maybe it's not a coincidence // riley #2

maybe it's not a coincidence
crédit/ tumblr ✶ riley #2

Cette sensation d'étouffement que je peux ressentir au quotidien n'est pas nouvelle. En y réfléchissant bien, je crois d'ailleurs qu'elle a toujours été là quelque part, enfouie au plus profond de moi-même. Mais depuis quelques mois, elle est devenue beaucoup plus réelle encore. Depuis la demande en mariage inattendue d'Elio pour être tout à fait exact. Ou l'art de fuir en se réfugiant dans son travail. Nouveau concept que je maitrise désormais à la perfection. S'il y a besoin de quelqu'un pour faire des vols supplémentaires, je me porte évidemment volontaire. C'est toujours mieux de s'envoler dans les nuages ou trainer dans les aéroports que d'avoir à confronter son petit ami. C'est encore pire depuis ce fameux repas de famille. Et Riley n'y est vraisemblablement pas pour rien. Nous nous ne sommes pas revues depuis la dernière fois, et même si c'est sans doute mieux comme ça, une force extérieure me pousse inlassablement à penser à elle. Encore et encore. Avec le recul, peut-être qu'il serait nécessaire d'avoir une réelle conversation toutes les deux. Seule à seule, à l'abri des regards du reste de la famille. Nous n'avons pas eu l'occasion de se parler en profondeur. Mais ce n'est pas pour autant que je ne me suis pas renseignée à son sujet. Disons que j'ai peut-être posé discrètement quelques questions anodines à son frère histoire d'en savoir plus sur elle. C'est comme ça que j'ai appris qu'elle travaillait au musée d'Island Bay. D'où l'idée de vouloir profiter de mon jour de repos pour une petite visite improvisée. Après tout, je n'ai jamais eu l'opportunité d'y aller jusqu'à maintenant alors pourquoi pas ? Je ne sais même pas si elle sera là, et pourtant, je l'espère secrètement. Savoir que nous vivons toutes les deux dans la même ville est une tentation beaucoup trop grande à mes yeux. Je sais que je ne devrais pas forcer le destin mais je ne peux définitivement pas m'enlever cette idée de la tête. J'ai juste... besoin de la voir. Par chance, après quelques minutes sur place à vagabonder dans les allées, je croise finalement son regard. « Riley ? » Je fais mine d'être surprise, comme si le fait de la croiser ici était simplement dû au hasard. Et entre nous, c'est tout à fait crédible. La jeune femme n'a pas besoin de savoir que je suis venue là spécialement pour elle. Les musées ne sont définitivement pas mon truc. « Je ne savais pas que tu travaillais ici... » Ajoutais-je dans un petit sourire naturel pour appuyer mon mensonge. « Ça fait longtemps ? » Je regrette très vite d'avoir posé une question aussi banale. Et en même temps, comment pourrais-je commencer autrement ? Lui demander si elle va bien ? Non, ça serait encore pire. Et ce n'est pas comme si je pouvais lui proposer de parler de but en blanc comme ça sur son lieu de travail.

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crédit/ tumblr ✶ freya

En dehors de la colocation, le musée est l’endroit où je me sens vraiment chez moi. À Island Bay au moins. Car aussi bizarre que cela puisse paraître, j’ai beau avoir grandi ici, il y a plein d’endroit sur Terre où je me sens plus à l’aise. Sûrement à cause de ma famille, de la manière dont ils ont mis Elio en avant et de comment ils ont géré le fait que j’étais enceinte. Finalement, je ne me suis jamais vraiment sentie à ma place chez moi et c’est sûrement pour cela que je repousse encore et encore le moment où je leur dirais la vérité. Pourtant, avec la bêtise que j’ai pu dire au dernier repas que nous avons partagé – ce mensonge dans lequel je me suis lancée, ce n’est plus qu’une question de jours ou de semaines avant que la vérité n’explose. J’appréhende un peu. La réaction de mes parents, celle d’Elio et étrangement, celle de Freya aussi. Si j’ai dit avoir quelqu’un dans ma vie ce jour-là, c’est à cause d’elle. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais j’espérais voir une certaine jalousie dans ses yeux. En parlant de la jeune femme, je crois que je pense un peu trop à elle, car voilà que maintenant, je l’imagine face à moi, même sur mon lieu de travail. En réalité, ce n’est pas mon imagination et je le comprends au moment où elle prononce mon prénom. « Freya ? Qu’est-ce que tu fais là ? » Je ne peux m’empêcher de paniquer à l’idée de l’avoir face à moi. Pourtant, comme je travaille dans un lieu public, j'aurais dû me douter qu'une telle chose pourrait arriver. Là, tout de suite, je me demande si son fiancé va arriver derrière elle, alors naturellement, je jette quelques coups d'œil par-dessus son épaule. De nous deux, je semble la seule inquiète à l'idée qu'il nous revoit ensemble, sûrement parce qu'il n'est pas là. « Depuis que je suis rentrée. Plus ou moins. » Avant ça, j'ai dû m'installer en ville, me trouver une colocation et passer des entretiens. Mais après ça, ayant les compétences nécessaires, je n'ai pas tardé à me faire embaucher. Une chance pour moi, car je ne me voyais pas travailler dans un autre endroit que celui-ci. « Il y a un an. » Il est important de préciser, parce que c'est un élément que la blonde n'a pas. Nous nous sommes quittées à Barcelone et elle ignorait que c'était pour que je revienne à Island Bay. Elle l'aurait pu l'apprendre au repas de famille, c'est vrai, mais mon arrivée en ville ne faisait pas partie de nos priorités. « Est-ce que tu as besoin d'un renseignement ? » Au sujet du musée et de ce qu'il y a dans les pièces. Je ne dois pas oublier que je suis au boulot et que je dois rester professionnelle. Ma réputation n'est plus à faire, mais je ne suis pas à l'abri de voir l'un de mes supérieurs se balader au travers des expositions.

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Je suis là, et il est maintenant trop tard pour faire machine arrière. D'ailleurs, je ne suis pas sûre d'en avoir vraiment envie. Si je suis venue ici, ce n'est pas pour rien. Depuis nos retrouvailles mouvementées, je me surprends à penser beaucoup trop à elle. Ce n'est peut-être pas raisonnable de venir la voir comme ça, encore moins de lui parler, mais c'est plus fort que moi. C'est quelque chose que je ne peux pas réellement contrôler. Comme les palpitations qui électrisent mon cœur à l'instant où je croise son regard. Avant elle, je n'avais jamais ressenti quelque chose d'aussi fort. Même après elle d'ailleurs - c'est peut-être là le vrai problème. « Freya ? Qu’est-ce que tu fais là ? » Je la sens surprise, sans doute un peu troublée aussi. Je ne sais pas si c'est à cause de moi, d'Elio ou si c'est un mélange des deux. J'aimerais penser que ma présence ne la laisse pas totalement indifférente... « Depuis que je suis rentrée. Plus ou moins. » En réalité, je n'ai pas encore toutes les informations à son sujet. Je ne sais pas depuis combien de temps elle est revenue sur Island Bay. Dans ma tête, j'étais restée sur ses nombreux voyages à travers le monde. C'est en tout cas ce qu'elle avait évoqué la dernière fois à l'aéroport. « Il y a un an. » Juste après l'épisode de Barcelone alors, si je comprends bien. Je ne savais pas qu'elle était sur le point de rentrer quand nous nous sommes quittées. En même temps, nous n'avons pas vraiment eu le temps d'en parler au petit déjeuner. Quand je me suis réveillée, Riley n'était déjà plus là. Et je n'ai pas mis longtemps à comprendre pourquoi. La jeune femme avait surpris un message d'Elio sur mon téléphone... enfin, à l'époque, elle ne savait évidemment pas que c'était Elio sous le numéro de mon petit ami. « Ah d'accord. » Je ne peux m'empêcher d'imaginer ce qui aurait pu se passer si les choses avaient été différentes. Est-ce que cette nuit-là aurait pu tout changer ? Au plus profond de moi-même, quelque chose me dit que je connais déjà la réponse. « Est-ce que tu as besoin d'un renseignement ? » Pour être complètement honnête, là, tout de suite, je me fous un peu de l'histoire d'Island Bay ou de quoi que ce soit d'autre. Tout ce qui m'importe, c'est elle. Uniquement elle. Mais je ne peux pas me permettre de griller ma couverture aussi facilement. « Je viens juste d'arriver, alors je n'ai pas encore pu faire le tour de tout ce qu'il y a à voir. » Je souris dans un petit haussement d'épaules innocent. « Je sais pas trop si c'est possible mais tu pourrais peut-être me faire visiter ? » Je ne sais pas exactement si c'est son rôle de faire ça, ou bien si elle a d'autres tâches prévues dans son planning... mais qui ne tente rien n'a rien comme on dit. « Enfin si ça ne te dérange pas bien sûr. » C'est un moyen comme un autre d'essayer de briser la glace. Peut-être que nous pourrions en profiter pour parler un peu toutes les deux.

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crédit/ tumblr ✶ freya

De tous les endroits en ville, le musée est sûrement le dernier où je pensais croiser Freya. C'était sûrement un peu bête de ma part de penser ça, car elle a tout d'une femme cultivée. En réalité, je pensais, ou plutôt j'espérais, que lors de ses jours de congés, elle irait dans des lieux un peu plus détente. Ou bien même qu'elle souhaiterait passer ce temps libre avec Elio, juste pour être avec lui ou alors pour commencer à prévoir leur mariage. Mais je me suis trompée sur toute la ligne et me voilà maintenant face à elle, sans être préparée. Je ne sais pas vraiment quoi dire ou quoi faire, alors subtilement, j'essaye de mettre fin à cette conversation au plus vite. Cependant, ça, c'était sans compter sur la détermination inverse de Freya. La jeune femme est en ville depuis peu, alors il lui reste encore beaucoup de choses à découvrir : c'est vrai ça, il y a plein d'endroits à voir à Island Bay ou même à Wellington. Un détail qui rend sa visite ici encore plus incompréhensible. Comment le hasard a-t-il pu se jouer de moi de la sorte ? Si je pensais qu'avoir la blonde face à moi était une mauvaise chose, je ne suis pas au bout de mes surprises. Elle désire découvrir des choses au sujet de la ville, mais pour cela, elle me demande si je peux lui faire faire un tour du musée. Naturellement, je soupire un peu. « Eliz.. » Ce prénom sort naturellement de mes lèvres, avant que je ne me reprenne. « Ce n'est pas une bonne idée Freya. » Je suis étonnée de devoir lui dire. S'il n'y avait pas eu Elio ou un quelconque fiancé, alors peut-être. Mais là.. ce n'est pas raisonnable. « On ne devrait pas se retrouver seules. On ne devrait plus.. » La dernière fois – ou plutôt l'avant dernière fois, ça ne s'est pas passé comme prévu. Même si c'était une nuit agréable, cette dernière a causé pas mal de problèmes et maintenant, il est sûrement mieux que nous restions loin l'une de l'autre. Mon frère et mes parents ne doivent pas se douter qu'il s'est passé quelque chose entre nous. Néanmoins, petit à petit, je réalise que lui dire cela laisse entrevoir que si je devais me retrouver avec elle, seule, je risquerais de faire une bêtise. « Je peux demander à l'un de mes collègues de t'accompagner si tu veux. » Elle est là pour ça, ce serait dommage qu'elle passe à côté d'une visite à cause de moi. Surtout que faire des visites privées, ce n'est pas dans mes habitudes. J'ai plutôt tendance à les faire avec un groupe assez conséquent en termes de personnes. Néanmoins, pour Freya, je serais capable de tout et c'est cela qui va finir par me causer des problèmes. Tegan était censée m'arrêter en cas de nouvelle réunion familiale, mais comment est-ce qu'on aurait pu prévoir que la blonde se pointerait à mon boulot ? Est-ce que je dois partir au plus vite ? Ce serait sûrement bien, mais je doute que mes supérieurs soient ravies de me voir quitter mon poste sans raison valable.

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C'était sans doute déplacé de ma part de venir jusqu'ici pour la voir... et en même temps, c'était la seule solution possible. L'idée de l'inviter à la maison aurait pu être tentante, mais avec Elio dans les parages, ce n'était pas vraiment envisageable. Ou alors faire comme si l'invitation venait de son frère ? Non, trop compliqué, surtout que leur relation n'est pas réellement la meilleure qui soit. J'aurais pu me pointer chez elle la bouche en cœur, mais je ne sais pas où elle habite. C'est une information que je n'ai pas encore réussi à avoir. Le musée était donc mon unique option. Maintenant que je suis là, c'est peut-être encore plus déplacé de lui demander une visite privée. Mais entre nous, je ne suis pas venue là pour admirer les objets ou les peintures. Je suis venue là pour elle. Pour la voir, lui parler... la retrouver. « Ce n'est pas une bonne idée Freya. » Au vu de notre dernière discussion seule à seule - dans la cuisine de ses parents - je me doutais un peu de sa réponse. Si elle pouvait plus jamais me voir, je crois que ça l'arrangerait. De mon côté, c'est un peu plus compliqué que ça. « On ne devrait pas se retrouver seules. On ne devrait plus.. » Je n'arrive pas à être aussi catégorique qu'elle sur le sujet. Et pourtant, dans le fond, je sais qu'elle a raison. La revoir la dernière fois à Barcelone a chamboulé pas mal de choses en moi. Et un an après, je crois que les effets sont toujours là. Tout ce que j'avais voulu enfouir au plus profond de moi est revenu brusquement à la surface. Riley a toujours été ma faiblesse, ma kryptonite à moi. « Je peux demander à l'un de mes collègues de t'accompagner si tu veux. » Je secoue instinctivement la tête à la négative. « Non, ce ne sera pas nécessaire. » Que je soupire d'entre mes lèvres. Si je veux pouvoir parler un peu avec elle, je n'ai pas d'autres choix que d'employer les grands moyens. « Alors c'est ça le plan, on va vraiment arrêter de se voir ? » Enfin 'arrêter' est un grand mot puisqu'on ne peut pas vraiment dire que nous nous voyons réellement. Mais faire comme si elle n'avait jamais existé était beaucoup plus facile avant. Maintenant que nous vivons toutes les deux dans la même ville - et accessoirement que nous sommes liées par son frère -  les choses sont un peu différentes. « Je ne sais pas si c'est ce dont j'ai envie... » Mon regard essaye de percer le sien, même si je la sens toujours sur la défensive. Je m'aventure probablement sur une pente dangereuse en lui disant une chose pareille, et en même temps, je ne peux pas lui mentir. « Et je suis sûre qu'Elio adorerait que sa fiancée et sa soeur soient amies. » Je ne sais pas ce qui me prend de dire ça. C'est encore plus étrange pour moi d'employer le terme 'fiancée' alors que je ne me considère même pas comme telle... mais je suis un peu prise au dépourvu. En réalité, je ne sais pas trop quoi faire pour que Riley réussisse à tolérer ma présence dans sa vie. Parce qu'au final, il n'y a que ça qui puisse réellement compter à mes yeux.

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crédit/ tumblr ✶ freya

Avoir Freya face à moi ne me met pas dans la meilleure des positions. Il y a encore quelques semaines, ça ne m’aurait pas dérangé, mais maintenant que je sais qu’elle est la fiancée de mon frère, ça change beaucoup de choses. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais elle a toujours été différentes des autres. C’est sûrement pour cela qu’à Barcelone, tout s’est fait si naturellement entre nous. Cependant, ce naturel doit disparaître et si ce n’est pas facile, alors nous devons forcer un peu les choses et faire en sorte que ça fonctionne. Pour ça, je ne vois rien de mieux qu’un peu de distance entre nous. Un principe qui va à l’encontre de ce qu’elle me demande. Par chance, je ne suis pas la seule au musée et je lui propose de trouver quelqu’un d’autre pour me remplacer. Une solution qu’elle refuse, alors naturellement, je fronce légèrement les sourcils. C’est à se demander si elle est vraiment là pour ça. J’aurais peut-être une réponse à ce sujet plus tard. Ou même maintenant ? En quoi arrêter de nous voir serait compliqué ? Nous l’avons bien fait pendant des années et ça ne nous a pas posé plus de problèmes que ça. Même s’il est vrai que maintenant, il y a le fait que nous habitons dans la même ville. La phrase de la blonde est visiblement prononcée un peu fort puisque des personnes se retournent vers nous. Ne voulant pas me faire remarquer sur mon lieu de travail, j’attrape la jeune femme par le bras et l’invite à me suivre un peu plus loin, là où il y a moins de monde. Sans que j'ai le temps de répondre à sa première question, Freya enchaîne. Visiblement, elle ne sait pas si elle a envie de ne plus me voir. Comment est-ce que je dois le prendre exactement ? Bien parce qu'elle n'a pas la réponse ou mal parce qu'elle s'est posée la question ? D'après elle, Elio serait sûrement content de savoir que sa fiancée et sa sœur s'entendent. Mais cela m'importe peu, ce que penser ou vouloir mon frère, je m'en fiche. « C'est ce que tu veux ? Que l'on soit amies ? » C'est plutôt à ce genre de détails que l'on devrait s'arrêter, à ce que nous voulons vraiment. Enfin ça, c'est ce qu'il faudrait faire, mais la réalité est bien plus compliquée. Si je décide de mettre mes envies en premier plan, alors je risque de briser ma famille. « Il t'aime, ça se voit. Alors c'est peut-être mieux que l'on arrête de se voir. » Je grimace légèrement et viens pincer l'une de mes lèvres entre mes dents. Ce n'est sûrement pas l'homme parfait – ce n'est pas le frère idéal en tout cas, mais je ne suis pas certaine de vouloir lui souhaiter tout le malheur du monde pour autant. « Après ce qu'il s'est passé, je ne peux pas être ton amie Freya. » Mon regard plongé dans le sien, j'essaye de comprendre ce qu'elle veut vraiment. « Je n'en ai pas envie. » Je ne devrais sûrement pas lui dire tout cela, mais c'est plus fort que moi. Peut-être que si je suis honnête avec elle, alors elle le sera avec moi.

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Je suis comme tiraillée entre deux eaux. D'un côté, c'est une certitude : j'ai envie de la voir. Si je suis là, ce n'est justement pas pour rien. Mais de l'autre, je sais aussi que ce n'est pas une bonne idée. La revoir à ce repas de famille a ravivé des sentiments en moi que je suis incapable de contrôler. Le problème, c'est que je n'ai pas le droit de ressentir ces choses-là. Je n'avais déjà pas le droit à l'époque de l'internat, et je n'ai encore moins le droit maintenant. Pourtant, à Barcelone, j'ai flanché. Et même si j'ai tenté de me persuader pendant longtemps que c'était une erreur, un moment d'égarement qui n'avait aucune importance, il n'est pas difficile de comprendre que la vérité est toute autre. Mais il y a Elio. Il y avait déjà Elio dans le tableau il y a un an, mais que ce soit son frère est encore pire. Elle ne veut plus me voir, du moins elle ne veut plus que nous nous retrouvions seules toutes les deux. Je ne sais pas exactement ce que cela signifie... mais je suis sûre d'une chose : ce n'est pas ce que j'ai envie. J'essaye de lui faire comprendre, un peu maladroitement sans doute. « C'est ce que tu veux ? Que l'on soit amies ? » Le terme 'amies' est mal approprié. En réalité, je n'ai pas réfléchi en lui disant cela. C'est juste que... je sais pas, j'ai besoin de me raccrocher à un semblant de quelque chose. Je ne réponds volontairement pas à sa question, peut-être parce que je sais au fond de moi que ce n'est pas ce que je souhaite réellement. « Il t'aime, ça se voit. Alors c'est peut-être mieux que l'on arrête de se voir. » Est-ce qu'elle est juste en train de réciter ce qu'il faut qu'elle dise, ou le pense-t-elle vraiment ? Ce que j'ai envie de savoir, c'est ce qu'elle pense réellement au fond d'elle-même. Pas ce qu'elle se force à dire pour faire bonne figure, ou par rapport à son frère. Il n'y a qu'elle et moi ici dans ce musée - si on oublie les autres visiteurs et le reste du personnel. Ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a personne, notamment Elio, qui puise l'entendre. Elle n'a donc pas à faire semblant. Je sais que je ne suis pas la mieux placée pour dire ça, mais mon premier pas vers elle est quand même plus ou moins révélateur. « Après ce qu'il s'est passé, je ne peux pas être ton amie Freya. Je n'en ai pas envie. » Mon coeur manque un battement alors que je fuis inconsciemment son regard. « Je comprends. » Peut-être parce que nous ressentons exactement la même chose toutes les deux ? « Je... je ne sais pas ce que je veux exactement Riley. » Je suis juste complètement perdue. « En réalité, après Barcelone, je ne m'attendais pas vraiment à te revoir. » Si nous nous étions quittées pour ne plus jamais se revoir, les choses auraient sans doute été plus simples. « Quand je me suis réveillée sans toi ce matin-là, j'ai compris que c'était une erreur. Je n'aurais pas dû céder à la tentation... que ce soit par rapport à toi ou par rapport à Elio. » Elle a compris que j'étais en couple à cause du message, et elle est partie. Je ne lui en veux pas, à sa place, j'aurais très certainement réagi de la même façon. « Tu as raison, je suis avec ton frère, et nous devrions peut-être arrêter de nous voir. » Je relève un peu la tête pour plonger mon regard dans le sien. « Mais la vérité c'est que... je n'arrête pas de penser à toi depuis la dernière fois. » Là, je suis vraiment sincère. Je crois que je n'ai même jamais été aussi sincère de toute ma vie. « Je suis venue ici juste parce que j'avais envie de te voir. »

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Lui faire une visite privée du musée, être amie avec elle, ce sont des choses qui sont au-dessus de mes forces. Avant ce repas de famille, cela aurait sûrement été différente, mais depuis ce jour, je sais qu'elle partage la vie de mon frère et je ne peux bonnement plus rien faire. Même si elle comprend, ça semble difficile pour Freya d'entendre ce que j'ai à dire. Au début, j'ai dû mal à comprendre pourquoi, mais quand elle m'avoue ne pas savoir ce qu'elle veut exactement, les choses s'éclaircissent un peu pour moi. Elle ne s'attendait pas à me revoir, après Barcelone, et l'inverse est tout aussi vrai. En réalité, je ne pensais même pas que je la reverrais après le baiser que nous avons échangé à l'internat. Pour être honnête, c'est peut-être ce qui a fait que cette nuit en Europe est arrivée : c'était inespéré et censé être unique, des retrouvailles et un adieu en même temps. Lorsque Freya prononce le mot "erreur", ça pique un peu. Même si c'était prévisible et que je ne peux pas vraiment la contredire, ça reste dur à entendre. La raison finit par gagner la jeune femme, qui approuve la proposition que je lui ai faite un peu plus tôt. Pourtant, lorsqu'elle relève son visage vers moi et qu'elle croise mon regard, les choses semblent rapidement changer. Bien qu'agréables à entendre, les mots que la blonde prononcent sont difficiles à accepter : elle n'arrête pas de penser à moi. J'ai l'impression de perdre le contrôle, c'est d'ailleurs sûrement pour cela que mon cœur rate un battement. Je ne suis habituellement pas faible, mais là, c'est toute autre chose. J'essaye de me convaincre que je devrais partir et laisser Freya là, mais je suis bloquée, face à celle qui a bizarrement toujours compté plus que les autres. « Comment tu as su que je travaillais ici ? » Ma phrase n’est pas un reproche, mais si mes souvenirs sont bons, je ne lui ai rien dit à ce sujet. « Je n’arrive pas à comprendre ce que tu fais avec lui. » Elio a toujours été exécrable avec moi, mais peut-être qu’il agit différent avec Freya. Je l’espère. Les mots qui sortent de mes lèvres n’ont plus vraiment de sens les uns avec les autres. À un moment, ils cherchent juste à avoir une conversation classique, sans malentendus avec une vieille connaissance. De l’autre, ils essayent d’avoir des réponses à toutes les questions que je peux me poser à ce moment précis. Déjà mises de côté, grâce à moi, nous nous retrouvons encore plus seules lorsque les quelques visiteurs qui restaient quittent la pièce pour aller dans celle d’à côté. « On va se retrouver piégées Freya. » Entre la raison et l’envie. Car même si j’essaye de la détester pour ce qu’elle a fait, à mon frère et indirectement à moi, c’est difficile de lui tenir tête. Ce serait mentir de dire que je n’ai pas pensé à elle depuis la dernière fois, qu’elle n’est pas venue hanter certaines de mes nuits et que là, je n’ai pas envie de venir effleurer sa peau de mes doigts. Tout ceci, ce sont des preuves que la blonde est mon point faible, mais je dois résister et montrer que je suis capable de rester sur mes positions. Ou peut-être que je peux baisser ma garde et reprendre mes convictions demain ? Oui, c’est déjà bien. Mise sur pilotage automatique, ma main se lève légèrement jusqu’à la sienne. Mais au moment où ma peau rencontre la sienne, je comprends que c’était une erreur.

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Je viens de lui ouvrir mon coeur, de lui dire ce que je n'avais pas pu réussi à lui dire lors de ce repas de famille. C'est étrange, mais je me sens comme libérée d'un poids. Elle me manque, et c'est vrai que je n'ai pas arrêté de penser à elle depuis. Je ne devrais sans doute pas lui dire tout ça, mais je n'arrive plus à lui mentir. « Comment tu as su que je travaillais ici ? » Je hausse les épaules comme si ce détail n'avait pas vraiment d'importance. « C'est Elio qui me l'a dit. » Ou plus exactement c'est moi qui lui ai soutiré l'information. Mais est-ce que cela fait une grande différence ? L'important n'est pas de savoir comment je l'ai su, mais que je sois là, justement. Et maintenant elle le sait : je suis venue ici pour elle. « Je n’arrive pas à comprendre ce que tu fais avec lui. » Je secoue la tête dans un réflexe. Personnellement, je n'ai rien à lui reprocher. Depuis que nous nous sommes rencontrés, son frère a été exemplaire avec moi, ou presque. Mais à côté de moi et de ce que je lui ai fait, ses maladresses ne comptent pas vraiment. De l'extérieur, nous formons même un couple qu'on pourrait qualifier de 'couple idéal'. Le coup de foudre comme on peut le voir dans les films. En tout cas, j'ai cru comprendre qu'il ne faisait pas l'unanimité dans le coeur de sa soeur. Je suppose que les relations sont différentes, qu'Elio n'est certainement pas le même avec ses proches qu'il peut l'être avec moi. « Je sais qu'il n'est pas parfait, mais je suis loin de l'être non plus. » Finalement, c'est peut-être moi qui ne le mérite pas. « Malgré tout, je crois qu'il me rend heureuse. Enfin... » Presque. Je fuis son regard, comme je suis justement en train de fuir la vérité. Dans le fond, je ne suis pas entièrement convaincue d'être heureuse. Il y a toujours cette partie de moi qui ne peut s'empêcher de douter. Si je l'étais vraiment, je ne serais certainement pas là aujourd'hui. Et je ne me poserais pas de questions quant à sa demande en mariage. Peut-être suis-je inconsciemment en train de me voiler la face ? « On va se retrouver piégées Freya. » Je suis consciente du risque. Venir la voir ici, c'est un peu comme jouer avec le feu. Parce que me retrouver seule avec elle est dangereux... nous en avons déjà fait les frais. Et en même temps, d'un autre côté, la tentation est bien trop forte pour ne pas y succomber. Comme un signe du destin, c'est à ce moment-là que les visiteurs décident de quitter la pièce nous laissant désormais seules toutes les deux. Je retrouve inconsciemment cette envie sous-jacente que j'ai pu ressentir lorsque nous nous sommes retrouvées en Europe, cette même envie qui me pousse inlassablement à vouloir être proche d'elle. Un regard suffit pour que la raison ne devienne plus qu'une lointaine illusion. Et lorsque je sens sa main frôler la mienne, je perds définitivement le contrôle. Je réduis la distance qui nous sépare, rapprochant mon visage du sien, juste assez près pour pouvoir sentir son souffle caresser ma peau. Je suis à deux doigts - ou plutôt à quelques centimètres - de faire une bêtise. Mais nous sommes sur son lieu de travail, et il ne faudrait pas que je craque... encore. « Tu sens toujours aussi bon. » Que je souffle dans le creux de son oreille. Je n'ai jamais pu oublier l'odeur de sa peau et de son parfum qui s'étaient imprégnés sur mon corps tout entier. Je finis par reprendre un peu mes distances, bien malgré moi. « A quelle heure tu termines le travail ? » Ce serait peut-être plus raisonnable de se voir à l'extérieur. Prendre l'air, ça ne pourrait pas me faire de mal. « Si tu veux, je peux t'attendre. Et on pourrait aller boire un verre ensemble. » Ce n'est sans doute pas une bonne idée... mais je crois que je ne suis plus à ça près.

maybe it's not a coincidence
crédit/ tumblr ✶ freya

Voir Freya ici est surprenant, mais pas seulement, c'est aussi déstabilisant. Ici, je pensais être chez moi : un endroit où je peux faire et être qui je veux – dans les limites de mon boulot bien sûr. Mais là, avec la jeune femme face à moi, qui me dit tout cela, je perds le peu de l'assurance que j'avais. Si elle est venue jusqu'ici, c'est parce qu'Elio lui a dit où je travaillais. Tiens, il sait se rendre utile parfois. Et au moins, ça veut dire que malgré les questions de sa fiancée, il ne s'en est pas posé sur la relation que nous pouvions entretenir. Il faut croire que nous avons été plutôt douées pour faire comme si nous ne nous connaissions pas auprès de ma famille. Étant toutes les deux sur un élan d'honnêteté – mentir n'a jamais été notre point fort, je me risque à lui demander pourquoi elle est avec lui. Elio n'est pas parfait, mais Freya ne l'est sûrement pas non plus. Est-ce que ça justifie vraiment le fait qu'elle soit encore avec lui ? J'en doute, mais je ne suis pas très objective. Surtout pour moi, elle est beaucoup mieux – comme ça n'a jamais vraiment été l'amour fou entre mon frère et moi, ça ne doit pas aider pour le défendre. Même s'il n'est pas parfait, il semble la rendre heureuse et c'est bien ça le principal. Mais dans ce cas, je ne devrais peut-être pas chercher à m’immiscer entre eux. Je ne veux dire, ils s’en sortaient très bien sans moi, ça pourrait très bien continuer comme ça. Néanmoins, c’est plus fort que moi. Rapidement, je me retrouve attirée par la blonde et quand la jeune femme fait la même chose de son côté, nous rapprochant plus que nécessaire, je perds mes moyens. À ce rythme, il va falloir me ramasser à la petite cuillère. Si proche d’elle, je n’aurais eu aucun mal à l’embrasser, ce n’est d’ailleurs pas l’envie qui manquait, mais il faut croire que certaines raisons nous poussent à rester un minimum sérieuses. Elle vient souffler quelques mots à mon oreille, provoquant un frisson dans tout mon corps. Le geste et ses mots ? Je crois défaillir. Rapidement – peut-être trop, la jeune femme reprend une certaine distance. « Freya.. » Dis-je, alors qu’elle me demande quand je termine mon travail. Je ne suis pas bête, je comprends rapidement où elle veut en venir – avant même qu’elle ne propose qu’on se retrouve. Ce n’est pas une bonne idée, je le sais, je le sens. Pourtant, j’ai l’impression que la partie raisonnée de moi se fait de plus en plus petite à côté de celle avec un certain brin de folie. « Je finis dans deux heures. » Je n’ai même pas vraiment le temps de contrôler les choses que ces mots sortent de ma bouche. « Rejoins-moi au Sunrise Roast, c’est juste à côté. » À deux rues pour être plus précise. Pourquoi là ? Parce que je sais qu'Elio ne s'y rendra pas. Venir dans ce quartier, à deux pas du boulot de sa sœur ? Pourquoi faire. Cette proposition faite, Freya disparaît et je peux retourner à mon travail. Difficilement, mais j'essaye, m'efforçant d'effacer de ma mémoire tout ce qui s'est passé et tout ce qui pourrait arriver. Après plusieurs minutes à lutter seule contre ma raison, je décide d'envoyer un message à Tegan pour qu'elle puisse me secouer un peu. C'est exactement l'effet qu'a la conversation avec ma meilleure amie. Je lui expose les faits et ensemble, nous décidons que ce rendez-vous, seule, avec Freya n'est pas une bonne idée. Quand on voit ce que j'ai pu faire alors que nous étions dans un musée, je n'ose imaginer ce qui pourrait arriver dans un café et même toutes les autres fois où nous nous verrons. Deux heures plus tard, c'est l'heure pour moi de finir ma journée ici et comme elle me l'avait dit, je retrouve Tegan à la sortie du musée. Malgré les circonstances qui la poussent à être là, je ne peux m'empêcher d'être contente de la voir. C'est finalement avec elle que je vais passer les prochaines minutes et non avec Freya. Même si cette idée me brise le coeur, j'essaye de me dire que c'est la chose à faire.