dance the night away. (aveleen)

C’était la fin du mois et il s’avérait que celle-ci était un peu rude pour Aveleen qui parvenait tout juste à joindre les deux bouts depuis qu’on l’avait si injustement virée de son job à la base militaire de Trentham. Par chance, elle était parvenue à se dégotter un petit boulot sur une rave party se déroulant aux abords de Wellington. Les rave party, la rouquine n’en avait jamais vu que dans les films. Et encore, de vieux films, qu’elle regardait lorsqu’elle était encore jeune – même si elle n’était pas vieille non plus, on est d’accord. Si bien qu’elle aurait parié que ce genre d’évènements n’existait plus aujourd’hui. Non parce que bon, la techno c’était pas mort avec les années 90 ? Elle l’aurait parié. Cela dit, c’était peut-être pas de la même techno qu’on parlait. De nos jours, les gens aimaient apparemment beaucoup faire des sous-genres de genres préexistants ; ainsi voyait-on émerger la dark country, la deep house et ainsi de suite. Autant de nom qu’elle était capable de citer mais pas d’identifier, en revanche. Bref, tout ça pour dire qu’Aveleen aurait tout à fait pu demander une petite aide financière à ses parents pour terminer le mois sans avoir à se rajouter des heures de travail supplémentaires mais elle ne l’avait encore jamais fait et l’idée ne lui plaisait pas des masses, pour ne pas carrément dire qu’elle lui resterait en travers de la gorge si jamais elle devait un jour en arriver là.

Quoi qu’il en soit, quitte à bosser dans une rave party, autant en faire profiter certains, pas vrai ? C’est donc tout naturellement qu’elle avait proposé à Hakon de passer, puisqu’elle avait des billets gratuits. Le jeune homme faisait partie de ses clients ; ils avaient fait connaissance un soir où elle livrait et, chose rare, il lui avait proposé d’entrer chez lui pour partager quelques parts de pizza et quelques bières et puisque c’était la dernière adresse de sa tournée ce soir-là et qu’il avait l’air bon délire, elle avait accepté. Mais pour l’heure, il lui fallait décharger des caisses de bouteilles d’alcool d’une camionnette et les ranger dans la réserve afin que le ou les barmans ne viennent jamais à en manquer. C’est au moment où elle passait derrière le comptoir, les bras chargés qu’elle remarqua qu’Hakon était là.
« Hé ! Contente que t’aies pu venir ! Pas de pizzas, non, mais j’ai vu un stand qui vend des hot-dogs à l’extérieur. Il me tarde de pouvoir prendre ma pause d’ici un quart d’heure. »
De quoi laisser le temps à Hakon de mieux prendre connaissance des lieux s’il en avait envie.

D’un signe de tête accompagné d’un petit sourire, Aveleen remercia Hakon de lui donner un coup de main avec les cartons car après tout, il n’était pas obligé. Puis elle n’eut pas à réfléchir à sa question bien longtemps : c’était une grande première pour elle. Et puisqu’il s’agissait de sa toute première – et peut-être dernière, en fonction de si elle avait encore besoin de thune pour finir le mois à l’avenir ou non – expérience dans le milieu, elle pouvait maintenant dire que ça ressemblait en tout point à ce qu’elle avait vu dans les films. Des gens un peu high planants sur de la musique sans paroles. Pas que la musique la dérange tellement, cela dit, elle aimait bien s’activer avec quelque chose en bruit de fond. Et pour porter des cartons, y avait pas besoin de trop de concentration non plus, ça faisait donc parfaitement l’affaire.
« Jamais. Je suis du genre à préférer les soirées un peu plus intimes et cosy en général. Et toi alors ? La house, la techno, toute cette foule, c’est ton truc ? »
Et s’il répondait que oui, il faisait tous les week-ends, elle ne jugerait pas. Chacun son truc après tout ; ce n’était pas parce qu’elle préférait les soirées télé avec une voire deux personnes que ça en faisait forcément la meilleure activité pour autant.

Mais quand même, à voir cette nana danser toute seule dans son coin et ce type qui a l’air d’être à un concert de rock, c’était quand même à se demander… Bref, la rouquine laissa son ami profiter un peu pendant qu’elle s’activait – ou faisait mine de le faire, en tout cas -, puis elle le retrouva. Ainsi, tous deux durent hurler pour se faire entendre. Elle allait sortir de là à moitié sourde et complètement aphone mais bon, une fois qu’elle aurait ses billets en main, plus rien d’autre ne compterait.
« Ouais ! Pour une dizaine de minutes environ. »
Ou peut-être plus, tout dépendrait de si on avait réellement besoin d’elle ou non puisqu’il y avait quand même pas mal de personnel. Elle servirait de renforts.
« On va se prendre un hot-dog ? »
Avec un peu de chance, c’était gratuit pour le personnel. En parlant de ça, sur le chemin de la sortie, elle trouva un t-shirt du staff roulé en boule dans un coin qu’elle tendit pas si subtilement que ça à Hakon pour qu’il puisse en profiter aussi, si jamais elle avait raison.

Ah, c’est sûr qu’on ne devenait pas astrophysicien en faisant la tournée des rave parties. Chose qu’Hakon ignorait encore à son sujet parce qu’Aveleen avait toujours un peu de mal à en parler. Pas du fait d’être devenue astrophysicienne, bien sûr, plutôt de celui de ne plus faire que livrer des pizzas aujourd’hui. Et pour ce qui était du jeune homme ? Elle n’en jurerait pas non plus mais lui aussi avait l’air d’enchaîner les petits boulots un peu craignos. Ce qui ne voulait donc rien dire, on est d’accord. Mais la rouquine ne fut pas vraiment surprise d’apprendre que ce n’était pas sa première soirée de ce genre ; il avait clairement l’air de savoir s’amuser.
« Au moins on pourra dire qu’on n’est pas morts idiots, le moment venu. »
Même si dans son cas, l’expérience s’arrêterait sans doute à une deux ou trois bières pour accompagner son hot-dog et probablement aucune autre substance illicite. Non, parce qu’elle n’était pas sans connaître la réputation de ce genre d’endroits et si on lui proposait de prendre des petites pilules colorées quand elle irait aux toilettes, elle dirait non. Bref, une chance que l’heure de la pause arriva bien vite parce que son estomac criait famine et réclamait un hot-dog. Et quoi de mieux qu’un hot-dog gratuit ? Ce que son statut de personnel pouvait offrir même à son accompagnant. En même temps, les organisateurs ne faisaient jamais vraiment gaffe à qui ils embauchaient. Notamment parce qu’ils embauchaient toujours plein de personnes alors à quoi bon faire attention à leur tête, hein ?

Au moment de la commande, la rouquine demanda supplément de moutarde et leur prit des bières avant de leur trouver un petit coin un peu à l’écart où ils pourraient manger tranquilles parce que sinon, ç’avait toujours l’air de pas mal zoner dehors.
« Oh ouais, super idée ! Mais t’as pas envie d’aller faire un petit tour en backstage, d’abord ? Voir un peu comment ça se passe et surtout voir ce qui fait d’un bon DJ un bon DJ ? Au cas où tu voudrais te lancer dans la carrière un jour. »
Pourquoi pas, après tout ? Ça devait pas être si mal de mixer en soirée. D’autant que vous étiez le VIP de la soirée. Buvant une gorgée de bière, elle vit qu’on venait de poser deux-hot-dogs tiédasses et tout raplapla sur le passe-plat de l’espèce de roulotte et revint chercher le sien avant de retourner s’asseoir pour déguster ce truc.

Hakon lève sa bouteille de bière. Pourquoi se priver, alors qu'on n'a qu'une vie ? Au moins une fois, histoire d'avoir pu essayer, danser dans une rave, de boire de l'alcool sans retenue, bien que dans ce cas-ci, ce n'est pas le cas ou même d'accepter une pilule rose ou bleue, même s'il n'est pas le genre à prendre de la drogue en général, cela serait mentir de dire qu'il ne l'a jamais fait. C'était il y a un moment tout de même, il a connu les bad trips, pour accepter un peu n'importe quoi, même en sachant que cela peut être dangereux, il aime se dire qu'on ne vit qu'une fois et que l'on peut mourir à tout moment, aucun regret cela dit, enfin, presque, mais c'est ainsi qu'on sait si on aime un truc ou pas. Dans tous les cas, il préfère manger un hot-dog que d'accepter une quelconque pilule, car c'est bien plus délicieux que cette chose qui apporte que des emmerdes et bien meilleur goût avec la bière. « Ah ouais, ça peut être sympa. J'ai déjà failli avoir un job, une fois, mais finalement, j'ai travaillé comme chauffeur uber, ils avaient trouvé leur dj pour un mariage, c'était moins drôle. » Ouais, ce n'est pas demain qui sera le nouveau David Guetta ou Martin Garrix, mine de rien, il ne serait pas contre une expérience de dj un de ces jours. Il mange son pain saucisse bien garni, toujours un délice de manger un hot-dog, il alterne avec la bière, puis au bout de quelques minutes, il termine de bouffer, laissant échapper un rot. « Pardon. » C'est un des inconvénients de manger du fast-food, même si personnellement, il n'a aucun problème contre cela, mais c'est peut-être pour éviter qu'elle se choque. « Tu crois que le dj va nous laisser mixer un truc ? » Il entend par là, de juste bouger les boutons et le tourne-disque, pas d'enregistrer un son non plus. Dans tous les cas, s'ils vont dans le backstage, ils auront peut-être droit à une coupe de champagne et de petits canapés ? Voire même un badge vip, bien que dans ce cas-ci, quand on regarde la salle qui est pleine à craquer, ça ne change rien, à moins rester à l'arrière et danser sans toute cette foule.

A son grand regret, Aveleen était tout sauf une personne musicale. Mélomane, oui, elle aimait beaucoup la musique, le souci, c’est qu’elle n’y connaissait rien. Elle était même bien incapable de pouvoir différencier tel instrument de tel instrument. Alors elle avait quand même rarement tendance à imaginer que ça puisse être le cas des autres. Aussi ne s’attendait-elle pas le moins du monde à ce qu’Hakon lui annonce avoir presqu’été embauché en tant que DJ, une fois.
« Oh oui, tu m’étonnes, ça devait être la déception. Ça veut dire que tu fais de la musique ? »
Déception de finir en tant que chauffeur Uber quand on avait touché un poste de DJ – même tout bêtement dans un mariage – du bout des doigts. Mais bon, ça ressemblait bien au genre de coups fourrés que la vie aimait bien vous faire de temps à autres. Presque tout le temps, en fait. Bref, la rouquine poursuivit la dégustation de son hot-dog et de sa bière, enthousiaste à la perspective d’aller faire un tour en backstage ensuite quand le jeune homme s’excusa d’avoir roté. Alors ce n’était pas son genre à elle mais elle se fichait bien de ce que les autres faisaient de leur côté.

Par contre, elle s’interrogea quelques secondes concernant la possibilité que le DJ les laisse mixer. Celle-ci lui semblait proche de zéro mais il ne fallait jamais dire jamais. Elle voulait y croire.
« Peut-être ? Le mieux c’est encore d’aller voir ! »
Là-dessus, elle enfourna l’ultime bouchée de son hot-dog et vida le fond de sa bière tout en se léchant les doigts. Puis elle bondit sur ses pieds et fit signe à Hakon de la suivre. Une fois de plus, il fallut jouer des coudes pour se frayer un chemin parmi la foule mais à force de montrer ce qui était écrit sur leur t-shirt – c’est-à-dire qu’ils faisaient partie du staff -, les gens finirent par s’écarter pour les laisser passer. Puis enfin la scène. Au bout de quelques minutes, le DJ leur accorda enfin un regard, tout en fronçant les sourcils. Comme ça n’augurait rien de bon, Aveleen crut bon d’expliquer :
« On est du staff et on s’ennuyait un peu alors on vient vous voir mais on veut pas vous déranger. »
Accordant le geste à la parole, elle montra qu’elle se tiendrait tranquille en restant bien sagement dans un coin. A la tête qu’il tirait, pas sûr du tout qu’il les laisse mixer, non. Se penchant vers Hakon, elle lui murmura discrètement à l’oreille – ce qui n’était d’aucune utilité avec toute cette musique et surtout toutes ces basses :
« Pas grave, on attendra qu’il aille pisser. »
Avant d’adresser un grand sourire innocent au DJ qui s’était de nouveau tourné vers eux.

Même pas. Il n'a jamais fait de musique, il ne joue pas non plus d'instrument. Enfin, il ne faut pas compter les playlists et les instruments en plastique lorsqu'il était enfant. Il secoue négativement la tête face à son questionnement. Néanmoins, Hakon a toujours été quelqu'un qui apprend rapidement et qui est un touche à tout, parce que oui, faire le même métier ne lui a jamais tenté. Et puis, c'était que pour un mariage, pas pour une rave ou une boîte de nuit, au final, cela n'aurait pas demandé beaucoup d'effort pour faire jouer de la musique à travers des haut-parleurs pour faire danser la foule sous l'influence de l'alcool. Dans tous les cas, peut-être que ce soir, sera l'occasion de mettre à l'oeuvre son talent encore non découvert ? Bien sûr, il ne se fait pas d'idée à ce propos, mais cela ne coûte rien d'essayer de convaincre le DJ de les laisser tester ce métier. À son tour, il termine de manger et ils sont rapidement de retour à l'intérieur du bâtiment. La reprise de la musique forte, des gens alcoolisés qui dansent sans se soucier des autres, heureusement, ils arrivent à trouver le chemin jusqu'au disc jockey, qui ne semblait pas vouloir leur prêter un peu d'attention, en juger par son regard sur eux. Il n'avait pas l'air très commode, à se demander s'il avait vraiment envie de se retrouver là, sûrement pas, ou alors, c'est son attitude naturelle, allez savoir. Dans tous les cas, ils se mettent en retrait, laissant croire qu'ils ne sont là que pour la bonne ambiance et les mix de l'homme qui affiche un air bête. Hakon glousse légèrement. Attendre, c'est bien, manque plus que cela se fasse. Il aura forcément envie de se rendre aux toilettes, peut-être pour pisser ou se faire une ligne, sauf s'il sait tenir toute une nuit sans cette poudre blanche. En tout cas, ils attendent, encore, puis encore, c'est là, que Hakon décide de lui offrir des bières, enfin, deux jusqu'à ici, au DJ, histoire d'accélérer le processus. « Je pense que ça va être le moment. » Qu'il lance à Aveleen, voyant qu'il s'apprête à quitter son poste, faisant mine de danser.

Aucun instrument, donc. C’est pas Aveleen qui va lui jeter la pierre étant donné qu’elle n’a jamais posé les mains sur un instrument de musique non plus. Peut-être qu’elle aurait aimé, oui, mais elle n’avait autrefois pas le temps. Aucune distraction n’était permise. Et ça, elle était bien la seule à le dire. Parce que non, toute cette pression ressentie au cours de ses études ne venait pas de son entourage mais uniquement d’elle. Alors bien sûr, maintenant elle pourrait s’y mettre si ça lui tenait tant à cœur, elle avait du temps à revendre. Mais depuis son licenciement, la rouquine se laissait porter par la vie. Peut-être que certains appelleraient ça de la dépression mais elle préférait voir comme un moment de contemplation. Regarder sa vie passer tout doucement. Bon, c’était quand même moins le cas depuis quelques temps ; elle subissait un peu moins cet état. Bref, tout ça pour dire qu’elle était quand même plutôt partante pour aller voir du côté de la cabine du DJ et qu’avec les badges du staff, ils n’eurent aucun mal à se faufiler jusque-là. Même que le type, bien qu’il n’ait pas franchement l’air content – mais Aveleen suspectait que c’était là son expression habituelle parce que quand on était DJ, c’était sûrement un peu comme quand on était une star : fallait l’attitude qui allait avec -, ne leur dit rien. Pas de « dégagez de là, j’ai pas besoin de vous dans mes pattes ! » ni rien d’autre de ce genre. Au lieu de quoi, il se contenta de faire comme s’ils n’étaient pas là. Plus qu’à attendre qu’il aille pisser pour pouvoir mettre les mains aux platines. Ce qui allait forcément arriver à un moment donné, pas vrai ? Elle en était sûre. Et pendant ce temps, ses yeux se posaient de-ci, de-là. Elle remarqua un extincteur posé dans un coin puis revint vers Hakon qui, sur ce temps, essayait de saouler le DJ. Ou tout simplement de le faire boire pour qu’il aille plus vite aux toilettes puisqu’il lui annonça que ça en devrait plus tarder. Bon, voilà qui était cool ! Et au bout de quelques minutes de plus, le DJ se tourna vers eux, semblant seulement se rappeler sa présence à elle aussi. Il les pointa du doigt et leur dit :
« J’en ai pour cinq minutes, vous ne touchez à rien ! »
Ouais bien sûr. Mais parce que sinon, il n’aurait jamais pris congé, la rouquine acquiesça sagement. Avant de se ruer vers les platines une fois la porte de la cabine refermée derrière lui.
« Wow, y a tellement de boutons ! Je sais pas sur lequel appuyer. Choisis-en un, toi ! »

Ce n'est pas la première fois qu'il voit une cabine de DJ, enfin, la dernière fois, c'était parce qu'il bossait dans un événement de mariage et qu'il apportait les boissons, donc, oui, c'était assez différent de la situation actuelle. Dans tous les cas, il n'a jamais essayé de mixer quoi que ce soit, c'est donc la première fois qu'il va pouvoir tester les multiples boutons pour faire de la musique. De plus, c'est bien, puisqu'ils ont déjà un public pour entendre, ce qui n'est pas le cas quand c'est dans le sous-sol des parents, là, au moins, les invités vont être témoins du beat. Bien évidemment, cela ne veut pas dire que ça va être un grand succès, bref, il n'y a qu'une façon de le savoir et pour cela, ils vont devoir se débarrasser du DJ actuel, d'une manière moins violente que cela a été pensé, tout de même, le temps de quelques minutes. Et puis, comme il était impatient de le faire, il avait décidé de payer un verre à ce dernier, okay, non, il ne l'avait pas vraiment payé, elle traînait sur le coin d'une table et elle semblait encore pleine, probablement qu'elle venait d'être posé là par le barman pour un client, mais bon, il s'agit de petits détails que personne n'a besoin de savoir. La petite ruse en place, l'homme vient à faire une pause-pipi, annonçant qu'il en a pour quelques minutes et surtout, qu'il ne faut toucher à rien, bien sûr, bien sûr, Hakon se contente de hausser les épaules, jouant l'innocent, comme s'il n'avait pas compris, après tout, il y a encore de la musique qui joue, tout n'est pas soudainement devenu silencieux. Il suit rapidement et il glousse, il est vrai qu'il y a beaucoup de boutons, ici et là, sans vraiment d'indications, cela en donne presque mal au crâne de tous les regarder sans savoir sur lequel appuyer. « Alors.. » Il y a des petits carrés tout en bas de la table de platine, rouge, violet, vert et bleu, Hakon décide d'appuyer sur Hot Cue et sur le bouton violet. Finalement, ce n'est pas très extraordinaire, celui-ci ne fait que répéter la séquence d'un morceau, à force d'appuyer, on dirait un bug, comme les vieux vinyles ou les CD au début des années 2000. Il laisse Aveleen appuyer sur un bouton ou deux, pendant que Hakon fait bouger la boucle au milieu.

Légèrement excitée à l’idée de faire danser tout le monde, Aveleen ne savait quoi faire. Trop de boutons sur cette console, trop de sensation, trop de musique trop fort dans les oreilles. Raison pour laquelle elle appela Hakon à l’aide. A son tour, il prit connaissance des différentes touches de la console et appuya sur l’une d’entre elles. Au hasard, eut-on dit. Mais peut-être se trompait-elle. Si ça se trouve, il savait parfaitement ce qu’il était en train de faire. La suite lui démontra qu’en fait non, puisque l’effet que ça donna au son était celui d’un disque rayé. Et ç’aurait pu faire un super effet, mais seulement si ç’avait été moins répété. Dans tous les cas, la foule n’avait pas l’air de s’en formaliser puisque tout le monde continuait à sauter sur place en faisant mine de danser. Et de là où ils se trouvaient, la rouquine songea que ce mouvement avait quelque chose de communicatif et eut envie de faire pareil. D’ailleurs, elle le fit tout en appuyant sur un bouton à son tour. Celui-ci déclencha une sorte de jet de mousse qui aspergea tous les danseurs. En réaction, la foule poussa une exclamation de joie qui, avouons-le, avait quelque chose de carrément grisant. Mais merde, c’était quand même pas ce qu’elle avait voulu faire. Au hasard, elle appuya donc sur un autre bouton et cette fois, les lumières syncopèrent et la musique ralentit.
« Wouuuuh ! C’est le climax ! »
Mais peut-être pas au bon moment en revanche. Dans tous les cas, Aveleen préféra reculer afin de pouvoir laisser l’occasion à son ami de tester s’il le souhaitait. Tout ça pour dire qu’elle le laissa bidouiller la console durant plusieurs minutes tout en montant la garde à côté de la porte de la cabine et en profitant de la musique quand même. D’accord, c’était peut-être pas son genre mais ce soir, elle pouvait dire qu’elle s’amusait plutôt bien. Surtout quand on pense qu’à la base, elle était quand même là pour donner un coup de main… Oh ben c’est ce qu’elle était en train de faire en quelque sorte mais pas vraiment là où on lui avait demandé de le faire. Bref, du coin de l’œil, elle vit alors la porte s’entrouvrir et le DJ eut tout juste le temps de passer une tête furax par l’entrebâillement de la porte qu’elle la lui referma au nez dans un réflexe.
« Merde, c’est lui ! On fait quoi ? »
Le laisser entrer et reprendre l’affaire en mains serait sûrement la meilleure chose à faire ?

En fait, c'est plutôt amusant d'appuyer sur tous les boutons, même sans savoir ce qui va se passer suite à cela et rien de plus facile pour quelqu'un comme lui d'accepter le défi. Oui, Hakon, c'est le genre de gars qui aime presser sur toutes les commandes dans un ascenseur. Il n'hésite donc pas une seconde à appuyer sur la console, il laisse également Aveleen faire de même, histoire qu'ils puissent en profiter tous les deux. C'est vraiment plaisant, plus, cela passe le temps, en plus d'être marrant et personne ne semble y prêter attention ou en tout cas, personne pour se plaindre jusqu'à maintenant et c'est tant mieux, ils peuvent continuer ce petit manège jusqu'à l'apparition du véritable DJ de la soirée, il n'a pas encore la possibilité de rentrer et c'est pour cette raison que Hakon appuie sur d'autres boutons, entre la fumée blanche et les bulles qui sortent d'un peu partout dans la grande pièce où se trouvent les invités. C'est évident que le mec allait revenir, après tout, il est parti aux toilettes, pas à l'autre bout de la ville. Malheureusement, avec tout cela, ils se sont pris au jeu et ils n'ont pas pris conscience de ce petit détail, du moins, pas pendant qu'ils appuyaient partout. Hakon se rapproche du bord, il n'y a pas de vitre d'un côté, assez large pour qu'ils puissent la traverser cette fenêtre. « Il va peut-être falloir sauter. » Un peu comme dans les concerts où les gens se laissent transporter par toutes ses mains inconnues à travers la foule, pas l'idéal, il est vrai, ni de laisser l'homme les attraper et les rapporter à la sécurité ou il ne sait à qui d'autre, même s'ils n'ont rien fait de mal, personne n'a encore foutu le feu à la baraque. Bien évidemment, il va falloir déverrouiller la porte avant de sauter, histoire que le disc jockey puisse poursuivre la soirée à sa manière et sans tout ce beau spectacle auquel Aveleen et lui-même venaient d'offrir, si on peut dire cela ainsi, n'empêche que cela a mis de l'ambiance et Hakon a apprécié. Ou alors, ils courent après avoir ouvert la porte, bref, il va la suivre, suivant sa décision.

Ça, c’est sûr que quand elle avait accepté ce petit job, Aveleen ne s’était pas attendue à s’amuser autant. Déjà parce que c’était pas vraiment son genre de soirées en temps normal mais alors si c’était pour devoir y bosser en plus, non merci. Mais là, les choses faisaient que finalement, c’était peut-être en train de devenir la soirée de sa vie. En tout cas, elle pourrait se vanter d’avoir joué les DJs dans une rave et elle s’en souviendrait toute sa vie. L’idée que ça serait quelque chose qu’elle pourrait plus tard raconter à ses petits-enfants lui effleura l’esprit mais cette idée la faisait plus rire qu’autre chose : elle, avoir des petits-enfants un jour ? Haha, quelle blague ! Bref, pour le moment, y avait quand même un problème plus urgent à régler, comme le fait que le vrai DJ, celui qu’on avait embauché pour animer la soirée, revenait des toilettes. Que faire ? La rouquine était à court d’idées mais heureusement, ce ne fut pas le cas d’Hakon qui lui annonça alors qu’il allait peut-être falloir sauter. Euh… Aveleen, sourcils froncés, se demandait bien par où. Par l’espèce de fenêtre, là. Tout droit dans la foule. Un instant, elle fut aussi horrifiée qu’excitée par cette perspective. Puis, analysant la situation, elle comprit comment il allait falloir que ça se déroule ; puisqu’elle avait eu la bonne idée de refermer la porte au nez du DJ et qu’elle était un peu inconsciemment en train de faire barrage de son corps, il allait falloir qu’elle continue comme ça, le temps que son comparse se jette dans la foule. Puis elle n’aurait plus qu’à courir, débloquant ainsi l’accès – parce qu’ils ne voulaient pas non plus abréger la soirée en enfermant le DJ hors de sa propre cabine – et faire de même. Bon, c’était un plan. Peut-être pas un bon mais c’en était quand même un. Acquiesçant, elle fit alors signe à Hakon de passer devant, accompagnant son geste de deux ou trois mots :
« Vas-y, je te suis ! »
Puis, une fois qu’elle l’eut vu sauter dans la foule qui le réceptionna telle une vraie rockstar, Aveleen mit son plan à exécution. Si elle aimait ça ? Moyennement, dira-t-on. D’un côté, la scène était incroyable, digne d’un film, digne d’un vrai concert de rock. Puis de l’autre… Toutes ces mains qui vous pelotaient allégrement… Ouais, moyen. Mais elle ne regrettait pas de s’être lancée et c’était le principal.