9 to 5 → matthew

Mine de rien – et si on le lui avait dit, Marina n’y aurait jamais cru -, elle aime bien discuter avec Matthew. C’est qu’il a apparemment des avis très tranchés sur à peu près tout. Il lui explique donc que ce n’est pas d’elle qu’il a une mauvaise opinion mais de son métier. En rajoutant une couche en lui rappelant qu’en plus de ça, il est très loin d’être le seul dans ce cas-là. A l’en croire, personne n’aimait les agents artistiques. Et peut-être n’a-t-il pas tort, au fond ; il est vrai que c’est assez rare qu’on l’accueil dans un studio ou sur un tournage avec le sourire. Mais ça arrive ! La rouquine ne s’est pas fait que des ennemis avec ce métier. Bien sûr, c’est la guerre avec ses collègues parce que chacun essaye en permanence de récupérer et de mieux s’occuper des clients des autres mais en dehors de ça, il arrive parfois qu’en plus du sourire, on lui offre café et croissant sans qu’elle ait besoin de le demander. Comme quoi, ça peut aussi bien se passer, parfois. Ce dont le photographe n’a apparemment aucune idée.
« Oh vous savez, ça dépend aussi du photographe. Et surtout de s’il a décidé de respecter le contrat du modèle ou non. Mais je vous assure que tous ne me voient pas comme l’emmerdeuse de première que vous pensez que je suis. »
Suite à quoi elle lui adresse un grand sourire. Pas forcément pour le narguer mais pour lui montrer que c’est comme avec n’importe qui d’autre : si les deux côtés n’y mettent pas du leur, ça ne peut tout simplement pas fonctionner.
« Je suis heureuse de vous l’entendre dire ! »
Qu’il sait qu’elle n’est pas là pour l’emmerder personnellement parce qu’on dirait quand même un peu. Puis elle lui parle de ce qui l’a poussée dans cette branche et en vient à partager le fait que tout le monde ou presque est dans les affaires, dans ses familles. Et ce point précis semble intéresser Matthew qui lui demande alors de quelles affaires elle parle exactement.
« Les investissements, les opportunités, les contrats… Ce genre de choses. Rien de vraiment artistique, pour le coup. »
En résumé, les Monthawk sont tous très doués pour faire de l’argent. Et Marina, quant à elle, a préféré se servir de ce petit don pour aider d’autres personnes à s’en faire aussi.

Ce qui a séduit sa femme ? Quoi donc ? Le fait qu’il soit un petit marrant ? Marina n’en doute pas une seule seconde à vrai dire car qui se ressemble s’assemble, c’est ce qu’on dit toujours et elle imagine donc aisément que Madame Braithwaite doit avoir le même humour. A l’en croire, il a même d’ailleurs bien d’autres qualités encore. Tant mieux pour lui ? Une chance qu’il n’ait pas à se reposer uniquement sur ce joli visage. Car même s’il la laisse de marbre, elle ne peut nier qu’objectivement, il est plutôt beau garçon et qu’il pourrait tout à fait poser pour les photographes au lieu d’en être un ; qu’il ait choisi d’en être un prouve qu’il en a aussi dans le ciboulot, en tout cas. Encore une fois, la rouquine ne se départ pas de son sourire.
« Vous m’en direz tant. »
Là-dessus, voilà qu’il termine cigarette et café, consulte sa montre et se lève. Elle sait déjà ce qu’il s’apprête à dire : qu’il est temps pour lui de prendre congé et elle n’a pas l’intention de le retenir plus longtemps. Qu’il rentre donc auprès de sa femme à qui il doit beaucoup manquer avec toutes ces qualités.
« Vous de même, monsieur Braithwaite. Au plaisir de ne plus vous recroiser, alors. »
Elle vide le fond de sa tasse et commence à rassembler ses affaires quand elle remarque qu’il lui tend la main et s’apprête à en faire de même au moment où une Brianna tout échevelée débarque en panique. Lui couper la main ? Qui est donc cette Lisa qui s’amuse à raconter n’importe quoi à sa cliente ? Il faudrait qu’elle aille lui toucher un mot à ce propos si elle la croise un jour. Marina ouvre la bouche pour la rassurer que non, on ne va pas lui couper la main, que seuls quelques points de suture devraient suffire quand Matthew se propose alors de la conduire aux urgences, prenant ainsi la place de cette fameuse Lisa. Elle approuve d’un hochement de tête lorsque Brianna tourne ses yeux emplis d’effroi vers elle mais ça ne semble pas la rassurer davantage puisqu’elle en vient à réclamer leur présence à tous les deux. Ça commence tout doucement à tourner au ridicule, quand même…
« A moins qu’il ne soit venu en camion de pompiers, je doute que monsieur Braithwaite ait de la place pour nous trois, vous savez… »
Sa cliente ne semble pas comprendre de quoi elle parle, pourquoi un camion de pompiers ? Et c’est tant mieux. Surtout que la rouquine essaye surtout de se défiler un peu. Mais, voyant le regard suppliant de Brianna, elle pousse un discret soupir et ajoute :
« Bon, je peux demander à mon chauffeur de tous nous y conduire, s’il le faut vraiment. »
Ce à quoi la jeune femme a tôt fait de répondre par un vif hochement de tête.

Non, c’est sûr que Marina ne s’attendait pas à devoir passer autant de temps en compagnie du photographe ; elle qui pensait qu’elle assisterait au shooting, que celui-ci se passerait sans accroc et qu’elle pourrait ensuite passer au suivant tout tranquillement, elle s’était bien trompée. Bon, peut-être bien qu’elle n’a pas tant de rendez-vous que ça non plus aujourd’hui, sinon elle expliquerait à Brianna qu’elle n’a tout simplement pas le temps de l’accompagner aux urgences et que, si Matthew se porte volontaire, alors il n’y a aucune raison pour qu’elle s’y rende elle aussi parce qu’après tout, Marina ferait tout pour ses clients à partir du moment où ceux-ci se tiennent à carreau mais le fait est qu’elle en a pas mal et qu’elle ne peut pas juste claquer des doigts et vider son agenda d’un coup d’un seul. Mais la voilà pourtant qui propose une alternative à l’Aston trop « petite » de ce monsieur Braithwaite. A savoir sa propre voiture. Avec chauffeur, s’il-vous-plaît. Ce qui a l’air de faire rire Matthew. Hé ben, heureusement qu’il ne l’a jamais croisée sur la route sans ledit chauffeur, sinon il ne pourrait plus se ravoir, c’est certain. Une fois qu’elle a l’accord de tout le monde, la rouquine passe donc un coup de fil à Salomon pour lui faire part de ses nouveaux projets. Et surtout, qu’il ne s’étonne pas en voyant grimper deux inconnus dans la Rolls. C’est vrai que ça pouvait surprendre, sinon.

Voyant le photographe pianoter sur l’écran de son propre téléphone, elle se dit qu’elle aussi devrait prévenir Lindsey qu’il y a un changement de planning. Mais elle n’en fait rien, estimant que s’il était en pleine réunion, elle ne ferait que le déranger. Elle remet donc son téléphone dans la poche de son manteau et voit la Rolls rouler vers eux. Et la remarque du photographe la fait sourire.
« Vous n’avez pas non plus à vous plaindre avec une Aston Martin, je crois. »
Et elle dit ça de source sûre parce qu’elle sait très bien que les photographes de mode gagnent bien leur vie. Peut-être pas autant que leurs modèles, suivant leurs contrats, mais il n’y a quand même pas de quoi se plaindre, non. Bref, ses deux invités s’installent alors à l’arrière. Et Marina suit le mouvement. Elle serait bien allée s’asseoir à l’avant avec Salomon mais c’est sans compter sur Brianna qui, entre-temps, a glissé son bras sous le sien et l’entraîne à l’arrière avec eux. Une chance que la Rolls soit assez large pour qu’ils ne soient pas tous les trois les uns sur les autres.

Une fois assise, elle répète donc ses instructions, Salomon acquiesce et ne perd pas une seconde pour se mettre en route. Suite à quoi, le trajet se fait dans le plus grand silence. Elle aurait bien fait la conversation à Brianna si celle-ci n’était pas si inquiète au sujet de sa main. Au fond, la rouquine songe qu’elle est en train de vivre ce qu’elle ne vivra jamais avec sa propre fille ni même aucun autre enfant étant donné qu’elle est stérile. Et, bien loin de la déprimer, cette pensée la réconforte. Non, elle ne regrette absolument pas de ne jamais pouvoir avoir d’enfants si c’était pour être obligée de devoir les accompagner aux urgences au moindre pépin. Pas pour elle. Quoi qu’il en soit, voilà qu’ils arrivent et elle croise les doigts pour que la salle d’attente ne soit pas bondée. Manquerait plus qu’il y ait eu un accident de la route peu avant et qu’on fasse passer la main de sa cliente au second plan, tiens. Mais heureusement, il n’y a pratiquement personne. Marina suit donc Brianna jusqu’à l’accueil et lui demande si elle a besoin d’aide pour donner tous les papiers dont l’agent d’accueil pourrait avoir besoin. Suite à quoi, elle l’aide à trouver son portefeuille et l’ouvre pour qu’elle puisse en sortir ses papiers d’identité de sa main valide.
« Il semblerait qu’on soit presque les prochains sur la liste. »
Du moins elle l’espère. Et surtout, elle espère que personne ne va décider d’aller prendre sa pause pile à ce moment-là, sans quoi, ça pourrait être un rien plus long qu’escompté. Mais il faut bien que ces gens-là prennent des pauses eux aussi.