here to taste (alexander)

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« Ça te dit d'aller manger dehors ? » La petite fille hoche vivement la tête, alors que je remonte la fermeture éclaire de sa veste. Aujourd'hui, je ne travaille pas et comme il fait beau, c'est l'occasion parfaite pour aller se promener un peu. Je dépose une paire de lunettes de soleil sur le nez de Lilly, mais celle-ci ne fait pas long feu. Je la récupère et la glisse dans l'une de mes poches. Bien plus intéressée par ses jouets, la petite fille se saisit d'une pelle et d'un râteau. De mon côté, je prends une petite balle – il vaut mieux être prévoyante si je ne veux pas revenir ici dans trente minutes. Une fois prêtes et toutes nos affaires glissées dans un sac, nous quittons la maison pour nous rendre sur la plage. L'avantage de ne travailler que certains jours par semaine, c'est qu'il est possible pour nous de venir ici en dehors des week-ends et donc d'éviter les moments où il y a le plus de monde. Les choses seront différentes le jour où Lilly devra rentrer à l'école, mais pour l'instant, je préfère ne pas y penser. La petite fille est heureuse d’être ici et ça se voit : elle court dans tous les sens et quand elle se pose enfin, elle se met à creuser des trous dans le sable. Lorsque je vois l’heure du repas se rapprocher, je regarde sur mon téléphone le temps qu’il nous faut pour nous rendre jusqu’au Food Truck du jeune homme que j’ai rencontré à l’atelier de cuisine. Quinze minutes à pied, c’est jouable. J’appelle Lilly, lui frotte un peu les mains et ensemble, nous prenons la direction du restaurant ambulant. Comme je pouvais m’y attendre, il y a un peu de monde, mais nous devrions tout de même être servies rapidement. Quand mon tour arrive enfin, je me présente à l’homme qui prend les commandes. « Bonjour. » Il n’y a pas beaucoup de place dans ce véhicule, alors forcément, il doit toucher à tout : aux commandes, à la cuisine et à l’encaissement. « Comme promis, je suis ici ! » Et j’ai hâte de pouvoir goûter ce qu’il va me proposer. « J’ai amené un peu de compagnie, j’espère que ce n’est pas un problème. » J’ignore s’ils font des menus enfants et au pire, je lui demanderais simplement une plus petite part pour que Lilly puisse manger à sa faim.

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Quelques jours se sont écoulés depuis ce fameux atelier culinaire. Même si mon doigt a failli y passer - que voulez-vous, j’aime vivre dangereusement - j’en suis ressorti avec tout un tas d’idées que je me suis empressé de proposer à mon associé. Cuisiner les restes, c’est pas vraiment son truc, après tout, c’est grâce ou à cause de moi qu’il se retrouve à jouer les cuistots dans le truck. Aujourd’hui est une journée de semaine plutôt tranquille et ce n’est pas pour me déplaire, Maël n'étant pas là. Du coup, je me retrouve à gérer seul la cuisine, le service ainsi que la caisse mais rassurez-vous, j’ai connu bien pire avant son arrivée.

Histoire de ne pas me laisser déborder malgré tout, j’ai anticipé un menu simple. Des croques monsieur revisités avec un pain maison, du vrai fromage de producteur et surtout, une touche secrète directement inspirée de l’atelier cuisine : le pesto aux fanes de carottes. Mes croques monsieurs sont prêts à monter mais je préfère ne pas trop anticiper. En effet, le truck a une petite clientèle végétarienne et il serait déconvenu de devoir ôter de la viande au sandwich déjà préparé. Je profite que tout soit quasi prêt côté cuisine pour m’occuper des quelques tables à installer. Une fois dépliées, je vaporise sur celles-ci un produit d’entretien et vient passer un coup de chiffon par-dessus pour les faire briller. A ce moment précis, j’entend derrière moi une voix féminine me saluer. Cette voix me dit quelque chose, mais c’est seulement lorsque je me retourne que tout fait tilt.

« Bah ça alors ! » dis-je en posant mes poings sur les hanches, mon torchon à la main. « Qu’est ce qui t’amène par ici ? Y’a un incendie dans le coin où c’est l'alléchante odeur du truck qui t'a attirée jusqu’ici… enfin qui VOUS a attiré jusqu’ici, veuillez m’excuser jeune demoiselle ! ». Je tente une révérence maladroite à l'intention de la jeune fille.
« Tu rigoles ! Tu m’as amené le meilleur des publics ! ». C’est vrai après tout, les enfants sont réputés pour être sans filtre, surtout avec la nourriture.

« Bienvenue dans mon humble restaurant, vue sur l’océan et à ciel ouvert ! ». Je désigne de la main l’espace autour de moi avant de rejoindre le camion dans lequel j’enfile mon tablier et me lave les mains.
« Vous avez faim Mesdames ? Aujourd’hui c’est la spéciale Croques Monsieur ! Mais ATTENTION ! Je ne parle pas d’un croque monsieur tout sec et sorti du supermarché hein ! Je parle d’un pain de mie maison, d’une viande de qualité pour les amateurs, d’un fromage frais bien coulant et pour les plus courageux, une petite touche surprise, qui devrait te plaire cela dit en passant… Alors, tentées ? ». Je les observe avec une certaine hâte. Ce sont mes premières clientes de la journée et pas des moindres, je serais ravi de leur faire goûter cette création !

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La promesse lancée au jeune homme, je ne pouvais pas y échapper. Bien sûr, n’étant pas quelqu’un que je côtoie tous les jours, j’aurais facilement pu oublier et espérer que nos chemins ne se recroisent jamais. Néanmoins, ce n’est pas dans mon caractère d’agir ainsi et à en voir la réaction d’Alexander, il semble heureux de me voir, de nous voir, ça ne fait que confirmer que venir le voir à son boulot était une bonne idée. « C’est bien l’odeur qui nous a amenées ici. Ou plutôt la faim. » L’heure du repas approche et la petite fille a tendance à être très ponctuelle. Rien d’étonnant à cela, c’est une enfant qui se dépense et qui a besoin de nutriment pour grandir et s’épanouir correctement. « J’espère que tu ne comptes pas mettre le feu pour me faire travailler une nouvelle fois. » À l’atelier de cuisine, même si ce n’était pas très grave, le jeune homme avait trouvé le moyen de se couper peu de temps après que nous ayons plaisanté sur le sujet. Il serait dommage que cela se produise aujourd’hui encore – ou sinon, je vais commencer à me considérer comme une bête noire qui porte malchance. Le cuisinier se tient face à nous et commence à présenter ce qu’il y a ce midi – je ne sais pas s’il fait cela avec tout le monde, mais il donne envie d’y goûter, surtout s’il y a cette petite touche qui devrait me séduire. « Nous allons en prendre deux ! Est-ce qu’il serait possible d’en avoir un plus petit pour elle ? Je n’ai aucun doute que ce sera bon, mais je ne me sens pas de manger un repas et demi aujourd’hui. » Lilly a beau goûter à tout, son estomac reste plus petit que celui d’un adulte et il est donc préférable que sa dose soit divisée par deux. Alors que le jeune homme prend note de notre commande, je me tourne vers l’océan et regarde l’étendue de sable, puis d’eau, qui s’offre à nous. « C’est très joli ! Je suppose que c’est agréable de travailler avec une telle vue. » Je n’ai pas cette chance-là : que ce soit à la caserne où sur les lieux où nous nous rendons – surtout que souvent, ils sont bien abîmés quand nous arrivons. Cependant, je n’échangerais ma place pour rien au monde. « Nous allons nous mettre là. » Dis-je, tout en désignant une table. « Est-ce que nous pourrions avoir deux bouteilles d’eau ? » La petite fille prend place sur l’une des deux chaises et je sors un paquet de lingettes de mon sac pour lui essuyer les mains : elle a joué dans le sable, alors je préfère être prudente, ça serait quand même dommage qu’elle tombe malade après ça.

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« C’est bien l’odeur qui nous a amenées ici. Ou plutôt la faim. »
J’avais en effet lancé une invitation à mon binôme lors de l’atelier. Il faut dire qu'au-delà de m’avoir sauvé d’une amputation certaine, Romi et moi nous étions plutôt bien entendus. C’est donc tout simplement que j’avais lancé une invitation. Bon, pour autant, je n’étais pas certain de la recroiser. Ce genre d’invitations, on en reçoit souvent. “Passe quand tu veux, tu seras toujours la bienvenue…” bref vous voyez le genre, et au final cela n’a jamais lieu. Mais cette fois, c’était différent. Notre goût commun pour la cuisine a sûrement fait son petit effet.
" J’espère que tu ne comptes pas mettre le feu pour me faire travailler une nouvelle fois. ". Je fais la moue face à sa remarque. Je m’accroupis alors face à la jeune fille qui tient la main de Romi.  " Excusez-moi Mademoiselle mais je crois que votre maman se paie ma tête n’est-ce pas ? " dis-je en ponctuant ma phrase d’un regard en l’air à l’intention de Romi. Je finis par me relever et j’ajoute : “Non, pas de feu à l’horizon, en tout cas, c’est pas prévu… Mais rassures-toi, je saurais profiter de l’avantage d’avoir un pompier à proximité si l’occasion se présente !”

Ma présentation légèrement exagérée du menu du jour semble porter ses fruits puisque je repars aussitôt avec une commande. J’adore les enfants en général mais il faut dire que j’en sers rarement au truck en dehors du week-end et de la période estivale. J’ai plus souvent affaire à des salariés d’entreprises, des jeunes en before le soir ou des surfeurs en quête d’un en-cas après une bonne session sur l'Océan… Du coup, c’est vrai que mes menus ne sont pas forcément hyper adaptés à la jeune clientèle. “Je pourrais faire ça oui… mais j’ai une autre proposition à te faire : je fais une moitié et si elle a encore faim après, je lui sers, si c’est trop, je te fais un petit bag pour que tu puisses le ramener à la maison pour ce soir !”.
Si je propose cette solution, c’est aussi parce que la démarche est plus eco responsable. On me demande rarement des moitiés, du coup je ne saurais quoi faire d’une demie tranche de pain de mie et l’option poubelle ne fait pas vraiment partie de notre vocabulaire au False Truck. “Bon et si vraiment aucune de vous n’apprécie le plat et bien… je me ferais un plaisir de le terminer pour vous !”

Je repars alors en “cuisine” afin de finir de monter les sandwichs. L’avantage du truck c’est que je peux continuer à parler tout en bossant. “Ah c’est clair que je ne vais pas me plaindre de l’environnement ! Ça change des cuisines sombres où on ne voit pas la lumière du jour…”
Pendant ce temps, Romi et sa fille s’installent à l’une des tables. Pour le coup, le choix est vaste, il est encore tôt et toutes les places sont libres. Elles décident de s’installer à l’une des tables proches de la plage. C’est presque comme si elles mangeaient les pieds dans le sable au final, le bruit des vagues en fond sonore.
Je prend note de leur commande de boissons et profite du temps de cuisson des croques monsieurs pour la servir. “Et deux grands verres d’eau pour la une, deux ! Désolé, on est pas très bouteilles vu que l’eau est complètement potable ici ! Si tu préfères y’a une citronnade maison et des jus de fruits qui viennent tout droit du producteur du coin !”.
Quelques minutes plus tard, je suis déjà de retour avec les deux assiettes fumantes. “Et voilàààà ! Attention, c’est un peu chaud !”. Déjà, j’aperçois sur leur visage apparaître un grand sourire.
“Bon alors, est-ce que la caserne a eu l'honneur de tester une nouvelle de tes créations ?”

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En venant ici, je savais que nous serions bien accueillies. Néanmoins, je ne pensais pas que ce serait aussi calme à notre arrivée. Finalement, c'est loin d'être désagréable, car cela nous permet d'avoir Alexander un peu pour nous. Bien que nous sommes ici pour la nourriture et pour goûter ce qu'il fait, c'est important aussi de pouvoir échanger avec lui. Nous n'avons même pas à choisir ce que nous voulons : le jeune homme nous propose quelque chose et comme c'est lui le spécialiste, je lui fais confiance. Cependant, avec les deux ans de Lilly, je préfère demander à Alexander une plus petite portion pour elle – ce serait quand même dommage de devoir jeter. Il me propose alors une solution alternative. « Très bien. Faisons comme ça. » Avec un peu de chance, ça me fera du boulot en moins pour ce soir si la petite fille apprécie son repas et si elle ne mange pas tout tout ce midi. Le cuisinier s'éloigne un peu et regagne sa cuisine pour commencer à préparer notre repas. Pour pouvoir accompagner notre plat, je lui demande un peu d'eau. Ici, ils ne proposent pas de bouteilles, mais des verres avec de l'eau locale. « Non merci, c'est très bien comme ça ! » Je ne suis pas vraiment familière avec tout ça, avec les food-truck, alors je ne sais pas comment ils sont rattachés à l'extérieur – même si je suppose qu'il existe quelque chose de pratique, sinon il serait compliqué de cuisiner. Je me saisie de l'un des deux verres et aide la petite fille à boire un peu, ce n'est pas tout, mais courir sur la plage ça donne soif. Il ne faut pas longtemps à Alexander pour revenir avec nos assiettes, c'est là qu'on voit qu'il maîtrise son métier. « Malheureusement, ils n'ont pas eu l'occasion de connaître le pesto aux fanes de carottes. Mais ce n'est que partie remise ! » Dis-je, alors qu'il m'interroge sur la cuisine que j'ai pu faire à la caserne. Les ingrédients que j'ai eus en ma possession lors des précédentes gardes – quand j'étais derrière les fourneaux – ne m'ont pas permis de réaliser cette recette. Néanmoins, j'ai tout de même essayé de faire de bons petits plats à mes collègues comme du risotto, du chili ou encore des lasagnes aux épinards. « Je pense que mon carnet de recettes est beaucoup moins rempli que le tien. Il faudrait que tu me donnes quelques idées et astuces. » Même si j'essaye de diversifier un peu, il est facile de tourner en rond, surtout quand on cherche à apporter tous les nutriments nécessaires dans un seul repas. Je rapproche l'assiette de Lilly vers moi et commence à couper en petits morceaux la moitié de croque-monsieur qu'elle a. Une fois terminé, je plante un premier morceau sur la fourchette et je la laisse se débrouiller pour le reste. « Tu travailles seul ici ? » Pour l'instant, je n'ai vu personne d'autre. Mais peut-être qu'avec les différentes heures et les moments de plus forte affluence, il est épaulé. À mon tour, je viens découper un morceau de mon plat et je le porte à ma bouche. Je savoure cette première bouchée, à la recherche de cette saveur mystérieuse dont il a parlé un peu plus tôt. « Ne serait-ce pas du pesto ? » Dis-je, alors que je relève le visage vers lui.

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Je dois admettre que la cuisine pour moi c’est un peu au feeling, je fais les choses a l’instinct, comme dans la vie au final. Alors c’est vrai que reprendre le food truck m’a demandé de revoir les choses légèrement différemment. Et oui, il faut quand même évaluer les quantités un minimum si on ne veut pas se retrouver avec un sur stock ou bien avec une pénurie… du coup je me retrouve a noter quelques recettes de bases et puis j’adapte… « Oh tu sais les recettes j’en trouve ici et là, je m’inspire un peu de tout, les voyages, les saisons… mais avec plaisir ! Attends je reviens… ». Je retourne au camion pour prendre une petite serviette en papier recyclé pour y annoter mon numéro de téléphone. « Tiens, si jamais tu veux qu’on se fasse un atelier ou si t’as besoin de conseil, n’hésite pas ! Et puis si tu veux précommander au truck, c’est aussi possible ! ». Souvent le coup de la serviette, c’est le bon gros cliché des romances américaines… j’espère qu’elle ne va pas croire que je la drague car ce n’est absolument pas mon idée. Non pas que ce ne soit pas une belle femme, bien au contraire, mais je dois avouer que seul Maël a une place dans ma tête en ce moment. Et justement, voilà qu’il devient le nouveau sujet de conversation d’une certaine manière.
« Plus maintenant ! C'était le cas pendant quelques mois puis c’est devenu assez intense du coup j’ai fini par embaucher un… très bon ami ! » dis-je après une courte seconde d’hésitation.
La jeune femme et sa fille finissent par deguster ma petite création du jour. J’assiste alors avec intérêt à leur première bouchée, déjà pour savoir si le menu plaît mais aussi si mon ingrédient secret a été découvert. « Bingo ! » dis-je sur un ton enjoué.
« Qu’en penses notre jeune cliente ? ». Je m’accroupis à hauteur de la table pour me retrouver à son niveau, c’est comme ça que ma mère m’a appris à faire avec ma petite sœur à l’époque. Ça ne sert a rien de prendre les enfants de haut, c’est en se mettant à leur niveau qu’ils nous comprendront mieux. A sa mine enjouée, le jeune fille semble apprécier elle aussi. « Au fait, je crois qu’on a pas été présentée ! C’est quoi ton prénom ? Moi c’est Alexander, mais tu peux m’appeler Alex si tu veux ! Mais attention, c’est un privilège que je te fais !». Un clin d'œil vient ponctuer ma phrase. Est-ce que ça me manque d’avoir des enfants dans mon entourage ? Peut être un peu en fait.
« Du coup hum… c’est ta fille ? Pardon je suis peut être intrusif… ». Plutôt que de tirer des conclusions incertaines, autant vérifier mes informations et puis, je suppose qu’elle ne se vexera pas, il n’y aurait pas de quoi en tout cas.

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Je suis fascinée par l’inspiration qu’il peut avoir, mais je suppose que c’est quelque chose qui s’apprend avec son métier. Il a une facilité à trouver des recettes partout, alors que je suis capable de foncer dans un feu : c’est comme ça, chaque métier à ses spécialités. Cependant, il est prêt à partager son savoir avec moi et pour cela, il me donne son numéro de téléphone sur une vieille serviette en papier. « Merci ! Je tâcherais d’être plus attentive à ce qui m’entoure la prochaine fois que je serais en cuisine. » Alors que je lui demande s’il gère ce restaurant mobile seul, il m’informe que non, qu’il a quelqu’un qui travaille avec lui – mais qui n’est visiblement pas là aujourd’hui. L’heure de goûter à notre plat est arrivé et c’est avec surprise que je découvre qu’il a réussi à intégrer la recette que nous avons apprise ensemble dedans. C’est très bon, il peut être fier de lui. Même la petite fille à mes côtés semble apprécier. Alexander s’accroupit à côté d’elle et commence à lui parler. En plus de la cuisine, il semble aussi à l’aise avec les enfants. « Lilly ! » Dit-elle, fière de pouvoir discuter avec le jeune homme. Pendant ce temps, je continue de déguster mon plat, mais rapidement, le cuisinier vient m’interroger au sujet de sa nouvelle amie. « Oui, c’est ma fille. Tu te poses la question parce qu’elle ne me ressemble pas ? » Un sourire taquin se dessine sur mes lèvres. Même si mon ADN a été pris en compte pour la fécondation in vitro, ça ne saute pas toujours aux yeux que Lilly est ma fille. Il y a des jours où c’est moins simple que d’autres, mais savoir qu’elle ressemble à Alice me fait plaisir : ça me laisse une partie d’elle. « Pompier, maman. Je suis pleine de surprises visiblement. » Je ne peux pas lui en vouloir pour le coup. À la caserne, quand nous avons commencé à en parler, ça a surpris tout le monde. Tomber enceinte imposait le fait de devoir être arrêter un certain temps. Ce détail n’a pas dérangé Alice et ce n’était pas plus mal, car si j’avais dû faire ce sacrifice, je pense que nous n’aurions pas de famille aujourd’hui. « C’est mon épouse qui l’a portée. » C’est sûrement un peu risqué de partir sur ce sujet de conversation, mais je ne pouvais pas l’éviter plus longtemps, surtout en parlant de la petite fille. Je n’ai pas à me cacher face à elle, elle a connaissance de son histoire et de ce qui est arrivé à sa deuxième maman.

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« Oui, c’est ma fille. Tu te poses la question parce qu’elle ne me ressemble pas ? »
Oopsie, aurais-je fait une boulette ou bien est-elle en train de se payer ma tête ? Plutôt la deuxième option vraisemblablement. Je commence à saisir son humour et j’aime ça. Il n’est pas si éloigné que ça du mien finalement et je me laisse prendre à mon propre jeu. Heureusement que son sourire vient la trahir et me conforter dans l’idée que je n’ai pas fait de faux pas.
« Hmm estimes toi heureuse, j’aurais pu demander si t’étais sa grand-mère et LA ça aurait été offensant ! » dis-je en plaisantant. « Non plus honnêtement, on a pas abordé le sujet vie privée pendant que j’étais en train de m’auto amputer la main du coup, j’avais un doute ! ».
Mais il est vrai que le boulot de pompier ne doit pas être hyper compatible avec le rôle de maman, surtout si elle doit être appelée en renfort en pleine nuit, je suppose que cela peut poser problème de temps à autre. A une autre époque, j’aurais pu lui proposer mes services en baby sitting d’ailleurs.

La jeune femme continue alors de me donner quelques détails sur sa vie personnelle et notamment sur l’autre maman de Lilly. L’information ne me provoque aucun effet, enfin si, du bonheur pour elle. Je sais qu’avoir un enfant lorsque l’on est dans une relation homosexuelle est un parcours du combattant. On ne peut pas dire que je me sois posé cette question vis à vis de Maël à ce jour mais j’ai déjà eu vents de récits absolument affolants à ce sujet.
« Et du coup ca fait combien de temps que tu jongles entre la vie de maman et de pompier ? ». J’aurais pu demander l’âge de Lilly, ça aurait sûrement été aussi simple !
« En tout cas bravo parce que je suis pas sûr que je serais capable de gérer un enfant à temps plein et le truck en ce moment ! ». Il est vrai qu’en hiver le planning devient un poil moins chargé pour le truc mais de manière générale, les horaires de restauration ne sont pas si faciles ! Surtout que je bosse avec Maël donc je vois mal qui de nous deux pourrait s’en occuper… (what ? Mais depuis quand j’imagine ça avec lui ?).

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Que le jeune homme s'interroge sur l'identité de Lilly, c'est assez logique : j'ai juste mentionné une invitée, sans jamais dire qui elle était vraiment pour moi. Le fait qu'elle soit ma fille est sûrement l'option la plus logique, même si elle aurait pu tout aussi bien être ma sœur ou l'enfant de quelqu'un de proche. Comme c'est encore un mystère, je m'amuse un peu à le faire durer un peu plus longtemps. Enfin non.. ce n'est pas exactement ça. Disons que je m'amuse un peu à le charrier et il me le rend plutôt bien en rentrant dans mon jeu. « Je vois.. je pensais pourtant que j'utilisais une bonne crème anti-âge. » En réalité, il n'y a pas vraiment d'âge pour devenir mère – même si à un moment, ça devient plus compliqué biologiquement parlant. Comme il mentionne, nous n'avons pas vraiment eu le temps de parler de nos vies privées durant l'atelier de cuisine et autant dire que je ne lui en veux pas le moindre du monde. D'ailleurs, ce n'était pas à lui d'affirmer ou infirmer cette information, j'aurais même pu lui dire en arrivant. « Ça fait deux ans et demi maintenant. » Et j'ai l'impression que le temps file à tout allure. « Merci. Même si je n'ai pas beaucoup de mérite, je suis plutôt bien entourée. » Dis-je, alors qu'il me félicite de gérer tout cela. Ma famille a naturellement pris le relai après le décès d'Alice et je pense que je ne les remercierais jamais assez pour cela. Sans eux, et sans mes beaux-parents, je crois que j'aurais rapidement baissé les bras et je me serais laissée ronger par le deuil. Un groupe de personnes arrive et bien que hésitant au début, ils s'avancent finalement vers le camion. « Je crois que tu as du travail ! » Je souris au jeune homme, alors qu'il retourne à son occupation. Pendant ce temps, je déguste mon plat, en tête-à-tête avec ma fille. Comme je m'y attendais un peu, Lilly cale alors qu'elle approche de la fin de sa moitié. Séduite par le plat, je termine les quelques bouchées qui lui manquent. Notre repas terminé, nous nous levons et nous rapprochons d'Alexander. « C'était très bon, mais je crois qu'une moitié était suffisante pour elle. Je veux bien le petit bag. » Entre deux clients, je règle le repas et récupère le plat qu'il me tend. Cette sortie, en plus d'être agréable, était un délice pour les lèvres et je reviendrais sûrement une autre fois.