Never expect the unexpected [Andrea]

Les choses se sont un peu bousculées pour moi aujourd’hui. Avec un rendez-vous matinal à l’hôpital de Wellington, pour des examens de routine, je n’ai pas pu me rendre au vélodrome pour faire mon entraînement quotidien. C’est donc à la sortie de ma journée à la boutique que je décide d’y aller. Pour quelque chose d’exceptionnel comme cela, mon coach aurait sûrement été indulgent, mais je suis venue pour moi, pour me défouler un peu. Et puis, si je veux retrouver le niveau que j’avais avant, je dois continuer de travailler, encore et encore. Lorsque je sors  du centre d’entraînement, la nuit est déjà tombée. Je glisse mes écouteurs dans mes oreilles, lance la musique et monte sur mon vélo pour rentrer chez moi. En fonction de la circulation et des feux, mon trajet ne dure généralement qu’une vingtaine de minutes. Il n’y avait pas de raison pour que les choses soient différentes aujourd’hui et pourtant.. Arrivée à la moitié de mon trajet, je reçois un appel. À cette heure-ci, ce n’est pas habituel, alors je décroche sans même connaître le nom affiché sur mon téléphone, qui se trouve dans ma poche. « Olympe ? Est-ce que tout va bien ? » À ma connaissance, je n’avais pas à m’occuper des enfants aujourd’hui. Mais peut-être que je me suis trompée ? Par chance, ce n’est pas ça et ils ne sont pas livrés à eux-même depuis plusieurs heures. Elle m’explique être seule et avoir entendu un bruit inquiétant. Étant déjà passée par ce genre de sentiments, je ne peux pas lui reprocher d'avoir peur. « Bien sûr ! J'arrive d'ici quelques minutes. » Je n'avais rien d'autre de prévu, alors pourquoi pas. Mais avant ça, je dois faire un petit détour par chez moi. Ça ne me prend pas longtemps à faire : en moins de temps qu'il en faut pour le dire, je suis devant la maison où je travaille de temps en temps. Comme à mon habitude, je range mon vélo au niveau du garage et me dirige vers l'intérieur du bâtiment – j'ai un double des clefs pour quand je ramène les enfants de l'école. « Olympe ? C'est moi. » La lumière m'indique rapidement l'endroit où elle se trouve. Je m'y rends, sans trop d'hésitation, oubliant légèrement la raison première de ma venue ici. « Je suis venue accompagnée, je me suis dit que ça pourrait être utile. » Dis-je, alors que je retrouve la jeune femme. Un Berger Australien, mon chien, arrive rapidement derrière moi. « J'espère que sa présence ne te dérange pas. Il a passé la journée seul, dans mon appartement, je me suis dit que ça lui ferait du bien de sortir un peu. » Et puis, en cas d'attaque, il peut sûrement être utile – même s'il est loin d'être un chien agressif. « Est-ce que tu sais d'où venait le bruit ? » Depuis son appel, je ne sais pas si elle a eu l'occasion de faire des recherches, ou même si elle en a simplement eu envie.

Si je m’attendais à quelque chose pour ce soir, ce n’était certainement pas ça : ne travaillant pas en tant que baby-sitter, je ne pensais pas devoir passer par South Bay. Il faut croire que parfois, le destin aime bien se jouer de nous et chambouler nos plans. L’échange avec Olympe terminé, j’accélère légèrement pour pouvoir faire un arrêt par chez moi, sans que cela ne prenne trop de temps. Les volets fermés et mon chien récupéré, je remonte sur mon vélo et prends une route que je connais plutôt bien maintenant. Ayant les clefs de la villa, je me permets de rentrer, sans même cogner – une décision qui n’est peut-être pas la meilleure quand on sait que la mère de famille m’a appelé pour un bruit étrange, un bruit qui lui a fait peur. Ne voulant pas qu’elle m’accueille avec une batte de baseball ou quelque chose comme ça, je me signale à la brune. Je m’avance ensuite dans la maison, suivi de près par mon chien. « Il s’appelle Flèche. » Lorsque je l’ai vu, ce nom a été comme une évidence. Et depuis, je trouve qu’il le porte plutôt bien, puisqu’il n’a aucun mal à me suivre quand je suis à vélo et lui à pied. Les présentations maintenant faites, j’interroge Olympe sur le bruit qu’elle a entendu, ce pour quoi elle m’a appelé. À l’entendre, c’était quelque chose d’assez basique dans un logement comme celui-ci, où les portes sont plutôt nombreuses. Peut-être qu’il y a des restes de Halloween. Qui sait, la jeune femme s’est peut-être fait peur, il y a quelques jours, avec un film d’horreur. À bien y réfléchir, c’était il n’y a pas si longtemps, comme le prouve certaines lanternes dans la rue, encore présentes devant plusieurs maisons. « J’étais en train de rentrer chez moi. J'allais simplement finir la soirée en tête-à-tête avec un plat réchauffé, rien de bien palpitant. » Dis-je, alors qu'Olympe s'excuse d'avoir gâché ma soirée. Je ne sais pas exactement comment elle imagine ma vie, mais vu comment elle s'attend à ce que mon emploi-du-temps soit plein, elle est bien loin de la vérité. Maintenant que je suis là, la mère de famille décide de fermer les volets, pour un peu plus de sécurité : c'est connu, une fenêtre ou une porte est bien plus compliquée à ouvrir s'il y a un obstacle supplémentaire devant. « Après ça, tu veux peut-être que nous allions voir à l'étage ? » S'il y a quelqu'un à l'étage, ce n'est peut-être pas la meilleure des idées, mais sans ça, nous ne pourrons pas être fixées sur l'origine de ce bruit. « Avec Flèche bien sûr, même si je ne l'ai jamais vu mordre quelqu'un. » S'il y a un homme ou une femme à l'étage, j'ignore comment il réagira et comment nous le ferons aussi. Son action terminée, nous prenons les escaliers, accompagnées de mon chien. Par chance, il n'y a rien. Les meubles sont intactes, les affaires rangées – éliminant le soupçon d'un cambrioleur – et les différentes pièces sont vides de présence. « Tu te souviens si l'une des fenêtres était ouverte ? Ce n'était peut-être qu'un courant d'air. » Je ne peux m'empêcher de la comprendre. Dans une telle maison, quand on est seule, il doit être facile d'arriver à se faire peur. On se trouve si petite, surtout s'il y a bien étranger, qui lui, n'a rien à perdre. De mon point de vue, une villa comme celle-ci, c'est impressionnant. Hormis l'époque où je vivais encore chez mon père, je n'ai jamais eu la chance de connaître la joie de vivre dans un grand appartement. Pour l'instant, ça me suffit, mais disons que j'ai beaucoup moins l'occasion de me faire peur : quelques mètres carrés, trois pièces et le tour est fait.

Est-ce qu’il est plus réjouissant de l’avoir elle qu’un plat cuisiné ? Sûrement, même si c’est bien différent. Différent, mais tout autant agréable. Je suis presque sûre qu’il est préférable d’avoir un peu de compagnie à un repas – même si après plusieurs jours, le repas devient nécessaire pour rester en bonne santé. Après quelques volets fermés, je demande à Olympe si elle veut s’aventurer en haut. Je ne lui propose pas cela de faire seule, mais à trois, avec Flèche. Elle accepte et nous allons vers l’endroit où elle pense avoir entendu un bruit. Par chance, après un petit tour, nous nous rendons rapidement compte que le problème venait simplement d’une fenêtre encore ouverte. L’avocate se sent soudainement bête de m’avoir fait venir pour si peu. « Ce n’est rien, ne t’en fais pas. Ce n’est pas comme si j’étais au plein milieu de quelque chose. » Et puis, l’issue de tout cela est bonne, mais cela aurait pu ne pas être le cas. Elle est seule ce soir, il serait simple pour un homme ou pour un groupe d’individus de s’infiltrer ici et de faire tout un tas de dégâts. Maintenant que je suis ici, Olympe me propose de rester un peu plus. Pour manger, mais aussi pour faire quelques longueurs dans la piscine. Ce n’est d’ailleurs pas une simple proposition qu’elle me fait, puisqu’elle décide de rajouter un peu de challenge à tout cela, pour voir mon côté sportif. La pression est haute. « La natation n’est pas mon domaine de prédilection, mais pourquoi pas, ça peut être marrant. » Et même si je n’arrive pas à faire bonne impression, nager un peu ne peut pas me faire de mal après ma séance au vélodrome. « Il faudrait juste que l’on me trouve un maillot de bain, je ne suis malheureusement pas venue avec le mien. » À quelques centimètres près, Olympe et moi faisons la même taille, il ne devrait donc pas être compliqué de trouver quelque chose qui me va. Cependant, je ne voudrais pas trop m’avancer et dépasser les bornes, alors avant même que la mère de famille ne me réponde, je décide de faire marche-arrière et de proposer une autre alternative. « Ou alors, je peux retourner chez moi pour en chercher un. » De nuit, ce n’est sûrement pas l’idéal, mais ce n’est pas très loin et avec la circulation actuelle, je pourrais y être rapidement. Cependant, je peux rapidement lire sur le visage d’Olympe qu’elle ne laissera pas cela arriver, qu’il n’est pas question que je fasse un trajet inutile supplémentaire. « Si tu veux, je m’occupe de nous commander à manger pendant que tu me trouves un maillot de bain. » Je hausse légèrement les épaules. Je ne me permettrais pas d’aller fouiller dans ses affaires, c’est donc la meilleure option qui s’offre à nous. Et puis, il serait mentir de dire que je ne commence pas à avoir un peu faim. Plus vite la commande sera passée et plus vite je pourrais me sustenter. « Est-ce que tu as une préférence ? » Sur le type de nourriture ou directement sur le plat qu’elle souhaite prendre.