please let us work (keila)

please let us work
crédit/ tumblr ✶ w/keila

Une nouvelle journée commence et à peine arrivée à la caserne, il est déjà temps de partir en intervention. Un feu s’est déclaré dans un bâtiment commercial dans une rue de Wellington. Ce n’est pas le genre de choses qui m’emballe. Il est vrai que pour un pompier, c’est un peu un comble de se dire cela, mais c’est dans ce genre d’incendie que j’ai perdu Alice et forcément, ça me fait toujours un peu bizarre. Pour éviter qu’une nouvelle chose du genre arrive, je me mets souvent beaucoup de pression pour assurer la sécurité de mes collègues et celle des personnes présentes sur place. Car oui, c’est à Wellington et comme il fait jour, il y aura forcément du monde : à l’intérieur du bâtiment incendié, dans ceux d’à côté ou encore dans la rue. C’est autant de risques et de dangers supplémentaires. Arrivés sur place, nous essayons d’analyser la situation au plus vite avec l’un de mes collègues : il est important de sécuriser le bâtiment et de s’assurer que le feu ne se propagera pas aux immeubles mitoyens. Mais il faut aussi faire sortir toutes les personnes prises au piège par le feu. C’est autant de missions et donc d’équipes que nous devons faire. Après avoir donné plusieurs consignes à mes hommes, je reste à l’extérieur pour pouvoir gérer une propagation de l’incendie et les passants qui pourraient se faire un peu trop curieux. Par sécurité, nous avons créé un périmètre de sécurité qui bloque plusieurs boutiques et il y a des chances pour que cela ne plaise pas à tout le monde. Je ne montre pas, après seulement quelques minutes, un groupe de personnes essaye de forcer le passage. « Mesdames, messieurs ! Veuillez rester derrière les barrières s’il vous plaît. » Ils vont me rendre chèvre ! Ils ont l’impression qu’on fait cela contre eux, alors qu’on essaye juste de penser à leur santé.

Aujourd’hui est un jour que j’estime à noter dans un calendrier, puisque c’est le jour où je vais ajouter une nouvelle galerie à mon carnet d’adresses. Ce local commercial est une aubaine, l’emplacement est idéalement situé, et même si l’ancienne propriétaire en demande un bon prix, je suis prête à payer ce qu’il faut pour avoir la chance de m’implanter ici, en Nouvelle Zélande. Maintenant que j’ai acheté cet appartement en banlieue de Wellington, il fallait que je trouve aussi le moyen de travailler, pas seulement à distance, mais sur place. Je m’amuse à penser que chaque nouvelle galerie est un nouveau chemin de vie pour moi, et celle-ci est directement liée à Laurel. Lorsque j’arrive sur les lieux pour la signature du contrat, je remarque qu’il y a une effervescence. En m’approchant de la rue, je commence à sentir l’odeur de brûlé, et remarque que les pompiers sont là. Visiblement, il y a un incendie dans la boutique attenante au local que je suis censée acheter. Je ne sais pas ce que je dois en penser. Je m’approche tant bien que mal pour vérifier qu’il ne se passe rien de grave et que mon local ne va pas partir en fumée. Une voix me parvient aux oreilles et je me rends compte que je l’ai déjà entendue quelque part. Romi. Je m’approche un peu plus d’elle alors qu’elle se bat pour que les curieux ne dépassent pas les barrières. « J’espère qu’il n’y a rien de trop grave, et que c’est bien engagé pour toi… » Je croise son regard, il ne lui faut pas longtemps pour me remettre, notre rencontre ne date que d’il y a quelques jours. « Je venais pour acheter le local qui flirt avec les flammes. Je me demande si je ne dois pas prendre ça pour un signe du destin. » Je ne sais même pas pourquoi je lui raconte ça, elle travaille, elle est occupée, je ferai mieux de faire demi-tour et la laisser travailler…

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Avec mon métier, j'aime être dans le feu de l'action, directement dans les bâtiments qui s'embrasent. Mais parfois, il faut aussi savoir travailler à l'extérieur et se mettre à la disposition des autres pour que l'intervention se passe au mieux. C'est ce que je fais aujourd'hui en m'assurant que les passants restent bien à distance de ce qui se passe au niveau du commerce en feu. Sans grande surprise, certains d'entre eux n'en font qu'à leur tête et essaye de forcer le passage. J'ai beau être une femme, je peux être une teigne quand je le veux et c'est exactement ce qui se passe là : je résiste et les repousse à plusieurs mètres, sans pour autant être plus désagréable que nécessaire. Dans la foule, j'entends quelqu'un me parler. Il ne me faut pas longtemps pour mettre un visage sur cette voix et il ne m'est pas inconnu. « Keila, c'est ça ? » Il s'agit de la femme que j'ai rencontrée quand j'étais avec Skye. Je suis plutôt sûre de moi, mais par politesse, je préfère demander confirmation. Face à ce qui est en train de se passer, elle évoque pourquoi elle est ici. « C'est peut-être un signe. Mais avec un peu de chance, mes collègues arriveront à arrêter le feu avant qu'il ne soit trop tard. » C'est sûr que pour un achat, ça ne renvoie pas vraiment une bonne image, mais si le local est vraiment bien et qu'il s'en sort indemne de ce feu, ce serait quand même dommage de passer à côté. Enfin ça.. ce n'est pas à moi de le dire. Après tout, ce n'est pas mon argent. « C'est pour faire quoi dans ce local ? » De ce que j'entends à ma radio, mes collègues s'en sortent très bien, alors je peux bien parler un peu – tant que j'arrive à garder la situation sous contrôle.

Je ne suis pas venue pour embêter qui que ce soit, je voulais juste venir signer les papiers qui feraient de moi une heureuse nouvelle propriétaire. Mais je vois que ce n’est pas l’heure, puisqu’un feu ravage doucement le local à côté de celui que je dois acheter. Au milieu de tout ça, je reconnais Romi, et m’adresse à elle, sans vouloir pour autant la déranger dans son travail. Je hoche la tête quand elle semble retrouver mon prénom, et lui offre un fin sourire. Ma tirade sur la malchance pourrait être véritable, si je pensais en être dotée. Si un vrai signe du destin cherchait à me passer un message, je pense que c’est carrément mon local qui serait en train de brûler. Mais pour le moment, ce n’est pas le cas « C'est peut-être un signe. Mais avec un peu de chance, mes collègues arriveront à arrêter le feu avant qu'il ne soit trop tard. » « Je n’en doute pas une seconde. » Il vaut mieux ne pas avoir de certitudes, elles sont toujours vouées à nous prouver que rien n’est jamais sûr, dans la vie. Mais je suis confiante. Pour autant, je ne veux pas déranger la jeune femme dans son travail, mais c’est sans compter sa curiosité. « C'est pour faire quoi dans ce local ? » me demande-t-elle, visiblement intriguée. « Je compte ouvrir une galerie d’art. Il n’y en a pas beaucoup dans le coin, je trouve ça dommage. Et comme c’est mon domaine de prédilection… » Pas que je sois une pointure dans le métier, c’est un domaine très large et très pointu. Mais j’aime ce que je fais, et je pense le faire plutôt bien. « Je suis contente qu’il n’y ait pas encore à l’intérieur de toiles de grands artistes, prêtes à se faire dévorer par les flammes… »

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Je n'ai pas pour habitude de croiser des personnes que je connais sur des interventions – même si ici, connaître est un bien grand mot. Ce n'est certainement pas une si mauvaise chose, puisque ça peut rapidement nous déconcentrer. En réalité, je garde un assez mauvais souvenir de la dernière fois où c'est arrivé puisque c'était avec Laurel, cette meilleure amie que je pensais décédée lors d'un accident de voiture. Il n'est pas question de cela aujourd'hui et pour éviter de repartir si facilement dans mes pensées, je décide d'interroger la brune sur ce qu'elle compte faire dans ce local. Loin de moi l'idée de lui faire un interrogatoire, mais il peut être toujours intéressant de savoir ce qui s'ouvre en ville. « Est-ce que tu peins ? » Bon.. d'accord, ça commence doucement à ressembler à un interrogatoire, mais promis, ce n'est pas le but de tout cela. « Tu sais, il y en a qui seraient capables de négocier les prix après un incendie, même si ce n'est pas vraiment dans le local qu'il s'est déclenché. » Il faut dire que pour économiser, certains sont près à tout. Lorsque j'entends que tous les civils sont sortis du bâtiment, je tourne naturellement la tête vers mon équipe pour voir si nous avons besoin de moi ailleurs, mais ça ne semble pas le cas pour l'instant. « En tout cas, à en voir la foule qu'il y a aujourd'hui, c'est sûrement un bon endroit pour avoir de la clientèle. » Je ne sais pas vraiment s'ils sont là pour se balader, pour trouver quelque chose à acheter dans les nombreux magasins présents ou si c'est seulement la curiosité qui les pousse à vouloir regarder ce qui se passe. Si c'est cette dernière option qui les motivent, je crois qu'ils n'ont pas vraiment compris notre travail et l'intérêt qu'il y a à ne pas chercher à se rapprocher du feu. Les choses semblent être canalisées pour l'instant, ça serait quand même dommage que ça dégénère à cause d'imbéciles.

« Est-ce que tu peins ? » me demande-t-elle comme si elle faisait partie de la police. Je ne peux que lui offrir un sourire, ses questions ont une forme de candeur, et puis, je n’ai pas du tout envie de me mettre cette jeune femme à dos, étant donné qu’elle fait partie du cercle amical proche de Laurel. Enfin, avant toute cette histoire, mais qu’importe. Elle a une vraie importance pour la blonde, et je dois faire en sorte d’être agréable avec elle pour ne pas lui renvoyer une mauvaise image de moi. « Je peins un peu oui, mais je n’estime pas avoir assez de talent pour vendre mes propres toiles, je suis plus douée pour vendre celles des autres ! » C’est une réalité, pas une fausse modestie.
Sans attendre, la jeune femme me donne un conseil pour négocier le prix du local commercial, simplement parce qu’il y a eu un incendie à côté. « Alors là, peut-être que c’est un coup du destin, mais en ma faveur ! » Je n’ai pas besoin de faire baisser le prix, j’ai les moyens pour l’acheter tel quel, mais j’aime cette vision des choses. « En tout cas, à en voir la foule qu'il y a aujourd'hui, c'est sûrement un bon endroit pour avoir de la clientèle. » Je sui ravie de voir que mon choix est intéressant, et visiblement, elle le pense aussi. Je hoche un peu la tête en souriant. « Oui, s’il reste intact, je pense que c’est un bon spot. » Les mains dans les poches, mon regard balaye l’horizon. « Tu penses que ce sera réglé dans pas trop longtemps ? Ton équipe a l’air hyper efficace ! » Je repose mon regard sur elle en ajoutant. « Il ont une bonne cheffe. » Je ne sais pas si c’est comme ça qu’on dit, mais c’est elle qui donne les ordres, ça se voit de suite.

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Je ne sais pas vraiment pourquoi je m'intéresse à sa vie, surtout maintenant. Mais si ça peut faire passer le temps un peu plus vite, ce n'est sûrement pas une si mauvaise idée. Comme cela, j'apprends que la brune ne peint pas et qu'elle n'expose que les toiles d'autres personnes. « Je vois. C'est un métier tout autant intéressant. » Enfin, je suppose. L'art et moi, ça n'a jamais fait bon ménage. J'ai toujours eu tendance à sécher les cours de travaux manuels plutôt que ceux de sport : ce n'est sûrement pas pour rien que je suis pompier aujourd'hui. Surtout qu'il n'est pas seulement question de s'y connaître en art, il faut aussi être doué dans le relationnel – quelque chose avec quoi je ne suis pas toujours familière. Après ça, j'évoque le fait que cet incendie peut être une aubaine si l'on regarde le problème d'un autre angle et la jeune femme me suit dans ce sens. Ce serait quand même dommage de ne pas en profiter, surtout si les dégâts finaux ne sont que matériels et qu'il ne s'agit pas d'un drame pour les habitants de la ville. Avec un peu de chance, le feu sera arrêté à temps et le local qu'elle courtise ne sera pas touché. « Je l'espère. À première vue, les choses se passent plutôt bien pour l'instant. » Maintenant que tout le monde a été évacué, il reste à éteindre le feu et c'est pour cette raison qu'une équipe rentre dans le bâtiment avec plusieurs tuyaux. « Merci. » Dis-je, en réponse à sa dernière phrase. Même si elle n'y connaît sûrement pas grand-chose, c'est un compliment et c'est toujours bon à prendre. « Si je peux te donner un conseil, peu importe ce qui se passe aujourd'hui, demande à faire une expertise. On ne sait jamais ce que peut faire un incendie, qu'il soit proche ou loin. » Il vaut mieux être trop prudent que pas assez. Elle a connaissant de cet incident et il est important de le prendre en compte. L'expertise ne dira peut-être rien au sujet du feu, mais au moins, Keila ne sera pas embêtée plus tard.

Son expertise n’est pas définitive, mais selon elle, tout semble bien se passer pour le moment. Je me doute bien qu’il peut se passer des imprévus, c’est un métier qui en est truffé. Mais je suis rassurée de voir que ça n’ira pas plus loin. Et puis, ils savent ce qu’ils font. Je lui fais un compliment, et me rends compte qu’elle ne le reçoit qu’à moitié. De la modestie ou une simple concentration sur son équipe, qui l’empêche d’être pleinement présente dans notre conversation ? Quoi qu’il en soit, je ne lui en tiendrai pas rigueur, je suis plutôt dans le rôle du trouble-fête, et je m’en voudrais s’il arrivait quelque chose parce que je l’ai distraite. « Si je peux te donner un conseil, peu importe ce qui se passe aujourd'hui, demande à faire une expertise. On ne sait jamais ce que peut faire un incendie, qu'il soit proche ou loin. » Elle a entièrement raison, et je me le note dans un coin de ma tête. Je hoche alors la tête en lui offrant un sourire. « Je prends ton conseil, je n’y avais pas forcément pensé. Ça repoussera sans doute un peu la signature, mais mieux vaut être bien renseignée que d’avoir de mauvaises surprises. » Pour ça, je sais de quoi je parle. Et je ne ferai pas de cadeau aux propriétaires actuels sur ce terrain là. « Je te remercie pour ton expertise, en tout cas. Je vais essayer de trouver la personne avec qui j’avais rendez-vous, dans tout ce bordel… » Je laisse traîner un regard sur les environs, avant de poser une main amicale sur l’épaule de Romi. « Bon courage, pour la fin de cette intervention, et de cette journée. Peut-être à bientôt j’espère ! » Je lui offre un sourire compatissant et m’éclipse, mon téléphone à la main pour joindre mon rendez-vous.

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Quand on y pense, cet incendie fait partie de ceux qui sont assez simples. Je ne sais pas si c’est vraiment un terme que l’on peut utiliser dans une telle situation, mais tant pis, il n’y a que cela qui me traverse l’esprit et comme je ne le dis pas à haute voix, ça ne fait pas de moi une pompier indigne. Voyant que mon équipe s’en sort à merveille, je rassure la jeune femme et les passants qui tendent l’oreille sans vraiment s’en rendre compte. Ne voulant pas me déranger plus que ça, Keila décide de chercher la personne avec qui elle avait rendez-vous parmi la foule. « Je repasserais sûrement dans le coin, pour voir si tu es l’heureuse propriétaire de ce local. » Qui sait, avec le conseil que je lui ai donné et le résultat de cette expertise, peut-être qu’elle préférera jeter son dévolu sur un autre bien. « Et qui sait, peut-être que plus tard, je viendrais même jeter un coup d’œil à ta galerie. » Que ce soit dans ce quartier ou non, Skye en sera peut-être informée, alors je pourrais facilement avoir l’adresse. Après un geste amical, elle s’éloigne et je lui offre un tendre signe de la main avant de me concentrer de nouveau sur mon boulot. En quelques minutes, le feu est maîtrisé et nous pouvons maintenant passer au nettoyage de tout cela. Le propriétaire des lieux est dévasté et ça se comprend, c’est quand même de l’argent qui vient de s’envoler en fumée. Et ça, c’est sans compter combien il devra dépenser pour les travaux de réparation. Mais l’important, c’est qu’il n’y a pas eu de victime et que hormis cette boutique, rien ne semble avoir été touché.