this is not possible (otis)

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« Tu n'as pas dormi là cette nuit. » Je ne sais pas ce qui lui fait dire cela. Est-ce le mug encore chaud de café que j'ai acheté sur la route ? Ou a-t-elle veillé hier soir, sans me voir revenir ? La maison a beau avoir trois chambres, il n'est pas compliqué d'entendre quand la porte s'ouvre et se referme. C'est sûrement ce qui a mis la puce à l'oreille de Toni. Mais si elle pense que je vais parler comme ça, elle se met le doigt dans l'œil. « Moins de blabla et plus d'action. » Je suis rentrée il n'y a que quelques minutes et je vais déjà devoir repartir pour déposer Lilly à la garderie, avant de me rendre à la caserne. Clairement, je n'ai pas le temps de parler et si en plus, ma sœur peut m'aider à finir de préparer la petite fille, ça serait mieux que d'évoquer la nuit que j'ai passée. « Raconte-moi tout. » Dit-elle, alors qu'elle me suit jusqu'à ma chambre où je glisse des affaires dans un sac. Aujourd'hui, je repars pour une garde de plusieurs jours et si j'arrive sans réelles tenues, mes collègues vont rapidement comprendre que j'ai eu une nuit courte. « Je vais finir par être en retard. » Si elle veut des informations, autant qu'elle se prépare psychologiquement à ne pas les avoir tout de suite. Par chance, elle lâche rapidement prise pour m'aider avec Lilly.
Après avoir traversé la ville pour déposer tout le monde au bon endroit, j’arrive enfin à la caserne. Je file directement aux vestiaires pour me changer et enfiler des vêtements aux couleurs de l’endroit. En sortant, je passe par l’accueil pour me rendre à la salle commune et me fait arrêter par mon chef. « Romi ! Je te présente l’une de nos futures recrues : Otis Wairua. » À ce prénom, je bloque un peu et quand mon regarde se pose sur la personne à côté de lui, mon état ne s’arrange pas. Merde. Mon ressenti doit se lire sur mon visage, car le chef semble légèrement inquiet. « Romi ? » « Otis, j’ai entendu. Bienvenue à la caserne. » J’ai déjà été plus accueillante que ça, mais là, j’ai été prise de court. Si j’avais su tout cela plus tôt, je crois que je me serais retenue hier. « Je vous laisse, j’ai un appel à passer. Tu t’occupes de lui ? » De mieux en mieux. « Oui chef. » Est-ce que j’ai vraiment la possibilité de refuser ? Je ne pense pas. « Mon bureau est par là. » Par rapport à hier, Otis doit avoir l’impression d’avoir deux personnes différentes face à lui : depuis le début, je ne lui ai même pas adressé un sourire. Je prends la direction de mon bureau, où se trouve aussi mon lit, et il me suit. Quitte à avoir une discussion qui fâche, autant l’avoir à l’abri d’oreilles indiscrètes. À peine la porte fermée, je me lance. « Autant mettre les choses au clair directement : il ne s’est rien passé hier, c’était une erreur. »

Je ne suis pas fier de ce qu’il s’est passé cette nuit. J’aurai dû repousser l’attirance que j’ai pu ressentir pour cette jeune femme, c’était une grossière erreur. Pourtant, il y avait bien longtemps que je n’avais pas passé un moment aussi agréable. En me levant, je balaye ces idées de ma tête, et file en vitesse à la douche. J’ai rendez-vous avec le capitaine de la caserne dans un peu moins d’une heure, je dois mettre les bouchées doubles. Je saute dans ma douche, enfile une tenue sportwear puisque je vais avoir des essais physiques à faire, et récupère casque et blouson de moto, histoire de ne pas perdre de temps dans les embouteillages de l’heure de pointe. Dans le couloir, je croise Joan, et me sens un peu con. « Salut bel inconnu ! » Nous nous offrons une accolade amicale, et elle me regarde avec un petit sourire en coin. « Je savais pas que vous veniez ici de temps en temps avec Sara pour vous envoyer en l’air ! » Je fronce les sourcils, sentant mon coeur s’emballer un peu. « Fais pas cette tête, je suis sûre que tout l’immeuble vous a entendus ! » Je me sens mal, mais bien sûr que je ne vais pas lui dire que j’ai trompé ma petite amie. « Euh.. ouais… hum… bah désolé. » Elle me donne une petite tape sur la joue en riant. « T’excuse pas, c’est cool que vous arriviez à vous retrouver. Ça devait pas être simple après son accident. » On est vraiment en train de parler de cul avec mon ex là ? Sérieux ? « Ouais. Bon je suis désolé, faut que je file, j’ai rdv à Island Bay, pour des tests à la caserne ! » Elle est moyennement emballée, je la connais. Tout ce qui pourrait être un risque et retirer son père à notre fils, a tendance à faire tiquer Joan. Mais je ne lui demande pas son avis. « Bonne journée, Jo. » Je plaque un baiser sur sa joue, et quitte l’immeuble, avec l’esprit perturbé.

A la caserne, je suis accueilli comme un prince. Les tests physiques ne sont qu’une formalité, ils se rendent compte aisément que j’ai le niveau. Je relève tous les défis, il n’est maintenant plus questions que de passer le test pour savoir si ma psychologie se prête à la caserne, à la vie en communauté, etc… Je suis épaulé par le capitaine, bien ravie de savoir que je suis le fils de notre ancien ministre des armées. Selon lui, j’ai les épaules pour être un bon soldat du feu. Je suis là pour apprendre. Alors que mon presque futur capitaine était en train de me faire visiter les locaux, nous tombons nez à nez avec… Romi ? Putain de merde c’est pas possible. « Otis, j’ai entendu. Bienvenue à la caserne. » finit-elle par annoncer, en sortant de sa torpeur. Je me racle un peu la gorge, essayant de marquer mon léger malaise. « Hum… merci. »[/color] Evidemment, comme si ça ne suffisait pas, le capitaine me laisse seul avec Romi, et je sens que c’est là que les emmerdes vont commencer. Je la suis jusqu’à son bureau sans broncher, et une fois la porte refermée, elle lance les hostilités. « Autant mettre les choses au clair directement : il ne s’est rien passé hier, c’était une erreur. » Je lâche un rire nerveux, avant de passer mes deux mains sur mon visage. Je soupire un peu et plante mon regard dans le sien. « Te fatigue pas, j’ai compris. Ça me va, il s’est rien passé. » D’un côté, ça m’arrange un peu parce qu’une partie de moi me hurle que oui, c’était bien une erreur. De l’autre côté, j’ai tellement aimé cette soirée et cette nuit… enfin. Ça n’a plus d’importance. « T’inquiète pas, je peux même jouer la comédie et faire comme si on s’était jamais vus. » Je veux cette place, elle est pour moi. J’en ai toujours rêvé, et je ne laissera pas une nuit d’ivresse m’enlever ça…

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Si je semble mal à l’aise avec cette rencontre pour le peu surprenante, je suis au moins rassurée de voir que je ne suis pas la seule dans ce cas. Otis ne devait pas s’attendre à me revoir aussi vite et surtout, à le faire ici, à ce qui ressemble être son premier jour à la caserne. D’ailleurs, on en parle de ça ? Je mets un peu de temps à réaliser, mais s’il est ici comme future recrue, cela veut dire que nous allons nous voir souvent. Mon dieu, pourquoi est-ce que j’ai fait cela hier soir.. Par chance, je n’ai pas eu trop de mal à sortir de son lit ce matin, sinon cela aurait été d’autant plus gênant : on se serait retrouvés à faire le trajet ensemble pour venir. Lorsque le chef nous laisse seul, je pense qu’il est judicieux d’avoir une rapide conversation pour mettre les choses au clair entre nous. Pour cela, rien de mieux que d’aller dans mon bureau, à l’abri des autres pompiers. Il faut se méfier, car ici, quand une rumeur est lancée, elle peut circuler très vite. Maintenant seuls, je ne perds pas de temps et lui dit clairement les choses : ce qui s’est passé la veille était une erreur et ça ne peut pas se reproduire ou s’ébruiter. Sur ce point, le nouveau est d’accord avec moi. Il me propose même de faire comme si nous ne nous étions jamais vus avant aujourd’hui. « Parfait. » Je ne pouvais pas demander mieux. Même si pour le coup, pour ça, ça ne devrait pas être compliqué. Il est vrai que nous avons échangé un moment intime, fort agréable, mais nous ne connaissons pas grand-chose l'un de l'autre – sinon, nous aurions su un peu plus tôt qu'il y avait une possibilité pour que nous nous croisions à la caserne. « Ça ne devrait pas être compliqué, ce n'était qu'une nuit comme ça. » Je ne sais pas exactement si je le dis comme une vérité ou si c'est juste pour essayer de m'en convaincre aussi. Face à lui, je dois me rendre à l'évidence, je suis un peu perdue. Je ne sais pas comment agir, quoi dire et autant dire que ça ne me plaît pas du tout. Je dois reprendre le contrôle et pour ça, je ne trouve rien de mieux à faire que de jouer mon rôle de lieutenant. « Rassure-moi, quand tu parlais d'acrobaties, ce n'était pas en tant que pompier. » Même si j'ai bu hier, avec mes amies, puis avec lui, je suis restée consciente de tout ce qui se passait – malheureusement peut-être, j'aurais pu m'en servir pour me cacher aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, il a parlé de parkour et de cascades pour des films et séries. Seulement là, dans cette caserne, il s'agit de la vraie vie et je n'ai pas envie d'avoir quelqu'un qui prendra plaisir à mettre sa vie – et celle des autres – en danger. « Si tu te retrouves à la première garde, tu risques de finir sous mes ordres et je n'ai pas besoin d'avoir quelqu'un qui se prend pour un superhéros. » Notre métier est suffisamment dangereux comme ça, il est inutile de vouloir jouer un peu plus avec les limites. « Si tu es ici, je suppose que tu as fait bonne impression. » Et que je n'ai pas mon mot à dire. Ce n'est sûrement pas une mauvaise chose, car nuire à la carrière sous prétexte que ça ne me plaît pas ne me ressemble pas. Qui sait, peut-être qu'il est bon. J'en jugerais par moi-même plus tard, quitte à le mettre un peu à l'épreuve.

Je ne sais pas trop quoi penser de tout ça. Ma rencontre hier soir avec Romi a été comme un enchantement au milieu de mon quotidien, mais je ne peux pas me voiler la face, une partie de moi a regretté d’avoir flanché, d’avoir succombé à son charme. Parce que je suis en couple, parce que je suis père et que je me dois d’être responsable. Alors, quand elle me dit qu’on doit oublier tout ça, une partie de moi est soulagée. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit le genre à me courir après, surtout qu’elle a déguerpi assez vite au petit matin. Mais une autre partie de moi est un peu vexée qu’elle veuille faire comme si de rien n’était. Ok, j’ai compris que c’est pour le boulot, pour éviter que ça ne foute le bordel, mais voilà. Je lui réponds finalement qu’il n’y a pas de soucis, une erreur, et on en parle plus. Ça m’arrange, en fait. « Ça ne devrait pas être compliqué, ce n'était qu'une nuit comme ça. » Voilà, une nuit comme ça. Alors pourquoi ça me fait serrer les mâchoires quand elle dit ça ? Je hoche la tête sans rien ajouter, de toute manière, je ne vois pas ce que je pourrai lui répondre.
« Rassure-moi, quand tu parlais d'acrobaties, ce n'était pas en tant que pompier. » Nous voilà revenus à nos moutons, et j’entends dans sa voix le doute concernant ce que j’a pu lui raconter hier soir. « Non. Je suis pas inconscient. » Enfin, pas à ce point. « J’ai été pompier volontaire quand j’étais plus jeune, pendant quelques années, avant de partir quand mon père est devenu ministre des armées… » Je soupire un peu, ne voulant pas entrer dans les détails. « Bref, non, acrobate c’était mon métier jusqu’à aujourd’hui, je vais pas arrêter le parkour pour autant, mais j’ai pas l’intention de faire le clown ici. » Je fais référence à la première pensée qu’elle a eue, de me croire acrobate dans un cirque. Je n’ai pas envie qu’elle ait une image de moi biaisée, même si on est parties sur des bases un peu… étranges dirons nous. Elle ne connaît pas toute la vérité, même si je ne lui ai pas concrètement menti. Mais en même temps, je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit lieutenant dans une caserne de pompiers. Je comprends un peu mieux sa musculature désormais.
« Si tu te retrouves à la première garde, tu risques de finir sous mes ordres et je n'ai pas besoin d'avoir quelqu'un qui se prend pour un superhéros. » Je lève les yeux au ciel, tout de suite les grands mots. « Tu préfèrerais peut-être que je sois un petit chaton mignon. » Un large sourire aux lèvres, je sens que ça risque d’être difficile. Ok, elle me plait, ok, je dois faire comme si on ne se connaissait pas avant aujourd’hui. Mais ça, c’est quand on sera avec d’autres gens. Alors que nous sommes juste tous les deux dans ce bureau, je m’amuse un peu. « Si tu es ici, je suppose que tu as fait bonne impression. » Je hoche la tête cette fois. « Ton capitaine avait l’air plutôt satisfait de ma condition physique, et de mon état d’esprit suite à ses quelques questions. Le reste de l’entretien était avec toi, je suppose. Puisque tu seras probablement.. ma supérieure. » Bordel, ça fait bizarre. Pas que les femmes n’aient pas le droit d’être les supérieures des hommes au contraire, à vrai dire, j’ai toujours estimé la femme bien plus forte que l’homme. Mais avec ce que nous avons vécu la veille, et devoir faire semblant de ne pas la connaître, je ne sais pas trop dans quoi je m’embarque. « Il te va bien, cet uniforme… » Ça commence mal…

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Avec Otis face à moi, j'ai l'impression de perdre le contrôle et c'est quelque chose que je n'aime pas du tout. Surtout ici, à la caserne. Je travaille ici depuis plusieurs années maintenant, c'est un peu comme chez moi et avec les responsabilités que j'ai gagnées il y a quelques années, je me dois d'être là pour mes collègues et de ne surtout pas me laisser aller. Alors inconsciemment, je suis dure avec lui – et pour cause, je me sens velléitaire en sa présence. C'est un sentiment que je n'ai pas l'habitude de ressentir, pas depuis de nombreuses années. Je ne me reconnais pas et si c'est quelque chose qui arrive dès qu'il est dans les parages, il va malheureusement subir mes foudres. Ce qui est dommage, car il n'a pas l'air méchant – il ne l'était pas hier en tout cas. De ce que je comprends, j'ai un certain rôle à jouer dans son embauche, pour tout ce qui est humain. Cependant, avec ce qu'a pu dire le chef de la caserne et ce que je sais maintenant de son père, j'ai comme l'impression que je n'ai pas d'autres choix que d'aller dans le même sens qu'eux. « Est-ce que c'est un compliment ? » C'est sûrement un peu déplacé et une mauvaise idée de s'aventurer sur ce terrain. Néanmoins, je lui accorde le bénéfice du doute : être gentil, ça n'a jamais tué personne. Et puis, pour l'instant, nous sommes toujours que tous les deux, personne ne peut nous entendre. « Merci. » Finis-je par dire. Même si je suis quelque peu désagréable avec lui depuis tout à l'heure, je ne voudrais pas qu'il me pense comme un vrai tirant : je peux être dure, mais je le fais généralement pour le bien de mon équipe. Même si avec lui, il y a naturellement autre chose. Quelque chose que je n'arrive pas complètement à expliquer. « Est-ce que je dois m'inquiéter du rôle qu'a joué ton père dans ton embauche ? » Future embauche, si nous voulons être exacts. Mais à ce niveau, je pense maintenant que ce n'est qu'une formalité. Que j'approuve ou non son état d'esprit, le chef de la caserne semble déjà convaincu : pour lui, c'est déjà la nouvelle recrue, au moins l'une des deux. Néanmoins, je suis curieuse. Pour arriver où je suis aujourd'hui, j'ai dû batailler – encore plus parce que je suis une femme, mais je sais que parfois, c'est plus simple pour d'autres personnes. Quand tu es "fils de" ou encore "petit-fils de", certaines promotions ou augmentations arrivent naturellement plus vite. Si j'avais continué dans l'entreprise familiale, c'est peut-être quelque chose que j'aurais connu, mais j'ai décidé de me compliquer un peu la tâche. « Est-ce qu'il y a des choses que je dois savoir sur toi ? En tant que lieutenant. » Techniquement, j'ai eu l'occasion d'apprendre certaines informations à son sujet hier. Néanmoins, rien ne me dit qu'il était complètement honnête et surtout, nous sommes restés vagues sur un bon nombre de choses. Cependant, aujourd'hui, comme je peux avoir accès à son dossier, il n'a plus vraiment le moyen de se défiler et je préfère encore apprendre le plus gros de lui qu'à travers un morceau de papier. « Si tu rejoins l'équipe, la coach sportive qui sommeille en moi saura te préparer un entraînement aux petits oignons. » Pour la première fois, un sourire s'étend sur mes lèvres. Celui-ci se veut taquin. D'après lui, hier soir, j'avais le corps d'une coach sportive, alors autant que ça me serve dans les jours à venir.

« Est-ce que c'est un compliment ? » me demande-t-elle lorsque je lui dis apprécier la vue d’elle en uniforme. Je penche un peu la tête sur le côté tout en haussant légèrement les épaules, pour répondre sans répondre à sa question. Je crois qu’il vaut mieux ne pas entrer dans ce genre de conversation. Ce n’est pas professionnel, je vais éviter de lui dire ce que je pense pour ne pas foirer mon entretien. Elle me remercie tout de même, ce qui me fait sourire. Le compliment est passé. « Est-ce que je dois m'inquiéter du rôle qu'a joué ton père dans ton embauche ? » La question se devait d’être posée, elle est légitime. Je me racle un peu la gorge, parce que bien sûr, j’aurai préféré que mon père n’interfère pas dans cet entretien d’embauche. Je secoue la tête et lui répond sans tarder.  « Mon père n’a joué aucun rôle. J’ai attendu qu’il ne soit plus ministre pour entrer dans les pompiers. Je ne voulais pas qu’il soit mon supérieur. Donc tu n’as aucune inquiétude à avoir. » Même si elle refuse de me sélectionner pour faire partir de l’équipe, elle n’aura pas de problème pour autant. Mon père n’a rien à voir là dedans. « Est-ce qu'il y a des choses que je dois savoir sur toi ? En tant que lieutenant. » Nous sommes en plein dans l’entretien, mais avec ce que nous avons partagé la nuit dernière, je me demande si c’est la femme ou la lieutenant qui parle. J’essaie de sonder son regard, mais je crois comprendre qu’elle met une sorte de barrière, et je peux le comprendre. Ça me fait juste bizarre. Cette nuit avec elle a été… intense, et je ne voudrais pas que ça compromette mon avenir. « Pas que je sache, non. » Je pourrai lui parler de mon fils, mais je pense que ma vie privée peut aisément rester privée, d’autant que comme nous sommes en garde alternée avec Joan, je ne devrais pas avoir de soucis pour mon travail. « Si tu rejoins l'équipe, la coach sportive qui sommeille en moi saura te préparer un entraînement aux petits oignons. » A son sourire, je ne peux réprimer un rire amusé. Elle fait une référence à notre soirée, et je me rends compte donc qu’elle ne veut pas totalement tout effacer, faire comme s’il ne s’était rien passé. Enfin, entre nous, je conçois qu’avec l’équipe, il faudra ne rien dire. « Je n’en doute pas. C’est vrai que j’avais pas pensé que tu puisses être pompière. Je pense que j’aurai pas mis autant de temps avant de te ramener chez moi si ça avait été le cas… » J’ai prononcé ces mots un peu plus bas, pour le côté confidentiel. Je ne voudrais surtout pas la mettre dans la merde, ni moi d’ailleurs. Je me racle à nouveau la gorge pour reprendre mon sérieux et mon professionnalisme. « J’ai toujours voulu être pompier, j’ai été pompier volontaire quand j’étais plus jeune, j’ai lâché l’affaire quand mon père est devenu ministre, et maintenant qu’il a passé la main, je me suis dit que c’était le meilleur moment pour reprendre du service. » Elle voulait en savoir plus, elle en sait plus. « Je connais un peu le fonctionnement global d’une caserne, ça t’évitera de me faire la formation au complet. » Même si je resterai un bleu, pour un certain temps.

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Être dans une telle situation, ça ne me plaît pas. J’essaye néanmoins de faire bonne figure, tout en espérant que cela ne se voit pas : ce n’est sûrement pas le genre d’Otis, mais c’est exactement dans un tel moment qu’il pourrait profiter de ma vulnérabilité. Faire abstraction de la nuit passée avec lui, me concentrer sur mon travail et sur mon rôle de lieutenant, il n’y a que ça de vrai. J’essaye d’en apprendre un peu plus sur lui, sur ce qu’il pourrait apporter à la caserne, bonnes ou mauvaises choses. Voilà, c’est exactement comme cela que l’on fait quand on est professionnel. Cependant, lorsque j’apprends que son père était militaire des armées, je ne peux m’empêcher de tiquer un peu. Ce n’est pas dans notre métier que l’on retrouve le plus de passe-droits, mais nous ne sommes pas à l’abri que cela arrive un jour, notamment pour une promotion. Le métisse lui affirme que son père n’a pas joué des coudes pour le placer dans cette caserne. Est-ce que je peux le croire ? Je ne sais pas, mais il va bien falloir. Lui accorder le bénéfice du doute, après notre nuit, c’est sûrement la moins des choses. En parlant de cette nuit-là, ou plutôt de notre soirée, je ressors quelque chose qu’il a abordé : le fait que je pourrais être coach sportive — quand on y pense bien, c’est un peu le cas, même si ce n’est pas la totalité de mon boulot. Néanmoins, je ne m’attendais pas à ce qu’il ressorte cela contre moi. Selon lui, s’il avait su que j’étais pompier, alors les choses se seraient peut-être passées plus vite entre nous. Je ne sais pas exactement quoi, mais l’entendre me dire cela me fait quelque chose. Naturellement, pour garder le contrôle, je serre les dents. « Otis.. » Je ne suis pas certaine que continuer d’aborder cette nuit ensemble nous est profitable. En réalité, je me dis que le faire ne rend que plus compliqué le fait d’oublier. « Tu vises à d’autres aspirations ? Je suppose que voir son fils gradé, c’est le rêve de ton père. » Je ne connais pas leur relation, alors peut-être que je me trompe. Cependant, je ne peux m’empêcher de me dire qu’il pourrait appuyer une éventuelle demande de son fils, dans le futur, mettant alors ma place en danger. Ayant déjà été pompier — bénévole jusque là, Otis n’a pas vraiment besoin d’être accueilli comme les autres nouvelles recrues. « Bien. Même si je suppose que je dois quand même te faire faire un tour. Sauf si cela a déjà été fait ? » Quand je suis tombée sur eux, le chef et lui, ils étaient peut-être sur la fin du tour. « Est-ce que le chef t’a dit quand se déroulerait ta première garde ? » Je ne pense pas que ce soit aujourd’hui, il n’a pas encore son équipement. Ce qui n’est pas l’idéal si nous sommes appelés sur une intervention. « Je verrais pour y mettre une séance d’entraînement, histoire de voir ce que tu vaux physiquement. » Un sourire se dessine sur mes lèvres. Un sourire qui traduit facilement le plaisir que je prendrais à le voir peiner un peu. Voilà, c’est comme cela qu’on reprend le dessus et je dois continuer sur cette lancée, pour pouvoir assimiler Otis à un collègue, à l’un de mes hommes, et non plus à celui qui m’a donné du plaisir la veille. Je n’ai jamais eu besoin de faire ça, mais je me dis que ça ne doit pas être compliqué : dans quelques jours, tout cela sera passé.

Je me demande encore comment est-il possible que la vie m’ait mis devant une femme comme elle, pour me tenter à l’extrême hier soir, et me mettre devant le fait accompli ce matin. C’est comme si j’allais devoir faire face à mon erreur chaque jour, en étant recruté ici. J’ai du mal à y croire, à prendre conscience. Je pense que ce sera le cas quand j’en aurai parlé à ma mère, et qu’elle me remontera les bretelles. En attendant, je suis face à cette femme avec qui j’ai pris un plaisir démesuré cette nuit, et qui va sans doute devenir ma supérieur hiérarchique. Qu’est-ce que j’ai encore loupé pour en arriver là ?
Je suis naturel face à elle, la porte du bureau est fermée, personne ne peut nous entendre, à moins qu’il y ait des micros sous son bureau, ce dont que je doute. Elle me reprend comme si j’avais dit une connerie. Ah oui. Il ne s’est rien passé. Pardon… Je soupire un peu et baisse la tête pour tenter de me reprendre. Il ne faut pas que je la regarde trop longtemps alors, ou les images de la nuit passée me reviennent vite en tête. « Tu vises à d’autres aspirations ? Je suppose que voir son fils gradé, c’est le rêve de ton père. » Je secoue la tête. « Non. Il est plutôt du genre à vouloir m’empêcher d’évoluer. C’est pour ça que j’ai attendu qu’il ne soit plus ministre, pour me présenter dans la première caserne qui aurait besoin de moi. » Et je suis tombé sur elle.
Je ne tarde pas à lui expliquer que j’ai déjà appris le fonctionnement d’une caserne, même si c’était il y a longtemps, je ne pense pas que ça ait changé au point de tout réapprendre. Mais j’imagine que chaque caserne fonctionne un peu différemment en fonction de ses gradés. « Bien. Même si je suppose que je dois quand même te faire faire un tour. Sauf si cela a déjà été fait ? » Je dois retenir un petit sourire, parce que l’idée de faire le tour avec moi m’enchante plus que ça ne le devrait. « Il s’apprêtait à le faire quand on t’a croisée dans le couloir. » J’ai du mal à soutenir son regard, je pense que ça va être une véritable épreuve de travailler avec elle. Mais je m’en sens capable. Il le faut, c’est ma chance, et je ne veux pas la louper. « Est-ce que le chef t’a dit quand se déroulerait ta première garde ? Je verrais pour y mettre une séance d’entraînement, histoire de voir ce que tu vaux physiquement. » Je ne peux retenir un rire sur la fin de sa phrase, et je me racle un peu la gorge avant de dire tout bas « Ce n’est pas comme si tu avais déjà eu un aperçu… » Merde Otis, reprend toi !! « Il a parlé de commencer demain si tout se passe bien, vu le besoin d’effectif. Apparemment, c’est à toi que revient la tâche de me filer de quoi m’habiller. » Ce qui est assez drôle quand on sait que c’est elle qui m’a déshabillé hier soir. Bref. Ne pas y penser, ne pas y penser…

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Une relation compliquée avec son père ? D'accord, je me suis peut-être un peu trompée sur lui. Je ne connais pas grand-chose du jeune homme, mais dès qu'il m'a annoncé être le fils de l'ancien ministre des armées, je n'ai pas pu m'empêcher de tirer des conclusions hâtives. Finalement c'est une bonne chose. Enfin.. pour le côté professionnel. Car pour ses relations familiales, ce n'est pas l'idéal. De mon point de vue en tout cas, mais c'est peut-être parce que je suis proche de ma famille, de chacun des membres qui la constitue. L'entretien, ou du moins ce qui s'en rapproche le plus, continue et je me renseigne sur l'éventuel tour de la caserne qu'il a pu faire avec le chef. Malheureusement, lorsqu'ils m'ont croisé, ils n'en étaient pas encore arrivés là : ce sera donc à moi de le faire et autant dire que cette nouvelle m'enchante. Je l'interroge ensuite sur le premier jour où il viendra pour travailler – j'ai bien compris qu'il viendrait ici que je sois d'accord ou non, alors autant se faire à l'idée rapidement. Et puis, avec une séance de sport, bien préparée, je pourrais directement le mettre dans le bain pour savoir ce qu'il vaut. Une remarque qui ne passe pas dans l'oreille d'un sourd et qui semble le ramener à la nuit que nous avons partagée. Je lève les yeux vers lui et soupire un peu. Il est inutile de rajouter quoique ce soit, je pense qu'il commence à comprendre ce que je pense de tout cela. D'ailleurs, je me demande s'il ne commence pas un peu à me chercher volontairement. Le premier jour d'Otis serait demain.. Le répit ne sera donc que de courte durée. Le métisse évoque ensuite son besoin de vêtements et le fait que c'est à moi de m'en charger. « Super. » Avec tous les autres candidats, ce n'est pas un soucis. Mais étrangement, cela en est un avec lui. Sûrement à cause de ce qui s'est passé la veille. Et si en se déshabillant, pour essayer les tenues, des images d'hier me revenaient à l'esprit ? « Allons-y ! » Dis-je, après avoir apposé ma signature sur son dossier de candidature. Nous quittons le dortoir pour l'aile dédier à l'administratif de la caserne. Ici, certaines pièces ne sont pas utilisées, ou du moins, pas beaucoup. Nous entrons dans une pièce sombre – à cause de plusieurs stores fermés – où se trouvent les stocks des différentes tenues. « Généralement, tu prends quelle taille de vêtements ? » J'allume la lumière pour pouvoir lire correctement les étiquettes. Il me donne sa taille et je commence à fouiller les cartons pour trouver son bonheur. « Il est préférable que tu essayes sur place. Si c'est trop grand ou trop petit, ça nous évitera de faire les changements durant ta première garde. » Je lui tends ses premiers vêtements et me redresse lorsqu'il commence à retirer ceux qu'ils portent. Mes yeux se baladent naturellement sur son corps musclés. Grossière erreur. Mais par chance, l'alarme de la caserne retentit. « Sauvée par le gong. » Est-ce que souffler ces mots est un aveu de faiblesse ? Sûrement. Mais c'est toujours mieux que de continuer à profiter du spectacle, alors que nous savons maintenant, tous les deux, que c'est une mauvaise idée.

Je joue avec le feu, j’en ai bien conscience. Mais c’est beaucoup trop tentant, même si j’étais d’accord avec le deal de faire comme s’il ne s’était rien passé, au début de notre entretien. Enfin, faire comme s’il ne s’était rien passé auprès des autres pompiers de cette caserne, et le reste du monde : ok. Mais entre nous, dans un endroit clos, j’ai du mal à me retenir. J’espère qu’elle ne m’en tiendra pas rigueur, et j’ai l’impression que ça devrait aller. Je suis un petit con parfois.
C’est parti pour le tour de la caserne, et surtout, trouver de quoi m’habiller pour demain. De ce que je sais, les uniformes de combat du feu sont faits sur mesure, par sécurité. Ils sont donc nominatifs, et je suis comme un gosse à l’idée d’avoir le mien, à mon nom. C’est encore mieux qu’à Noël !
Je suis la jolie brunette jusque dans une pièce sombre. Ne pas faire de sous-entendus. Ne pas faire de sous-entendus. La porte est ouverte, je ne m’y risquerai pas. Elle me demande ma taille de vêtements, et j’essaie d’être le plus précis possible, et professionnel, tant que je peux. « Il est préférable que tu essayes sur place. Si c'est trop grand ou trop petit, ça nous évitera de faire les changements durant ta première garde. » « Ok lieutenant. » Petit sourire au coin des lèvres, je retire mon t-shirt et mon pantalon, me retrouvant vite en boxer devant elle. Ce n’est pas comme si elle n’avait pas vu davantage hier soir. Je vois ses yeux se balader, je ne suis pas dupe. Continuant de sourire en croisant son regard presque un peu gourmand, je finis par enfiler le polo, qui a l’air très bien. Au tour du pantalon, et j’affirme sans tarder « Tu as le compas dans l’oeil ! » En même temps, elle a pris le temps de regarder, et même de toucher. Pour mon plus grand plaisir…
L’alarme de la caserne se met à sonner, et une voix annonce le besoin de renfort pour un accident de la route. « Sauvée par le gong. » Je ris cette fois et hoche la tête. « Voilà. A demain alors lieutenant. Je serai là de bonne heure. » Impatient comme jamais, je la regarde s’éloigner en courant, et récupère deux vêtements de chaque pièce du puzzle, avant de me rhabiller avec mes propres vêtements, et rentrer chez moi. Je doute d’arriver à dormir correctement, mais ce ne sera pas pire que la nuit précédente…