Austin - A sigh of relief.

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TW: maladie neurodégénérative


Anecdote 1 Le 19 novembre 1986, il pointait le bout de son nez avec pas moins d'une semaine de retard. À peine né, il aimait déjà se faire désirer. Ses parents habitaient Castelpoint, petite localité située au bord de l'océan Pacifique. Chaque nuit, il s'endormait bercé par la lumière du phare venu frapper sa fenêtre. Il a grandi, pour ainsi dire, les pieds dans l'eau. Il suffisait de quelques heures pour faire le tour des environs. Il n'y avait pas grand-chose à voir, hormis le bleu de l'océan, et la côte affutée par l'érosion littorale. C'était un petit coin perdu, hors du monde, hors du temps, secoué par le vent de l'océan Pacifique. anecdote 2 Son père était ce que d’aucuns appellent un original, un être à part. Sa mère l’avait aimé pour sa singularité, avant de s’en lasser. Il n’avait jamais eu les pieds sur terre, enclin aux lubies passagères. Une passion en remplaçait une autre, et ainsi de suite. Il se réinventait sans cesse, et nul ne savait quelle allait être sa prochaine fantaisie. Enfant, cette originalité l’émerveillait. Elle faisait de lui un être unique. Sa mère, elle, était lasse des chimères, lasse d’endosser toutes les responsabilités. Austin, lui, était trop jeune pour réaliser. Le mariage de ses parents prit fin dans sa septième année, réel coup de Trafalgar. anecdote 3 En 1996, sa mère décidait de gagner la grande ville, ne supportant plus l'isolement de Castelpoint. Son père avait souhaité s'installer au sein de ce petit village, volonté à laquelle la jeune femme s'était pliée bon gré mal gré. Elle ne voulait plus de cette vie recluse, loin de tout, aspirant à retrouver son ancrage citadin, Wellington. Happé par la jungle urbaine, Austin peina à s'accoutumer. Il regretta longtemps son petit coin de monde. anecdote 4 Il était un enfant curieux, mû d'une infatigable soif d'apprendre. Ses constantes questions fatiguaient parfois son entourage. Austin voulait comprendre la marche du monde, en percer tous les mystères. Ses raisonnements empreints d'une maturité précoce surprenaient souvent ses pairs. « Il a une vieille âme. » entendit-il un jour à son endroit. Trouvant la formule jolie, il décida de prendre la remarque comme un compliment. anecdote 5 Sa mère fut la première à se remarier, vint ensuite son père. Austin se trouva  ainsi au cœur de deux familles recomposées, soudain doté de frères et sœurs par alliance. Enfant unique endurci, il en fut quelque peu déboussolé. Ce n'est pas pour autant qu'il reçut plus de cadeaux, la légende est fausse. La plupart du temps, il vivait chez sa mère. Son père le recevait lors de ses vacances scolaires et de quelques week-ends. Il avait le sentiment de n'être chez lui nulle part, toujours dans un entre-deux, ratant les vacances des uns, les temps forts des autres. À part malgré lui. Il était l'enfant qui allait et venait, quand le reste de la fratrie était à demeure. Austin en a souffert, même s'il le niera. anecdote 6 Soucieux de créer des liens, son beau-père eut la "merveilleuse idée" de l'inscrire au club de rugby de son quartier. Entraîneur de la section junior, il prit sur lui de se montrer d'autant plus dur à son égard. Il fallait, à l'en croire, écarter tout soupçon de favoritisme. Durant près de cinq ans, Austin dut s'adonner à ce sport qu'il détestait prodigieusement, encaissant les entraînements, feignant un intérêt pour les matchs des Wellington Lions dont son beau-père était fervent supporteur. Par malchance, le jeune garçon se défendait sur le terrain. Si bien que l'homme vint à rêver d'horizons plus lointains, ambitions qu'Austin ne partageait pas. L'adolescent se résigna à briser ses illusions. Leur relation ne s'en releva jamais tout à fait. anecdote 7 Il a toujours eu l'oreille musicale, le besoin de se perdre entre les notes. Adolescent, on lui reprochait le casque résolument vissé à son crâne. Pas une journée ne se fait sans musique. Les morceaux écoutés sont souvent plus vieux que lui. Classique et jazz ont sa préférence. Il a appris la guitare en autodidacte, aux débuts de Youtube. Depuis lors, il s'efforce de se perfectionner. Sa technique n'est pas parfaite, mais il ne prétend pas être un musicien accompli, ni même un musicien tout court. anecdote 8 Il était toujours sur le fil, tout juste dans la moyenne. Sa mère rêvait de le voir tenir le haut du panier, menant la tête de classe. Pour cela, encore aurait-il fallu qu'il s'en donne les moyens. Austin n'en ramait pas une. L'école l'ennuyait, l'étouffait, le bridait. Il passait parfois pour l'imbécile de service. Le jeune Manning était pourtant un garçon éclairé, doté d'un esprit vif et acéré.  Seulement, il aimait à se faire plus bête qu'il n'était, se jouant de ses semblables. Sa mère s'agaçait de son attitude détachée, s'inquiétait de son avenir. Elle déplorait qu'il gâche ainsi son potentiel. anecdote 9 Huntington, la maladie courait dans la famille. Sa grand-mère maternelle en avait été frappée et son père avant elle. Cela, Austin l'ignorait. Son entourage l'avait passé sous silence. Aux prémices de la quarantaine, sa mère commença  à décliner de façon inexpliquée, une atteinte tout d'abord motrice. La chorée, dit-on, ces mouvements brusques et imprévisibles qui échappent à tout contrôle. Les premiers symptômes d'Huntington surviennent souvent entre 30 et 50 ans. Sa mère était porteuse de cet héritage empoisonné. Durant un temps, ses lèvres demeurèrent scellées, puis elle s'ouvrit au jeune garçon. Austin avait quinze ans quand il l'apprit. Colère et désarroi se mêlèrent, dévasté pour sa mère, furieux de ce silence sciemment entretenu. Il n'était pas sans savoir qu'une épée de Damoclès planait  désormais au-dessus de sa tête, ce dont les siens avaient souhaité le protéger. Sa mère malade, Austin avait 50% de chance que la mutation lui ait été transmise. anecdote 10 La santé de sa mère déclinant, Austin termina son secondaire sous le toit de son père. Se posait à présent la question de ses études supérieures. Le jeune homme ignorait quel tour donner à son existence. Pour tout dire, il n'y avait jamais vraiment réfléchi. Soucieux de satisfaire sa mère, il ambitionna bientôt d'intégrer la Victoria University. Austin y consacra ses deux dernières années, travaillant d'arrache-pied pour redorer son dossier scolaire. Ses efforts payèrent. Le garçon reçut sa lettre d'admission. Ainsi, Austin entama un cursus en Histoire de l'art. anecdote 11 Sa vie estudiantine marqua le début de son indépendance. Austin trouva à se loger au sein d'une petite résidence universitaire. Il payait le loyer à l'aide de petits boulots. Sa belle-mère ne  comprenait pas son départ, l'université Victoria se trouvant à Wellington. D’après elle, Austin perdait inutilement de l’argent. Argent qu'elle estimait plus utile à son avenir. Demeurer sous le toit parental lui aurait épargné ce bail de location.  Néanmoins, le jeune homme avait besoin de prendre son envol. anecdote 12 Son bachelor en poche, il mit un terme à ses études. Il n'était pas question pour lui de poursuivre sur un Master. Cette décision fit l'objet de critiques répétées. Son entourage estimait qu'un simple diplôme en Histoire de l'art n'offrait pas de réel débouché. Austin ne fit pas grand cas de ces remarques. Les études ne lui avaient jamais tenu à cœur. Il aspirait à autre chose. anecdote 13 Longtemps, Austin se refusa à passer un examen génétique. Le test permettait de déterminer si un patient était porteur du gène. Manning, lui, ne souhaitait pas le savoir. Il ne voulait pas que la maladie prenne le pas sur sa vie. Si elle devait frapper un jour, alors il l'accepterait. En attendant, il préférait vivre l'instant. Cette décision, une fois de plus, suscita la réprobation de sa famille. Une famille soucieuse, mais étouffante... Austin jugeait que ce choix lui appartenait. anecdote 14 Il œuvra pendant un temps dans le tourisme culturel, en tant que guide conférencier. Austin en garde un souvenir mitigé. Le travail l'intéressait modérément, mais il fallait bien mettre du beurre dans les épinards. Le principal problème venait sans doute de ses piètres qualités d'orateur. Il ne savait pas capter l'attention des touristes et moins encore la conserver. Cela tenait en partie au désintérêt qu'il attachait à son travail. Le choix s'était fait par défaut, faute d'avoir trouvé sa véritable vocation. anecdote 15 Ses relations étaient toujours de courte durée. Dès lors qu'une histoire se faisait trop sérieuse, il y mettait un terme. Austin refusait de s'engager. Planait sur lui cette maladie. Une maladie qu'il risquait de transmettre à sa progéniture. De longue date, il avait décidé qu'il n'aurait jamais d'enfant. Il refusait de prendre le risque. La santé de sa mère continuait de décliner. Il avait vu l'impact de Huntington sur elle, une détérioration motrice et mentale. Il ne voulait pas imposer cela à quelqu'un. anecdote 16 Vint pourtant celle qui changea son monde. C'était le printemps de ses vingt-cinq ans. La saison des vendanges battait son plein. L'expérience l'avait toujours tenté. Aussi, sur les conseils d'un ami, il avait gagné la région de Hawke's Bay, sur l'île nord. Le père de ce camarade y possédait son propre vignoble. Austin devait apporter son concours, et ce, jusqu'au mois d'avril. Entre deux rangées de vignes, il fit la connaissance de la petite sœur dudit ami. Jeune femme pour laquelle il éprouva une attirance immédiate et réciproque. Une étroite relation vit le jour. En l'espace de quelques mois, le couple s'installait sous le même toit. Pour elle, Austin quitta travail, amis et famille. L'éternel célibataire était soudain prêt à s'engager. Il apportait son aide sur l'exploitation, formé sur le tas au métier de viticulteur. Trois années d'une vie calme et heureuse s'écoulèrent. Toutefois, la relation prit fin pour une divergence d’opinions. Elle souhaitait des enfants. Il n'en voulait guère.  anecdote 17 Durant quelques années, il enchaîna les travaux saisonniers, tantôt ouvrier agricole, serveur, vendeur, en quelques mots, homme à tout faire. Il allait deçà delà, explorant, apprenant tant sur lui-même que sur le monde. C'était un touche-à-tout, un baroudeur. Seulement, cette vie nomade commençait à le peser. Ses trente  ans approchaient doucement, et force était de constater qu'il n'avait rien accompli. Détenteur d'un simple diplôme dont il n'avait que faire. Il rentra à Wellington, songea un temps à reprendre ses études, avant de renoncer. Par le biais d'une petite annonce, il trouva l'ancrage convoité. Un menuisier cherchait un jeune apprenti à former. Austin ne connaissait rien au travail du bois. C'était un pari culotté que de se présenter à la porte de l'artisan. Le vieil homme le reçut sans broncher et... Contre toute attente, l'affaire fut conclue. anecdote 18 À trente-trois ans, il se décida enfin à passer le test génétique de la chorée de Huntington. Ce-dernier revint négatif. Austin n'était pas porteur du gène responsable de la maladie. Le décès de sa mère l'avait convaincu de se soumettre à l'examen.  À l'annonce des résultats, il éprouva un soulagement certain. Toutefois, il eut également la sensation d'être passé à côté de sa vie à force de vouloir s'en protéger. anecdote 19 Chaque matin, il se lève de bonne heure et gagne son atelier. Sa vie s'écrit désormais à Island Bay. Le jeune homme y demeure depuis près de huit ans. Il apprécie le calme de cette petite ville côtière. Par certains côtés, ce décor lui rappelle Castelpoint, berceau de son enfance. Austin semble enfin avoir trouvé la stabilité qu'il recherchait. Les affaires marchent plutôt bien, le trentenaire pouvant compter sur une clientèle fidèle. C'est un travailleur consciencieux et passionné. Il a cette chance de pouvoir exercer un métier qui lui tient vraiment à cœur.  anecdote 20 Trente-six ans… Le compteur s’affole doucement. Austin se questionne, se sent en marge. De ces amis, il semble le dernier célibataire. Ce n’est pas tout à fait vrai, mais cela le travaille tout de même. Aucune attache, c’était pourtant son souhait. Lorsqu’il regarde toutes ces familles, il ne peut s’empêcher de se comparer, de se demander s’il ne commet pas une erreur, s’il n’est pas en train de rater quelque chose. Il conçoit la vie différemment aujourd’hui, voyant le monde de ses propres yeux et non à travers le prisme de la peur. Parfois, il se dit qu’il y a quelqu’un pour lui, quelque part. Non pas qu’il soit fondamentalement romantique ou peut-être que si. Qui sait ? Il se réapprend, se redécouvre quotidiennement.  Une appartenance, et si c’était finalement cela qu’il cherchait ? anecdote 21 Il y a des rencontres qui vous marquent sans raison apparente. Austin la classerait certainement dans cette catégorie. Alana Holt de son nom… Le petit bout de femme a laissé sa trace. Personnalité pour le moins déroutante, énergie débordante, il n’en fallait pas plus. La demoiselle le décontenance, plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Il aimerait pouvoir cerner cette figure intrigante. À peine l’avait-il rencontrée, qu’il éprouvait déjà le besoin de la revoir. Le voilà prêt à trouver tous les prétextes imaginables pour croiser sa route. Quel est donc ce petit jeu ? Vrac Il a passé son permis de conduire tardivement, pour les besoins de son activité professionnelle. Auparavant, il se déplaçait à vélo ou baroudait en autostop. Il n'a jamais eu peur des mauvaises rencontres. / Gros dormeur, il a besoin de ses huit de sommeil. Sans quoi il est bon à rien et grognon. Austin possède un talent particulier, capable de s'endormir sitôt que sa tête effleure un oreiller à l'instar des enfants. / C'est un lecteur compulsif, ayant toujours un bouquin sur lui. Il dévore absolument tout ce qui lui tombe sous la main. Oscar Wilde est son auteur de prédilection. Austin admire son ironie mordante et acerbe. / Il se rend au cinéma au moins une fois par semaine, sorte de petit rituel. C'est à la fois un moyen de se sortir du travail et de ne pas se couper du monde. /  Il a deux frères par alliance du côté de sa mère et une sœur par son père. Les rapports sont cordiaux, si l'on peut dire. Leurs échanges s'avèrent purement épistolaires et se résument à une carte de vœux annuelle. / Il a un temps versé dans la viticulture et reste passionné d’œnologie. Austin possède un odorat aiguisé, à même de reconnaître les 54 arômes du célèbre coffret Renoir. / Adroit de sa personne, Austin aime réparer, concevoir et façonner. Il a les mains calleuses de l'artisan, les vêtements souvent couverts de sciure de bois, ciseaux et gouges coincés dans sa ceinture à outils. Son atelier exhale un parfum de vernis fraichement appliqué. À bien des égards, il s'agit de son refuge. / Il conserve l'âme d'un grand enfant, amateur inavoué de Lego qu'il prend plaisir à monter dans l'intimité de son logis. Bien qu'il ait la trentaine passée, il lui arrive de succomber aux derniers Pokémon sortant sur Switch, sa madeleine de Proust à lui. / Il aime la randonnée, la course à pied, l'adrénaline. Austin a toujours veillé à s'entretenir. Comme on dit, un esprit dans un corps sain. / Sa mère disait qu'il avait appris à nager avant de marcher. Il conserve un profond attachement pour l'océan, terreau de son enfance. Nager fait partie de ses plaisirs. Il part piquer une tête dès que l'occasion se présente. Rien ne l'arrête, pas même les eaux froides et hivernales. / Il possède un chat lunatique et caractériel, lequel mène sa propre vie. L'animal est issu d'un sauvetage. Par la force des choses, Austin s'est attaché à la boule de poils. L'animal le lui rend bien, et semble apprécier sa présence dans une égale mesure. Il est en quelque sorte devenu la mascotte officieuse de son atelier, zieutant régulièrement les passants depuis la vitrine du commerce. / Gouttière tordue, bardeau détaché, barrière branlante, il ne refuse jamais d'apporter son aide, souvent sollicité par son voisinage. Parfois, il s'agit aussi de rompre la solitude d'une personne âgée, de prêter une oreille attentive ou de délivrer un simple sourire. Les gens ont besoin de parler et d'être écoutés, il a eu tôt fait de le comprendre. Aussi, il s'efforce de tendre cette main, espérant qu'on en fera autant pour lui le jour où il en aura besoin. / Austin est une forte tête. Il peut se montrer particulièrement revanchard et grognon. Nul ne lui dicte sa conduite. Il est doté d'un humour pince-sans-rire, teinté d'ironie légère. Il aime la simplicité. Homme de peu de mots, il passe parfois pour un rustre. Idiot, il est pourtant loin de l'être. Cependant, il ne parle pas pour ne rien dire.