you're my guardian angel (romi&love)

Ça fait déjà dix bonnes minutes que je suis allongée sur le parquet à regarder le plafond. Ma cage thoracique est bloquée, je sais exactement ce qui est en train de se passer. Ce n’est pas la première fois que je fais une crise d’angoisse de ce type, surtout depuis la mort de Scarlett. Mais cette fois, je sens qu’il y a un poids en plus, et je ne comprends pas. J’ai l’impression que je vais finir par arrêter de respirer totalement, et c’est pire pour l’angoisse qui m’a saisie. Je pourrai appeler mes pères, je sais qu’ils viendraient en quelques minutes à peine. Mais étrangement, quand je prends mon téléphone pour appeler quelqu’un, je tombe sur le dernier numéro enregistré le plus récemment. Romi. Romi la pompière. Romi qui saurait exactement quoi faire dans ce genre de situation. J’appuie sur l’écran au niveau du petit téléphone vert. Ça sonne. Lorsqu’elle décroche, j’entends qu’elle est surprise, et je ne peux que je comprendre. « Romi… C’est… Morgan… » Je tente du mieux que je peux d’être claire mais ma tête aussi est embrumée. « Ça va pas trop, j’arrive pas à respirer. Je sais que c’est une crise d’angoisse j’en ai déjà fait, mais celle là, c’est pas pareil… » Je sais pas pourquoi je me livre à elle comme ça, sans avoir peur qu’elle ne me juge. J’ai le sentiment qu’elle est vraiment comme mon ange gardien. « Est-ce que tu pourrais venir ? Pour être sûre que je vais pas crever là sur mon parquet en arrêtant de respirer ? » Ok, je suis actrice, mais là j’exagère pas, j’ai vraiment l’impression que je vais crever.

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crédit/ tumblr ✶ w/love

Depuis un accident entre deux voitures ce matin, les choses sont plutôt calmes à la caserne. J’ai même réussi à remplir mes papiers rapidement, je me retrouve donc à regarder une partie d’échec entre deux collègues. Oui.. en terme d’occupation, je suis descendue bien bas. Quoi qu’il en soit, je suis sortie de mes pensées par la sonnerie de mon téléphone. Le numéro inscrit sur l’écran de celui-ci ne me dit rien, mais avec Lilly et les différents numéros que peuvent avoir les assistantes maternelles, j’ai pris l’habitude de toujours répondre – même s’il m’arrive après ça de devoir écouter quelqu’un qui fait sa publicité pendant des minutes. Mais là, ce n’est pas ça. « Morgan ? Est-ce que tout va bien ? » Je ne connais pas vraiment la jeune femme, mais les conditions dans lesquelles nous nous sommes rencontrées me poussent à m’inquiéter naturellement. Je vise plutôt juste puisqu’elle semble dans une mauvaise posture. « Oui bien sûr ! Dis-moi où je peux te trouver. » Elle me donne une adresse, sûrement la sienne, et aussitôt, je demande la permission à mon chef de m’absenter. Je prends ma radio avec moi, si jamais je me retrouve appelée sur une intervention. Je monte dans ma voiture et file à tout allure jusqu’à l’immeuble, puis l’appartement indiqué. Je cogne plusieurs fois sur la porte, avant de vérifier si elle est ouverte. Ne connaissant pas exactement comment les choses ont évolué depuis tout à l’heure, je me permets de rentrer sans son autorisation. « Morgan ? » J’entends quelques bruits au loin et me dirige vers eux, le sac de soin à la main. Rapidement, je découvre la jeune femme allongée au sol. « Qu’est-ce qui est arrivé ? » Dis-je, tout en m’accroupissant à ses côtés.

Au moment où elle décroche, c’est comme si je me sentais déjà un peu mieux, juste d’entendre sa voix rassurante. Enfin, au début, je la sens un peu inquiète quand même, et au fond de moi, une petite voix me murmure que c’est parce qu’elle m’aime bien, même si on ne se connaît pas beaucoup. Et ça me fait plaisir. Elle me demande où me trouver et je lui donne mon adresse au complet, avec une légère hésitation. Je ne suis pas ici depuis très longtemps, je connais mieux mon adresse à Beverly Hills qu’ici. Mais je ne suis pas sénile pour autant. Lorsqu’elle raccroche, je sens un nouveau poids sur mon thorax, et j’ai juste hâte qu’elle arrive. Je n’entends même pas les coups frappés à la porte, mais j’entends mon prénom, celui que je n’entends plus depuis longtemps, mais que j’aime tout autant que l’autre. « Qu’est-ce qui est arrivé ? » me demande-t-elle alors qu’elle arrive à mon niveau. Je sens que je manque d’air, mais je dois tenter de lui expliquer. « J’ai… c’est une longue histoire. J’ai eu une émotion forte, et puis j’ai eu l’impression que j’arrivais plus à respirer. » Je connais mon corps, et des crises d’angoisses, j’ai commencé à en faire à la mort de ma meilleure amie. Mais comme celle là, jamais. « C’est comme si un éléphant était assis sur moi ! » J’aimerai rire de cette image ridicule, mais j’ai même mal aux poumons, ou je sais pas quoi. On dirait même que ça siffle, et plus ça va, plus ça empire parce que ça me fait flipper. « J’ai pas envie de mourir maintenant, j’ai encore des trucs à faire ! » Elle va me prendre pour une drama queen c’est sûr. En attendant, je suis certaine que ma tension a atteint les sommets !

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J’aurais pu faire appel aux services d’urgences pour tracer le numéro de la jeune femme et trouver sa position exacte, mais comme son état lui permet de m’indiquer où elle se trouve, j’en profite. Rapidement, en entrant dans l’appartement, je scrute ce qu’il y a autour de moi. Non pas pour être indiscrète et découvrir tous ses secrets, mais bien pour savoir s’il s’est passé quelque chose : une conversation qui aurait dégénérée, une chute ou quelque chose comme ça. Cependant, il n’y a rien de tout cela et c’est arrivée à ses côtés que je me renseigne sur son état et ce qui est arrivé. Je l’avais compris le jour de l’incendie, mais j’ai bien la confirmation aujourd’hui qu’il arrive à Morgan d’avoir du mal à gérer ses émotions. Ça arrive et quand ça nous prend aux tripes, ce n’est pas toujours évident de faire face. « Tu ne vas pas mourir Morgan. Je ne laisserais pas cela arriver. » Pas sous mes yeux en tout cas. « Je peux ? » Dis-je, tout en montrant des électrodes. Il va falloir que je les colle sur le haut de sa poitrine et pour cela, je préfère avoir son autorisation. Ces petits objets vont nous permettre de savoir ce qu’il en est de son cœur. Je ne pense pas qu’il soit lié à tout cela, mais comme on dit bien souvent, il vaut mieux être trop prudent que pas assez. Elle accepte et je viens les mettre aux endroits indiqués. Pendant que je laisse la machine s’allumer, je lui tends un masque à oxygène. Tant que la jeune femme n’aura pas retrouvé un état normal, les choses ne s’arrangeront pas. Mais au moins, avec ça, elle va pouvoir avoir l’impression de respirer de nouveau. « Tu veux me parler de cette émotion forte ? » Même si nous connaissons certains points de nos vies respectives, ce n’est finalement que le sommet de l’iceberg et il y a encore bien des choses à découvrir.

Etrangement, ça va un peu mieux depuis qu’elle est là. Peut-être parce que je sais que si je m’arrête de respirer, elle pourra faire quelque chose pour moi. Je ne suis pas seule, livrée à moi-même. Je n’ai jamais su vivre seule, je n’aime pas la solitude. A Los Angeles, j’ai toujours plus ou moins vécu avec ma meilleure amie, qui passait quasiment tout son temps chez moi. Alors être totalement livrée à moi-même, c’est un peu problématique. Mais je me soigne, ou en tout cas j’essaie. « Tu ne vas pas mourir Morgan. Je ne laisserais pas cela arriver. » Comment arrive-t-elle à me rassurer comme ça en une seule phrase ? Je plonge dans son regard, et j’arrive un peu mieux à respirer. Elle me demande si elle peut, elle peut quoi exactement ? Elle me montre ses électrodes, je sais pas ce qu’elle veut en faire, mais je hoche la tête. Elle connaît son métier après tout. Un masque à oxygène sur le nez, je tente de me concentrer pour respirer du mieux que je peux là dedans. « Tu veux me parler de cette émotion forte ? » Je la regarde, les yeux redevenant brillants. « J’ai… Il y a quelques mois j’ai perdu ma meilleure amie, mon âme soeur. C’était plus que ma meilleure amie… » Elle a perdu sa femme, elle sait mieux que personne ce que ça fait de perdre l’amour de sa vie. « Et de temps en temps, j’appelle sur son portable pour entendre sa voix sur son répondeur. Sauf qu’à chaque fois, je me fous à pleurer, et j’arrive plus à respirer. » Et c’est là que commencent les angoisses à répétition. J’arrive pas à réaliser, je veux pas vivre sans elle, merde.

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La jeune femme n’a pas de passif médical. Enfin, c’est ce que je suppose – j’ose espérer qu’elle me l’aurait dit sinon. Assise à côté d’elle, je fais ce que les ambulanciers ont l’habitude de faire en arrivant chez un patient. Ce n’est pas mon métier, mais j’ai été formée aux gestes de premiers secours et avec les années, j’ai appris certaines choses supplémentaires. Je lui demande ce qui s’est vraiment passé et contrairement aux premières fois où nous nous sommes vues, Morgan se livre à moi sans que j’ai besoin d’aller lui tirer les vers du nez. « Je vois que tu aimes te faire du mal. » Dis-je, sur un ton un peu amusé. Je ne me moque pas d’elle, mais il est important qu’elle se détende et si ça peut passer par l’humour, c’est une bonne chose. « Je comprends. » Ce qu’elle a fait, c’est une chose dont j’avais l’habitude aussi lors des premiers mois qui ont suivi le décès d’Alice. Surtout certains soirs, lorsque Lilly avait du mal à dormir. Je crois qu’indirectement, j’avais l’impression qu’entendre sa voix sur son répondeur me donnait une certaine force d’affronter tout ça. « Qu’est-ce qui lui est arrivé ? » En même temps, je regarde la machine qui m’indique qu’il n’y a rien d’anormal. Son coeur bat un peu vite, mais après ce qui vient de se passer, il n’y a sûrement rien d’étrange à tout ça. La dernière question que je lui pose est sûrement un peu intime, alors que je comprendrais qu’elle veuille garder ça pour elle. « Je vais récupérer ça. » Dis-je, tout en lui retirant le masque à oxygène. « Tu vas inspirer profondément. Quand tes poumons seront pleins, tu bloques quelques secondes et ensuite, tu expires. » Il faut que la jeune femme retrouve son calme et c’est l’une des techniques pour y arriver.

« Je vois que tu aimes te faire du mal. » dit-elle sur le ton de la plaisanterie. Ça ne me fait pas vraiment rire, mais je sais qu’elle a raison. Je ferai mieux d’arrêter de me faire du mal de cette manière. Pourtant, son téléphone est là, dans mon tiroir, et j’ai fouillé dedans jusqu’au moindre recoin. Il ne sonne plus que quand c’est moi qui appelle. Elle n’avait que moi, de toute façon. Romi est compatissante, elle me dit comprendre, je me doute que c’est le cas, puisque je connais son histoire. Enfin, une partie. « Qu’est-ce qui lui est arrivé ? » demande-t-elle finalement, pour continuer de me faire parler. Elle aurait pu changer de sujet, mais au final, je me rends compte que parler de Scar me fait du bien, ça m’aide à sortir tout ce que j’ai gardé en moi depuis son départ. « Elle était malade. Très malade. J’aurai voulu être compatible, pouvoir lui donner de la moelle osseuse… mais c’était pas le cas. Et puis elle avait plus de famille, et elle n’a jamais reçu de greffe… » Elle était si jeune.. C’est injuste. Ma voix est serrée quand j’en parle, et je ne sais pas pourquoi j’arrive à en parler comme ça aussi ‘facilement’ à Romi. Finalement, elle reprend le masque à oxygène et me fait faire un exercice de respiration. J’ai essayé toute seule, mais ça n’a pas vraiment marché. J’attrape sa main, comme si ça allait m’aider à me concentrer, et me rassurer. J’espère qu’elle ne le prendra pas mal, ou qu’elle n’y verra aucun signe déplacé. Mais maintenant, c’est mon ange gardien, et je crois que j’avais besoin d’elle dans ma vie… « Je sens que ça va un peu mieux… » Doucement, mais sûrement.

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Maintenant que j’ai eu une partie de son histoire, j’ai envie de connaître la suite, même si je comprends qu’il s’agit d’un sujet un peu sensible. Si j’ai perdu mon âme sœur dans un incendie, elle a perdu la sienne des suites d’une maladie et je trouve que c’est tout aussi douloureux, voire même pire. Si c’était brutal pour moi, elle, elle a dû vivre avec et voir sa meilleure amie partir doucement. « Je vois. » Le masque oxygène retiré, je m’occupe maintenant des électrodes. « Tu n’as pas vraiment eu de chances. » C’est sûrement un peu maladroit de dire les choses comme ça, mais entre le feu qu’elle a vécu enfant et ça, ça fait beaucoup pour une personne de son âge. C’est sûrement peu à côté de personnes qui vivent dans un autre pays et avec un entourage qui ne leur veut pas toujours du bien, mais je doute que chercher à faire des comparaisons est le bon moment. Elle a vécu beaucoup de choses et elle est jeune, c’est tout. C’est triste, mais aussi plein d’espoir : elle a encore le temps pour se reconstruire et pour vivre de belles choses. « Mais il n’est jamais trop tard pour être heureuse. Même si tu espérais sûrement autre chose. » Timidement, j’ose un petit sourire. « D’ailleurs ! Je te propose que la prochaine fois où l’on se voit, ce soit dans de meilleures conditions. » Alors qu’elle fait l’exercice, j’essaye d’alléger un peu l’atmosphère qu’il y a ici. « Ce n’est pas que je n’aime pas te sauver, mais je suis sûre que nous avons toutes les deux bien plus à raconter que ça. » Je lui souris et ce mouvement s’élargit un peu lorsqu’elle me dit qu’elle se sent un peu mieux. « Parfait. Je ne vais malheureusement pas pouvoir rester, je suis de service et je peux être appelée d’un moment à l’autre. Mais si tu as besoin, n’hésites pas à me contacter. D’accord ? »

« Je vois. Tu n’as pas vraiment eu de chances. » Pas de ce côté là, non, c’est vrai. Mais ça fait partie de la vie, et je sais que j’en sortirai plus forte. Faut-il encore que je m’en sorte, parce que pour le moment, ça me semble bien compliqué. « Mais il n’est jamais trop tard pour être heureuse. Même si tu espérais sûrement autre chose. » Ma gorge se serre et je ne la lâche pas des yeux même si mon regard s’embrume légèrement. J’aurai tellement aimé vieillir avec Scarlett…
La jeune femme me propose de nous voir la prochaine fois dans de meilleures conditions, et cette fois, je lui souris. « Ce n’est pas que je n’aime pas te sauver, mais je suis sûre que nous avons toutes les deux bien plus à raconter que ça. » En hochant la tête, je lui réponds : « Oui, je crois qu’il nous faut un peu plus de positif pour la prochaine fois ! » Elle retire les electrodes en décrétant que c’est ‘parfait’. Visiblement, je vais bien. En tout cas, mieux que quand elle est arrivée. J’ai l’impression de lui dire ça tout le temps mais c’est ce que je ressens. « Merci encore, Romi. T’étais pas obligée de venir, et ça me fait plaisir que tu aies accepté. » Je n’hésiterai pas à la recontacter si j’en ai besoin. Je sens qu’elle n’est pas saoulée par mon côté boulet, et ça me rassure… On verra pour la prochaine fois où on se verra ! Surprise !