Coffee running [Ft. Marley]

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Il y avait peu de temps qu’Eva travaillait pour le café où elle avait revu Tegan. Elle avait bien compris que c’était en ce lieu que convergeait tout Island Bay et que sa sœur l’affectionnait particulièrement. C’était un véritable revers pour Eva ; un retour en arrière que ses parents n’apprécieraient pas s’ils étaient au courant. Ce n’est pas digne d’elle et de ses compétences, diraient-ils. Parfois Eva entendait leur voix, une forme de conscience qu’elle avait écouté si longtemps qu’il pouvait être éprouvant d’ignorer à présent. Elle se demandait si elle avait fait le bon choix et à quoi rimait toute cette comédie. Tegan devait bien rire d’elle en la voyant servir les clients.

Heureusement chaque matin, comme à Sydney, Eva pouvait tout oublier quelques instants en courant avec ses écouteurs. Elle s’immisçait dans une bulle de calme et de sérénité, ce qui l’avait aidé à tenir jusqu’à maintenant. Pour ce moment de paix, elle quittait tôt l’hôtel et se rendait au café où elle déposait ses affaires. Elle avait un grand sac équipé de tout le nécessaire pour se mettre en beauté après une heure de transpiration au grand air. Il était hors de question qu’une seule personne, cliente ou non, puisse critiquer son look ou son odeur. Elle se devait d’être irréprochable. Aussi, elle n’enfilait sa tenue de sport qu’au moment de quitter le café afin d’être présentable en sortant de chez elle jusqu’au café.

Après tout ce remue-ménage, Eva fut enfin prête pour sa séance de jogging. Elle s’apprêtait à quitter le Jardin d’Eden, quand elle vit Marley. Il s’agissait à la fois d’une collègue de travail et de la colocataire de sa sœur. Elles avaient pu se croiser et échanger à plusieurs reprises, mais Eva ne savait pas sur quel pied danser avec elle. Il fallait reconnaître qu’elle n’avait pas été très à l’aise chez elles. La cohabitation n’était vraiment pas son fort et maintenant qu’elle logeait à l’hôtel, elle était sûr que Tegan en avait fait la remarque à Marley. Ce qui était normal, pensa Eva. Elle voyait bien le décalage entre sa vie et celle de sa sœur et ses amis. Même au café, elle avait été reprise par ses collègues car elle était trop « froide » avec les clients. En voyant Marley arriver avec une tenue similaire à la sienne, elle prit les devants.

- Bonjour Marley, tu as couru jusqu’ici ? Comme tu peux le constater, je me préparais également à effectuer un footing.

Elle afficha un sourire, espérant marquer une tentative de rapprochement amicale. Si elle voulait réussir à s’entendre avec Tegan, elle devait aussi s’entendre avec ses proches. Le plus dur étant qu’elle n’a jamais eu beaucoup d’amis, toujours concentrée sur ce qu’elle considérait comme essentiel : le travail. Alors les banalités allaient, mais c’était nouveau d’aborder un pan plus personnel de sa vie. Elle n’avait rien à raconter sur ses hobbys ou ses passions, sauf que pour une fois elle avait un point en commun clair avec quelqu’un dont elle pourrait tirer partie. Le souci étant qu’elle se prenait trop la tête pour rien.

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Arrive-t-il a chaque individu de ressentir cette sensation étrange, de courir après sa propre vie ? Je me sens particulièrement perdue ces derniers temps, comme si tout était en train de changer, sans que je n’ai eu mon propre mot à dire sur la situation. Avec Tegan, tout est un peu en suspens depuis que nous avons passé cette nuit plutôt étrange toutes les deux. Etrange dans le bon sens du terme, mais je n’aurai jamais pensé pouvoir succomber un jour aux charmes d’une demoiselle. De toute façon, ça n’aurai pu être quelqu’un d’autre qu’elle. Et puis l’arrivée de sa soeur en ville à encore un peu bousculé les choses. Il était évident que je n’allais pas laisser cette personne à la rue, même si je reste encore dubitative face à cette soeur, dont Tegan n’avait même jamais mentionné l’existence. A la maison, on ne peut pas dire que nous ayons échangé beaucoup, mais je lui ai quand même offert l’opportunité de travailler au Jardin d’Eden le temps de retomber sur ses pattes. Enfin, tout ça avec l’accord de Tegan évidemment, je ne me serai jamais permise de faire en sorte que sa soeur reste dans les parages si elle n’en avait pas envie. De ce que j’ai compris, c’est plutôt un manque d’affinités, et je peux le comprendre vu comme elles ont l’air totalement opposées.
Comme souvent le matin, j’aime pouvoir courir une petite heure avant de prendre mon service. En fonction du planning et de qui est prévu pour l’ouverture du café, je sais que je peux me permettre d’arriver en retard ou non, c’est un des avantages d’être la patronne. Evidemment, j’avais oublié que mes tennis de running étaient restées dans mon casier au boulot, puisque j’avais couru jusqu’au café la veille. C’est donc en tenue de jogging mais sans mes basket que j’entre par l’arrière du café, déjà ouvert depuis une bonne heure. Je ne prends mon service que dans deux heures, j’ai encore le temps de profiter de ce temps pour aller courir.
Mais ce dont je ne m’attendais pas, c’est tomber nez à nez avec Eva, elle aussi en tenue de jogging. « Bonjour Marley, tu as couru jusqu’ici ? Comme tu peux le constater, je me préparais également à effectuer un footing. » Je reste pantoise une seconde, restant muette à simplement battre des cils. A vrai dire, je suis plutôt étonnée de sa volonté d’initier un échange, puisqu’elle est plutôt du genre assez froide en règle générale. A peu près tous les employés du café m’en ont glissé un mot. « Euh je… non, je venais récupérer mes tennis que j’avais oubliées ici hier. » Pas du genre à repousser une opportunité d’en savoir davantage sur quelqu’un - merci la curiosité - je choisis de lui proposer quelque chose. Après tout, si elle refuse, je ne m’offusquerai pas. « J’y vais maintenant. Tu veux partager un bout de chemin ? Je vais jusqu’au parc et ensuite je prendrai le chemin retour jusqu’à la maison. »