we need to talk (eden #6)

Depuis quelques semaines, les choses se sont compliquées entre Eden et moi. Étrangement, cet aspect de notre relation s'est installé sans qu'on ne le contrôle vraiment. Les manigances de Marley, puis la comédie que nous avons mise en place, n'ont pas aidé. Mais si les choses entre nous ont changé si facilement, alors peut-être qu'il y avait bien quelque chose à creuser. Depuis son retour, j'ai voulu fermer les yeux là-dessus, me convaincant que ce n'était pas réciproque. Cependant, maintenant que je sais qu'elle va retourner voir son ex femme – future ex femme, je ressens le besoin d'être honnête avec elle. Si je ne le fais pas et qu'elle reste à Londres, alors je finirais par le regretter. Mon boulot terminé, je récupère Elliot et Leo chez ma mère et les dépose auprès de leurs marraines respectives. Lou ne pose pas plus de questions et Marley me lance quelques encouragements. J'en aurais sûrement besoin. Même si comme Eden est sa demi-sœur et qu'elle essaye depuis son retour de nous mettre ensemble, je me dis qu'il y a peut-être un petit espoir. Pour nous, mais surtout pour le fait qu'elle ne me refermera pas la porte au nez. Plus jeunes, les choses se sont faites naturellement entre nous, alors ce geste, ce pas vers elle, sonne un peu comme une première fois. Je cogne plusieurs fois sur la porte et sens une boule se former au creux de mon ventre : être anxieuse comme ça, ça ne me ressemble pas. Mais au moins, ça montre que ça me tient à cœur. Malheureusement, je me retrouve face à une porte qui ne bouge pas. Peut-être que la brune n’est pas ici : après une journée avec des enfants, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’elle cherche un peu de distraction. C’est au moment où je commence à faire demi-tour que l’institutrice se montre. « Salut. » Dis-je, alors qu’un sourire se dessine naturellement sur mes lèvres. Je ne sais pas ce que cette soirée nous réserve, mais la voir me rend toujours heureuse. « Tu dois sûrement être occupée avec ta valise et je m’excuse de te déranger aussi tard. » À bien réfléchir, il n’est pas si tard que ça. Mais pour le dérangement, je ne suis sûrement pas loin de la vérité : avec un départ pour l’Europe, il y a forcément des choses à prévoir. Des vêtements, mais aussi des papiers. « Mais je ne pouvais pas te laisser partir pour Londres, pas sans te parler. » J’aurais certainement pu tourner un peu autour du pot, lui demander de ses nouvelles depuis la dernière fois. Cependant, on m’a toujours appris qu’il était préférable de tirer un grand coup sec sur un pansement pour pouvoir le retirer plus vite et donc souffrir moins longtemps. C’est un peu de ça dont il est question ce soir : plus vite j’aurais parlé à cœur ouvert à mon ancienne petite amie, plus vite les choses pourront rentrer dans l’ordre, dans le bon comme dans le mauvais sens du terme.

Je ne sais pas exactement ce que je fais là, ou plutôt, quelle force m'a poussé à prendre mon courage à deux mains. Quoiqu'il en soit, maintenant que je suis ici, devant sa porte, il est impossible pour moi de faire marche-arrière. Surtout que la jeune femme ne met pas longtemps à m'ouvrir. Peut-être que ça va dans mon sens. Si jamais j'étais restée là, debout sans aucune réponse, alors je serais rentrée chez moi et je serais arrivée à la conclusion que si cette discussion n'avait pas eu lieu, c'était pour une bonne raison. Inutile d'imaginer le pire maintenant que la porte est ouverte, du moins, pour l'instant. Comme je me jette directement dans la gueule du loup, peut-être que le problème est juste repoussé. J'aurais sûrement dû réfléchir à deux fois avant de lui parler de cette envie d'avoir une discussion avec elle avant son départ, ça m'aurait laissé un peu de temps pour réfléchir à ce que je pouvais aborder et à quel point je pouvais me mouiller. Tant pis pour moi, je n'ai que le temps de passer sa porte pour y réfléchir. Pour être honnête, je prends un peu plus que cela et ça n'aide sûrement pas à ne pas rendre ce moment gênant. J'essaye de penser à autre chose, de me détendre un peu, mais dans cette configuration, c'est compliqué. Surtout qu'à bien y réfléchir, il ne manquait qu'une averse pour que l'entièreté de cette scène colle au parfait cliché d'une comédie romantique. J'ai l'impression que tout me ramène à ça, à notre relation et à la déclaration que je dois formuler. Comment ne peut-elle pas se douter de ce qui l’attend ? Plus le temps passe et plus ça devient compliqué de faire les choses comme je l’aimerais, alors je finis par me lancer. « Ne pars pas à Londres. » Là.. au moins, j’ai été directe. Peut-être trop ? J’ai conscience que ça ne suffira pas et qu’il est même important que je continue rapidement. « J’y pense depuis notre dernière discussion, depuis que tu m’as dit que tu allais adopter un enfant avec ton ex. » En réalité, ce n’est pas l’idée de la voir partir à Londres qui m’effraie le plus, mais bien le fait que là-bas, elle va retrouver Morgan, la femme dont elle n’est pas encore divorcée. « Je n’ai pas envie que cela arrive, je n’ai pas envie de prendre le risque de ne pas te voir revenir. » Si elle lui fait le grand jeu et qu’Eden décide de lui laisser une chance, qu’est-ce que je ferais ici ? Peut-être que c’est quelque chose qui arrivera finalement, malgré moi, mais au moins, j’aurais pris mon courage à deux mains pour lui en parler avant. « Je sais que c’est bête et que tu vas sûrement trouver cela idiot, mais je crois que j’ai des sentiments pour toi et.. » Si Marley me voyait, je crois qu’elle serait fière de moi. Pourtant, à parler – à faire un monologue même, j’ai l’impression de me ridiculiser. Perdue pour perdue maintenant, est-ce que je suis à ça près ? « Et je ne pouvais pas te laisser partir sans te le dire. » À une époque, c’est la distance qui a mis à mal notre relation et je n’ai pas envie de voir cela se reproduire aujourd’hui.

Prendre mon courage à deux mains, comme je le fais aujourd'hui, ça fait bien longtemps que ça ne m'était pas arrivé. En réalité, je me demande même si ça s'est déjà produit un jour. Je ne sais pas, je crois qu'avec mes relations, j'ai toujours eu de la chance pour que ça se fasse assez naturellement. Mais je crois que je dois apprendre à me battre pour ce que je veux vraiment et être mise devant le fait accompli, avec le départ d'Eden pour l'Angleterre, m'a permis d'ouvrir les yeux là-dessus. Cependant, je ne pensais pas que ce serait aussi compliqué de faire cela, d'avouer des sentiments que j'ai déjà éprouvés pour elle dans le passé. Les mots, je les ai et elle les a déjà entendus, pourtant ils peinent à sortir de mes lèvres. Sûrement parce qu'une fois qu'ils seront de nouveau dis, il n'y aura plus de retour en arrière possible et s'il s'avère que ce n'est pas réciproque, alors je devrais affronter son regard chaque jour où j'emmènerais Elliot et les fois où nous nous croiserons au café. Me voilà maintenant tiraillée entre deux choses : si je parle, alors je prends le risque de la perdre, mais en même temps, avec ce que je viens de lui dire, je ne peux plus vraiment me défiler. Ou alors, il faut que je trouve une bonne excuse, une autre déclaration dans les minutes qui arrivent. Malheureusement, ou par chance selon le point de vue, il n'y a rien qui me vient et je me retrouve à lui dire ce pour quoi j'étais venue à la base. Malgré le sourire qui se dessine sur les lèvres de la jeune femme, j'ai l'impression d'avoir fait une énorme bêtise. Le temps passe et je me demande si elle n'est pas simplement en train de chercher les mots justes pour que je ne sois pas blessée. Il faut dire que je l'ai un peu mise dos au mur avec tout cela et elle doit se sentir piégée, surtout maintenant qu'elle m'a invitée à entrer. Néanmoins, sans que je ne le vois vraiment arriver, la jeune femme se rapproche et dépose un tendre baiser sur mes lèvres. Oh. Ça, je ne l’ai pas vu arriver, mais c’est plutôt une bonne chose pour moi. Naturellement, je viens glisser l’une de mes mains au niveau de sa nuque et je prolonge ce baiser. Même si tout cela me rappelle la soirée que nous avons passée toutes les deux, où nous avions un peu trop bu, cet échange reste bien différent : il est cette fois-ci désiré de nous deux. Il me faut un certain temps pour retrouver la réalité et lorsque c’est fait, je viens frôler son front du mien, avant de reprendre un peu mes distances. « J’en connais une qui va être contente. » Je ne peux être qu’amusée de la situation. Ma meilleure amie a mis en place tellement de choses pour que l’on se retrouve toutes les deux – peut-être qu’on se donne une nouvelle chance aussi – et voilà qu’on finit par lui donner raison, en partie au moins. « D’ailleurs, je me demande encore comment elle faisait pour être aussi sûre d’elle. » J’avais beau lui dire qu’elle se trompait, Marley n’en démordait pas et à en voir aujourd’hui, elle a peut-être eu raison d’être têtue comme ça et de nous pousser, encore et encore, l’une vers l’autre. Cependant, avant d’en arriver aux grandes discussions, il y a autre chose que nous devons aborder. Même si l’idée de la voir partir pour voir son ancienne petite amie ne m’emballe pas des masses, je dois lui montrer que je suis là pour elle, peu importe ce qu’elle décide. « Si tu veux cet enfant, je te soutiendrais. Mais je ne veux pas que cette femme profite de cette occasion pour te faire du mal, encore. » Comme situation, ce sera sûrement un peu bizarre au début, mais si devenir mère est son rêve, alors je n’ai aucunement le droit de lui empêcher cela.

Je crois que parfois, j'ai tendance à être pessimiste et clairement, c'est ce que j'ai été pour toute cette histoire. Marley a pourtant essayé de me faire changer d'avis. À maintes reprises, elle m'a dit que je n'avais pas à avoir peur et surtout, que j'avais toutes mes chances avec sa demi-sœur. Seulement, avec ce qu'elle venait de vivre et notre passé, je ne pensais pas que c'était quelque chose qu'Eden envisageait. En plus, la distance qu'elle a instaurée après notre baiser a quelque peu confirmé mes idées. Mais de l'eau a coulé sous les ponts et nous avons visiblement toutes les deux changées d'avis sur la question. Pour ça, il y en a une qui va être contente et je ne peux m'empêcher de le faire remarquer à voix haute. Peut-être que j'aurais dû me retenir, puisque l'institutrice en profite pour m'offrir une petite pique. « Dès qu'elle me regarde plus de trois minutes, je cède. » Je ne sais pas exactement ce que Marley a pu lui dire, ou même si elle lui a dit quelque chose d'ailleurs – car je lui ai demandé de ne pas le faire. Mais à bien y réfléchir, évoquer cela me rend directement coupable de quelque chose. Il est peut-être mieux que je lui en parle la première. « Je m'en excuse d'ailleurs, car indirectement, je t'entraîne dans ma chute. » Mais comme je l'ai dit à ma meilleure amie, ce n'est pas évident de se retrouver au milieu d'elles : si je décide de monter un plan avec Eden, c'est Marley qui en fait les frais et inversement. Ce sujet un peu plus léger passé, je relance celui qui m'a poussé à venir ici en premier lieu : son ex-femme et cet enfant qu'elles prévoient d'adopter ensemble. Je sais bien que ça ne me concerne pas, mais j'ai besoin qu'elle sache que peu importe sa décision, je serais là. Maintenant qu’elle est de retour dans ma vie, je n’ai pas envie de la voir partir et si je dois un peu m’éclipser pour ça, alors je le ferais. J’ai parlé, c’est maintenant à son tour et je suis attentive à chaque mot qui sort de sa bouche. Je ne sais pas exactement où je dois me positionner dans cette histoire. Quel sera mon rôle ? Est-ce que j’en aurais un d’ailleurs ? Vu comment la jeune femme est perdue, ce sujet est loin d’être une priorité, alors quand le moment sera arrivé, nous en reparlerons. « Je comprends et je respecte ton choix. » Un fin sourire se dessine sur mes lèvres. Qu’est-ce que je pourrais rajouter de plus à cela ? Maintenant, elle sait ce que j’éprouve et c’est à elle de voir ce qui sera le mieux pour elle. « Je ne serais pas là, mais si jamais tu as besoin de parler un peu, tu pourras m’appeler ou m’envoyer un message. » Le fuseau horaire ne sera pas le même, mais je suis sûre qu’on arrivera toujours à se trouver un petit moment pour se croiser, rien que pour un message. C’est sûrement un peu bête, néanmoins je suis presque sûre que le temps semblera durer une éternité lorsqu’elle sera à des milliers de kilomètres. Et je crois que j’aurais besoin de ce contact pour me rassurer un peu ou alors pour me faire à l’idée qu’elle laisse une chance à Morgan. « Et si jamais l’adoption ne se fait pas, sache que je fais de très beaux enfants. » Je ne sais pas vraiment ce qui me passe par la tête. « Je rigole. » C’est peut-être la blague de trop. Je pince un peu mes lèvres, avant de faire le choix d’enchaîner avec autre chose. « Est-ce que tu as besoin d’aide pour ta valise ? » Maintenant que je suis ici, autant que je me rende utile.

Étonnamment, je ne m'attendais pas à ce que les choses se passent ainsi. Pour être honnête, les choses ne pouvaient pas mieux se passer que cela. Enfin si, elle aurait pu annuler son voyage à Londres pour voir sa petite amie, mais la raison qui la pousse à le faire est noble et je ne peux malheureusement pas me mettre en travers de ça, peu importe la déclaration que je pourrais faire. L'important, c'est que maintenant, Eden a connaissance de ce que je ressens et inversement, alors quand elle reviendra, nous aurons l'occasion de discuter de tout cela plus en détails. Garder ce lien est important et c'est en partie pour cela que je lui propose de m'appeler ou de m'envoyer un message si jamais elle en ressent le besoin. Nous ne serons pas sur le même fuseau horaire, mais ce n'est qu'un détail ça : dès que j'en aurais l'occasion, je lui répondrais ou chercherais à la joindre à mon tour. La jeune femme accepte ma proposition et c'est un poids en moins sur mes épaules. C'est sûrement un peu bête, mais après ce qui vient de se passer, je ne me vois pas faire un silence radio avec elle dans les jours à venir. Avec un départ imminent, Eden est sûrement un peu pressée par le temps pour sa valise, alors de nature généreuse – et ne voulant pas encore partir, je lui propose mon aide. De ce geste, la jeune femme évoque un point que je n'avais même pas envisagé, mais maintenant qu'elle m'y fait penser, l'idée ne serait pas déplaisante. « Je ne dirais pas non à l'idée d'embarquer avec toi, mais après ça, tu devras te faire pardonner auprès de deux petits garçons. » Je n'ai plus dix-huit ans, je ne peux plus partir du jour au lendemain sans me soucier de l'endroit où seront mes deux enfants durant une telle absence. Bien sûr, j'ai conscience que c'est une plaisanterie, qu'elle n'envisage pas vraiment de m'emmener avec elle, mais quand même, je ne peux m'empêcher de penser à ça, en espérant que plus tard, ils ne seront pas un frein à une possible relation avec elle. Elle est institutrice, elle aime les enfants, mais je suis sûre que c'est un peu différent de se retrouver belle-mère du jour au lendemain. Quoi qu'il en soit, il n'est pas vraiment question de cela pour l'instant et je me contente de la suivre jusqu'à sa chambre, ma main dans la sienne. Comme elle l'indique, si elle tient vraiment à m'emmener dans sa valise, il va falloir faire un choix, car je ne pourrais clairement pas cohabiter avec ses vêtements vu la taille de l'objet à roulettes. Lorsqu'elle prononce ces quelques mots, comme une envie masquée, et qu'elle plonge son regard dans le mien, j'ai l'impression de perdre pieds. Celeste, il n'y a plus aucun doute, tu en pinces vraiment pour elle. Finalement, elle ajoute que sans vêtement, elle serait obligée de jouer la nudiste à Londres et elle doute que ce soit une bonne idée. « Surtout que si je ne me trompe pas, il pleut souvent. » Le seul avantage qu'il y aurait là-dedans, c'est que sans vêtement, elle ne prendrait pas le risque de les mouiller. « Il pleuvait la fois où je suis venue. Nous nous étions réfugiées sous un arrêt de bus, le temps que l'averse passe. » Un fin sourire se dessine sur mes lèvres, alors que je repense au jour où je suis allée lui rendre visite, quand nous étions encore ensemble. La fin de mon séjour n'a pas eu la meilleure fin possible, mais je garde de très bons souvenirs de mon séjour chez les Anglais, dans le monde que s'était créé ma petite amie de l'époque. « Est-ce que ça te manque de vivre là-bas ? » Pour convaincre quelqu'un de revenir, nous avons sûrement connu mieux comme argument. Néanmoins, sans cette histoire avec Morgan, je doute qu'Eden serait revenue en ville, il n'y aurait donc rien d'étonnant à ce que l'Angleterre lui manque.

Me laisser de la place dans sa valise est une agréable attention, mais à Londres, elle risque d’avoir besoin de ses vêtements. Cette pensée m’amène directement à me souvenir du temps qu’il faisait le jour où j’y suis allée. Elle n’était pas exceptionnelle, voire même désastreuse quand on fait le bilan de la pluie qui est tombée durant le séjour. Cependant, selon Eden, ce n’est pas toujours comme ça. À l’époque, cette météo était comme cela uniquement pour m’accueillir. Londres sait comment s’y prendre avec les étrangers. « Dis-le que je suis un chat noir ! » Ces quelques mots sont prononcés sur le ton de la plaisanterie. Je récupère un vêtement sur la pile face à moi et le lance sur Eden. À bien y réfléchir, peut-être que ce temps était annonciateur de ce qui allait se passer entre nous. Pourquoi avoir du soleil pour un dernier week-end ensemble, un week-end d’adieu – d’au revoir serait plus adapté finalement ? Même si cette ville et ce pays manquent à Eden, la jeune femme ne regrette pas son choix et ne compte pas repartir pour l’instant, pas d’une manière définitive en tout cas. Un sourire se dessine sur mes lèvres lorsque je l’entends dire cela. Inconsciemment, elle a sûrement raison : ça me rassure de savoir cela. Ainsi, je n’ai pas l’impression de foncer tête baissée dans un mur ou plutôt dans une relation qui n’aurait aucun avenir. L’institutrice est bien ici et forcément, un nouveau sourire se dessine sur mes lèvres et il s’étend un peu plus lorsque je sens la main de la brune contre ma peau. « Je suis contente de l’entendre. » Et j’espère y être pour quelque chose, même si ce n’est qu’une infime partie. « Je ne sais pas si elle te le dit beaucoup, mais ça fait plaisir à Marley de t’avoir à ses côtés. » Je ne suis pas la seule à être impactée par ce retour en ville et ça se voit sur le visage de ma meilleure amie que cette nouvelle présence au quotidien lui fait le plus grand bien. Mon ancienne petite amie, visiblement en difficulté avec sa valise, me proposer de commander à manger, si j’ai un peu de temps devant moi. « Je pense que je peux faire ça. Ça fera autant plaisir aux garçons qu’aux marraines de passer un peu plus de temps ensemble. » Je réalise à quel point j’ai de la chance d’être entourée comme ça. « Je vais quand même aller les appeler, pour m’assurer que c’est bon pour elles. » Il n’y a pas de doute, cette idée de passer un peu plus de temps avec elle m’emballe. « Tu peux commander en attendant. Prends ce que tu veux, je te fais confiance. » Je viens poser ma main sur l’avant-bras d’Eden, dans un geste tendre, avant de m’éclipser dans l’une des pièces adjacentes. J’appelle Lou, puis Marley. Je suis prête à enchaîner avec ma mère, Robin ou encore Lane, s’il faut trouver une alternative pour faire garder l’un des deux garçons pour quelques heures. Par chance, je n’aurais pas à en arriver là, puis que les deux jeunes femmes acceptent de jouer les baby-sitter un peu plus longtemps. « C’est tout bon ! » Dis-je, alors que je reviens dans la pièce. Arrivant dans le dos de la jeune femme, je viens me mettre à côté d’elle et laisse l’une de mes mains se glisser dans son dos. « Qu’est-ce que nous allons manger de bon ? » Même si ce n’est pas pour dans l’immédiat, savoir ce qui m’attend me fera un peu saliver. « Tu t’en sors avec tes vêtements ? Au besoin, nous pouvons faire jouer le hasard. » Pour ça, nous ferons un travail d’équipe. Je tiendrais des vêtements dans mes mains et elle choisira – ou Siri – qu’un côté. Qui sait, sur un malentendu, ce sera peut-être efficace.

Voir repartir Eden, ce n'est pas envisageable. Du moins, pour moi. Malheureusement, ce n'est pas à moi de prendre cette décision et je devrais en subir les conséquences le jour où cela arrivera. Par chance, je n'aurais pas à envisager ce que je ferais si la jeune femme devait repartir, puisque ce n'est pas dans ses plans pour l'instant. Une décision qui me réjouit, mais pas seulement. Même si elle ne le dit pas vraiment, avoir sa demi-sœur en ville rend Marley heureux. Quelque chose qu'Eden semble avoir en commun avec elle. Il y a quelque chose d'autres aussi, selon elle, si ma meilleure amie est aussi heureuse, c'est parce qu'elle ressent le fait que ma présence à Island Bay plaît à l'institutrice. Une phrase qui ne passe pas dans l'oreille d'une sourde et qui me fait naturellement sourire. Il est vrai que si elle n'était pas aussi emballée par l'idée que nous nous côtoyons de nouveau, elle ne mettrait pas autant d'effort dans le fait de nous rapprocher. Surtout que pour mettre des efforts, elle sait y faire – particulièrement avec ça, même si j'ai longtemps cru qu'elle se trompait à ce sujet. Je m'absente quelques minutes, le temps pour moi de passer plusieurs coups de téléphone. Lorsque je reviens dans la pièce, j'ai une bonne nouvelle : je vais pouvoir rester un peu plus longtemps, au moins le temps de manger avec la jeune femme. Cette idée plaît et ce qu'Eden peut rajouter à cela provoque un sourire sur mes lèvres. Un sourire qu'elle vient frôler avec son baiser. « C’est parfait ! » Pour la nourriture, je ne suis pas vraiment compliquée. « Pour la pizza et pour la note sucrée. » Dis-je, quelque peu amusée du terme utilisé par Eden. Volontairement, je l’ai repris. Laissant ainsi le doute plané sur ce que cela veut vraiment dire, pour elle, comme pour moi. Mon regard se pose rapidement sur la valise présente sur le lit. Visiblement, celle-ci n’a pas vraiment avancé et je me propose en soutien pour changer cela. Mais à la place de ça, Eden suggère de la laisser à demain, pour profiter un peu plus de notre moment ensemble. « Tu es sûre ? Il faudra que tu te lèves tôt. » Malgré cette phrase – prononcée plus par politesse qu’autre chose, l’idée de pouvoir l’avoir rien que pour moi, autrement que pour faire sa valise, ça m’arrange. Nous quittons sa chambre et redescendons dans l’espace de vie. Je me dirige vers le canapé, alors que la jeune femme s’active pour m’offrir à boire. Lorsqu’elle me rejoint, elle joue les curieuses, visiblement intriguée par ce que j’aurais pu lui dire si jamais il n’y avait pas ce voyage à Londres en préparation. « Je ne sais pas si je serais venue aujourd’hui, mais j’aurais fini par te le dire. » Bien poussée par sa demi-sœur, mais aussi parce que ce jeu de faux couple n’est pas très sain. Seulement, sans la pression de sa visite à son ex-femme, j’aurais peut-être pris un peu plus mon temps. J'aurais cherché à m'assurer que mes sentiments étaient réciproques avant de foncer tête baissée, au risque de mettre à mal notre amitié. « Je pense que tout a vraiment commencé lors de notre dernière soirée ici. J'avais bu, mais mes intentions étaient réelles. Ce baiser, je le voulais vraiment. » Disons que l'alcool à quelque peu inhibé ma peur et je me suis sentie pousser des ailes. « Néanmoins, quand j'ai vu ta réaction, je me suis dit que ce n'était pas réciproque et j'ai volontairement voulu oublier tout ça. » Il était inutile de ressasser le passé, surtout si ça n'avait aucun avenir. « Quelque chose que Marley ne m'a pas vraiment laissé faire, puisque depuis le début, elle est convaincue que nous allons finir de nouveau ensemble. » Dis-je, avant de laisser un petit rire s'échapper de mes lèvres. « L'histoire du faux-couple a été la goutte de trop. Je n'aurais jamais dû acceptée, j'étais bien trop perdue entre mes sentiments et la comédie que nous devions jouer. » Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais ce soir, je me livre sans aucune retenue. Finalement, forcer un peu les choses en venant ici, c'est peut-être ce qu'il me fallait. « Et ça, c'est encore Marley qui me l'a fait comprendre et qui m'a poussé à prendre mon courage à deux mains. » Je vais vraiment devoir la remercier.

Après la déclaration que j'ai eue l'occasion de faire tout à l'heure, je ne m'attendais pas à parler de nouveau à cœur ouvert de la sorte. Néanmoins, avec la question qu'elle me pose, je ne peux pas vraiment me défiler et il n'y a pas de raison pour que je commence à raconter des sottises. Alors assise que le canapé, je lui réponds honnêtement. Sans son voyage, je ne serais sûrement pas ici. Mais à un moment, le bon moment, j'aurais pris mon courage à deux mains et je lui aurais avoué mes sentiments. Des sentiments qui ont refait surface lors de notre précédente soirée ici – même s'ils ont très certainement toujours été là. Ce baiser échangé, ce soir-là, puis notre faux couple. Voilà ce qui m'a permis de comprendre que j'éprouvais encore des sentiments pour Eden. Ça, mais aussi Marley, qui n'a jamais perdu espoir et m'a poussé à être courageuse pour venir voir sa demi-sœur. « Tu n'as pas à t'excuser. Si tu ne le sentais pas, tu n'avais pas à te forcer. » Dis-je, alors que la jeune femme est désolée de m'avoir fait penser que mes sentiments n'étaient pas réciproques. Avec cette réponse, je ne parle pas forcément des sentiments qu'Eden pouvait avoir pour moi, mais du fait qu'elle n'était pas prête pour ça. Si la comédie mise en place pour se venger des manigances de Marley m'a permis d'ouvrir les yeux sur mes sentiments, ce fut visiblement le cas aussi pour l'institutrice. Peut-être que pour elle aussi, ses sentiments à mon égard n’étaient pas si loin, pas complètement effacés malgré les années passées loin l’une de l’autre.  J’ai été honnête avec elle et c’est maintenant à son tour. Sa dernière relation a été longue, il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’elle préfère prendre un de temps pour elle, pour nous. On ne peut pas effacer un mariage et plusieurs années de vie commune comme ça. Je me demande même si c’est sain de passer rapidement à autre chose après une histoire : c’est peut-être prendre le risque de passer à côté d’une belle histoire en continuant de se remémorer les moments passés avec quelqu’un d’autre. « Bien sûr. Je trouve même que c’est une bonne idée. » Je suis venue ici avec l’objectif d’être honnête avec elle, mais après ça, je ne savais pas vraiment comment les choses se passeraient, dans un cas ou dans l’autre. « Pars à Londres, règle tout ce que tu as à faire et nous verrons ce qu’il en est de nous après. » Nous aurons l’occasion de nous revoir, de nous retrouver et d’évoquer ce que nous voulons, mais aussi ce qu’il en est de son histoire avec Morgan. Se profiter avant même qu’elle ne la voit, c’est plutôt risqué je trouve. « Je serais toujours là à ton retour. Je t’attendrais. » Et si elle a besoin de plus de temps, alors j’attendrais le temps voulu. Un sourire se dessine naturellement sur mes lèvres, alors que l’une de mes mains vient se poser sur la sienne. Je ne veux pas lui mettre la pression, c'est d'ailleurs pour cela que j'espère qu'elle me le dira si jamais nous ne sommes plus sur la même longueur d'ondes à son retour. Volontairement, je me décale sur le canapé pour pouvoir me rapprocher d'elle. Je pose ma deuxième main sur sa joue et la laisse glisser jusqu'à sa nuque. Maintenant sous mon emprise, il ne me manque plus grand-chose pour faire ce dont j'ai envie depuis tout à l'heure. Doucement, je réduis la distance qui sépare nos deux visages et je viens sceller nos lèvres dans un tendre baiser. Le timing est mauvais, puisque rapidement, quelqu'un vient sonner à la porte de la brune. « J'ai comme l'impression que nos pizzas sont arrivées. » Au moins, en terme d'appétit, ça me calera. Eden se lève pour aller les chercher et je profite de ce temps pour aller remplir nos verres. Je me sens déjà bien trop à l'aise dans cette maison où je ne suis venue que deux fois. « Que dirais-tu de regarder un film ? Après ça, je te laisserais. Tu pourras passer une bonne nuit et préparer ta valise comme ça. » Dis-je, alors que la jeune femme revient les bras chargés. Bien que simpliste, mon programme plaît à Eden. Nous amenons tout le nécessaire dans le salon et nous installons dans le canapé, devant un film. Pour prendre notre temps, je trouve que c'est un bon début et puis, ça nous permet de pouvoir passer la soirée ensemble, malgré tout. Avant qu'elle ne parte en Angleterre pour retrouver Morgan.