ils sont passés où ? (nyssa)

**○ inscrit le** : 24/10/2016

ils sont passés où ?
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L'heure du repas approche et pourtant, la salle de vie semble vide. Il y a bien deux ou trois personnes, concentrées sur des papiers ou sur un livre de jeux, mais je ne vois pas beaucoup de mes hommes et ça m'inquiète. Est-ce que j'aurais raté une alarme ? J'en doute, je suis toujours attentive à cela et étant celle qui dirige, ils ne seraient certainement pas partis sans moi. Cette hypothèse se confirme lorsque je vois Nyssa entrer dans la pièce. « Où sont les autres ? » Elle vient d'ailleurs, alors peut-être qu'elle était avec eux avant de venir. J'espère juste qu'ils ne sont pas en train de manigancer quelque chose, car pour ça, ils sont plutôt doués ! Une mauvaise idée, une arnaque ou toute autre chose dans le genre et eux, ils sautent à pieds joints dedans. « Quand il est question de faire à manger, ils disparaissent tous. » Le dernier plat avec quinze parts a été terminé lors du dernier repas, il est donc nécessaire de se mettre aux fourneaux pour préparer quelque chose de nouveau. Aimant bien cuisiner, ce n'est pas un fardeau, néanmoins j'aimerais bien que les tâches soient un peu mieux réparties parfois. « Le premier qui sort que la place de la femme est à la cuisine, il sera de corvée de nettoyage pendant au moins un mois. » Au fond, je sais qu'ils ne pensent pas cela. Mais juste pour amuser la galerie, c’est le genre de blague qu’ils sont tous capables de faire – ou presque, j’émets encore un doute pour Otis, mais c’est peut-être par que je l’idéalise encore. Je me dirige vers le réfrigérateur et l’ouvre pour voir ce qui se trouve à l’intérieur. Si la jeune femme est partante, nous allons devoir faire preuve d’originalité et de rapidité si nous voulons proposer un repas de groupe avant qu’un appel pour une intervention soit fait. Bien sûr, je pourrais attendre que quelqu’un se bouge, mais je commence déjà à avoir faim et je ne sais pas si j’arriverais à être aussi patiente. Je sors plusieurs ingrédients du réfrigérateur, puis fouille dans quelques placards pour sortir des féculents et des épices. Je pose le tout sur le plan de travail central et commence à réfléchir à ce que tout cela mélangé pourrait donner. « Comment vont les choses pour toi en ce moment ? J’ai vu que tu t’étais inscrite à une formation pour devenir lieutenante. » Tous les jours, nous parlons avec chacun de nos collègues. Mais il y a plusieurs façons de parler et bien souvent, celle que nous utilisons est celle de la banalité : nous parlons des choses qui nous arrivent sur le moment, sans vraiment nous intéresser au reste, à ce qui a pu se passer en dehors de nos gardes. Mais là, seules, c’est l’occasion parfaite pour discuter un peu plus longuement entre filles.

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❝ ils sont passés où ? ❞⊱ romi & nyssa ⊰

S’il y a bien une habitude de mon quotidien à laquelle je ne déroge jamais, c’est ma séance de sport. A moins d’avoir une longue journée ou d’être sur une grosse intervention, j’essaie de toujours prendre le temps de passer par la salle de sport, sur mon temps libre comme à la caserne. C’est mon défouloir à moi, mon petit moment de solitude dans cette vie cadencée où je suis constamment entourée. Qu’on ne se méprenne pas, j’aime mes collègues, autant que ma famille ! Mais ma petite séance de sport quotidienne, c’est ce qui me permet de me recentrer, et évacuer toutes les ondes négatives que je pourrais avoir besoin d’évacuer. Et surtout, après une bonne séance de sport, il n’y a rien de mieux qu’une douche froide, toujours pour me remettre les idées en place. Il faut dire que ces derniers temps, je préfère être à la caserne que chez moi.
Séchée et habillée, je salue un collègue dans le vestiaire avant d’en sortir pour rejoindre la salle de vie. C’est là que se trouve le plus gros du groupe, normalement, mais visiblement pas cette fois. Il y a juste Romi qui se tient près du plan de travail. « Où sont les autres ? » Je hausse les épaules, secouant la tête, tout en laissant mon regard planer vers la grande table vide. « Aucune idée, je pensais qu’ils seraient ici. » Rester seule avec Romi ne me dérange pas, mais disons qu’en ce moment, je préfère l’énergie du groupe. C’est un peu moins... intime, dirons-nous. « Quand il est question de faire à manger, ils disparaissent tous. Le premier qui sort que la place de la femme est à la cuisine, il sera de corvée de nettoyage pendant au moins un mois. » Je ne peux m’empêcher de rigoler à sa remarque, tout en sachant que ce genre de mentalités n’a pas vraiment sa place, surtout dans cette caserne. Romi est une excellente lieutenante, je ne connais pas un seul membre de cette équipe qui n’a pas un profond respect pour elle. « Je doute que qui que ce soit ose s’y risquer... Sauf Richards, il serait bien capable de sortir un truc comme ça. » C’est le plus taquin de tous, celui qui aime jouer les clowns pour détendre l’atmosphère. Mais même pour lui, je sais que ce ne serait qu’une mauvaise blague ; il n’est pas comme ça. Personne ne l’est vraiment.
Je prends appuie sur le plan de travail, tout en observant la jeune femme qui a l’air de vouloir se mettre aux fourneaux. Normalement, les lieutenants ne se livrent pas aux corvées ménagères ou de cuisine, mais pas elle. Elle aime mettre à la pâte, avec tous les autres, et c’est une des raisons pour lesquelles elle est si appréciée. « Comment vont les choses pour toi en ce moment ? J’ai vu que tu t’étais inscrite à une formation pour devenir lieutenante. » Ah, et elle est attentive aux détails, aussi. Moi qui espérais que cette petite démarche passe inaperçu aux yeux du reste de l’équipe, c’est raté. « Oh, euh... oui. C’est juste pour voir un peu ce que ça donnerait, je ne suis pas encore sûre de vouloir vraiment me lancer. » Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas du tout au goût de ma femme. Tout en parlant, je fais le tour de la table pour rejoindre Romi, en récupérant de quoi éplucher les pommes de terre. « Qu’est-ce que tu veux cuisiner ce soir ? » Bien entendu, je vais l’y aider ; mais j’imagine qu’elle a une idée en tête, si elle a sorti tous ces ingrédients. « J’ai vu que t’avais pris des carottes. Je sais de source sûre qu’Otis adore ça, si jamais tu veux lui faire plaisir. » Je lui glisse ça dans la confidence, avec un petit sourire complice. Il faut bien que ça me serve à quelque chose, de connaître le petit nouveau de la caserne.

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C’est étrange que les hommes de la caserne ne soient pas ici, j’espère qu’ils ne sont pas en train de préparer un mauvais coup. Certains sont adeptes de ce genre de choses, que ce soit pour des billards d’occasion – payés une fortune pour une épave – ou pour des événements en tout genre. Comme le souligne Nyssa : aucun d’eux ne se risquerait à faire une blague misogyne en nous voyant toutes les deux en cuisine. C’est au moins quelque chose auquel nous échapperons, même s’il serait fortement apprécié d’être aidées pour le repas de temps en temps. Alors que je fouille dans le réfrigérateur et dans différents placards pour sortir des ingrédients qui nous seront utiles, j’interroge la jeune femme sur sa vie et plus précisément sur la formation à laquelle elle s’est inscrite. Sans mon poste, je ne serais pas au courant. Mais ce n’est pas un reproche, loin de là ! Je pense qu’entre femmes, il est important de se soutenir, surtout dans un monde qui est majoritairement masculin. « Tu as raison, c’est la chose à faire. » Dis-je, alors qu’elle évoque vouloir simplement se renseigner pour l’instant. « Rien ne t’empêche de faire la formation aussi, même si tu ne prends pas un poste de lieutenant tout de suite. J’ai attendu plusieurs mois avant d’occuper le mien. » Je n’avais pas particulièrement envie de quitter la caserne, alors j’ai pris mon mal en patience et j’ai attendu que le lieutenant avant moi parte à la retraite. « Avoir des femmes à la tête d’équipe est une bonne chose pour le département. » Et je serais forcément fière d’apprendre qu’une membre de mon équipe s’est sentie suffisamment en confiance pour prétendre à un tel poste. Rapidement, Nyssa nous ramène au sujet de la cuisine, me demandant ce que je compte faire pour tout le monde, avec son aide visiblement. Il y a des pâtes feuilletés dans le réfrigérateur, alors autant s’en servir. « Je pense que nous pourrions faire une tourte à la viande, accompagnée de purée pour ceux qui le veulent. » Il faut pouvoir nourrir toute la caserne et cela veut dire "avoir beaucoup de quantité" : toute la journée, ils se dépensent et ils semblent tous avoir un estomac naturellement grand. Alors qu’elle passe à l’action en épluchant les pommes de terre, la jeune femme fait une remarque qui me laisse perplexe. « Pourquoi est-ce que je voudrais lui faire plaisir ? » C’est sorti si naturellement, peut-être un peu trop. Le sourire présent sur les lèvres de Nyssa me laisse penser que la petite histoire d’un soir, entre Otis et moi, a déjà commencé à fuiter au sein de la caserne et je n’aime pas vraiment ça. Cependant, peut-être que je me fais des films et être sur la défensive comme cela n’aidera pas. « Tu as l’air de bien le connaître. » Dis-je, tout en récupérant deux moules et d’y étendre les deux pâtes feuilletées. Je sais qu’il existe une histoire de famille entre eux, de belle-famille pour être plus exacte. Ce n’est pas clairement marqué dans le dossier du jeune homme, mais j’ai pu entre cela au détour d’un couloir. Comme quoi, ici, quand les nouvelles veulent circuler, elles le font sans trop de difficultés. Je dois donc rester sur mes gardes et redoubler d’efforts pour que notre secret reste un secret. « Est-ce que vous vous entendez bien ? » Maintenant que nous sommes ici et que le sujet d’Otis est lancé, autant laisser ma curiosité poser quelques questions.

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❝ ils sont passés où ? ❞⊱ romi & nyssa ⊰

« Rien ne t’empêche de faire la formation aussi, même si tu ne prends pas un poste de lieutenant tout de suite. J’ai attendu plusieurs mois avant d’occuper le mien. » J’ai voulu balayer le sujet d’un revers de la main, mais je vois que Romi n’a pas l’air de cet avis. Même, elle cherche plutôt à encourager ma démarche, ce qui me met un peu de baume au cœur, même si ce n’est pas forcément si simple... « Avoir des femmes à la tête d’équipe est une bonne chose pour le département. » Je souris à sa remarque, bien d’accord avec elle, sur le principe. « Je doute que ma femme soit de cet avis... Mais j’y réfléchirais. » Dans un mariage, c’est une décision qu’il faut prendre à deux, certes. Mais c’est aussi de ma carrière dont il s’agit, et... disons que Kenzi aimerait plutôt que je me consacre à d’autres activités moins dangereuses, si possible.
Enfin, je n’ai pas l’intention de m’attarder sur ce sujet, alors je reviens sur le thème de la cuisine, au moins pour que Romi me révèle son plan du jour : une tourte à la viande et de la purée. Soit, je m’attaque aux pommes de terre, tout en faisant une petite remarque innocente à propos des carottes que je vois sur la table. Les carottes, et Otis, le petit dernier de la caserne, qui est aussi mon cousin par alliance, donc. « Pourquoi est-ce que je voudrais lui faire plaisir ? » Wow. Pourquoi elle est sur la défensive, tout à coup ? « Euh, je sais pas... Comme ça, pour l’accueillir. Sauf si tu préfères la méthode dure, c’est ton bizut après tout. » Elle peut bien décider de l’accueillir comme elle le veut, je n’aurais pas mon mot à dire. Et puis, c’est un grand garçon, il saura très bien se défendre s’il faut vraiment en arriver là. « Tu as l’air de bien le connaître. » De nouveau, je lui souris, tout en attrapant de quoi mettre les pommes de terre à cuire. « C’est le cousin de ma femme... disons qu’on assiste plus ou moins aux mêmes repas de famille, donc oui, on se connaît bien. » Pour être exacte, je me suis particulièrement rapprochée de lui parce qu’il m’aide à me sentir moins seule en tant que ‘pièce rapportée’, même si personne ne m’a jamais donné cette impression chez les Wairua. « Est-ce que vous vous entendez bien ? » Elle ne fait que poser de simples questions, pourtant, j’ai l’impression de subir un interrogatoire... Pourquoi ? « Oui, ça va ! Je veux dire, tu l’as vu, il est plutôt sympa, et droit dans ses bottes, donc je ne vois pas pourquoi on ne s’entendrait pas. » C’est vrai, ça, elle a forcément déjà eu l’occasion de le cerner, vu tout le temps qu’ils passent ensemble... C’est précisément le rôle qu’elle est censée remplir, en tant que lieutenant. « D’ailleurs, comment ça va, vous deux ? Ça se passe bien ? » Je lui tourne le dos pour faire un peu de vaisselle, même si je retourne la tête dans sa direction de temps en temps.

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Être lieutenant a certains avantages, comme le fait de voir passer des choses qui touchent à l’administratif – celui d’avoir une chambre fermée aussi, mais il n’est pas question de cela ici. Le fait que Nyssa se soit inscrite à une formation de lieutenant fait partie du genre de papiers administratifs que je vois et étant actuellement dans l’un des postes qu’elle vise, je ne peux m’empêcher de lui apporter mon soutien, sans oublier de souligner au passage le fait que ces rôles soient occupés par des femmes est une avancée dans notre métier. Seulement, cette décision ne dépend pas que d’elle et visiblement, son épouse n’est pas très emballée par l’idée que sa moitié soit lieutenant. Ce nouveau grade ne rend pourtant pas notre métier plus dangereux que celui de simple pompier, il y a juste la responsabilité des autres qui est différente, qui se rajoute au reste. Nous donnons les ordres – en deçà de ceux des capitaines ou du chef, mais tout de même –, alors nous devons en subir les conséquences si quelque chose ne se passe pas comme prévu. Nous pouvons avoir des corps sur la conscience et bien souvent, la rancœur de la famille qui va avec, même si à la base, ce sont les feus ou les incendies qui les ont pris. Et ça, je suis plutôt bien placée pour le savoir : étant pompier, je savais bien que l’accident d’Alice n’avait pas été causé par l’un de mes collègues, mais il m’a fallu plusieurs jours, voire même quelques semaines, pour bien l’assimiler. Lancées dans la cuisine, Nyssa fait une remarque au sujet d’Otis et automatiquement, je réponds sur la défensive – un peu trop peut-être. Selon elle, je pourrais simplement vouloir être gentille avec lui, pour l’accueillir comme il se doit. Mais je pense que nous avons passé ce stade désormais, ça fait déjà plusieurs gardes qu’il est ici. « C’est vrai, c’est mon bizut. C’est d’ailleurs lui qui devrait être ici, à notre place. » C’est une tradition à la caserne : les plus récents sont généralement ceux qui sont de corvée de cuisine. Heureusement, nous ne leur obligeons pas d’être ici à chaque repas, sinon ils seraient vite épuisés et décideraient certainement de partir vers d’autres horizons. Si Nyssa et Otis se connaissent plutôt bien : c’est grâce à la famille de son épouse, une famille qui compte le nouveau parmi ses rangs. Cela aide sûrement, mais ils s’entendent plutôt bien. D’après la jeune femme, le pompier est sympa et droit dans ses bottes. Je suppose que tout est une question de point de vue ou alors, c’est mon ressentiment suite à notre nuit ensemble qui me fait dire cela. « Je ne suis pas particulièrement fan que son père soit l’ancien ministre des armées. » Dis-je, alors qu’elle me demande comment sont les choses entre nous. Être ici grâce à quelqu’un et non pour le mérite, ce n’est pas quelque chose qui me plaît. Otis m’a dit que ce n’était pas le cas, mais au sein d’une famille, les relations vont et viennent, alors il ne serait pas surprenant que cela changent avec son père. « Sinon.. ce n’est qu’un pompier comme les autres. Nous n’avons pas vraiment eu de grosses interventions depuis son arrivée, celles où ton estomac se retourne un peu, alors nous verrons bien ce qu’il vaut vraiment à ce moment-là. » Même si pour l’instant, il répond correctement à ce qu’on lui demande. « Je ne le connais pas vraiment. Je suis sa supérieure, alors ce n’est pas forcément avec moi qu’il parle. » Dis-je, tout en haussant légèrement les épaules. Nous continuons de parler, mais nous ne restons pas inactives pour autant. Nyssa a terminé sa tâche et j’ai commencé à monter la tourte de mon côté. Je me décale légèrement et allume le four pour lui laisser le temps de chauffer un peu.

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« C’est vrai, c’est mon bizut. C’est d’ailleurs lui qui devrait être ici, à notre place. » Je rigole de bon cœur face à cette remarque, cette pique bien placée en direction d’une jeune homme qui doit sûrement entendre ses oreilles siffler. « Si tu lui dis qu’il y a des carottes, il y a des chances qu’il rapplique assez vite. » C’est vrai, ce sont normalement les nouveaux qui s’occupent de la cuisine, mais les choses sont un peu différentes ici. Par exemple, Romi ne voit jamais d’inconvénient à venir faire la cuisine, et je dois avouer que c’est plutôt agréable d’avoir une lieutenante qui ne se tient pas éloignée du reste de l’équipe. Idéalement, je sais que je prendrais sûrement exemple sur elle si l’occasion m’était donnée, mais là n’est pas la question. Je l’interroge plutôt sur ses premières impressions sur le petit nouveau, qui se trouve être quelqu’un que je connais plutôt bien, même en dehors de la caserne. Une aubaine ! « Je ne suis pas particulièrement fan que son père soit l’ancien ministre des armées. » Oh… Je ne m’attendais pas à cette réponse-là, bien plus sombre et préoccupée que ce j’espérais. « Ah ? Je ne l’ai pas vu en parler une seule fois depuis qu’il est là. Tu as eu des retours négatifs ? » De la part d’autres personnes, peut-être ; même si ça m’étonnerait quand même franchement de la part d’Otis. En plus d’être droit dans ses bottes, ce n’est vraiment pas son genre de se mettre en avant avec ce genre de détails. D’ailleurs, il me semblait même qu’il cherchait justement à éviter ce genre de rapprochements. Mais le rapport est vite fait lorsqu’on compare les noms de famille, et ce n’est pas non plus une information confidentielle ; surtout pour une lieutenante, je suppose. « Sinon.. ce n’est qu’un pompier comme les autres. Nous n’avons pas vraiment eu de grosses interventions depuis son arrivée, celles où ton estomac se retourne un peu, alors nous verrons bien ce qu’il vaut vraiment à ce moment-là. » Je l’écoute en silence, un petit sourire sur le coin des lèvres. En effet, il n’a pas encore vraiment eu le temps de faire ses preuves. Mais là dessus, je n’ai pas vraiment d’inquiétudes à avoir, surtout connaissant le bonhomme. « Je ne le connais pas vraiment. Je suis sa supérieure, alors ce n’est pas forcément avec moi qu’il parle. » Elle a un air détaché, mais j’ai pourtant l’impression qu’elle essaie de mettre plus de distance que nécessaire entre eux. Quelque chose qui détonne par rapport à ce que je pensais tout à l’heure, et le fait qu’elle avait plutôt tendance à vouloir se mêler à l’équipe… Mais bon, je choisis de ne pas creuser davantage. ; inutile de la mettre sur la défensive. « Je vois. » Il n’est cependant pas impossible que j’interroge le jeune homme un peu plus détails lorsque j’en aurais l’occasion, qu’on se le dise. « Mais tu devrais quand même lui donner le bénéfice du doute, par rapport à son père… Je crois même qu’il aurait préféré qu’on ne fasse pas du tout le lien, si possible. » Je souris, en m’essuyant les mains après ma vaisselle. « Enfin, c’est mon avis. Tu auras le temps de te faire le tien. » De nous deux, c’est elle qui est censée l’évaluer. Et c’est très bien comme ça. « Bon. L’odeur de cuisson devrait peut-être aider à les sortir de leur trou. Tu dirais quoi d’ajouter un dessert pour aider au moral des troupes ? » Il est rare que cette cuisine connaisse la moindre pâtisserie. Mais puisque la quantité de temps libre nous le permet durant cette garde, autant en profiter. Et puis, nous avons reçu une belle caisse de fruits de la part d’un généreux donateur. Si elle refuse l’idée du dessert, je sais déjà que je vais me lancer dans une frénésie de smoothies en tous genres… Et je commence à me demander si mes collègues ne feraient pas une overdose, avec toutes mes expériences.

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Quand un sujet concerne Otis, j’ai tendance à être sur la réserve. Je fais cela pour éviter d’éveiller les soupçons, mais ce n’est peut-être pas la solution idéale. En effet, à trop paraître détachée — alors que je ne le suis pas avec mes autres collègues, ils pourraient se poser des questions. Ce n’est pas encore arrivé et j’espère bien que cela n’arrivera pas, ou alors que ce sera le plus tard possible. Si jamais ce qui s’est passé entre nous venait à se savoir, je ne pense pas que ça poserait problème, ça n’a jamais été le cas avec Alice. Mais je ne sais pas, le fait qu’il soit un homme et que je sois une femme, qui plus est lieutenant, j’ai un peu de mal. Surtout que notre écart de conduite est arrivé avant même qu’il ne travaille ici. Et si tout cela était mal interprété ? Avec Nyssa, je ne pense pas que nous en soyons là. De notre conversation, la jeune femme semble surprise que l’ancien métier de son père me gêne un peu, surtout qu’il ne semblait pas vouloir que ça se sache ici. « C’est lui qui me l’a dit. » C’est sûrement mieux comme ça : je n’aurais pas aimé l’apprendre de quelqu’un d’autre. Et autant dire qu’il était inutile de trouver un nouveau point de discorde entre nous. « Je ne lui reproche pas d’être son fils, on ne choisit pas ses parents. Mais je n’aime pas trop l’idée qu’un jour, cet homme pourrait mettre son grain de sel dans la caserne, pour son fils. » De ce que j’ai compris, l’entente entre les deux hommes n’est pas idéale, alors ce jour n’arrivera peut-être jamais. Mais ne faut-il pas jamais dire jamais ? Quoiqu’il en soit, pour toute cette histoire, ce n’est pas vraiment Otis le problème : j’aurais tiqué avec n’importe qui d’autres — même si ça m’a bien aidé pour mettre une certaine distance entre nous. Ce sujet abordé et notre plat mis au four, la jeune femme propose de faire un dessert. N’ayant pas eu beaucoup d’intervention jusque là, les camions et la caserne sont propres, nous pouvons donc nous occuper à autre chose, tant que l’alarme ne retentit pas. « Pourquoi pas ! Tu as déjà une idée en tête ? » J’ai choisi le plat, elle peut bien choisir le dessert. Surtout que si elle a abordé le sujet, je me dis qu’elle a peut-être déjà quelque chose en tête. Je lui laisse prendre les commandes de la cuisine et me tiens prête à exécuter ses ordres, après avoir quelques minutes au niveau de l’évier pour nettoyer des ustensiles qui pourraient nous servir — cuisiner c’est bien, faire la vaisselle beaucoup moins, mais il faut bien passer par là. Après plusieurs minutes et une avancée non négligeable, nous parlons de nos collègues et presque naturellement, je me retrouve à aborder, de nouveau, le sujet de la dernière recrue. Si je veux en apprendre un peu plus sur lui, sans donner l’air de vouloir fouiner dans sa vie, directement auprès de lui, Nyssa est peut-être la mieux placer pour m’aider. « Si Otis est assez discret avec moi. Peut-être que tu pourrais m’en dire un peu plus sur lui, comme tu le connais plutôt bien. » Je ne m’attends pas à ce qu’elle me dévoile ses plus grands secrets, juste ce qu’il pourrait dire aux autres et qu’il se retient de faire avec moi.

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Alors que la conversation dérive sur le petit nouveau de la caserne, Romi m’explique qu’elle est mal à l’aise avec le métier de son père. Et ça, pour une nouvelle qui m’étonne, j’en suis la première étonnée ; surtout quand elle m’annonce que c’est Otis, lui-même, qui lui a révélé que son père avait un certain pouvoir politique vis-à-vis de notre hiérarchie. Qu’est-ce qu’il avait en tête quand il lui a parlé de ça ? Je n’en sais rien du tout. Mais visiblement, ça n’a pas eu l’effet escompté sur celle qu’il a sûrement voulu impressionner. « Je ne lui reproche pas d’être son fils, on ne choisit pas ses parents. Mais je n’aime pas trop l’idée qu’un jour, cet homme pourrait mettre son grain de sel dans la caserne, pour son fils. » Je grince des dents sur la première phrase. Sur ce point-là, elle ne sait sans doute pas à quel point ce genre de sujets pourrait me toucher. Et puis, pour la suite de son propos, je préfère garder le silence, aussi. Otis est un homme bien ; ça, je peux l’affirmer sans problèmes. Mais je connais à peine son paternel, et même s’il est censé être le frère de mon beau-père, j’ai plus de liens avec son ex-femme que lui, c’est dire… S’il essayait de venir s’immiscer dans les affaires de la caserne, il n’y a pas grand-chose que Romi, ou même Otis, pourrait faire pour l’en empêcher. Et ça, c’est la dure loi des paternels qui se croient tout puissants, et tout permis.
Je soupire longuement, comme pour m’enlever ces pensées néfastes de la tête. Et pour continuer sur notre frénésie de cuisine, je propose à la jeune femme d’enchaîner sur un dessert. Il faut bien profiter de ces moments de calme tant qu’ils sont là ; on ne sait jamais, ils pourraient être les derniers d’ici la fin de notre service. « Pourquoi pas ! Tu as déjà une idée en tête ? » Avec envie, je jette un œil au panier de fruits posé sur la table. « Mh… Un banana bread, ça te va ? Ça va vite, et ça se conserve bien. » On aurait pu viser autre chose de plus complexe, mais le souci avec ce métier, c’est qu’on ne sait jamais quand on sera appelés. Et même si j’ai tendance à avoir du mal avec les moments d’inaction, je n’irais pas jusqu’à souhaiter qu’une catastrophe se déclenche pour pouvoir servir à quelque chose. Alors, on s’occupe comme on peut, avec des activités qui ne prennent pas trop de temps. Ce faisant, la conversation se poursuit, et après avoir fait le tour des ‘potins’ sur nos collègues, Romi revient à la charge avec son dernier bizut en date.
« Si Otis est assez discret avec moi. Peut-être que tu pourrais m’en dire un peu plus sur lui, comme tu le connais plutôt bien. » Je l’observe en souriant, tout en enfournant les cakes terminés. « Qu’est-ce que tu veux savoir ? » Si j’étais du genre fouineuse, je donnerais plus de crédit à cette petite voix qui me dit que quelque chose ne tourne pas rond pour qu’elle s’intéresse à ce point à lui. Mais ce n’est pas vraiment mon genre, alors je m’efforce à répondre à sa question du mieux que je peux. « Je te l’ai dit, c’est un mec bien. Du genre à faire passer les autres avant sa propre personne. Enfin… on est tous un peu comme ça ici, remarque. » On ne fait pas ce métier si on n’a pas un minimum d’altruisme, c’est la base. « Mais il a un niveau d’abnégation que j’ai rarement vu, surtout chez un homme. La situation avec sa copine, par exemple… Je ne l’ai jamais vu se plaindre, pas une seule fois. » Et pourtant, il pourrait. Et… oups ? Est-ce qu’elle est au courant pour Sara ? En même temps, ce n'est pas comme si que son existence était un secret.

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Bien lancées et toujours pas d'alarme à l'horizon, Nyssa propose d'enchaîner avec un dessert. Chose que j'accepte et comme j'ai choisi la recette du plat de résistance, je lui laisse la liberté de le faire cette fois-ci. Décidée à utiliser des fruits – qui ont malheureusement parfois tendance à s'abîmer ici –, elle propose de faire un Banana Bread. Je n'ai pas forcément l'habitude d'en faire, mais comme c'est elle qui dirige, je la suis sans trop de doute. Pendant notre préparation, je me risque à aborder de nouveau le sujet d'Otis. Je sais que c'est un peu risqué. Néanmoins, vu le mystère qu'il fait planer autour de lui, surtout avec moi, je crois que c'est mon dernier recours pour en apprendre un peu plus. Dis comme ça, ça sonne un peu désespérée. Ce n'est pourtant pas ce que je suis, il vit sa vie, je vis la mienne et c'est très bien comme ça. « Il a une copine ? » Sa phrase contenait plusieurs informations et c'est pourtant la seule que j'ai retenue. Est-ce que ça fait de moi une mauvaise personne ? Je ne pense pas. Je n'espère pas. Et pour être honnête, toute personne à ma place agirait sûrement de la même façon : je viens d'apprendre que j'ai couché avec un homme en couple, j'ai bien le droit d'être un peu secouée. Un peu, mais pas trop, car je ne peux pas laisser paraître mes sentiments. Pas ici, pas auprès de Nyssa. De tous les pompiers ici, c'est elle qui le connaît le mieux et je ne sais pas ce que ça pourrait entraîner. Est-ce qu'elle s'en soucierait ? Est-ce qu'elle irait à l'encontre d'Otis et de son histoire d'amour ? De moi ? Pour ne pas paraître louche, je dois reprendre le contrôle et pour ça, je dois oublier la question que je lui ai posée et la réponse qu'elle pourrait me donner. « Tu vois, il ne me dit vraiment rien. Même les choses les plus simples. » Et pour le coup, cette information là, j’aurais bien aimé l’avoir un peu plus tôt – avant de passer une nuit avec lui par exemple. Certes, ce soir-là, nous ne nous sommes pas tout dit, nous avions d’autres choses en tête. Mais une personne qui partage sa vie, ça reste quelque chose d’important quand même, non ? Bref.. il est maintenant trop tard pour cela et la jeune femme face à moi n’a pas à être mêlée à tout ça. Au moins, cette conversation n’aura pas servie à rien. « Bien, je crois que nous avons tout le nécessaire pour un repas de fête. » De fête, peut-être pas. Mais ce sera certainement plus que d’habitude et ça, nos collègues ne se priveront pas pour nous le faire remarquer et pour nous remercier, je l’espère. « Je crois que nous avons bien mérité une petite pause. » Cuisiner, ce n’est techniquement pas dans les compétences demandées à la caserne. D’ailleurs, rares sont les personnes qui se proposent pour passer du temps derrière les fourneaux. Il faut dire qu’en signant ici, on s’attend plus à de l’adrénaline qu’à un pétrissage de pâte. En parlant de ça, je ne dirais pas non à un peu d’action dans les minutes à venir : à trop tourner en rond, nous allons tous finir par devenir fous. Maintenant que nos gâteaux sont au four, il ne reste qu’à surveiller et grâce au minuteur mis, il n’y a pas de raison de rester à côté. Néanmoins, en tournant la tête vers l’évier, je réalise que j’avais oublié ce détail, le mauvais côté de la cuisine, celui que tu as tendance à repousser encore et encore, jusqu’à ce que la place manque. « Après la vaisselle.. mais je m’en occupe, ne t’en fais pas. Tu peux y aller. » Quand elle sera lieutenant, je lui laisserais peut-être cette tâche-là. Ce ne sera pas exactement la même chose, mais si Nyssa passe bien le concours pour ce poste, elle deviendra une sorte de nouvelle recrue. Ce ne sera pas au même niveau qu’Otis, mais il y a de l’idée.

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