do you need advice ? (alexander)

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« Lieutenant, il y a quelqu’un pour vous à l’accueil. » Encore ? À croire que ce mois-ci, je suis quelqu’un de très demandé. Même si pour Morgan, je lui ai proposé de venir : c’était donc assez probable qu’elle finisse par ramener son joli minois à la caserne. Là, je n’ai aucune idée de qui cela peut être et j’espère bien qu’il ne s’agit pas de futurs problèmes. Je range ce que je suis en train de faire et quitte mon bureau pour me diriger jusqu’à l’entrée de la caserne, là où se trouve aussi l’accueil. Arrivée au bon endroit, je reconnais la silhouette qui m’attend et je suis soudainement soulagée. Je ne sais pas pourquoi, mais je m’attendais à quelqu’un de l’administration ou quelque chose comme ça. À croire que je n’avais pas la conscience tranquille. Mais même si j’ai l’esprit plus tranquille, je dois tout de même porter attention au jeune homme, car s’il est ici, ce n’est sûrement pas pour rien. « Alexander ? » Au son de ma voix, le brun se retourne dans ma direction. « Est-ce que tout va bien ? » Les traits de son visage n’indiquent rien de mauvais, c’est toujours ça et puis, s’il était vraiment question d’une urgence, alors il aurait sûrement appelé directement les services d’urgence plutôt que de venir ici. « J’ai un peu de temps, tu veux peut-être qu’on aille dehors ? » Juste devant la caserne, il y a un banc où nous pourrons nous poser. Ce sera sûrement mieux, plus intime et cela évitera que les oreilles indiscrètes de mes collègues se mêlent à la conversation. « Tu as bien tous tes doigts ? » Dis-je, sur le ton de la plaisanterie.

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Il y a des jours où le temps passe à une vitesse folle et puis il y a ces jours où mon le rythme est beaucoup plus lent. Aujourd’hui est un de ces jours. La météo a bien changée ces derniers jours du coup, fini les grosses files d'attente devant le truc l’après-midi en pleine semaine et surtout, l'Océan n’est pas vraiment praticable avec ma planche de surf. Du coup dans ces circonstances pareils et bien je marche. J’aurais pu profiter de cet après-midi pour être avec Maël mais ce dernier à un impératif familial et je sais à quel point la question de la famille est importante pour lui ces derniers temps. Mais détrompez-vous, ça ne me dérange pas de passer du temps seul à arpenter les rues d’Island Bay ou bien à crapahuter dans des chemins beaucoup moins accessibles. Ça me permet de faire le point sur tout un tas de choses, le food truck, mes projets pros mais aussi ma vie personnelle.

Je suis pas du tout en train de déprimer, je considère juste que c’est très positif que de se remettre en questions. Mon casque sur les oreilles, je me balade dans les rues de West Bay. Ce que j’apprécie tout particulièrement dans ce coin, c’est la proximité avec les réserves naturelles. Le contraste est assez saisissant d’ailleurs entre ces grandes étendues verdoyantes d’un côté et le monde moderne de l’autre. Je me plais à redécouvrir ses horizons si bien que parfois, je marche en les observant sans remarquer la direction dans laquelle je vais.
Cette fois-ci, mes pas me guident tout droit vers un grand bâtiment qui est en fait une caserne de pompiers. Mais pas n’importe quelle caserne. Son nom m’est familier et pour cause, c’est celle dans laquelle est lieutenant la charmante Romi dont j’ai fait connaissance il y a quelque temps.
C’est con mais je m’entends plutôt bien avec elle, du coup, j’ai comme une envie soudaine d’y faire un saut. Après tout, si elle est occupée, ce n’est pas bien grave, je laisserai un message.

Quelques minutes plus tard, la jeune femme me rejoint à l’accueil, un casque de pompier sous le bras. Elle le dépose après m’avoir proposé de prendre une petite pause à mes côtés.
« Tu as bien tous tes doigts ? »
“Apparemment… Tu sais, je ne suis pas obligé de venir te voir uniquement en cas de pépin hein ! Regarde, tu es venue manger avec Lilly et tout s’est bien passé non ? A moins que tu as été malade à la maison ?”
Je plaisante mais en vrai, j’espère pas ! Imagine si elle me dit oui… la gêne !
“Non en fait j’étais en pleine balade dans le coin, c’est un peu mort en ce moment et j’ai opté pour une petite rando un peu plus haut et puis… je suis tombé sur la caserne. J’avais pas du tout réalisé que c’était dans celle-ci que tu bossais, du coup je me suis dit que je pouvais me permettre de passer dire bonjour !”

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Je ne peux m’empêcher de le taquiner un peu au sujet de ses doigts. Après tout, c’est un événement qui a fait partie de notre première rencontre. Pour moi, c’est gravé en mémoire, c’est le petit truc que je pourrais raconter si un jour on se remémore cet atelier de cuisine. S’il n’a rien aux doigts, c’est bien son corps tout entier qui est indemne et m’en voilà soulagée. En réalité, c’est une balade qui l’a amené dans le coin et il a pensé que ce pouvait être une bonne idée de venir me saluer. On peut dire qu’il est chanceux, car à quelques minutes près, je n’aurais sûrement pas été là : nous sommes rentrés d’une intervention il y a vingt minutes maintenant. « Non, pas de soucis pour la nourriture ! Nous nous sommes toutes les deux régalées. » Dis-je, en réponse à son inquiétude sur une éventuelle intoxication alimentaire. Sur le plan sanitaire, je suis convaincue qu’Alexander n’a rien à se reprocher. C’est peut-être un peu bête et sûrement plein de préjugés, mais vu comment le jeune homme tient au recyclage et aux produits locaux, il est inconcevable pour moi qu’il puisse travailler dans une cuisine qui laisse à désirer. « D'ailleurs, félicitations ! Tu t'en sors merveilleusement bien avec ce Food-Truck. Je reviendrais sûrement une autre fois, pour goûter autre chose. » Surtout que je suis tombée le jour où il proposait ce que nous avons appris à notre atelier commun. Il faudrait que je vienne pour découvrir quelque chose de complètement nouveau ! D'ailleurs, je pourrais y emmener Skye, je suis sûre que c'est le genre de nourriture qu'elle apprécierait. « Tu habites dans le coin ? Ou ta randonnée touche à sa fin ? » Dis-je, alors que nous nous dirigeons à l'extérieur, vers l'endroit où je lui ai indiqué. Il fait beau en plus, alors autant en profiter pour se poser au soleil. Surtout qu'à bien y réfléchir, je crois bien que c'est ma vraie première pause de la journée. Je ne sais pas combien de temps elle va durer et quand sera la prochaine, alors je vais savourer. « Si tu as fait un effort, peut-être que tu as soif ? Je peux aller te chercher un verre d'eau si tu veux. » La caserne est un lieu public où n'importe quelle personne peut se sentir chez lui, il est donc totalement légitime pour ça.

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C’est agréable d’entendre des compliments sur le truck. Je suis si content d’avoir pu donner une seconde vie à cette institution de Lyall Bay qu’évidemment, je ne peut être que ravi de savoir que ce que j’y propose plaît. Car oui, c’était pas forcément gagné d’avance…
« D'ailleurs, félicitations ! Tu t'en sors merveilleusement bien avec ce Food-Truck. Je reviendrais sûrement une autre fois, pour goûter autre chose. »
“Avec grand plaisir ! Tu seras toujours la bienvenue… Seule ou accompagnée d’ailleurs !”
En effet, j’ai eu l’occasion de rencontrer sa fille lors de sa dernière venue et je suis toujours ravi d’avoir à table un petit bout pour déguster mes plats ! Cela n'arrive pas si souvent au truck.
Je suis Romi à l'extérieur de la caserne où sont installés plusieurs bancs qui, j’en suis sûr, doivent être pris d’assaut dès que le soleil se pointe et surtout lorsque l’alarme incendie ne retentit pas. Ouais, j’admire le boulot de pompiers et ce depuis que je suis gamin. Ces gens-là sont si courageux à mes yeux qu’ils méritent sûrement tous les bancs du monde pour se reposer…
“Je suis sur le retour mais je suis loin d’être arrivé à la maison… J'habite à 15 minutes en vélo du food truck! ” Je finis par m’asseoir sur un banc et dépose mon sac à dos entre mes jambes. Même s’il n’est pas très lourd, cela fait plusieurs heures que je le porte sur mes épaules et ces dernières sont toutes engourdies.
“Oh ce serait volontiers, tu penses qu’il serait possible de remplir ma gourde ?” dis-je en sortant cette dernière de mon sac.  Vu le chemin qu’il me reste à parcourir, ce n’est pas plus mal d’être prévoyant de ce côté-là. Plutôt que de la laisser se charger de cela toute seule, je me propose de venir avec elle :
“Tu crois que j’ai le droit de t’accompagner ? Maintenant que tu m’as vendu du rêve avec ton poste de cuisinière en cheffe, je meurs d’envie de découvrir ton royaume !”
Après tout, c’est ce sujet qui a mené à notre rencontre quelques semaines auparavant.

Bon, je vais être honnête, en réalisant que cette caserne puisse être celle où travaille Romi, une idée m’a traversé l’esprit. J’y pense même depuis nos retrouvailles au truck en fait.
Je me sens un peu bête de penser comme ça mais lorsqu’elle m’a confié avoir eu sa fille avec une femme, je me suis senti en confiance. Au point que, pour la première fois, j’étais à deux doigts de me confier sur mon histoire avec Maël mais malheureusement, le temps nous a manqué. Il faudrait que j'arrive à trouver une opportunité.

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En dehors de cet atelier de cuisine, je ne sais pas vraiment si nous aurions eu l'occasion de nous rencontrer. Peut-être qu'un jour, le hasard m'aurait amené à son food truck, mais je ne pense pas que nous nous serions vraiment parlé. En parlant de son boulot, je lui mentionne le fait que je repasserais certainement un autre jour. Seule, avec Lilly une nouvelle fois, ou alors avec l'un de mes collègues. Nous sortons souvent ensemble après nos gardes, découvrir un nouvel endroit – pour eux – ne peux pas faire de mal. « Marche à pied, vélo, tu es un grand sportif. » Pour certaines personnes, c'est un bon moyen pour évacuer le stress et les maux d'une journée. Pour être honnête, je fais un peu partie de ces personnes-là, alors si c'est son cas à lui aussi, je ne peux pas le blâmer. Après l'effort qu'il a dû faire, je lui propose de boire un peu. Ce qu'il accepte, me demandant même s'il est possible que je remplisse sa gourde. « Oui, bien sûr ! » Le laisser mourir de soif ne colle pas vraiment à mon métier. Et puis, il est plutôt sympa, le monde n'aurait rien à gagner si je le laissais partir. Alexander me propose même de l'accompagner, seulement si cela est possible. Bien sûr que ça l'est. Même sans moi, il pourrait rentrer à l’intérieur du bâtiment et y trouver refuge pour un certain temps : on ne fait pas qu’éteindre des feux, on accueille des personnes aussi, même si ça reste plus rare maintenant. « Suis-moi. Tu verras, nous ne mordons pas ! » Nous nous relevons du banc et nous dirigeons vers l’intérieur de la caserne. « Ce n’est pas un grand palace, mais pour le temps que nous passons ici, c’est suffisant. » Le chauffage marche, la nourriture n’est pas périmée et nos matelas sont de qualités suffisantes : je pense qu’il s’agit là des critères suffisants pour dire que nous vivons bien. Et puis, si nous avons mieux chez nous, ça nous permet aussi d’avoir hâte de rentrer. Nous croisons certains de mes collègues et je présente Alexander comme un ami. Arrivés à la cuisine, je récupère un verre et le rempli d’eau. « Fais comme chez toi pour la gourde. » Maintenant qu’il est là, il peut tout aussi bien s’en charger que moi. « Si tu as faim aussi, dis-le moi. » Dis-je, un sourire sur les lèvres. « Profites-en pendant que je suis là, on ne sait jamais combien de temps ça dure. » C’est assez aléatoire. Il y a des journées où nous courons dans tous les sens et d’autres où nous nous tournons un peu les pouces.

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J’aime parfois me rappeler que si les choses arrivent c’est pour une raison et bizarrement, depuis quelques semaines, le destin semble vouloir que ma route croise celle de Romi. Je ne m’en plains pas le moins du monde, au contraire même car il semblerait que nous soyons faits pour nous entendre. Déjà parce que nous partageons une passion commune pour la cuisine et sûrement pour d’autres raisons. Je ne sais pas trop comment l’expliquer, je ne suis pas croyant, mais j’ai la sensation que sa présence pourrait m’aider. C’est vrai que depuis que j’ai appris qu’elle avait eu sa petite Lilly avec une femme, mon cerveau turbine. Peut-être qu’elle pourrait m’aider a y voir plus clair concernant Maël ?
“ Grand sportif je sais pas mais une chose est sure, j'ai dû mal à rester en place ! A ton avis pourquoi j’ai choisi ce spot pour le truck ? Dès que c’est possible, avec Maël, celui qui bosse avec moi, on récupère nos planches à l'arrière et on file sur l'océan ! ”

Ensuite, Romi me permet de la suivre pour une visite de la caserne. Ça n'a l’air de rien mais en fait, c’est un peu un rêve de gosse qui se réalise ! Pendant pas mal d’années j’étais passionné par les pompiers, leur courage mais surtout à l’époque, leur camion ! Ouais, c’est un peu cliché mais que voulez-vous, c’est comme ça…
Nous traversons d’abord une sorte de grand hangar où de nombreux casiers sont installés contre les murs. Au centre trône un immense banc en bois sur lequel sont installés deux jeunes hommes en train d’ôter leurs bottes.
“Bonjour !” dis-je brièvement. Ils me répondent d’un signe de tête et déjà nous pénétrons dans une pièce un peu plus sombre avec plusieurs lits. “C’est donc ici que vous essayez de trouver le repos avant de partir en mission ?”. La jeune femme me guide jusqu’à la cuisine et m’invite alors à me servir de l’eau.
“Non merci ! Ça devrait aller… Vu l’heure, je me contenterais d’un bon repas bien fat en rentrant ! Je crois que je l’ai mérité !” dis-je en souriant.
“ Profites-en pendant que je suis là, on ne sait jamais combien de temps ça dure. “
Je m’adosse à l’évier pour faire face à Romi et contempler la fameuse cuisine où cette dernière exerce sa passion pour ses collègues.  
"Ça doit être un rythme un peu spécial quand même non ? Enfin je dis ça mais dans la restauration on est pas non plus les rois des heures fixes… Ça ne doit pas être simple de jongler avec la vie de maman et la vie à la caserne en tout cas ! D’ailleurs en parlant de vie privée…”. Je me racle la gorge, sûrement à cause de la gêne.
“Je m’excuse d’avance pour ce sujet qui sort un peu de nulle part et d’ailleurs, tu n’es pas du tout obligée de répondre…”. Je sens que je vais être un peu maladroit mais ça ne sert pas à grand chose que je tergiverse trop. Je me connais, dans ces moments-là, je finis par ne plus rien dire et pour le coup, je suis sûr que ça me ferait le plus grand bien de parler avec Romi.
“Tu… tu me disais que tu avais eu Lilly avec euh… ton épouse ? Ca c’est bien passé pour vous ? Les démarches pour avoir votre fille et puis hum… fin tu vois quoi !”. Je ne suis pas très clair mais en même temps, c’est un peu à l’image de mon cerveau actuellement.

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Finalement, l'inviter au sein de la caserne est quelque chose que j'aurais dû faire dès le début. Vaux mieux tard que jamais, n'est-ce pas ? Nous rentrons dans le bâtiment et traversons plusieurs pièces avant d'arriver en cuisine. Étant dans un endroit qu'il ne connaît pas, Alexander se retrouve submergé de questions et il n'hésite pas à les poser – ce qui est une bonne chose, surtout que je prends toujours plaisir à parler de mon métier. « En effet, c'est un peu particulier. Mais on finit par s'y faire. » Surtout parce qu'on aime ça, sinon ce serait très compliqué. « Je passe des gardes entières ici et quand c'est fini, je passe plusieurs jours chez moi. C'est parfois compliqué pour Lilly, mais les moments que l'on passe ensemble ne sont que plus beaux après quelques jours d'absence. » Et je sais que je dois en profiter. Car quand elle aura commencé l'école, la maison paraîtra bien vide les journées où je serais là. Je ne me fais pas de soucis, je trouverais de quoi m'occuper, mais j'aurais d'autant plus hâte de la retrouver le soir. Je lui offre un verre d'eau et l'invite à remplir sa gourde au robinet. Pendant ce temps, je récupère un fruit pour grignoter un peu. Concernant ma proposition pour manger, il préfère la décliner, ce que je comprends parfaitement. Surtout qu'après la séance de sport qu'il semble avoir fait, autant qu'il se fasse un repas qui lui redonnera tous les nutriments nécessaires quand il sera de retour chez lui. Rapidement, Alexander s'intéresse à ma vie privée. On ne va pas se mentir, il le fait d'une manière un peu particulière, mais je trouve cela amusant – surtout que je sais qu'il n'a pas de mauvaise intention. « Est-ce que tu t'attends à ce que je t'explique comment on fait des enfants ? » Je ne peux m'empêcher de plaisanter un peu de la situation. J'ai les réponses, alors je suis en position de force. D'autant plus que parfois, ce sujet peut être un peu tabou – tout dépend de la personne qui se trouve en face et pour ça, je ne sais pas encore ce qu'il en est du jeune cuisinier : s'il s'y intéresse, je suppose que ça ne le dérange pas. « Je rigole. Je sais que ce n'est pas toujours évident quand on ne connaît pas un peu le processus. » Quand ça ne nous concerne pas, on ne cherche pas vraiment à en apprendre plus sur la paperasse et le temps que ça peut prendre. C'était mon cas il y a quelques années encore, avant que nous envisagions d'avoir la petite fille dans notre vie. « Je n'ai pas porté Lilly, c'est mon épouse qui l'a fait. Grâce à un don de sperme, nous avons pu faire une fécondation in vitro. » Par chance, les choses ont été rapides pour nous et dès le premier essai, Alice est tombée enceinte. Financièrement, ça aurait pu rapidement monter en cas d'échec – même si ce détail n'était pas vraiment un soucis pour nous. « Maintenant, aux yeux de la loi, je suis autant la maman de Lilly que l'était Alice, mon épouse. » Sans vraiment m'en rendre compte, j'ai utilisé le passé pour parler d'elle, sûrement parce que j'en ai l'habitude maintenant. « Est-ce que j'ai répondu à ta question ? » Si je peux éduquer des personnes à ce sujet, je ne dis pas non. Entre mon métier et mon orientation sexuelle, j'espère pouvoir ouvrir l'esprit de certains.

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Je me demande vraiment dans quoi je me suis encore fourré à poser ce genre de questions. J’imaginais que discuter de ce sujet avec quelqu’un qui a vécu des choses similaires par le passé m’aiderait, mais en fait ça me place juste dans une situation encore plus embarrassante. J’aurais peut-être dû m'en douter. Romi et moi, nous ne nous connaissons que depuis quelques semaines et avoir partagé un atelier cuisine et un service au truck ne fait pas de nous des “amis”. Je veux dire par là qu’entre amis, on a pas forcément besoin de tendre des perches, on connaît les limites des gens qui nous entourent, on sait quels sujets on peut aborder ou non, sans forcément avoir à prendre des pincettes. Romi pourrait devenir une amie dans l’avenir mais il est évident que l’on ne se connaît pas assez actuellement pour se comporter comme tel.
Bref, il me reste maintenant à me sortir de ce pétrin avec quelques pirouettes…
« Est-ce que tu t'attends à ce que je t'explique comment on fait des enfants ? »
Oh mon dieu, qu’est-ce que je vous disais : GÊNANT !
“Hum… jusqu’ici, je pense qu’on est plutôt bon ! J’ai suivi à la lettre tous mes cours de SVT sur la reproduction, promis !”
Mouais, on a connu mieux comme répartie mais je fais comme je peux. Romi enchaîne avec une explication du processus de fécondation in vitro qui lui a permis avec sa compagne d’avoir Lilly. Ce n’était pas vraiment ma question de départ mais ce n’est pas un sujet inintéressant. Avec Maël, le sujet est bien loin de se poser pour le moment. Pour ça, faudrait peut être déjà que l’on passe à l’acte… mais qui sait ce que l’avenir nous réserve.
“C’est cool que vous ayez réussi à mener ce projet ! J’ai cru comprendre que pour les mecs, c’était encore un tout autre parcours… Surtout pour la… GPA je crois que ça s’appelle !”. J’ai déjà quelques notions en la matière. Un des meilleurs amis de mes parents est parti aux Etats Unis avec son conjoint l’an passé pour avoir recours à une GPA. Cela leur a coûté une petite fortune mais ils ont accompli le rêve de leur vie. Du coup, j’ai profité d’un dîner organisé au domicile familial pour m’éduquer sur le sujet.

« Est-ce que j'ai répondu à ta question ? »
Arf… me voilà au pied du mur ! J’imagine que deux solutions s’offrent à moi. Dire oui et changer de sujet ou bien assumer et expliquer le fin fond de ma pensée. La première solution serait plus simple mais ne me ressemble absolument pas. Je décide donc d’opter pour la deuxième.
“En fait… pas vraiment ! Mais c’est pas à cause de toi… c’est ma question qui était vraiment mal posée. J’ai été un peu maladroit en la formulant.”.
Je m’assois sur un banc face à Romi, adossée contre l’évier de la cuisine.
“Bon… tu vas surement me trouver un peu bête mais j’ai une sorte de… secret dont je n’ai pas le droit de parler à mon entourage et qui fait travailler mon cerveau sans cesse… Du coup, en passant devant la caserne complètement par hasard, je me suis dit que c’était peut être un clin d'œil du destin, que c’était le moment d’en parler à quelqu’un ! En gros, le truc c’est que je vis une sorte de… relation secrète avec Maël, celui qui bosse avec moi ! Jusque là, rien de bien fou tu me diras… Mais là où ça se complique c’est que de base, c’est mon meilleur pote depuis la nuit des temps, que ni lui ni moi n’est gay à la base et surtout, on a décidé de vivre ça dans notre bulle ! Alors j’adore cette idée de relation secrète mais il y a un truc qui m’embête quand même… C’est le fait de ne pas pouvoir en parler à quelqu’un. C’est quand même un gros changement dans nos vies et moi j’suis complètement paumé. Je pensais qu’on était sur un truc plutôt physique mais je commence sérieusement à en douter. En soit c’est pas grave tu vois mais ça remue tout mon monde et j’ai du mal à y voir clair !”
Peut être que pour le coup, ma situation est un peu plus claire aux yeux de Romi.

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Cette conversation devient intéressante, mais surprenante aussi. En lui proposant de venir remplir sa gourde à l'intérieur, je ne pensais pas qu'il m'interrogerait sur ma relation avec Alice et sur la façon dont nous avions eu Lilly. En réalité, ce n'était peut-être pas exactement cela qu'il me demandait, mais maintenant que j'ai commencé à lui donner un début de réponse, il est compliqué pour moi de faire marche-arrière. Et en réalité, ce n'est pas tant un problème que ça, puisqu'il n'est jamais mauvais d'éduquer un peu les gens sur le processus qu'il est nécessaire de faire quand on est deux femmes, ou alors deux hommes comme il le rajoute. Si je n'ai aucun mal avec ma sexualité et que j'évoque sans trop de difficultés mon mariage et ma fille, ce n'est pas le cas de tout le monde. Avec ce sujet de conversation lancé, j'en arrive même à la conclusion que ce n'est pas quelque chose que nous avons vraiment abordé avant aujourd'hui, de son point de vue en tout cas. Par chance, avec ma dernière question, il semble se sentir suffisamment à l'aise pour attraper la perche que je lui tends et pour aborder ce qui l'intéresse vraiment. Alors que je plante mes dents dans ma pomme, j'écoute avec attention ce qu'il a à dire. Rapidement, je comprends qu'un homme partage sa vie – plus ou moins, mais que ça reste un sujet nouveau et quelque peu compliqué. Je ne sais pas exactement ce qu'il attend de moi, néanmoins, je vais faire au mieux pour lui venir en aide. « Concrètement, nous n'avons pas des histoires qui se ressemblent. Mais je suppose que malgré ça, je peux t'apporter conseil, ou au moins te dire comment je vois les choses. » Même si ce n'est pas exactement ce genre de choses que nous évoquons à la caserne, en étant lieutenant, j'ai un peu ce rôle de conseillère auprès de mes collègues, alors j'espère que ça pourra m'aider avec Alexander. « Je n'ai jamais eu de mal avec mon orientation sexuelle : j'ai compris assez vite que j'aimais les femmes et les hommes. » Et me cacher n’a jamais été une option. Peut-être qu’au début de ma relation avec Alice, nous avons fait le choix de voir si les choses fonctionneraient vraiment avant de faire les présentations officielles à nos proches. Juste pour éviter un éventuel épisode "c’est déjà terminé" quelques jours après les rencontres. « C’est quelque chose qui a été rapidement acceptée par ma famille et pour être honnête, cela a même permis à d’autres personnes de se dévoiler. » Que ce soit au moment de cette conversation avec ma mère, ou plus tard avec certains de mes frères et sœurs. Ma famille est plutôt ouverte là-dessus et je le savais, avant même d’aborder le sujet. Forcément, cela aide un peu. Peut-être que ce n’est pas son cas et que c’est pour cela qu’il a peur. « Ce qui m’intrigue un peu, c’est pourquoi tu n’as pas le droit d’en parler à ton entourage ? Si c’est quelque chose qui te tiens à cœur, ce qui semble être le cas, tu devrais pouvoir le faire. » Comme il le dit, ça donne l’impression qu’il garde le secret sous la contrainte – ce qui n’est pas une bonne chose, mais peut-être que je me trompe et qu’une nouvelle fois, j’ai mal interprété ses mots. « C’est un accord entre vous ? Revoie peut-être les choses avec lui pour que tu sois sur une décision qui te convienne un peu plus. Avec le temps, les choses changent et il n’est pas rare que nos opinions suivent le même chemin. » Surtout si depuis, ses sentiments ont changé. S’il reste comme cela et qu’il se bloque dans quelque chose qui ne lui convient pas, je crains qu’il se fasse submergé petit à petit et que ça devienne ingérable pour lui. « Je suppose que c’est le premier homme par qui tu es attiré. Mais je suis quand même curieuse, tu n’as jamais posé ton regard sur quelqu’un d’autre avant, même sans vraiment t’en rendre compte ? » S’il ne s’est jamais posé la question sur sa sexualité, il reste tout de même possible que ce ne soit pas quelque chose qui soit arrivé comme ça, du jour au lendemain.

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Cette fois-ci, la discussion semble prendre le bon chemin - ou tout du moins celui que j’avais imaginé dès le départ. Même si Romi a conscience que nos histoires ne sont pas strictement identiques, elle se prête néanmoins au jeu de l’oreille attentive.
En effet, je comprend rapidement que nous n’avons pas suivi le même chemin puisque la jeune femme a rapidement assumée son orientation sexuelle. A l’inverse, je viens tout juste de réaliser quels sont les sentiments qui me lient à Maël et cela fait figure d’une bombe dans ma vie.
Romi m’explique aussi qu’elle a eu la chance d’avoir une famille aimante et ouverte d’esprit qui a pris la nouvelle de la meilleure des manières. Sur ce point, je ne pense que ma famille réagirait mal. En tout cas, pas mes parents ni ma soeur et franchement, c’est l’essentiel à mes yeux. Ils sont hyper open sur le sujet donc ce n’est pas quelque chose qui me fait vraiment peur même s’ils seront clairement surpris de me voir débarquer main dans la main avec Maël. Mais ils l’accepteront, c’est certain. Pour ce qui est de la famille Kasmi, je dois avouer que je n’en sais rien. Jusqu’à peu, ils vivaient encore dans la mondanité et l’image était une part importante de leur vie. Peut-être qu’ils auraient plus de mal à l’accepter mais pour le coup je ne préfère pas trop m’avancer. On peut toujours avoir une bonne surprise.

« Ce qui m’intrigue un peu, c’est pourquoi tu n’as pas le droit d’en parler à ton entourage ? Si c’est quelque chose qui te tient à cœur, ce qui semble être le cas, tu devrais pouvoir le faire. » C’est vrai que c’est assez spécial cette histoire de secret mais peut-être l'ai-je présenté de la mauvaise manière.
“En fait c’est une décision qu’on a prise au tout début de notre rapprochement. Mais ça ne me déplaît pas forcément, c’est excitant ce côté “Pour vivre heureux, vivons cachés” et de toute façon je ne me vois pas en parler tout de suite à mes parents. Là où c’est plus compliqué c’est que je ne pense pas qu’on soit tous les deux prêts à révéler notre relation à nos amis. Je suis même pas sûr que tous le prenne très bien au départ mais bon, ça c’est un autre sujet. Mais du coup… on n’a pas grand monde à qui se confier sur notre histoire. Moi en tout cas ! Parce que Maël lui, il a sa colocation et il peut bien plus facilement en parler puisqu’il les connaît à peine."
Les choses commencent néanmoins à changer, Romi sait maintenant la vérité et puis, il y a Love aussi à qui je pourrais me confier. Depuis que nous nous fréquentons avec Maël, j’ai l’impression que l’on s’ouvre de nouveaux horizons amicaux, ce que nous ne faisions pas jusqu’à présent. C’est plutôt positif malgré tout.

« Je suppose que c’est le premier homme par qui tu es attiré. Mais je suis quand même curieuse, tu n’as jamais posé ton regard sur quelqu’un d’autre avant, même sans vraiment t’en rendre compte ? » J’avoue que je ne me suis jamais posé la question, même maintenant qu’il se passe quelque chose avec Maël. C’est assez compliqué pour moi de poser des mots là dessus. Ce n’est pas physique c’est presque… chimique ? C’est une attraction que je ne contrôle pas et que je ne sais expliquer. Je n’ai pas le souvenir de m’être déjà retourné sur garçon parce qu’il m’attirait. Dire qu’un mec est beau, ça ne m’a jamais posé de souci, mais il n’y avait pas vraiment d’attirance derrière. Là c’est différent.
“Totalement ! Après, peut-être que ça m’est déjà arrivé de manière inconsciente mais je n’en ai aucun souvenir.
Tu vois, au tout début on prenait ça comme un jeu, une sorte de bromance secrète. Mais je pensais pas UNE SEULE SECONDE, qu’on parlerait lui comme moi de sentiments, et encore moins aussi vite. Et je crois que c’est ça qui me perturbe. La dernière fois, on était en boîte et Maël à commencé à me faire une crise de jalousie avant de me dire qu’il pensait avoir des sentiments pour moi. Et comme un con, j’ai rien répondu tellement c’était inattendu. Depuis, plus j’y réfléchi, plus je prends conscience que je ressens des trucs moi aussi mais… WOW, c’est pas facile à dire, encore moins à un mec. Je sais que ça ne change rien en soit mais ça fait beaucoup à intégrer…”

Cela fait tellement longtemps que j’avais envie d’en parler que j’ai la sensation de tout déballer d’une traite. J’espère que Romi arrive à suivre mais ça fait du bien.
“Tu penses que je me pose trop de questions hein ?”
Et si c’est le cas, peut être n'a-t-elle pas tort finalement.

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crédit/ tumblr ✶ w/alexander

À entendre le jeune homme, cette histoire est un peu plus compliqué que ce qu'elle laisse croire au début. Ou alors, c'est Alexander qui se prend la tête plus qu'il ne le faudrait. De mon point de vue, c'est sûrement ça, mais il faut dire que c'est plus simple pour moi : je n'ai aucun mal avec ma bisexualité, que ce soit auprès de ma famille, de mes amis et collègues, ou encore des personnes que je ne connais pas. Pour en arriver là, il faut sûrement un peu de temps et clairement, le jeune homme n'en est pas là encore. Déjà, il doit comprendre les sentiments qu'il ressent pour son ami. Si c'était physique au début, ils ont maintenant dépassé cette étape. C'est peut-être le bon moment pour commencer à en parler à leur proche. Enfin ça.. Alexander n'est pas forcément d'accord avec moi et c'est son choix qui l'emportera à la fin. Chaque chose en son temps, c'est vrai. Mais s'il veut avancer un peu, peut-être qu'ils pourraient y aller étapes par étapes. Ils pourraient par exemple moins se cacher en public, se laisser aller à quelques gestes tendres, puis commencer à envisager d'en parler à leurs familles et proches. Pour lui, ce Maël est le premier garçon qu'il regarde vraiment et à entendre ce qu'il continue de dire, il lui fait découvrir de nouvelles choses, de nouveaux sentiments. Positifs, comme négatifs. Mais c'est quelque chose qui existe dans toute relation, il n'y a donc rien d'étrange à cela. Lorsqu'il me questionne sur le nombre de questions qu'il se pose, je ne peux m'empêcher de rire un peu. « Je pense qu'à ce sujet, on ne se pose jamais trop de questions. » L'amour, ou plutôt la sexualité, est quelque chose d'important dans nos vies, qu'on apprend sur le tas, au fil de nos expériences. « C’est nouveau pour toi, je ne vais pas te juger pour l’intérêt que tu y portes. » L’inverse m’inquiéterait un peu plus pour être honnête. Hormis les personnes prétentieuses, qui ont réponse à tout, il est normal de se poser des questions et de chercher des réponses auprès des personnes que l’on côtoie. « Nous sommes tous plus ou moins élevés dans un cadre hétéronormé, il est donc normal d’arriver à un moment où nous nous posons des questions. Nous ne sommes pas comme les autres, mais pourquoi ? » Pour les plus extrêmes, nous sommes même contre nature. Mais ça, c’est un autre débat et je n’ai pas la force de me lancer là-dessus. Par chance, je doute qu’Alexander soit du genre à vouloir aller sur cette pente glissante aussi. « Même si je vis très bien avec cela, librement, je me suis posée des questions aussi. » Lorsque mes yeux se sont posés sur Alice, lorsque j’ai commencé à ressentir certaines choses pour elle. Puis après notre premier baiser, les questions et sentiments contradictoires se sont enchaînés. « Mais je crois que peu importe le genre de la personne que nous apprécions, nous nous posons toujours des questions. C’est aussi ça l’amour. » Il n’a pas à s’inquiéter, c’est juste normal, que ce soit un Maël ou une Maëlle. « Néanmoins, pour tes questions, je pense que la personne la mieux placée pour t’aider est Maël. » S’ils ont pris cette décision à deux, pour cette relation cachée, alors c’est aussi ensemble qu’ils pourront faire évoluer les choses. « Mais si tu as besoin de quelqu’un pour t’écouter, alors je suis là. Tu peux venir ici tant que tu veux. » Je suis passée par là et je ne le jugerais jamais, c’est donc peut-être plus simple pour lui de parler avec quelqu’un comme moi. Même si pas d’inquiétude : si l’idée ne l’emballe pas, je ne jouerais pas la fille touchée dans son égo.