therapy session (arlington)

Et voilà, maintenant que mes séances au centre de soin s’espacent un peu, je me retrouve à venir à l’hôpital. Ça fait partie du marché, mais j’espère bien qu’à un moment, je reprendrais le rythme d’avant : c’est-à-dire une séance toutes les semaines ou toutes les deux semaines selon le besoin. Je sais que c’est pour mon bien, mais ça demande du temps et de la disponibilité. Ici, je ne croise pas beaucoup d’étudiants comme moi. Ça me rend différente de mes camarades et je n’aime pas vraiment ça. Mais est-ce que j’ai le choix ? Non. Surtout que je ne dois pas penser comme cela, je ne dois pas voir ces séances comme un poids, sinon je vais rapidement recroiser le chemin de mes démons. Il n’est pas compliqué pour moi de comprendre ce qui m’a amené à rechuter en début d’années. Néanmoins, les autres fois, Sofia n’était pas là et la pression sur moi, je me la suis mise seule – notamment en pensant que voir un thérapeute ne fait pas de moi quelqu’un de censé. J’arpente les couloirs de l’hôpital, ceux que je connais plutôt bien maintenant, jusqu’à arriver dans une salle d’attente. Celle-ci, elle m’est un peu moins familière et pour cause, j’ai récemment changé de psychologue. J’ai sûrement un peu trop déprimé la précédente et elle a fait le choix de quitter la ville. Je rigole, bien sûr. Après plusieurs minutes à attendre là, un homme vient me chercher. « C'est donc officiel ? C'est maintenant vous que je vais voir à chaque séance ? » Ça l'était déjà un peu la dernière fois, mais je ne sais pas, avec les va-et-vient de mon ancienne thérapeute, je me suis dit que les choses pourraient encore changer. « Quand j'en aurais terminé avec le centre de soins, bien sûr. Mais à en croire les professionnels là-bas, ça devrait arriver rapidement. » À la fin du mois si tout se passe bien, si je continue à être assidue et sérieuse. Avoir ces deux adjectifs pour me décrire, c'est un peu bizarre, mais au moins, ça montre bien que je m'implique dans tout cela et que j'espère ne plus avoir à retourner là-bas. Le voir moins, c'est aussi l'un de mes objectifs. Mais qu'il se rassure, ce n'est pas personnel. Pour être exact, je n'ai rien contre ce jeune homme que j'ai déjà eu l'occasion de voir plusieurs fois. Par chance, il n'a pas eu affaire à la Charli qui arrivait en Nouvelle-Zélande et ce n'est sûrement pas plus mal pour lui, je lui aurais fait peur sinon. Très de plaisanteries, je m'avance, en sa compagnie, jusqu'à son bureau. Là, je viens poser mes affaires aux pieds et sur le dossier d'une chaise avant de regarder autour de moi. « Les cabinets de tous les psychologues sont comme ça ? Ternes avec très peu de décorations. » Subir la séance, ça ne me ressemble pas vraiment et autant qu'il en ait pleinement conscience rapidement.

On ne peut pas vraiment dire que j'apprécie venir ici. Disons juste qu'avec les années, c'est quelque chose que j'ai pris l'habitude de faire. Au début, j'étais trop fière pour l'admettre, mais ce genre de séances m'a fait du bien. Longtemps, ce sentiment ne durait pas. Néanmoins, j'avais quelqu'un à qui parler et pour la tête brûlée que j'étais, c'était une bonne chose. J'avais beau vivre avec Iggy, ma mère, je l'ai longtemps détestée de m'avoir laissée à la naissance. Je ne sais pas exactement si ce sont les séances qui ont aidé ou si j'ai simplement changé, mais maintenant, j'ai la sensation d'être plus en paix avec moi-même et c'est vraisemblablement le début de beaucoup de choses. « Sûrement plus que les autres fois. » Je ne sais pas encore à quel point il connaît mon dossier, alors autant l'aider un peu à y voir plus clair. « Je suis déjà passée par là, ce n'est qu'une boucle sans fin. » Enfin, ça l'était jusque là et je suppose que je ne suis pas la seule à être passée par là. Pour vaincre des troubles, comme les miens ou qui touchent une autre partie du corps, ça ne se fait pas en un claquement de doigts. « Mais.. j'ai l'impression, ou alors l'envie, que les choses changent vraiment cette fois-ci. » J'ai une vague idée de pourquoi tout cela a commencé et je crois qu'il est temps que j'arrête de vivre avec les conséquences des actions faites contre moi, quand j'étais plus jeune. Je dois apprendre à vivre pour moi, sans plus me soucier du regard des autres et de ce qu'ils pourraient faire contre moi. Installée dans l'un des fauteuils, mon attention se porte naturellement sur la décoration un peu légère, voire même absente, de la pièce. Que je garde cette réflexion pour moi ? C'est bien mal me connaître. Mais il semble avoir de la répartie. Une répartie un peu risquée vu le terme qu'il utilise. Par chance, je ne suis pas vraiment susceptible, donc je ne vais pas aller me plaindre auprès de quelqu'un, de ma mère ou de l'un de ses supérieurs. « Vous devez sûrement avoir des dessins dans vos tiroirs, faits par vos patients. Je ne sais pas si ça ferait une décoration idéale, mais.. » Parfois, c'est toujours mieux que rien. Reste quand même à voir si ses patients dessinent bien et si c'est le cas, ce qu'ils font. Ça n'arrangera peut-être pas le cas de certains s'ils sont entourés d'images sombres, un peu bizarres. Si je comptais détourner l'attention du psychologue avec cette histoire de décoration, c'est raté. Il revient rapidement à notre séance et à ce que je peux attendre d'elle. « Un vieux coucou ? Je suis presque sûre qu'il existe pire que vous. » C'est un compliment, enfin.. je crois. Pour l'instant, je ne le connais pas vraiment. Mais il est jeune et dynamique. Deux critères que d'autres médecins n'ont sûrement pas. « Dans l'idéal, j'aimerais arrêter de venir. Le plus vite possible. Mais je suis presque sûre que tout le monde vous dit cela. » Il n'y a pas de recette miracle et je sais que je ne pourrais pas arrêter les séances du jour au lendemain, ça ne me ferait faire qu'un bon en arrière dans ma progression. Je ne peux pas lui promettre d'accepter chacun de ses exercices sans broncher, mais je suis sûre que je peux faire un petit effort.