Die of fright.

Non, contrairement à Hunter – si ce qu’il lui avait dit au sujet des baies dans la voiture était vrai, en tout cas -, Aveleen n’était pas une lâcheuse. Elle ne l’avait jamais été, préférant partager une corvée à deux que de laisser les gens tout seuls dans leur mouise. Alors bien sûr, il fallait que certaines conditions soient réunies pour ça ; comme le fait de bien aimer la personne qui s’était mise dans la merde, dans un premier temps. Condition qu’Hunter remplissait amplement. En dépit de la discussion un peu houleuse qu’ils avaient pu avoir la dernière fois et qu’elle avait tendance à oublier depuis le début de cette soirée. Une autre condition était qu’elle aussi y soit un peu enlisée. Non, elle ne sauterait pas dedans à pieds joints si ça ne la concernait pas de base. Et jusqu’à preuve du contraire, ils étaient tous deux dans la même galère ce soir. Donc non, pas question qu’elle le laisse sur le carreau pendant qu’elle traversait les salles pratiquement sans sourciller jusqu’à la sortie. Sans sourciller, vous dîtes ? Ce qui suivit lui prouva le contraire. Tout son être avait envie de freiner des quatre fers en entendant parler de tuyau terreux – sérieux, dans une maison ? -, mais elle ne quitta pas Hunter pour autant, se laissant guider avec cette impression un peu étrange que son cerveau avait pris la décision de se déconnecter de lui-même. Comme tout le monde sans doute, la rouquine n’aimait pas beaucoup montrer ses faiblesses aux autres. Encore moins à quelqu’un qu’elle essayait peut-être un tout petit peu d’impressionner, mais elle n’aurait pas le choix ; que son regard se fasse plus fuyant ne parvenait pas à cacher que ses mains donnaient très clairement l’impression qu’elles ne savaient plus du tout ce qu’elles étaient en train de faire.

Ce qui la rassura en revanche, fut de sentir celle d’Hunter glisser dans ses cheveux tout en lui caressant avec une certaine tendresse l’arrière de la tête ; il était là, elle ne craignait rien. C’est en tout cas ce qu’elle espérait quand elle acquiesça, blêmissant encore davantage tout en le laissant passer devant.
« J’aime vraiment pas ça… »
D’autant qu’elle n’aurait jamais cru devoir faire du ramping dans une maison hantée. Jamais. Et qu’est-ce qui justifiait ça, d’ailleurs ? A quelle peur c’était censé faire appel ? Bon okay, la claustrophobie, sûrement, et si elle ne se trompait pas, alors eux non plus, mais c’était pas vraiment une peur très exploitée dans les films d’horreur. Sauf dans ceux où le protagoniste se réveillait enterré vivant… Il valait sans doute mieux qu’elle arrête de penser à ça, ça ne faisait qu’empirer les choses. C’est ainsi qu’elle en vint à se concentrer sur leur position. A quatre pattes et à la chaîne comme ça… Elle aurait préféré ne pas y penser, c’est certain, mais elle ne pouvait pas vraiment faire autrement non plus. Et bien sûr, sa réflexion avait fini par franchir le cap de ses lèvres ; pourquoi rester seule avec cette vision en tête ? Je vous le demande ! Dans tous les cas, cette comparaison n’échappa pas à Hunter. Et malgré son caractère un peu crade, elle le fit quand même rire.
« Ah, m’en parle pas steuplaît, j’ai vraiment aucune envie de penser à toi de cette façon ! »
Si le but était de la faire rire, c’était réussi ; l’espace d’une seconde, il était parvenu à lui faire oublier aussi bien l’endroit où elle se trouvait que ce poids qui lui comprimait la poitrine. Puis retour en enfer.

Ou plutôt plongée totale en enfer étant donné qu’elle se mit à presser Hunter, se sentant de plus en plus mal. Malheureusement pour elle, pas moyen d’aller plus vite, ce qui lui arracha un soupir de désespoir. Mais selon lui, ils étaient bientôt arrivés.
« Ouais ? T’en vois le bout ? »
Aveleen aurait bien aimé pouvoir y croire, si le tunnel dans lequel ils étaient en train d’évoluer à quatre pattes ne se faisait pas de plus en plus étroit à mesure qu’ils avançaient, les forçant à ramper ventre à terre pour de bon. Concentrée sur sa respiration – mieux valait qu’elle ne se mette pas à hyperventiler -, elle se tut et tâcha de continuer à avancer. Jusqu’à un certain point. Au bout d’une ou deux minutes d’effort intense, la rouquine s’arrêta face contre terre. Complètement inerte. Jusqu’à entendre la voix d’Hunter s’élever.
« Nan. Tu sais quoi ? Je bouge plus. Je vais rester là. Ils seront bien forcés de la démonter un jour, cette attraction. »
Peut-être même dès le lendemain. Mais ça, c’était bien sûr sans penser aux autres visiteurs qui viendraient ce soir-là. Et qui seraient donc bien obligés de passer par le même chemin.

La prochaine fois – s’il y en avait une -, Aveleen demanderait le programme d’abord. Et si elle voyait qu’on leur prévoyait de ramper dans un quelconque tuyau, elle rebrousserait chemin, c’était certain.  Tout ce qui la dissuadait de le faire, c’était Hunter. Il était là pour elle tout comme elle avait été là pour lui. Sans quoi, elle aurait tourné les talons et trouvé de quoi démolir le décor pour sortir de là sans devoir passer par la case ramper. Mais il était là. Et il se démenait pour essayer de la rassurer, voire même de lui faire oublier l’endroit où ils se trouvaient ne serait-ce que l’espace d’un instant. Ce qui faillit bien marcher. Enfin non, ça marcha bel et bien mais pas suffisamment longtemps pour que l’angoisse de la rouquine ne la submerge pas complètement, la poussant à renoncer de continuer d’avancer. A quoi bon ? Surtout que l’incertitude qu’elle capta dans la voix d’Hunter concernant la fin de ce tunnel ne lui disait rien qui vaille. Peut-être que les autres étaient déjà sortis. Peut-être, c’était ça le problème. Au lieu de continuer à se traîner dans la poussière – c’est sa combinaison qui sera jolie une fois qu’elle sera sortie de là -, Aveleen cessa donc tout mouvement. Mais le fit savoir. Ce dont elle aurait tout aussi bien pu se dispenser, ne serait-ce que pour économiser son souffle au cas où elle devrait attendre longtemps avant qu’on ne vienne la chercher.

Mettre le temps qu’il faut. La rouquine pinça les lèvres, un tout petit peu consciente qu’il lui fallait avancer, même si ça prenait du temps et avança de quelques centimètres. Un bras puis l’autre, avant de se laisser retomber sur le sol d’un air abattu. Ça ne servait à rien, surtout qu’elle n’en voyait pas le bout et que la simple idée de devoir rester là encore plusieurs minutes lui filait la gerbe. Alors oui, c’est sûr que si elle refusait de bouger, y en aurait encore plus des minutes à passer dans ce boyau mais elle se sentait à bout, incapable de faire ne serait-ce que quelques millimètres de plus. Et cette position de faiblesse lui déplaît fortement, un peu comme cette fois-là, sur le bateau. Sans mot dire, elle écrasa le nez – toujours couvert de son foulard – contre le sol en secouant la tête. Ce qu’Hunter ne pouvait bien sûr pas voir, à moins d’être nyctalope et dans ce cas, alors il n’avait même pas besoin de sa lampe frontale. Au bout de quelques minutes, il finit par capituler en lui disant de ne pas bouger, qu’il allait revenir la chercher. Et ça, ça signifiait qu’il allait devoir la laisser seule là-dedans durant quelques instants. Aveleen ressentit une bouffée de panique en entendant ça, mais il le fallait, c’était ça ou rester tous les deux enfermés là-dedans. Sans rien ajouter, elle le laissa donc s’éloigner et compta les secondes jusqu’à l’entendre revenir. Se focaliser là-dessus lui permit de tenir le coup et surtout de se rendre compte que la sortie ne devait pas être si loin que ça parce qu’il avait été rapide à faire l’aller-retour. Elle l’entendit lui demander si elle l’entendait et hocha la tête pour toute réponse. C’était le mieux qu’elle puisse faire compte tenu des circonstances, mais d’entendre sa voix de plus en plus proche lui donnait un regain d’énergie. Le petit coup de fouet dont elle avait besoin pour parvenir à sortir de là.

A son tour, elle plongea son regard dans le sien quand il lui releva le menton du bout du pouce et hocha la tête tandis qu’une esquisse de sourire trouvait son chemin jusqu’à ses lèvres. Elle qui pensait qu’elle ne pourrait être plus contente de le voir que ce qu’elle n’avait été un peu plus tôt dans la soirée, elle se trompait. Elle en aurait presque pleuré de joie.
« Heureusement que t’es là, oui, sinon il aurait vraiment fallu que tu trouves quelqu’un d’autre pour cette démonstration de tonte de mouton. »
Dire que maintenant, elle lui devrait bien ça… Mais au fond, plus elle y pensait et moins ça lui faisait peur de ramener Hunter chez ses parents un jour. Oh bien sûr, eux seraient absolument ravis de faire sa connaissance tout bonnement parce que ça serait le premier homme qu’elle leur ramènerait mais lui en revanche… N’était sûrement pas prêt. Bien qu’elle lui ait parlé de ses parents et surtout de leur élevage à quelques reprises déjà. Bref, la sortie n’était donc pas loin. Un peu rassérénée, elle acquiesça une fois de plus, enfin prête à sortir de là quand un craquement retentit. Par réflexe, elle tourna la tête en direction du bruit mais ne vit rien, évidemment.
« C’était quoi ce bruit ?? »
Et lorsque ses yeux retrouvèrent ceux d’Hunter, elle n’aima pas ce qu’elle y lut. Il allait leur falloir se dépêcher de sortir de là avant que tout ne s’écroule sur eux. Pouvait-on réellement mourir dans une attraction ? Certains parcs avaient démontré plus d’une fois que oui et la rouquine n’avait pas du tout envie que leurs deux noms figurent dès le lendemain à la rubrique des faits divers du journal du coin aussi se laissa-t-elle tirer tout en poussant de son côté pour sortir de là plus vite. Et elle s’efforça surtout d’ignorer le fait que tout était en train de se déformer autour d’eux et que l’air devenait de plus en plus suffoquant à mesure que les secondes passaient, sans quoi elle se retrouverait de nouveau paralysée par la peur. Elle se magnait.

Puis le bout du tunnel, enfin ! Hunter en sortit le premier bien sûr, puis la tira si fort qu’elle en jaillit presque avant de retomber un peu lourdement sur lui. Chacun son tour ce soir, il faut croire. Ôtant enfin son foulard, elle trouva quand même la force de sourire tout en le serrant contre elle en guise de consolation. Ils avaient eu chaud, c’était le cas de le dire. Puis elle releva lentement la tête vers lui.
« Tu sais, si le but de la soirée était de finir à l’horizontale, fallait le dire tout de suite parce que c’est déjà la deuxième fois et on était pas obligés d’en passer par-là. »
Elle rit avant de se remettre debout, de s’épousseter un minimum, de tendre la main à Hunter, de faire pareil avec son costume pour finalement regarder autour d’elle.
« Bon, où sont les autres ? Et surtout où est Todd, putain ?? J’ai un mot à toucher au gars qui gère ce cirque, on a quand même failli y rester ! »

Quelque part, Aveleen était reconnaissante de ne rien y voir. Rien d’autre que le joli visage rassurant d’Hunter – enfin, à moitié dissimulé par un masque Daredevil mais ça faisait l’affaire -, qui, comme il l’avait dit, ne l’avait pas laissée tomber. Et ça lui allait droit au cœur. C’est alors qu’il se mit à lui reparler de la tonte de moutons, sans doute pour lui faire penser à autre chose, pour alléger l’atmosphère et il y parvint. C’est qu’Hunter pouvait avoir certaines lubies par moment. Des lubies que la rouquine apprenait à apprécier avec le temps. Et la voir tondre un mouton en était clairement une. D’ailleurs, elle lui avait déjà suggéré de demander à quelqu’un d’autre, s’il était à ce point curieux de voir comment ça se passait, surtout parce que, bien qu’elle ait grandi dans une ferme, entourée d’un élevage de moutons, ça faisait des années qu’elle ne s’était plus attelée à cette tâche. Elle avait même mis rapidement les bouts pour ne plus avoir le faire. Mais elle supposait que ça devait être comme le vélo et comment refuser quoi que ce soit à cette jolie petite bouille, hm ? Pas impossible mais quand même difficile. Ça l’était d’autant plus quand il lui avouait vouloir la voir à l’œuvre elle spécifiquement. Comme quoi, elle avait beau être tout à fait consciente qu’il s’agissait d’un subterfuge, ça n’en fonctionnait pas moins.

En tout cas jusqu’à ce qu’ils entendent tout ce raffut derrière elle. Ça, c’était pas bon signe et ils avaient tout intérêt – oui, même elle – à sortir de là s’ils ne voulaient pas se faire écraser par quelques couches de plâtre. Encore qu’elle doute qu’il y en ait suffisamment pour vraiment finir écrasée dessous, mais ils pourraient quand même en inhaler beaucoup et allez savoir pourquoi, Aveleen préférait s’en passer. Elle mit donc le turbo. Autant que possible, en tout cas. Heureusement qu’il est là pour la choper par le col et la tirer en avant. Ou en arrière pour lui. C’était tout sauf agréable mais elle n’y pensait même pas. Sa pensée n’était fixée que sur une seule chose : qu’ils sortent de ce putain de tunnel avant qu’il ne s’effondre pour de bon. Ce qu’ils parvinrent à faire de justesse. L’un sur l’autre, c’est dans cette position qu’ils restèrent quelques instants, la rouquine profitant de l’air un peu plus frais, moins oppressant mais surtout du corps d’Hunter contre le sien. Non, elle n’irait pas jusqu’à l’appeler son roc parce que lui aussi avait ses failles et de toute façon, elle ne lui en demandait pas tant, mais c’est pourtant ce qu’il était pour elle à ce moment précis. Cela dit, cette réflexion, accompagnée de toute cette situation, était un poil trop sérieuse à son goût et ce fut bien pour cette raison qu’elle se décida à le vanner un peu. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que sa répartie la fit sourire. Pour de bon, cette fois.
« Peut-être pas devant tout le monde, mais… »
Mais. Un mais qui laissait sous-entendre à la fois tout et n’importe quoi. Alors qu’en vérité, après leur dernier échange chez elle, non, elle aurait probablement refusé. Et si elle avait accepté, ç’aurait signifié que rien d’autre que cet aspect-là de leur relation ne lui importait. C’était tout sauf le cas et ça au moins, elle n’avait pas attendu maintenant pour s’en rendre compte.

Bref, ils se remirent tous deux debout et l’une s’enquit d’où pouvait bien être les autres – surtout le responsable de tout ça à qui elle ne se priverait pas d’exprimer sa façon de penser – tandis que l’autre se plaignait de l’état de leur costume. Elle baissa les yeux sur le sien et haussa les épaules.
« Attends qu’on se mette à marcher avec nos courbatures, ça fera comme si on sortait d’une baston. Par contre, avec tout ce plâtre dans les cheveux, je dois ressembler à mamie Elektra, maintenant. »
Ce qui au fond, allait aussi de pair avec les courbatures en un sens. Dans tous les cas, elle n’eut pas vraiment l’occasion d’y penser plus que ça puisque c’est à ce moment-là qu’il la chopa par la nuque, la fit pivoter et vint poser ses lèvres sur les siennes. Quelques secondes de surprise parce qu’Aveleen ne s’y attendait vraiment pas puis elle se laissa aller à ce baiser, entourant sa taille de ses bras. Elle aurait refusé d’y croire mais ça lui avait manqué et pas qu’un peu. Sentant sa main descendre le long de son dos puis choisir une de ses fesses comme piste d’atterrissage, elle se colla davantage contre lui, savourant ce baiser au goût de plâtre. Hélas ! Toutes les bonnes choses ont une fin et ils finirent par se séparer sans pour autant trop s’éloigner l’un de l’autre. Tandis qu’il s’excusait, elle pinçait les lèvres pour garder encore un peu de lui sur elle.
« Je t’autorise à recommencer dès que l’envie t’en prend, surtout. »
Là-dessus, elle déposa un second baiser sur ses lèvres parce que même si toutes les bonnes choses ont une fin, c’était pas forcé que la fin arrive tout de suite et elle garda un bras autour de sa taille pour l’entraîner avec elle. Bizarrement, elle n’était plus si pressée de retrouver les autres. En revanche, elle avait quand même hâte de sortir de là.
« Je sais pas ce qu’ils nous réservent encore mais je te préviens : s’il faut passer par un autre tunnel, j’y entre même pas, cette fois. »
Par chance, ce qui se trouvait devant n’était pas un autre tunnel mais bien un long couloir qui donnait l’impression de tourner sur lui-même. Et qui vous faisait surtout perdre tous vos repères.
« Attention, je suis quasi-sûre qu’on va devoir affronter des attaques de clowns tueurs. »
La Avy sans peur était de retour et elle serait tentée de dire que c’était bon de la retrouver.