcha pas tout de suite après, venant appuyer son front contre le sien, le temps de reprendre son souffle aussi bien que ses esprits. Du moins, ça, c’était le projet. Mais ce fut à cet instant qu’un coup de sonnette retentit. Et Noomi aurait bien été tentée de ne pas y répondre tout de suite si ça n’avait pas été son téléphone qui s’était mis à sonner ensuite. Sourire malicieux aux lèvres, elle commenta :
« Bon, ils ont au moins eu l’amabilité de nous laisser conclure. »
Petit baiser sur sa tempe avant de partir à la recherche de son téléphone sans prendre la peine de se rhabiller. A l’autre bout de ce fil qui n’existait plus depuis des années, Frank. Il était devant la porte de l’immeuble avec Sarah qui était apparemment malade et, comme souvent dans ces moments-là, préférait rester avec sa mère. Bon, il faudrait donc qu’elle finisse par se rhabiller. Ce qu’elle fit, tout en expliquant la situation à Jimmy avant d’aller appuyer sur l’ouvre-porte.
« C’est Sarah. Elle va même pas pouvoir nous donner un coup d’main, paraît qu’elle est pas bien. »
Le temps d’expédier son ex-mari et elle vérifierait par elle-même.

A quand remontait la dernière fois où Noomi s’était baladée nue dans son appartement ? A pas si loin à vrai dire. Elle ne se posait qu’assez peu la question de si ça allait poser problème ou non. Et ça n’en posait que quand quelqu’un s’invitait à l’improviste comme c’était le cas présentement. Mais si c’était le cas maintenant, ça n’arrivait pas si souvent que ça non plus ; elle n’était sans doute pas la plus douée pour recevoir, pas de thé et petits gâteaux chez elle, même si elle pouvait proposer un café glacé, un soda, un jus de fruits et de l’eau. Puis éventuellement un cookie sorti d’une boîte qu’elle gardait toujours au fond d’un placard pour que Sarah n’y ait pas trop facilement accès avant les repas. Bref, un petit truc imprévu et sans prétention aucune, quoi. Tout ça pour en arriver à la conclusion qu’elle espérait bien que Jimmy en ferait de même : qu’il ne se gênerait pas pour se promener à peine vêtu, voire pas du tout, quand ils seraient seuls. Contrairement à la plupart des gens, la blonde n’était pas une grande fan des débuts de relation où tout le monde est toujours un peu gêné de tout. Enfin, elle aimait bien ça parce que ça n’avait pas que cet inconvénient mais beaucoup d’avantages en contrepartie – comme celui de se sauter dessus à la moindre occasion, par exemple - ; en fait, elle aimait tous les stades d’une relation amoureuse, mais celui qu’elle aimait par-dessus tout, c’était ce moment où la relation datait un peu, et que les deux moitiés ne faisaient plus de chichis, qu’elles se connaissaient suffisamment pour être tout à fait naturelle l’une avec l’autre. Vous l’aurez compris, elle n’était pas la plus romantique d’entre toutes, non. Bien qu’elle estimât que c’était quand même une façon romantique de voir les choses puisque ça revenait à aimer l’autre pour ce qu’il était réellement. Tout ça pour dire qu’elle apprécia le fait que Jimmy ne se rhabilla pas durant l’échange téléphonique. Ça signifiait que si rien ne l’avait exigé, il serait resté ainsi encore un moment et la grecque aurait pu continuer de se rincer l’œil pendant ce temps.

Après avoir raccroché, elle fit donc l’effort de ramasser ses propres vêtements avant de les remettre tout en expliquant la situation à Jimmy. Bien sûr, Noomi était un peu embêtée ; pas qu’on lui refile sa fille alors qu’elle était parvenue à s’en débarrasser parce que tout qui connaissait Noomi savait pertinemment qu’elle ne voyait jamais les choses de cette façon quand ça concernait Sarah, mais embêtée qu’elle ne soit pas dans son assiette. Bien sûr, elle savait qu’elle s’installerait dans le canapé et regarderait des dessins animés en attendant que ça passe mais on ne la referait pas, elle s’inquièterait quand même de ce qu’elle pouvait bien avoir et serait dès lors incapable de se concentrer tout à fait sur autre chose. La blonde pouffa ensuite à sa remarque.
« A force de traîner avec nous, j’suis sûre qu’elle en s’rait capable. »
Quant à savoir si ça serait bon, en revanche… Disons qu’elle ne pourrait jamais être totalement objective sur ce point. Bref, une fois vêtue, elle alla ouvrir la porte d’entrée sur une Sarah toute pâlichonne aux traits fatigués. Fort heureusement, Frank avait eu la bonne idée de ne pas monter puisque de toute manière, elle ne craignait rien dans le bâtiment. Noomi s’empressa dans la prendre dans ses bras, constatant que ce n’était pas du cinoche et qu’elle était effectivement brûlante. Là-dessus, elle proposa de lui préparer un chocolat chaud qu’elle pourrait siroter en traînant sur le canapé si elle le souhaitait mais même ça, ça n’eut pas l’air de requinquer la petite. Qui s’exécuta néanmoins. Préoccupée, elle revint auprès de Jimmy et soupira.
« J’espère qu’c’est rien d’grave, ça s’rait quand même dommage qu’on soit forcés de finir la journée aux urgences. »
Si elle allait peut-être un peu vite en besogne ? Nooon… Bon d’accord, peut-être, mais quand ça concernait Sarah, elle était exactement comme toutes les autres mères – ou comme la plupart en tout cas - : toujours à s’imaginer et à craindre le pire.

Okay, peut-être que s’imaginer déjà dans la salle d’attente des urgences à menacer quelqu’un de leur céder la place parce qu’eux étaient là pour une vraie urgence – quoi qu’ait Sarah, ça serait forcément plus urgent que n’importe quoi d’autre – contrairement aux autres était un peu hâtif mais c’était toujours pareil ; que sa fille soit à l’article de la mort ou qu’elle n’ait qu’un simple refroidissement ne changeait strictement rien à l’inquiétude de Noomi. Ni à sa rapidité à se jouer les pires scénarios possibles dans sa petite tête. Heureusement que Jimmy était là, il parvenait à la rassurer en quelques mots seulement, il avait toujours été bien plus capable qu’elle de garder la tête sur les épaules. Aussi posément qu’à l’accoutumée, il lui demanda si elle savait si Frank avait fait l’effort de lui donner quelque chose susceptible de faire baisser la température de la petite et elle se rendit compte qu’elle avait oublié de se renseigner. Malheureusement, elle ne doutait pas qu’il l’ait fait – Frank s’était révélé bien meilleur père qu’elle ne l’aurait jamais cru – malheureusement parce que ça ne jouait bien évidemment pas en sa défaveur devant le juge. A condition d’avoir ce qu’il fallait sous la main et ça, connaissant son ex-mari, c’était pas dit. C’était pas qu’il n’était pas prévoyant ou quelque chose comme ça mais il ne tombait pratiquement jamais malade alors l’aspirine périmait souvent avant qu’il n’ait l’occasion de s’en servir.
« T’as raison, j’vais lui d’mander. »
A Sarah, elle n’allait quand même pas retéléphoner à son ex-mari pour s’en assurer. Enfin… Elle le ferait s’il le fallait mais si elle pouvait obtenir cette information auprès de sa fille, elle préférait. S’accroupissant pour arriver à sa hauteur, elle discuta quelques instants avec sa blondinette qui avait l’air vraiment mal en point. Elle lui apprit que non, son père ne lui avait rien donné, expliquant qu’il n’avait rien chez lui et que c’était aussi en partie pour cette raison qu’il avait préféré la lui ramener. Bon, elle ne lui en voudrait pas pour ça, elle aussi préférait être la seule à s’occuper de Sarah quand elle n’allait pas bien. Bref, ne perdant pas de temps, elle se dirigea vers la salle de bains et chercha de quoi faire baisser la fièvre dans la pharmacie. Contrairement à Frank, la grecque avait tout ce qu’il fallait à disposition. Et bien plus encore puisque, casse-cou comme elle l’était, il n’était pas rare qu’elle soit contrainte de désinfecter certaines de ses propres plaies. Elle revint et évita donc de le mélanger au chocolat chaud. D’autant que si elle n’en avait vraiment pas envie, elle pourrait le vomir et ça n’aurait alors servi à rien. C’est alors que d’une toute petite voix, elle l’entendit réclamer une chanson à Jimmy. En termes de spectacles réconfortants, Sarah avait le choix, ici et ça n’étonna guère Noomi que ça soit une de ses chansons qu’elle réclame. Le temps qu’il s’empare d’une de ses guitares, elle alla chercher son doudou dans sa chambre et le lui tendit avant de retourner au déballage de cartons de son côté. Le tout sans faire de bruit d’abord qu’elle tenait à ce que la petite puisse se reposer autant que possible mais aussi parce qu’elle n’avait pas non plus envie de se priver de ce petit concert privé.

L’avantage d’avoir des parents musiciens – ou artistes, tout simplement –, c’est qu’ils savaient vous distraire comme personne. Alors dans le cas de Noomi, elle ne savait pas faire grand-chose d’autre, c’est vrai mais hé, il existait des parents qui ne pouvaient même pas en dire autant. Sarah quant à elle, avait donc la chance d’en avoir au moins deux à la maison. D’ailleurs, elle n’avait pas tellement à se plaindre du reste non plus. D’accord, sa mère était une piètre cuisinière, mais ça ne signifiait pas pour autant qu’elle était mal nourrie. Par chance, son grand-père était très doué en cuisine. Okay, encore fallait-il aimer la cuisine grecque, mais y avait quand même pire. La preuve, c’est qu’elle-même avait été nourrie à ça – en partie puisque sa propre mère détestait la cuisine grecque et ne jurait que par tout ce qui était cajun ou même français -, et elle ne s’en portait pas plus mal. Puis pour ce qui était du reste, Noomi faisait de son mieux. Et quand ça ne suffisait pas, elle pouvait toujours compter sur son Jimmy. Mine de rien, les deux se complétaient plutôt bien. Et les deux faisaient d’excellents parents. Quand bien même ça ne soit la vocation première d’aucun des deux.

Ç’aurait pu, pourtant. En ce qui concernait Jimmy, tout du moins, parce que dans le cas de la blonde, rien n’était moins sûre. Même si elle s’était trouvé quelqu’un dont ç’aurait été le souhait avant de tomber sur Frank, elle n’en aurait sans doute pas eu envie non plus. Plutôt envie de continuer de profiter à fond de sa jeunesse. Mais Jimmy aurait sans doute pu, lui ; ils formaient un couple solide et des plus raisonnables avec Amelia. En fin de compte, elle avait été plus surprise de lui apprendre que c’était elle qui était enceinte au lieu de s’entendre dire que c’était Amelia qui l’était. Surtout qu’elle était encore jeune à l’époque. Vingt-cinq ans. Plus tellement un bébé mais pas du tout une adulte non plus. Dix ans plus tard, on pouvait toujours pas dire que ça lui avait mis beaucoup plus de plomb dans la cervelle. Mais elle avait quand même un peu mûri. Un tout petit peu. Comme le prouvait sûrement cette manière qu’elle avait de s’inquiéter au moindre petit problème. Alors que tout ce dont sa fille avait besoin, c’était d’une bonne couverture, d’une chanson et de repos. Une chanson que Jimmy prit le temps d’inventer. Voire même de composer parce que la mélodie ne lui disait rien. Il avait ce don de faire naître la musique en si peu de temps. Alors okay, c’était pas non plus la cinquième symphonie de Beethoven, mais ça faisait parfaitement l’affaire.

Noomi sourit aux paroles. Simples mais mignonnes. Et le mieux dans tout ça, c’est qu’elles parvinrent sans effort à apaiser Sarah qui finit par fermer les yeux. Voilà qu’elle était un peu plus tranquille. Momentanément en tout cas parce qu’elle ne pourrait pas s’empêcher d’aller poser la main sur le front ou sur les temps de sa fille toutes les dix minutes, ainsi que de vérifier qu’elle respirait toujours bien, un réflexe acquis au cours des tous premiers jours de bébé Sarah et qui ne l’avait jamais quittée depuis. Et ça, c’était pas vraiment ce qu’on appelait être tranquille, mais c’était en revanche ce qu’on appelait être une mère. Ayant terminé de vider et de ranger un carton – sans prendre la peine de montrer à Jimmy ce qu’elle avait fait de ses affaires, parce que ça lui était un peu sorti de la tête, mais il était chez lui maintenant et s’il le voulait, il pourrait tout déplacer pour tout ranger ailleurs par après -, la grecque s’empara de l’assiette de cookies de l’autre chaudasse et la déposa sur la table du salon avant d’en prendre un. De croquer dedans et de manquer de perdre une dent.
« La vache, qu’est-ce que c’est sec quand même. »
Pas de quoi pavaner, vraiment.