small town (romi, skye & keila)

Il s’est passé beaucoup de choses en un peu plus de quatre mois. Si les deux premiers mois ont été assez calmes, il faut dire que les retrouvailles avec Laurel ont un peu tout accéléré. Je commençais à perdre espoir de la croiser par hasard, j’avais décidé de ne pas faire intervenir mon réseau pour la retrouver, mais plutôt laisser faire la vie. Et ça a payé, même si Laurel n’y a pas vraiment cru, au début. Toujours est-il que je suis repartie en Inde quelques jours pour régler quelques détails, et me voilà déjà de retour, pour aller signer les papiers de l’achat de l’appartement que j’ai trouvé, une pépite. Je ne sais pas encore si j’y vivrai à plein temps, comment va s’organiser ma vie, mais j’ai envie de me donner une chance, de nous donner une chance.
C’est en quittant le bureau du notaire, en plein centre ville d’Island Bay, que je croise Skye, sortant d’une petite boutique de vêtement. Un large sourire étire mes lèvres, alors que je remonte mes lunettes de soleil sur ma tête, pour croiser véritablement son regard. « Oh mais qui vois-je ! Comment vas tu ? » Je suis vraiment heureuse de la croiser par hasard au milieu de cette petite ville. Et comme pour me rappeler que cette ville est vraiment minuscule, je vois apparaître à sa suite une jeune femme, qui l’accompagne, et qu’elle ne tarde pas à me présenter. Je n’ai pas besoin d’attendre qu’elle me donne le prénom de cette jolie brune. Je sais très bien qui c’est. Romi Hallenstein, qui n’est autre que la meilleure amie d’enfance de Laurel. Le monde est vraiment, vraiment petit.

M’être rendue au boulot de Skye, pour lui montrer la lettre que j’avais reçue, deux ans après l’accident d’Alice, ça m’a fait réaliser que passer du temps avec elle me manquait. Au décès de mon épouse, nous nous sommes rapprochées et ce fut d’autant plus le cas quand c’est elle qui a perdu son mari. Certains drames rapprochent, malheureusement. Quoi qu’il en soit, il n’était pas question de se revoir au sein de son bureau, c’est bien pour cela que durant l’un de mes jours de repos, je lui ai proposé que l’on se retrouve en centre-ville pour faire un peu de shopping. Lilly laissée à Toni, j’ai retrouvé ma belle-sœur au commencement d’une rue commerçante. Je n’ai besoin de rien en particulier, mais nous ne sommes pas à l’abri que je trouve quelque chose. D’ailleurs, rares sont les fois où je ne suis pas revenue avec quelque chose pour ma fille – qu’est-ce que vous voulez, c’est la prunelle de mes yeux, j’ai bien le droit de la gâter un peu. Alors que nous sortons d’un magasin, Skye tombe sur une femme qu’elle connaît. Elle la salue et fait les présentations. « Bonjour. Enchantée. » Dis-je, un sourire accroché sur les lèvres. Je ne sais pas à quel point elles sont proches et si elles ont vraiment envie d’aller plus loin qu’une conversation banale, néanmoins, j’ose une certaine proposition. « Nous avions envie d’aller prendre un café, est-ce que vous vous joignez à nous ? » Il y a encore quelques secondes, nous évoquions, avec Skye, l’idée de faire une pause entre deux boutiques. Le vouvoiement n’est pas ce que j’utilise le plus dans la vie de tous les jours, mais je ne sais pas, je trouve que cette femme dégage quelque chose, quelque chose qui m’impressionne un peu.

Nous arrivons bientôt au mois de mai. Ce début d'année est passée à une vitesse folle ! Il a été particulièrement chargé niveau professionnel. L'ouverture de mon cabinet m'a tenu très occupé, mais à présent, j'ai réussi à trouver cet équilibre si important pour moi entre vie privée et vie professionnelle. Aujourd'hui, je passe donc la journée avec Romi, ma belle-soeur. J'avais hâte de ce moment entre nanas. Nous avons choisi de faire les boutiques. Ce serait l'occasion de me trouver quelques ensembles pour le travail. Il est vrai que notre entretien la dernière fois nous a permis de renouer un peu. La vie a fait son oeuvre et nos emplois du temps chargés ne nous ont pas aidé à garder contact. Suite à cela, nous nous sommes promis de nous revoir et de faire en sorte que cela soit bien plus régulier. Romi fait partie de la famille, tout comme Lilly. Nous avons toutes les deux vécu une tragédie et il est important que l'on reste soudée.
Nous déambulons dans les boutiques, sans but précis. Certaines vitrines sont plus attractives que d'autres. Alors que nous sortons d'un magasin de chaussures, je reconnais un visage familier. « Keila ! Je vais très bien et toi ? » Je suis très contente de tomber sur la jeune femme. Nous nous sommes découverts de nombreux points communs et j'ai la sensation qu'une belle amitié se profile. Je me tourne vers ma belle-soeur « Romi, je te présente Keila, une amie. Keila voici Romi, ma belle-soeur » Cette dernière choisit de l'inviter boire un verre. C'est une excellente idée ! Nous pourrons faire davantage connaissance et c'est l'occasion d'élargir le cercle de Keila. Je sais qu'elle ne connait pas grand monde pour l'instant. « J'approuve ! Ca te tente ? » lui dis-je en souriant.

« Keila ! Je vais très bien et toi ? » Je hoche la tête en lui adressant un sourire amical. J’aime beaucoup cette jeune femme de qui j’ai fait la connaissance il y a peu. J’aime ce qu’elle dégage, et j’ai beaucoup apprécié nos précédents moments passés ensemble. Sans tarder, elle fait les présentations. Sa belle soeur. Mon dieu que le monde est petit ici. Je savais déjà que c’était le cas, mais je suis quand même hallucinée de m’en rendre à nouveau compte. « Nous avions envie d’aller prendre un café, est-ce que vous vous joignez à nous ? » En une fraction de seconde, je pense à Laurel, à ma rencontre fortuite avec sa meilleure amie, et la manière dont je vais devoir lui annoncer ça. Génial. Merci la vie. Skye approuve la proposition de sa belle soeur, et je ne me vois pas vraiment refuser, maintenant que je suis dans la merde. « Oui, avec plaisir » Tant que ce n’est pas au Jardin d’Eden, tout ira bien. Nous nous installons dans un café non loin, et je pose mon regard sur la meilleure amie de la femme qui fait battre mon coeur. « Tu es donc la belle-soeur de Skye. J’ai l’impression de t’avoir déjà vue quelque part. Tu travailles où ? » Avoir l’air de rien. Ou presque. Je préfère encore qu’elle comprenne mon léger trouble par cette fausse impression de l’avoir déjà vue quelque part.

Le fait que Skye croise une amie à elle n’est pas illogique, mais j’ose croire que le destin a fait cela pour une bonne raison. C’est d’ailleurs ce qui me pousse à proposer à cette brune de nous accompagner prendre un café. Je ne la connais pas et alors ? Ce n’est pas un problème. Visiblement libre dans les minutes à venir, Keila accepte et nous partons toutes les trois en direction d’un commerce. Rapidement, nous prenons place à l’intérieur du café et commandons nos boissons. « Oui. Mon épouse et son mari étaient frère et sœur. » Étaient puisqu’ils ne sont tous les deux plus de ce monde, mais ignorant à quel point les deux femmes se connaissent, j’ignore si c’est quelque chose que Skye a déjà eu l’occasion de dire ou non. « Je travaille à la caserne d’Island Bay. Ce n’est pas une si grande ville, ça peut aider. » Je suis au service des habitants et il arrive que des incidents arrivent dans les mêmes quartiers, à des intervalles plus ou moins régulier. Alors s’il lui arrive de sortir, il n’est pas impossible qu’elle ait déjà vu mon visage quelque part. En tout cas, si elle pense m’avoir déjà vu quelque part, la réciproque n’est pas vraie. Nos boissons arrivent et je viens boire une gorgée de la mienne, avant de poser une question à mon tour. « Où est-ce que vous vous êtes rencontrées ? » Elles sont amies, mais j’ignore depuis combien de temps et surtout, où leurs chemins se sont croisés.

Ce que j'aime avec Island Bay. C'est un endroit unique en son genre, à part. Un petit coin de paradis. Les gens se connaissent. Pourtant nous ne formons pas une si petite population mais c'est ça. C'est un lieu assez familial. Cela ne devrait donc pas m'étonner de croiser Keila lors de notre sortie entre nanas. Il n'en reste pas moins que je suis ravie de la voir. Elle est adorable et elle a tellement de choses à partager. Ses expériences sont particulièrement enrichissantes. Après avoir fait les présentations, Romi prend les devants et invite la jolie brune à nous suivre pour un café. Ce qu’elle accepte et j’en suis ravie. Elle fait partie de ses nouvelles rencontres qui me rendent optimistes pour l’avenir. Nous nous installons à une table. Je laisse les filles discuter un peu. Ma belle-sœur prend le temps de lui expliquer un peu son histoire. Pendant ce temps-là, je m’attarde sur la carte. J’ai envie de quelque chose de frais. J’opte pour un thé glacé, ce sera parfait. « A un cours de yoga pour enfant » Romi me connait. Elle sait que j’adore mes neveux et nièces mais que de manière générale, les enfants, ce n’est tout simplement par mon truc. « Un erreur de parcours, tu t’en doutes » Un serveur vient prendre notre commande avant de s’éclipser. Je reprends« Finalement, nous avons décidé de participer au cours et nous avons gardé contact » Ce que je ne regrette absolument pas. J'espère pouvoir continuer à la cotoyer, apprendre à la connaitre encore un peu plus.

« Oui. Mon épouse et son mari étaient frère et sœur. » Alors ça effectivement, c’est une informations qui me manquait. Je savais que Romi avait été mariée et qu’elle avait perdu sa femme il y a peu, je ne savais pas pour autant que Skye et elle pouvaient être liée d’une façon ou d’une autre. Elle me répond finalement qu’elle est pompier, mais ça, je le savais déjà. Je lui offre un sourire amical en hochant la tête, alors qu’elle demande sans tarder, la manière dont on s’est rencontrées, Skye et moi. « A un cours de yoga pour enfant » affirme Skye, me faisant pouffer de rire. Parce que dit comme ça, c’est une réelle aventure à raconter. J’aime sa manière d’appuyer sur le fait que nous n’étions pas là par plaisir, à la base. Je ris un peu en hochant la tête. « L’important c’est qu’on a pu réitérer l’expérience sans enfants autour, et c’était quand même plus agréable ! » Amusée, je jette un oeil sur la carte, et suis Skye en commandant à mon tour un thé glacé. « Je ne sais plus qui m’a dit il y a quelques semaines, qu’Island Bay était vraiment comme un petit village. C’est dans ce genre de moment que je comprends ce qu’elle voulait dire. » En réalité, je sais exactement qui m’a dit ça, c’est Laurel, et je l’expérimente un peu plus chaque jour. « Est-ce que ça marche aussi pour les choses un peu moins drôles ? Est-ce que tout le monde sait tout sur tout le monde ? » Pas que je sois inquiète, je ne fais que me renseigner…

Ma curiosité me pousse à les questionner au sujet de leur rencontre. « En effet, c'est assez surprenant venant de toi. » Mais je préfère savoir que c'était une erreur de programmation plutôt qu'un acte de kidnapping de la part de ma belle-sœur – même si elle aurait facilement pu trouver des enfants avec ses neveux et nièces. C'est aussi de ça qu'est faite la vie : de surprises pouvant parfois mener à de belles amitiés. Installées, nous passons commande. Deux thés glacés pour les brunes et un Bubble Tea pour moi. Toujours surprise que le hasard a amené cette rencontre, Keila évoque le fait qu'Island Bay ressemble à un petit village, pour expliquer que tout le monde se connaît. Il y a sûrement une part de vérité là-dedans ou alors, ce sont nos points d'intérêts qui nous amènent toujours aux mêmes endroits. « Ça arrive. » Dis-je, en réponse à ses questions. « Avec des personnes bavardes, ça peut être facile de faire véhiculer des histoires. » Vraies ou fausses. Tristement, j'en ai fait les frais. Deux fois, avec les deux décès que j'ai dû affronter dans ma vie. Il n'a pas fallu beaucoup de temps à mes voisins pour savoir ce qui se passait. Après, ce n'est peut-être pas comparable de ce qu'elle parle : de telles nouvelles passent généralement dans le journal. « J'ose espérer que certains de mes secrets le sont toujours. » Même si à bien y réfléchir, je n'en ai pas beaucoup. Mon téléphone sonne et je me sépare des deux femmes pour y répondre : c'est Toni. En revenant à elle, je ne peux m'empêcher de grimacer un peu. « Je suis désolée, je vais devoir vous abandonner. » Autant dire que j'aurais préféré continuer cette journée plutôt qu'aller là où on m'attend. « Lilly est tombée. Toni l'a emmené aux urgences. » Cette phrase est plutôt destinée à Skye qui comprendra plus facilement ce que je dis que Keila.

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Il est vrai que ma rencontre avec Keila est assez cocasse. Le contexte est important et pour le moins amusant. Tout ça me fait rire. Romi me connait vraiment bien, trop parfois. Nous passons commande auprès du serveur. La conversation poursuit son cours très naturellement. J’écoute attentivement ma nouvelle amie et hoche la tête. C’est très vrai. Island Bay est une île, nous sommes quand même un nombre raisonnable, malgré tout, on a facilement l’impression de tous se connaitre. Josh m’a raconté qu’il existe des villages en Irlande d’où il est originaire où tout le monde se connait par son prénom, prend des nouvelles de leurs familles. Je trouve ça magique. Ici, c’est un peu différent mais l’esprit est là. Ce que lui explique parfaitement Romi. Son téléphone sonne et elle s’éclipse, nous laissant en tête à tête. J’en profite pour appuyer ses propos « C’est exactement ça. L’essentiel est de bien s’entourer, comme partout. Choisir son cercle d’amis avec soin » lui dis-je en souriant. Et ce n’est pas propre à Island Bay. C’est une leçon que l’on apprend tous un jour ou l’autre dans notre vie. Généralement, ça fait mal mais nous n’oublions jamais. Ma belle-sœur revient à la table. Son visage est assez fermé. Je fronce les sourcils. Il y a deux choses qui la font réagir ainsi : son travail et sa fille. N’étant pas de garde aujourd’hui, c’est forcément la seconde option. Elle nous explique très rapidement ce qu’il se passe. Je hoche la tête « Envoi-moi un message dès que tu en sais plus » puis elle file. Je me tourne à nouveau vers Keila « Lilly est sa petite fille » Nos boissons arrivent et nous nous retrouvons un peu désœuvrées « Ca te dis qu’on se trouve un créneau pour une vraie soirée ? Entre adultes » j’ajoute en riant en pensant à notre première rencontre.

« Avec des personnes bavardes, ça peut être facile de faire véhiculer des histoires. » affirme Romi. Je me doutais bien, oui. Elle appuie sur des secrets qu’elle espère encore secrets, et je ris un peu. Skye me fait part de sa réflexion sur les vrais amis, et je hoche la tête, bien d’accord avec elle. Après tout, c’est aussi une question de bien se tenir, et essayer de ne faire de mal à personne. Pour le reste, c’est indépendant de notre volonté je pense.
Romi s’éclipse à cause d’un coup de téléphone, et nous revient avec une mauvaise nouvelle. Elle parle de Lilly, que je pense être sa fille, et de Toni, qui m’est inconnue au bataillon. Les deux jeunes femmes échangent des au-revoir rapides et j’adresse un signe de main à la meilleure amie de Laurel, accompagné d’un regard compatissant.
Une fois seule avec Skye, elle m’explique que Lilly est la fille de Romi. Je hoche la tête avant de lui répondre « Vu son visage paniqué, j’ai cru comprendre que c’était quelqu’un d’important. J’espère que ça ira. » Je n’ai pas d’enfants, mais je peux me douter à quel point on peut être inquiet pour ces petites choses. « Ca te dis qu’on se trouve un créneau pour une vraie soirée ? Entre adultes » me demande-t-elle, réveillant mon sourire. « Avec grand plaisir ! » Nous concordons notre agenda pour trouver une date, et terminons assez rapidement notre thé glacé, avant de repartir chacune à nos occupations.