L'identité n'est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l'existence ۞ Lucy Hallenstein

Lucy Hallenstein

ft. Simone Ashley

l'histoire de ma vie

Lors de l’été orageux de 1993, la jolie Deepali tomba sous le charme d’un touriste légèrement plus jeune qu’elle. La rencontre fut intense et passionnée, mais surtout fugace et très peu chaste. L’indienne était folle amoureuse, mais son amour de vacances n’avait pas la même vision des choses. Le jeune homme, rentré dans son pays, n’eut aucunement connaissance de la naissance, neuf mois plus tard, de la petite Meera. Jeune mère reniée par ses parents, puisque déshonorée, sans le sou, et sans aucune nouvelle de celui qu’elle aimait, Deepali tomba dans une très forte dépression. Entre grande consommation alcool et dépendances à divers médicaments et substances, la réalité dans laquelle évoluait la mère célibataire était bien différent du monde réel. Dès que la petite fille fut en âge de marcher et de parler, Deepali l’envoya ramasser de la ferraille ou toute autre chose pouvant avoir de la valeur dans les rues de la ville. Quand Meera rentrait, épuisée de sa journée, sa mère lui tombait dessus. Meera fut battue et affamée à de très nombreuses reprises, pour ne pas dire quasiment tous les jours. Ses grands-parents maternelles, qui bien qu’ayant reniée leur fille gardaient un œil sur leur petite fille, firent intervenir les services sociaux et jouèrent de leur influence pour que, à l’âge de cinq ans, Meera soit proposée à l’adoption.
C’est alors que la vie de Meera pu enfin vraiment commencer. Adoptée par Jill et Michael Hallenstein, des néo-zélandais aisés et philanthropes, la petite fille ne connut plus jamais ni la misère ni la faim et encore moins la violence. Entourée de nombreux frères et sœurs, adoptés comme elle pour la majorité, elle grandit dans un univers privilégié, doux et rempli d’amour qui dépassait les liens du sang. Très bien intégrée à sa nouvelle famille malgré des moments compliqués – elle resterait à jamais une enfant battue et mal-aimée, cela fait partie des choses qui marquent une personne pour toujours -, Meera aimait profondément les Hallenstein et voyait en Jill et Michael les parents et le couple parfaits.
Arrivée à l’adolescence, la jeune fille demanda à ses parents l’autorisation de changer de prénom : elle ne voulait plus garder celui que cette affreuse femme lui avait choisi. Ils accédèrent à sa demande et elle décida de s’appeler Lucy. Ravie d’être enfin débarrassée de tout ce qui la reliait à son enfance chaotique, la jeune fille se sentie libérée d’un poids : elle pouvait enfin être elle-même.
Malgré tout le positif qu’elle avait autour d’elle – ses parents adoptifs parfaits, les frères et sœurs arrivant au fur et à mesure autour d’elle, une vie aisée et bien remplie – Lucy ne se sentait jamais pleinement satisfaite, et elle comprit rapidement que ce manque la suivrait toute sa vie. Personne ne sortait d’une enfance violente sans séquelle : ses crises de colère, son crises d’angoisse, sa confiance en soi en dent de scie et ses accès de violence prouvaient bien que sa mère l’avait marquée à jamais. Rapidement, ses parents lui firent voir un pédopsychiatre, chose à propos de laquelle Lucy ressentait, encore aujourd’hui d’ailleurs, une certaine honte.  
Dès le plus jeune âge, la jeune fille eut envie de s’occuper des autres, de les aider et de les accompagner. Inspirée par sa mère, grande neurochirurgienne, elle choisit la voie médicale pour ses études. C’était presque inné chez elle, presque un besoin aussi : celui de se sentir utile, de se sentir nécessaire… Ne souhaitant pas passer des heures et des heures sur les bancs de l’école, elle décida de devenir aide-soignante, une formation courte lui permettant d’être rapidement sur le terrain auprès des patients.
Côté sentiment, Lucy a, depuis sa plus tendre enfance, un gros problème avec l’amour. Cette chose stupide et dangereuse avait rendu sa mère comme ça, elle le savait. C’était à cause de son amour pour son père – qui n’était qu’un touriste s’amusant avec une locale – qu’elle avait perdu pied à la naissance de sa vie. C’était à cause de cette passion dévorante et inconsciente qu’elle avait bravé les interdits et qu’elle s’était faite engrossée. La romance, cette chose qui rendait fois, aveugle, idiot et dangereux, était à l’origine de sa vie et donc de tous ses soucis. L’indienne préférait largement profiter des courbes féminines et masculines – pourquoi choisir – sans conséquence et sans prise de tête. C’était plus simple, plus facile, moins dangereux.
Peu importe le sexe, la couleur de peau, les idées ou la religion, Lucy ne se préoccupe pas de ça à propos de ses partenaires : tout ce qui compte est d’oublier ses soucis l’espace d’un instant ou de quelques heures, dans les bras et les draps de quelqu’un.
Depuis qu’elle a quitté l’Inde, Lucy n’a jamais cherché à recontacter sa génitrice ou ses grands-parents, pas plus qu’elle n’a tenté d’enquêter sur son père. Elle sait par contre que les parents de sa mère sont régulièrement en contact avec le service de protection de l’enfance pour prendre des nouvelles de leur petite fille…
Elle est très attachée à la culture indienne et à son pays d'origine, mais la jeune femme n'est jamais parvenue à y retourner. C'est un cap qu'elle n'a pas encore passé, ce pays lui faisant remonter beaucoup trop de mauvais souvenirs.