la science infuse (marley)

la science infuse
crédit/ tumblr ✶ marley

Parler. C'est de ça que j'ai besoin et de rien d'autre. Tegan est généralement la personne avec qui je le fais – il n'y a pas de secret entre nous, ou alors très peu. Mais aujourd'hui, ce n'est pas la direction de son école que je prends. Ayant une pause assez longue ce midi, je décide de prendre un bus entre East Bay et Center Bay pour me rendre au café de ma cousine, Marley. Ce que je fais là est un peu risqué, mais de toute ma famille, la jeune femme est sûrement ma meilleure alliée. Arrivée sur place, je pousse la porte de l'établissement et salue la brune qui s'occupe de clients au loin. C'est l'une de ses collègues, ou plutôt employées, qui s'occupe de prendre ma commande. Un sandwich, un cookie et un soda. Nous ne sommes sûrement pas sur le repas le plus équilibré de la Terre, mais c'est exceptionnel et même si ça ne l'était pas, je ne suis pas si regardante sur mon poids. Il faut un peu de temps à la serveuse pour préparer mon plateau, rien de grave, j'ai le temps. Une fois réceptionné, je vais dans un coin de la pièce et m'installe à une table. Même si je n'ai pas prévenu Marley que je venais ici pour la voir, je sais qu'elle passera par ma table à un moment ou un autre. En attendant, je décide de commencer à manger mon sandwich. J’ai du temps, oui, mais il ne faudrait pas que je le gaspille inutilement en attendant sans rien faire. Après plusieurs minutes et déjà une moitié de mon repas ingurgité, la jeune femme s’approche de moi. Je pose tout sur la table, essuie mes mains et me lève pour la prendre dans mes bras. « Comment est-ce que tu vas ? » Un large sourire se dessine sur mes lèvres pour accompagner mes propos. Je reprends place sur la chaise et l’invite à s’installer face à moi. Je ne suis pas une paria, alors je lui laisse un peu de temps pour répondre à ma question. Mais rapidement après ça, je décide de rentrer dans le vif du sujet. « Je ne suis pas là par hasard.. » Il est inutile de tourner autour du pot, surtout qu’en fonction de ce qu’elle a à dire, peut-être que cette conversation prendra un peu plus de temps que prévu. « Ce n’est pas un secret, tu t’y connais en beaucoup de choses. Je me demandais si tu avais certaines connaissances en causes perdues ? » Aka ma personne. Cependant, je garde cela pour moi pour les quelques secondes à venir. Je préfère poser les bases avant de commencer à énumérer tous les points de l’histoire qui me lie à Freya, toute cette histoire qui rend mes nuits plus agitées depuis quelques temps.

Lorsque je prends le temps d’appeler Norah, je fais en sorte de ne pas rester dans un endroit où des gens pourraient m’entendre. Des gens que je connais en tout cas. Personne ici à part Nino n’est au courant de mon histoire avec Austin, ni même de cette enfant que j’ai mise au monde il y a sept ans, et qui vit aujourd’hui chez ses grands parents paternels, en Australie. Alors mes appels en visio avec elle, je les fais le plus souvent dans la rue, ou chez moi lorsque Tegan n’est pas là. Je finis par raccrocher, le coeur lourd de l’entendre chaque fois me dire que je lui manque. J’essaie d’aller la voir le plus souvent possible, mais je ne peux pas toujours me libérer en week end, et la semaine, elle est à l’école. Et puis malgré tout, mon histoire chaotique avec Austin me bouffe beaucoup d’énergie, et je dois arriver à gérer tout ça sans alerter quiconque. En rentrant au Jardin d’Eden, je remarque que ma cousine est installée à une table, en train de manger un sandwich. Je profite qu’il n’y ait pas grand monde, maintenant que le rush de midi est passé, pour la rejoindre à sa table. Après une accolade, elle me demande comment je vais. « Bien, et toi ? Ça me fait plaisir de te voir ici ! » Elle ne vient pas très souvent, ou en tout cas, ce n’est pas une habitude, ce qui me fait d’autant plus plaisir de la voir. Mais je sens pourtant que quelque chose cloche. Une fois assise face à elle, elle ne tourne pas autour du pot. Elle n’est pas là par hasard, et je m’en doutais bien. « Ce n’est pas un secret, tu t’y connais en beaucoup de choses. Je me demandais si tu avais certaines connaissances en causes perdues ? » Je plisse un peu les yeux, pas certaine de comprendre. Je suis moi-même une cause perdue, si on prend les choses dans un certain sens. Mais je ne compte pas lui parler de mon histoire, ni à elle ni à personne d’ailleurs. Nino est l’exception qui confirme la règle. « Euh… alors je n’ai pas la science infuse, et les causes perdues, ce n’est pas mon domaine de prédilection. » Loin de moi l’idée de la repousser, bien au contraire. « Par contre, je suis une oreille très attentive, et je peux tenter quelques conseils, si j’estime qu’ils sont assez avisés pour le sujet. Qu’est-ce qu’il t’arrive ? » Parce que c’est bien de ça qu’il est question. Elle a un souci, et je veux pouvoir être là pour elle. D’ailleurs, ça me touche qu’elle m’ait choisie pour me parler de ses soucis…

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Je crois bien qu’en ce moment, avec les doutes et les incertitudes que j’ai, chaque conseil est bon à prendre. Tegan connaissant l’histoire de A à Z et ayant déjà son avis sur la question, je me suis dit qu’il pourrait être bien de voir quelqu’un d’autre et pour ça, rien de mieux que Marley, ma cousine : la deuxième personne a qui je me confie le plus facilement. Je ne l’ai pas prévenue de ma venue, mais l’avantage avec son café, c’est que je peux venir à l’improviste et si jamais elle n’est pas disponible, alors j’aurais au moins pris plaisir à déguster l’un des en-cas qu’ils proposent. Par chance, je ne vais pas avoir à me contenter de cela aujourd’hui, puisque arrivée à la moitié de mon sandwich, la jeune femme se joint à ma table. « Ça va. » Dis-je simplement, en réponse à la question qu’elle me retourne, même si elle va rapidement comprendre que les choses sont un peu plus compliquées que ça. Rapidement, c’est exactement le terme. Puisque je n’hésite pas longtemps avant d’évoquer la raison de ma venue ici – autre que celle de la voir. Marley ne semble pas très à l’aise avec tout cela, avec les causes perdues, mais elle me propose de lui parler malgré tout et puis nous aviserons ensemble après, au besoin. « Je crois que je suis amoureuse. » Pour le coup, je suis directe. Je ne sais pas si c’est le terme le plus approprié, mais quand je vois ce que Freya peut me faire ressentir, alors je me dis que je ne dois pas en être très loin. « C’est vrai que dit comme ça, ça ne ressemble pas vraiment à quelque chose de négatif. Mais détrompe-toi. » J’ai parlé d’une cause perdue, alors il faut bien qu’elle arrive dans l’histoire. « Je ne peux pas être amoureuse de cette fille. » De toute ma famille, Marley est bien la seule qui est au courant pour mon homosexualité. Je n’ai pas de soucis à me faire avec elle, je sais qu’elle me soutien et qu’elle le fera toujours, sans jamais me juger. Mais là, malheureusement, il n’est pas uniquement question de ça et j’espère que son non-jugement continuera. « C’est là que les problèmes commencent. » Volontairement, je n’évoque pas mon frère, Elio, et le fait qu’il s’agit de sa fiancée. Je sais bien que ça finira par arriver sur le tapis, mais pour l’instant, je préfère éviter. Peut-être qu’en sachant que c’est lui qui sera affecté par tout cela, son avis et ses conseils changeront. Et puis, elle a bien le droit à un peu de temps pour digérer tout ce que je lui dis, inutile de la submerger avec un trop plein d’informations.

Je ne peux cacher mon inquiétude lorsque Riley me regarde avec ses petits yeux. Il ne faut pas être devin pour savoir que quelque chose ne va pas. Et son ‘ça va’ n’est pas là pour me rassurer. Je lui ouvre la porte, lui laissant le champs libre pour libérer sa parole. Elle sait que je suis quelqu’un de confiance, elle n’a pas à avoir peur de me parler, je ne suis pas là pour la juger. « Je crois que je suis amoureuse. » Avoue-t-elle sans tarder. Oh. Ok. Mais ça, ce n’est pas quelque chose de mal, normalement. Sauf s’il s’agit de la mauvaise personne, et je comprends bien vite que ça semble être le cas. « Je ne peux pas être amoureuse de cette fille. » Je suis nullement outrée par cette révélation, je savais que Riley aimait les femmes et ça n’a jamais été un problème pour moi - ce qui n’est pas le cas de toute notre famille. « C’est là que les problèmes commencent. » Ok. C’est donc là aussi que mon investigation commence. Je prends une légère inspiration et me saisis de sa main qu’elle avait laissé traîner sur la table. « Premièrement, est-ce que tu es sûre d’être amoureuse de cette fille ? » Je penche un peu la tête sur le côté, mais je crois comprendre que ça en a tout l’air. « Deuxièmement, quel est le problème exactement ? Pourquoi tu ne peux pas être amoureuse de cette fille ? Elle est en couple ? Elle aime les garçons ? Elle est en couple avec un garçon que tu connais ? » Je ne lâche pas son regard, et je comprends bien vite que j’ai touché le gros lot. « Merde. » Oui, c’est ce qu’on peut dire dans ce genre de situation. « Bon. Raconte-moi, je ne vais pas te tirer les vers du nez !! » Elle est là pour me demander conseil, je ne compte pas faire de suppositions et tenter de lire la réponse dans son regard, nous n’avons pas vraiment de temps à perdre, vu ce que je comprends de la situation.

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Rapidement, Marley me cerne. Mais ça ne me choque pas tellement. Elle fait partie de ma famille éloignée et pourtant, je me sens plus proche d’elle que je ne l’ai été avec mes frères, le plus jeune des deux en particulier. « C’est Freya. La fiancée d’Elio. » Énoncé à haute voix, ça rend ce mot encore plus dur et réel. Je ne sais pas vraiment si Marley a déjà eu l’occasion de la rencontrer, mais au moins maintenant, elle sait de qui je parle – dans les grandes lignes au moins. « Nous ne l’avons pas dit, mais nous nous connaissons d’avant. Elle était surveillante à l’internat où j’étais en Australie. » La seule fois où je l’ai vu avec mon frère, c’était pour qu’il fasse les présentations à toute la famille. Il n’avait pas besoin de savoir que nous n’étions pas des inconnus, surtout avec ce que je m’apprête à dire à ma cousine. « Je sais que je parle de sentiments qui sont forts, mais si tu savais.. elle me rend complètement folle. » Depuis que la blonde est de retour dans ma vie, je n’arrête pas de penser à elle. Sûrement parce que là, dans mon esprit, il n’est plus question de se dire que c’est la dernière fois que je la vois, contrairement aux précédentes fois où nous nous sommes vues. « À l’époque de l’internat, nous nous sommes embrassées. C’était le dernier soir que nous passions là-bas, alors ça sonnait un peu comme un adieu. » En réalité, pour elle, comme pour moi, je ne sais pas si ce baiser avait une réelle signification. Pendant de longs mois, on aurait pu mettre des mots sur nos sentiments et pourtant, nous ne l’avons jamais fait. « Mais.. » Dis-je, tout en grimaçant. « Nous nous sommes revues à Barcelone, il y a un peu plus d’un an maintenant. » La veille de mon retour ici. « Nous avons passé une nuit ensemble. » Une nuit magique, mais pour le coup, je me garde bien de lui parler des détails. « Au petit matin, j’ai vu qu’elle avait un message de son petit ami, alors je suis partie avant même qu’elle ne se réveille. » Je ne voulais pas être celle qui brise un couple et puis, nos chemins allaient de nouveaux se séparer, alors ça ne servait à rien de se battre dans le vide. Malheureusement, il a fallu que le destin – ou peut-être le karma – s’en mêle. « Je ne savais pas que c’était Elio. » Je dis ça, mais je ne sais même pas si cela aurait changé les choses que je sache que c’était lui ou non.

« C’est Freya. La fiancée d’Elio. » Oh. Bor. Del. Je me redresse d’un coup, comme si on venait de me foutre une baffe que je n’avais pas méritée. Pas que je me sente agressée par la nouvelle, mais je parlerai plutôt de surprise intense. « Wow. » Je n’ai rien trouvé de mieux sur le moment, j’avoue que c’est un peu soudain. Je savais que mon cousin était fiancé, mais je ne me souvenais pas du prénom de la jeune femme, et j’étais loin de m’imaginer que Riley la connaisse aussi. Et qu’elle en soit amoureuse. Bordel. Ma cousine me raconte qu’elles se connaissaient avant que Freya rencontre Elio, à l’internat dans lequel elle était en Australie. « Je sais que je parle de sentiments qui sont forts, mais si tu savais.. elle me rend complètement folle. » Je reste silencieuse, une salve de questions me trottent dans la tête, mais je la laisse me raconter ce qu’elle veut me raconter, des fois qu’elle réponde aux questions qui me traversent. Son récit est plutôt structuré, je sens qu’elle n’est pas vraiment ‘perdue’, elle préfèrerait juste que les choses soient autrement. Elle me raconte cette nuit à Barcelone, avec cette fille, avant qu’elle ne sache que… « Je ne savais pas que c’était Elio. » Evidemment…. Enfin, ça ne fait que rajouter du drama à l’histoire originale. Ça fait beaucoup pour une seule personne. Je pensais être la reine du drama, mais je vois que c’est de famille. « Quelle histoire… » Je, sais, je n’aide pas beaucoup pour le moment, il faut juste que j’arrive à intégrer tout ça. Je me laisse un petit temps de latence avant de reprendre la parole. « Donc cette… Freya. Etait en couple, a quand même passé la nuit avec toi. J’imagine que nous n’avez pas simplement épluché des pommes… » Je fais une petite moue, le regard dans le vide, traduisant ma réflexion. « Elle savait que c’était ton frère ? Et elle compte quand même l’épouser ? Il s’est passé autre chose depuis que tu sais ? » Oui, ça fait un paquet de questions, mais j’ai besoin de savoir un peu où ça en est, pour dépatouiller tout ça, et essayer d’y voir plus clair. Elle est venue pour des conseils, je ne compte pas lui en donner si je ne suis pas certaine de tout ce qui se trame là dedans. Ça m’a l’air d’être un sacré sac de noeuds, il faut démêler tout ça.

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À mesure que les mots s’échappent de mes lèvres, j’ai l’impression d’être une mauvaise personne. Une personne qui ne pense qu’à elle et qui en oublie les sentiments que peut avoir son frère. Pourtant, ce n’est pas moi ça et c’est pour lui, pour Elio, que je suis ici. Les jours passent et je me demande combien de temps je vais pouvoir tenir encore : j’ai besoin de Marley pour retrouver la raison. Ou au moins pour avoir des conseils sur la suite des événements. Tegan a bien essayé de me dissuader de tout ça, mais est-ce que ma cousine sera du même avis qu’elle ? Je crois que si je commence à raisonner comme ça, je ne vais pas aller loin. À sa façon, la jeune femme résume l’histoire que je viens de lui raconter. Ayant volontairement laissé des détails de côté, elle tire certaines conclusions. « Et je ne suis pas vraiment douée au Scrabble. » Ajouter une pointe d’humour, dans un tel moment, ça ne peut pas faire de mal. Un peu de répit avant la suite. Surtout que maintenant, elle enchaîne avec des questions. « Elle ne savait pas. Nous étions toutes les deux surprises quand nous nous sommes vues chez mes parents. » Et je pense que sur le coup, toutes les deux, nous aurions préféré être ailleurs qu’ici. « Pour le mariage, je ne sais pas. Je n’ai pas eu le courage de lui demander. » Sûrement un peu effrayée de la réponse qu’elle pourrait me donner. Si elle est toujours avec lui aujourd’hui, c’est pour une bonne raison, sinon elle l’aurait déjà quitté. Après Barcelone, après le repas de famille ou après les deux autres fois où nous nous sommes vues. « Mais.. » Si ce mariage est toujours d’actualité, on ne peut pas ignorer ce qui s’est passé entre nous et ce qui se passera encore – éventuellement. « Nous avons failli nous embrasser. Deux fois. » Même si nous n’avons pas été jusqu’au bout du geste, tout ceci n’est pas arrivée par hasard et on ne peut pas vraiment savoir ce que l’avenir nous réserve encore. « Tegan m’a dit d’arrêter de la voir, mais je n’y arrive pas. J’ai l’impression d’être constamment attirée vers elle. » D’ailleurs, je me demande si je dois encore en parler avec ma meilleure amie. Mais si c’est ça, qu’est-ce que je fais ici aujourd’hui ? Est-ce que j’espère que Marley ira dans mon sens ? Qu’elle pense que quelque chose est possible ? Sûrement. Ça me donnera moins l’impression de me battre dans le vent.

« Et je ne suis pas vraiment douée au Scrabble. » C’est bien ce que je me disais. Pas pour le scrabble, mais pour le fait qu’elles ne se soient pas contenté de discuter toutes les deux. « Elle ne savait pas. Nous étions toutes les deux surprises quand nous nous sommes vues chez mes parents. Pour le mariage, je ne sais pas. Je n’ai pas eu le courage de lui demander. » Je comprends. Quel choc ça a dû être quand Riley a compris que la nouvelle fiancée de son frère était la jeune femme qu’elle aimait depuis si longtemps… Je n’ose même pas imaginer la douleur, les questionnement, le bourdonnement dans tout le corps. « Mais.. Nous avons failli nous embrasser. Deux fois. » depuis qu’elles savent qui elles sont désormais l’une pour l’autre. Ok. Je vois. De vrais aimants quoi. En même temps, je sais mieux que personne à quel point il est difficile de repousser la personne qu’on aime, même quand on sait que ce n’est pas bon pour nous. Ce serait difficile pour moi de juger qui que ce soit, vu ce que je vis depuis des années avec Austin. « Tegan m’a dit d’arrêter de la voir, mais je n’y arrive pas. J’ai l’impression d’être constamment attirée vers elle. » C’est bien ce que je pensais, des aimants. Je soupire un peu, parce que je suis tiraillée dans la réponse à apporter à ma cousine. Je sens sa détresse, je sens qu’elle voudrait que je sois de son côté, et en même temps, je comprends la réaction de Tegan sans aucun mal. Elle veut protéger sa meilleure amie, et moi, je veux en faire de même. Mais je sais aussi ce que représentent les sentiments qu’elle éprouve pour cette fille. « Je… C’est difficile… » Ça l’est pour elle, évidemment, mais prendre partie l’est aussi pour moi. « Je suis partagée. D’un côté, j’aurai envie de te dire de te protéger. Parce que tu ne sais pas exactement ce qu’elle veut, pourquoi elle ne quitte pas Elio si elle est aussi attirée par toi ? » Je penche un peu la tête sur le côté, j’aimerai simplement qu’elle se pose les bonnes questions. « Je me doute que ça ne doit pas être évident pour elle non plus, mais il faut savoir ce qu’on veut dans la vie. » Je me suis posé cent fois cette question, est-ce que je ne mérite pas mieux qu’Austin ? Bien sûr que oui, mais l’amour est encore trop fort pour que je n’arrive à tirer un trait, même si ça me tue à petit feu. « Je pense qu’il faut éclaircir les choses avant de penser à la suite. Je sens bien que tes sentiments sont réels, que tu as envie de la voir tout le temps. Je veux bien croire que c’est son cas aussi, mais elle, il faut qu’elle choisisse entre toi et ton frère. C’est pas sain comme relation, Riley. Et je sais qu’au fond de toi, tu en es parfaitement consciente. » Si je peux lui éviter de vivre la même chose que ce que je vis, je préfèrerai…

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Je ne vais pas mentir, ce qu’elle me dit est un peu difficile à entendre. Mais seulement parce qu’au fond de moi, je sais qu’elle a raison – tout comme Tegan, il y a quelques semaines maintenant. Ce n’est pas sain comme relation et pourtant, c’est si difficile de décrocher. Je ne sais pas exactement comme elle l’a fait, mais Freya a réussi à me toucher en plein cœur et je crains que m’éloigner d’elle sera compliqué. C’est sûrement pour cela que j’espérais que Marley serait de mon côté, pour ne pas avoir à en arriver là. Peut-être que je n’aurais pas à le faire d’ailleurs, mais pour ça, je dois avoir une discussion avec la blonde. LA discussion. Je dois apprendre ce qu’elle ressent vraiment pour moi, pour Elio et ce qu’elle envisage pour la suite. Si le mariage reste une option, alors qu’est-ce qu’elle attend réellement de moi ? Et si, à l’inverse, elle ne compte plus dire oui à mon frère, alors qu’est-ce qui l’empêche de tout arrêter avec lui ? C’est sûrement égoïste de ma part, mais j’aimerais que les choses changent et qu’elles se fassent vite. Néanmoins, en la brusquant trop, j’ai peur qu’elle finisse par faire un choix dans la précipitation, un choix qui n’ira pas dans mon sens. Et oui.. encore une fois, je pense à moi. Bêtement, j’ai envie de croire qu’elle viendra vers moi, qu’elle me choisira et pourtant, ma raison a conscience qu’il y a peu de chances pour que cela arrive. « Est-ce que ça t’es arrivé à toi aussi ? D’être attirée inlassablement par quelqu’un. » Quelqu’un pour qui il ne faudrait pas surtout. Comme on dit souvent, le cœur a ses raisons que la raison ignore. Je crois qu’il n’y a pas meilleure image que Freya et moi pour représenter ce proverbe actuellement. Pour Marley, pour Tegan, il est difficile de se mettre à ma place, de comprendre réellement ce que je ressens, mais je sais que tout ce qu’elles me disent est là pour m’aider, pour me préserver. « Je ne suis pas bête : tout ce que tu me dis, j’en ai conscience. Mais.. c’est difficile. » Depuis notre premier baiser, puis après l’épisode à Barcelone, j’aurais pu rencontrer plein de filles et avoir un futur avec elles. Pourtant, ce n’est jamais arrivé et je commence à me dire que ce n’est pas pour rien. Peut-être qu’avec l’hôtesse de l’air, nous sommes faites pour être ensemble, même si cela veut dire que nous devrons affronter un bon nombre d’épreuves. « Encore une fois, j’ai l’impression qu’Elio me pique ma vie. » Avec mon frère, ça n’a jamais été évident. Il a toujours été l’enfant pourri gâté, celui qui réussit tout. Encore une fois, avec Freya, il a réussi, là où j’ai échoué et c’est ce qui rend la chose encore plus compliquée. « De toutes les filles qui vivent ici, il a fallu qu’il tombe sous le charme de Freya. » Et inversement, de toutes les personnes possibles, il a fallu que Freya soit fiancée à mon frère. Si j’avais un doute sur le fait que le destin se jouait de moi, je ne l’ai plus désormais.

« Est-ce que ça t’es arrivé à toi aussi ? D’être attirée inlassablement par quelqu’un. » La question qui tue… Je soupire un peu, hésitant à être honnête ou pas. Mais dans cette situation précise, je me dis que ma cousine ne comprendra que mieux mon point de vue si je suis sincère avec elle. « Oui. Malheureusement. » Par contre, je ne compte pas lui dire que ça dure encore, et que ça fait dix ans que ça dure. Je ne voudrais pas qu’elle fasse les mêmes erreurs que moi. « Je sais que c’est difficile d’être attirée par quelqu’un, tout en sachant que ce n’est pas bien. Je sais aussi que l’amour, ce n’est jamais évident. » Enfin, je parle pour moi, ça l’est peut-être pour d’autres, mais je n’ai jamais vu de couple pour qui ça coulait de source. Enfin bref. J’espère seulement qu’elle ne va pas se casser les dents. Bien sûr, faire des conneries ça forge le caractère, mais je n’ai pas envie de la retrouver à la petite cuillère. De ce que je comprends, on en est pas bien loin. « Je ne suis pas bête : tout ce que tu me dis, j’en ai conscience. Mais.. c’est difficile. » « Je sais ma belle. » Je viens passer ma main tendrement sur son avant bras pour lui montrer toute ma compassion. « Encore une fois, j’ai l’impression qu’Elio me pique ma vie. » Outch. Celle là, elle pique. Et en même temps, je ne peux qu’imaginer ce qu’elle ressent. Entre Riley et Elio, ça remonte à très loin, et leurs différends sont légitimes. Même s’ils auraient très bien pu grandir plus soudés que n’importe qui de par leur histoire. Aujourd’hui, tout les oppose, et d’ailleurs, aujourd’hui plus que jamais. « De toutes les filles qui vivent ici, il a fallu qu’il tombe sous le charme de Freya. » Je grimace un peu, parce que j’avoue que le destin est un peu en train de se foutre de sa gueule on dirait bien. « C’est qu’elle doit avoir beaucoup de charme pour faire craquer tous les Carvalho. Heureusement que je n’aime pas les filles ! » Je ris pour détendre l’atmosphère, espérant rendre la discussion un peu légère. « Tu sais, dans la vie, on ne perd jamais. Soit on gagne, soit on apprend. Je ne sais plus qui a dit ça, mais j’adore cette citation, elle est très vraie. » Je hausse un peu les épaules, et espère ne pas regretter ce que je vais lui dire. « Je n’ai pas envie de te voir malheureuse. Et en même temps si tu n’essaies pas, tu ne sauras jamais si ça aurait valu le coup ou pas. Si tu te casses les dents, tu feras autrement la prochaine fois. » Je lui offre un sourire sincère. « Je vois bien dans tes yeux que tu l’aimes. Essaie de protéger un peut ton petit coeur, et va lui demander avec courage qui elle est vraiment. Ce qu’elle veut faire. » C’est encore la meilleure solution. « A sa place, c’est sûre que je te choisirai toi ! » Mon sourire s’élargit, et j’espère pouvoir en voir naître un sur ses lèvres d’ici peu.

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Être perdue, c’est exactement ce que je ressens à cet instant précis. Sûrement parce qu’à un moment, il y a plusieurs semaines maintenant, lorsque j’ai vu Freya à Island Bay, j’étais du même avis que Tegan : je savais que la fréquenter était bizarre et même un peu malsain. Néanmoins, lorsque je me suis retrouvée proche d’elle, à plusieurs reprises, j’ai dû me rendre à l’évidence que rester loin d’elle était tout bonnement impossible et que ce n’est pas vraiment ce que je voulais. C’est comme cela que je me suis retrouvée tiraillée entre ma raison et mon envie, et que demander conseil à une nouvelle personne est apparu comme une évidence. À en croire ce que me dit Marley, j’ai plutôt bien choisi mon interlocutrice, puisque cette situation est quelque chose qu’elle connaît. Je ne sais pas exactement à quel niveau cela la concerne, mais ce n’est pas la question pour le moment. Je suis venue lui demander conseil et elle s’en sort très bien pour ça, malgré mes états d’âmes et les réactions que je peux avoir. La jeune femme me connaît plutôt bien, très bien même, et c’est sûrement pour cela qu’elle arrive à me faire décrocher un petit sourire. Mais celui-ci s’estompe lorsqu’elle évoque cette fameuse citation. « J’ai pourtant l’impression d’être perdante dans tous les cas. Soit je la perds elle, soit je perds ma famille. » Je ne peux m’empêcher de grimacer un peu. Même si la deuxième option ne m’affecterait sûrement qu’un temps, avant de le mettre de côté, il faut avouer qu’aucune des deux n’est idéale et c’est même assez injuste que je sois obligée de me retrouver dans une telle situation. Mais comme elle le dit, pour en avoir le cœur net, je me dois d’essayer et de confronter un peu Freya. « Tu as sûrement raison. » Même si ses réponses seront peut-être blessantes, elle est la seule qui peut m’en donner et quand je les aurais, alors peut-être que je pourrais avancer. Avec ou sans elle, car si elle choisit Elio, je doute que l’on puisse continuer à nous voir. Une nouvelle fois, Marley fait de son mieux pour me tirer un sourire avec sa dernière phrase. « Je suis presque sûre que c’est pourtant l’option qui sera la plus compliquée. » Du moins, pour Freya. Mais ça me touche que la jeune femme se tienne de mon côté. En même temps, il faut être un peu sadique pour préférer mon frère à moi, non ? « J’ai un peu l’impression d’avoir gâché ta bonne humeur. J’espère que cette petite discussion ne t’empêchera pas d’avoir un sourire sur les lèvres pour le reste de la journée. » Au pire du pire, quand elle aura l’occasion de rentrer chez elle, Tegan pourra être là pour la faire rire un peu. C’est ça l’avantage de vivre avec un clown ambulant.

« J’ai pourtant l’impression d’être perdante dans tous les cas. Soit je la perds elle, soit je perds ma famille. » C’est vrai que je n’avais pas tourné l’histoire dans ce sens là. Si sa famille apprend que Freya a quitté Elio pour être avec Riley, ça va foutre le bordel, c’est évident. Et pourtant, elle est amoureuse, et être avec cette fille serait son plus grand rêve aujourd’hui. Mon coeur se serre, je ne sais même pas quoi répondre. Je lui propose quand même de se confronter à la jeune femme de qui elle est amoureuse, je pense que c’est encore la meilleure solution. « Je suis presque sûre que c’est pourtant l’option qui sera la plus compliquée. » Je secoue un peu la tête. « Pas sûr. Si Elio apprend un jour que la femme qu’il a épousé l’a trompée avec toi, tu te retrouveras sans famille et sans Freya… Tu vois qu’il y a pire scenario ! » Je hausse les épaules en lui adressant un sourire, essayant de dé dramatiser un peu les choses. « J’ai un peu l’impression d’avoir gâché ta bonne humeur. J’espère que cette petite discussion ne t’empêchera pas d’avoir un sourire sur les lèvres pour le reste de la journée. » Je secoue cette fois la tête et porte ma main à son visage pour caresser tendrement sa joue. « Mais non arrête. Viens là. » J’approche ma chaise et lui tends les bras pour échanger une étreinte qui se veut réconfortante. « Tu es une battante, et peu importe l’issue, je sais que tu t’en sortiras. » Je plaque un baiser sur sa tempe et lui adresse un sourire tendre. « Ça va aller. »
Heureusement, notre discussion touche à sa fin quand je vois entrer un groupe de personnes dans le café. Mon employée est seule à gérer, et je vais devoir aller lui donner un coup de main. « Il faut que je file. Mais appelle-moi, quand tu veux, si tu veux. Je serai toujours là pour toi. » Je laisse glisser ma main sur son épaule tout en me relevant, et lui adresse un clin d’oeil avant de filer derrière le comptoir, le coeur serré. J’espère que la situation finira par s’apaiser, et qu’elle aura gain de cause.