Hera Crawford - Une déesse sur le retour.

Hera Crawford

ft. Rebel Wilson

l'histoire de ma vie

Cadence réglée. La vie s’organise à la seconde près. L’imprévu se gère dans un cadre parfaitement ordonné. Rien ne peut arriver si tout est planifié. Carnet, agenda, crayon de papier, Hera gère tout depuis la naissance de sa petite sœur et plus encore depuis celle du cadet.

Les responsabilités s’accumulent sur ses épaules encore bien jeunes. Elle tait ses angoisses pour s’occuper de celles des plus jeunes, bander les petites blessures et apaiser les caprices. Héra devient mère avant l’heure. Alors que d’autres jouaient encore à la poupée, elle, elle galère avec deux minuscules petits êtres et de temps en temps une grand-mère au bord de la vie. Nanou soutient un peu, quelques années avant de s’effacer dans une maison de retraite et disparaître. C’est la vie lui a-t-on dit.

16 ans et l’envie de prendre son envol lui arrivent en pleine figure. Hera se découvre un nouveau corps, de nouvelles possibilités et le désir de tester ces toutes nouvelles perspectives. La puberté a été tardive mais elle est enfin là. Malheureusement, la fête n’est pas au rendez-vous. La santé de son cadet se complique et les trajets vers l’hôpital, les traitements, les rendez-vous médicaux s’ajoutent à l’angoisse de le voir disparaître, lui aussi.  Ses parents s’inquiètent, s’endettent aussi et prennent des heures supplémentaires pour financer le dernier traitement en date capable d’aider leur fils. Hera entame un petit boulot dans le fast food du coin pour palier aux difficultés financières. Sa devise : « pas le temps. »

Sa sœur s’ajoute aux problèmes. Le stress, l’angoisse, le sentiment d’abandon et les difficultés de la vie la poussent à faire une fugue. Devant l’évidence d’un mal être chez leurs enfants, les parents se décident à les inscrire chez le psychologue scolaire. Hera est furieuse, obligée de se désinscrire de ses séances au bowling pour aller à ce stupide rendez-vous médical. Si elle avait envie de discuter avec quelqu’un, ce n’est certainement pas avec la vieille du lycée, planquée derrière son bureau ! L’année est pourtant terrible. Hera redouble, sa sœur entame sa crise d’adolescence et son petit frère est toujours malade.

Heureusement, la situation s’arrange lorsque sonnent ses 18 ans. Profitant de cette accalmie , ses parents se décident à adopter un jeune déjà plus si jeune. Arlington se pointe dans SA chambre. Par manque de place, les deux plus âgés sont mis à contribution et doivent partager la chambre. Au départ très distante avec Arlington, elle finit par le prendre sous son aile, comme elle le faisait avec ses cadets. La présence du nouveau lui permet de se dégager un petit moment pour elle. Elle se surprend, une ou deux fois à filer en douce par la fenêtre, laissant la charge à Arlington, les soirs tranquilles, de s’occuper des plus jeunes. Hera préfère rejoindre sa meilleure amie Sue-Helen au bowling où les autres jeunes se réunissent pour faire la fête. Première bière, premier flirt, premiers déboires aussi. La deuxième soirée la vaccine des bêtises d’adolescentes. Bien qu’elle n’ait jamais évoqué les raisons de son retour prématurée, Hera garde un très mauvais souvenir de cette soirée. Elle laisse tomber le bowling pour entamer des cours d’aikido, refuse d’autres sorties, rejette les séances chez le psy imposées par ses parents et s’inscrit à des cours du soir.

La voie est tracée. Impossible pour elle de financer ses études, une bonne partie de ses revenus est avalée par les besoins de la famille. Ses parents, embêtés de la situation, ne peuvent pas, malgré tout, se passer de cette aide et de ce soutien. Hera doit faire face. Aussi, en douce, elle se trouve d’autres ressources moins glorieuses lui permettant d’augmenter ses revenus et diminuer son temps de travail : téléphone rose, début d’internet et des sexcams … . Durant trois ans, elle peut alors se libérer pour suivre sa formation d’infirmière. Deux ans plus tard, elle s’installe dans son propre appartement à Island Bay et travaille à l’hôpital du coin.

Et le temps passe sans même qu’elle ne remarque les années marquer sa peau, sa vitalité et soudainement, elle relève la tête. La quarantaine approche. Arlington et sa  petite sœur ont obtenu une bonne place et son cadet parvient à se débrouiller seul. Plus personne n’a besoin d’elle. C’est le vide, le néant, le trou béant dans sa vie. Elle ne sert plus à rien, comme périmée. Elle fait ses bagages, part avec son petit ami du moment pour un voyage humanitaire au Mali. C’est juste un an se rassure-t-elle. Mais rien ne va au Mali et six mois plus tard, elle refait ses affaires pour retourner à Island Bay. Sans rien dire à personne, elle s’installe dans un coin avec son sentiment d’échec et d’humiliation. Elle se sent seule et inutile. Aussi, elle bondit sur l’occasion en apprenant que son frère désir retrouver une partie de sa mémoire. C’est le moment de retourner près lui et de servir à quelque chose, de retrouver un sens à sa vie… peut être.