gangsta's paradise → hunter

Il aimait bien mais ça faisait peur. Aveleen nota cette information dans un coin de sa tête et la ressortirait probablement en temps utile. Mais pour l’heure, tous deux étaient plus occupés à découvrir son chalet. Enfin, bien sûr que la rouquine ne le découvrait pas, elle le connaissait déjà et même très bien puisqu’elle y résidait depuis plusieurs mois déjà, mais elle était en train d’assister à la découverte d’Hunter et elle avait cette désagréable impression de devoir économiser son souffle en n'inspirant qu’une fois sur deux, voire sur trois. Parce que ce qui allait suivre était inévitable, pas vrai ? Même si pour l’instant, tout se passait toujours à peu près bien ; ils se marraient ensemble à propos de ce garde-chasse qui n’existait peut-être pas – ce dont elle doutait quand même, il lui semblait impensable qu’il existe des forêts sans gardien -, et elle acquiesçait, sa crinière de feu rebondissant avec le mouvement. Et puis… Le moment des aveux fut venu. Elle essayait de prendre l’air le plus détaché que possible en déclarant qu’il lui arrivait de poser des micros chez certaines personnes, juste histoire de s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un agent gouvernemental. Et qu’elle en avait posé un chez lui aussi. Plus elle prenait l’air détaché et moins ça aurait l’air grave, non ? C’est en tout cas ce qu’elle se disait, mais à juger par la réaction d’Hunter, il devait quand même trouver ça grave, lui.

Il lui confirma qu’elle aurait dû lui en parler plus tôt mais n’ajouta rien d’autre et comme il refusait tout net de la regarder, elle fit un geste vers lui, espérant lui arracher un sourire, un mot, n’importe quoi. Et elle ne fut pas déçue puisqu’il lui ordonna alors de ne plus le toucher. Bon. C’était pas exactement ce qu’elle avait en tête mais elle supposait que c’était toujours mieux que rien du tout. Une barrière presque visible s’éleva alors entre les deux et Aveleen se prépara au pire. Cette fois encore, elle ne fut pas déçue ; et il ne mentit pas en lui disant qu’il n’était pas en colère mais que ça ne saurait tarder. A mesure qu’il parlait, la colère montait. Mais la rouquine resta stoïque. Tout d’abord, il lui demanda de quel droit elle se permettait de poser des micros chez les gens, tout en ajoutant qu’il comprenait sa démarche… Cette phrase-là eut le don de la faire ricaner. Qu’on la laisse rire, par pitié : il ne comprenait rien du tout.
« Tu parles que t’as compris… Rien du tout, oui, mais d’un côté, je me doutais bien que ç’aurait été trop te demander. »
Pas parce qu’il était idiot, surtout parce qu’il ne l’avait pas vécu. Bref, elle l’écouta lui dire qu’il avait l’impression de ne plus la connaître, qu’il ne voulait pas de ses excuses, qu’il ne voulait plus lui parler, ni qu’elle pose encore la main sur lui et qu’il était temps pour lui d’y aller. C’est avec beaucoup de difficulté qu’elle se retint de lui cracher au visage qu’il n’avait qu’à partir, oui, elle ne le retiendrait pas. Mais elle y parvint et sourcilla à peine. Toujours aussi stoïque.

Sans broncher, elle le laissa passer à côté d’elle et s’attendait à entendre la porte claquer dans son dos mais il n’en fut rien. Au lieu de ça, la voix d’Hunter s’éleva de nouveau. Pour continuer à l’insulter et à lui faire savoir à quel point elle lui inspirait le dégoût probablement. Mais qu’il parte donc ! S’il n’était pas capable de comprendre, c’est qu’il n’en valait peut-être pas autant la peine que ce qu’elle aurait cru, en fait. Il reprit donc mais elle ne l’écoutait plus que d’une oreille. Humilié, rabaissé, blablabla. De toute manière, tout avait été dit et il ne ferait plus que lui rappeler à quel point c’était horrible de s’immiscer de la sorte dans la vie des gens. Par contre, elle ne put que rouler des yeux en poussant un soupir de lassitude en l’entendant dire qu’elle ne pensait qu’à elle dans cette histoire. Chacun de ses mots avait le pouvoir de soulever une véritable révolte en elle. Pourtant, à la regarder, on l’aurait crue tellement zen. Détachée, encore une fois. Plus on paraît détaché, moins c’est grave.
« T’es arrivé un peu après moi, voilà pourquoi. »
C’était sa seule raison. Les gens installés depuis des années ne pouvaient être suspects. Elle eut tout juste le temps de placer cette phrase avant qu’il ne poursuive. C’est que, pour quelqu’un qui n’avait plus envie de lui adresser la parole, il en avait des choses à dire. La tirade qui suivit la laissa des plus perplexes et ça, ça devait se remarquer à son expression. En dehors des « moi je suis sincère et quelqu’un de bien alors que toi non », quelque chose d’autre en ressortait. Quelque chose qui paraissait tellement déplacé au milieu de tout ça qu’elle en venait à se demander si elle n’était pas en train de se taper une hallucination auditive. Ce qu’il lui disait, c’est qu’il avait des sentiments pour elle. Qu’il tenait à elle, qu’il ne voulait pas la perdre et ainsi de suite. Mais Aveleen restait perplexe. Et tout ce qu’elle trouva à dire fut :
« T’es bouché ou quoi ? Je te dis que j’ai compris que tu n’en faisais pas partie rapidement alors je sais tout ça, je sais que tu ne serais pas venu à mon secours sinon. Ça fait longtemps que je le sais, j’ai juste pas pensé à retirer le micro de chez toi. Et puis t’en parler plus tôt, ouais, c’est bien beau, mais à quel moment ? Maintenant ou plus tôt, tu l’aurais pris tout aussi mal. A t’entendre, on dirait que tu crois que je passe mon temps à t’espionner nuit et jour. Je suis pas une putain de voyeuse, j’assurais juste mes arrières, sois tranquille. »
A force, la rouquine avait perdu un peu de son calme ; cette apparente indifférence se fissurait un peu. Elle se décida enfin à couler un regard dans sa direction.
« Et t’avais l’intention de me le dire un jour que t’avais des sentiments pour moi ou t’espérais que je le devine ? »
D’ailleurs, qu’est-ce que ça signifiait au juste, avoir des sentiments pour quelqu’un ? Pas qu’il l’aimait en tout cas, sinon, il aurait au moins essayé de comprendre avant de s’emballer comme ça.
« Oh laisse tomber, t’as qu’à le prendre comme tu veux. »