i wouldn't want to know you (cameron)

Avec mon nouveau boulot chez Vogue, j’ai commencé à gagner vraiment bien ma vie. Parfois je flambe mon argent un peu n’importe comment, pas en fringues parce qu’étant l’égérie d’un grand magazine comme celui-là, on me les donne, mais plutôt en sorties et dans tout un tas de trucs inutiles. Et puis je donne à des associations aussi, pour ma bonne conscience. Alors quand j’ai entendu parler de cette fameuse vente aux enchères qu’organisait la mairesse d’Island Bay au profit d’une association pour la protection des animaux, je me suis pris au jeu. Oui, j’ai vu ça comme un jeu. J’ai proposé un tarif pour Iris d’abord, enchère que j’ai suivie de près, réenchérissant à chaque fois que je voyais qu’il y avait un nouvel enchérisseur, et puis pour Charlotte aussi, juste parce que je trouvais ça sympa. Et puis il y a eu Troy et mon coeur s’est serré dans ma poitrine à repenser à tout ça, je me suis dit que c’était pour moi la seule et dernière façon d’essayer de discuter calmement avec lui. Remettre les choses à plat, ou du moins, essayer du mieux que je pourrai, même si je sais d’avance que ce ne sera pas une mince affaire. Une fois la cérémonie terminée et au vue de la tête qu’a fait Troy en entendant mon nom comme détentrice de la soirée en sa compagnie, je le laisse sortir et soupire un peu, essayant de rassembler tout mon courage. Je repense à Zola que j’ai évitée toute la soirée, à notre altercation quand je lui ai parlé de ce qui avait pu nous lier Troy et moi. Je sais que j’ai fait la plus grosse connerie de ma vie, je le sais, j’avais pas besoin qu’elle m’enfonce, et pourtant c’est ce que j’ai ressenti. Bref, revenons à nos moutons, c’est à dire Troy, qui s’est échappé à l’extérieur. Je le laisse un peu seul et finis par le rejoindre, enfonçant mes mains dans les poches de mon trench. « Tu veux juste avoir ce que tu n'as pas eu il y a quatre ans, c'est ça ? » Et bim. Une vague de chaleur me monte aux joues, mais ce n’est pas une chaleur agréable, bien au contraire. Mon coeur se met à battre et je réprime une certaine forme de colère, pas spécialement contre lui, mais plutôt contre moi. Je crois que je me sens assez conne comme ça pour qu’il en rajoute. « Non. Je voulais juste qu’on puisse discuter plus calmement que la dernière fois mais c’est mal barré de toute évidence… » Je lui réponds sans une once d’agressivité, à vrai dire, je suis plutôt blasée qu’autre chose. « Tu sais, généralement quand on dit à quelqu'un qu'on va faire quelque chose, on le fait. Et si ce n'est pas le cas, on ne l'achète pas à une vente aux enchères ! » J’ai l’impression qu’un vent glacé me transperce et je soupire un peu. « Troy, je t’ai promis que je le ferai, je sais que tu n’as aucune confiance en moi mais je vais le faire. Je suis allée au commissariat la semaine dernière et ils m’ont dit qu’il fallait que j’aille directement dans le commissariat où j’ai déposé plainte. Et je n’ai pas encore eu le temps de prendre un avion pour Perth. Je travaille. » Je referme mon manteau pour me barricader un peu, me protéger de ses phrases assassines sûrement. « Ecoute si t’as pas envie de discuter calmement ça sert à rien. J’ai filé un chèque pour l’asso. Tu me dois rien. »

J’ai l’impression que plus je parle et plus la colère se lit dans ses yeux. Pourtant, je reste calme, du moins j’essaie au maximum. Parce que je me suis rendue compte en parlant avec lui la dernière fois de la connerie que j’ai pu faire, de l’impact que ça a eu dans sa vie. J’ai brisé une partie de son quotidien avec mes conneries, et j’ai ouvert les yeux. J’ai beau penser que l’erreur est humaine, me dire que j’étais une gamine et que j’avais des circonstances atténuantes, ça ne retire rien aux faits, et les faits sont contre moi. Je m’en veux aujourd’hui, avec le recul, et je ne sais plus comment me racheter. Sans doute qu’enchérir au maximum sur lui ce soir était encore une erreur, mais j’avais juste besoin de lui parler, un peu plus avec mon coeur, lui dire à quel point je suis désolée. Je le regarde soupirer légèrement avant de reprendre la parole. « Comment est-ce que je suis censé te croire ? Je te rappelle que je t'ai souvent vu mentir, pour des choses bien plus importantes que celle-ci. » Je hoche la tête, me mordant l’intérieur de la joue. « Je sais. Je sais Troy mais je ne peux rien faire de mieux que te demander de me croire cette fois. J’ai grandi et je pense avoir pris en maturité, un peu au moins. J’ai vécu beaucoup de choses difficiles moi aussi, et même si ça n’explique pas la connerie que j’ai faite, je t’ai fait la promesse que j’irai retirer cette plainte, et c’est ce que je vais faire, lorsque j’aurai un peu de temps pour faire l’aller-retour. » Et je passerai par dessus mon angoisse profonde de retourner sur les pas de mon enfance douloureuse et de mon adolescence meurtrie. Oui. J’irai. Pour lui. « Tu veux me dire quoi Cameron ? Vas-y, je t'écoute. » Je hausse les épaules en soupirant légèrement et je viens m’asseoir sur le banc près de lui, mais pas trop près quand même. Mon sac sur mes jambes, je tripote nerveusement le bout de la fermeture éclair. « J’en sais rien. J’avais juste un espoir pour que tu ne restes pas sur cet avis aussi négatif de moi. Mais c’est con. Tu me détesteras sûrement jusqu’à la fin de ta vie avec ce que je t’ai fait. » Ma voix est étrangement tremblante. Je me sens à nue, tellement vulnérable. « Je suis désolée, je le suis vraiment. Je n’avais pas pris conscience à quel point ça aurait pu te blesser, foutre en l’air ton mariage, ta famille. Je voulais pas en arriver là j’te promets. J’étais tellement paumée… » Et je le suis encore un peu, sans doute, mais d’une moindre manière. « Tu penses que tu pourras revoir ton fils une fois que j’aurai retiré la plainte ? » Je tourne mon regard légèrement embué vers lui. J’aimerai au moins avoir espoir que sa vie ne soit pas totalement ruinée par ma faute.

Je suis désespérée. Je ne sais plus quoi lui dire. Mes excuses ne semblent pas lui suffire, et ça me peine beaucoup plus que je ne le laisse penser. Depuis que j’ai retrouvé Troy, je me suis rendue compte d’à quel point j’avais foutu sa vie en l’air. Alors oui, je m’en veux et je voudrais qu’il le comprenne. Je ne suis pas un monstre, j’étais jeune et j’ai fait une grosse connerie. Qui n’en a pas fait ? Je regrette et même si je sais que ça ne changera rien, c’est au moins une bonne chose qu’il le sache. « Je ne te déteste pas Cameron.. » Je soupire un peu, parce que je sais que ce n’est pas totalement vrai. Je me laisse tomber sur le banc près de lui et après un léger silence, je m’excuse une nouvelle fois, en essayant d’être le plus sincère qui soit, espérant qu’il accepte mes excuses cette fois. Et finalement, je lui demande s’il pense pouvoir retrouver son fils après tout ça. Après que la plainte ait été retirée. Troy tourne vivement la tête dans ma direction, visiblement surpris. Je le regarde, clignant à peine des yeux, attendant qu’il me réponde. « Je ne sais pas, ça ne dépend pas exclusivement de moi. » Sa grimace me fait mal au coeur. Bien sûr, ça dépend aussi de son ex femme. J’essaie de penser que peut-être tout ça s’arrangera. Mais je n’en suis pas vraiment sûre. Si sa femme à l’époque a pu douter de lui au point de ne pas le soutenir dans cette épreuve, c’est bien que ce n’était pas la bonne. « Il est toujours à Perth avec sa mère, enfin je crois. Ça sera dur pour moi de retourner là-bas et puis, si j'y arrive, rien ne peut m'assurer que Jihane m'autorisera à le revoir. » Je hoche à peine la tête. Je comprends, mais je ne sais pas quoi dire pour autant. « Il y a quatre ans, elle a fait le choix de te croire et de m'interdire de voir mon fils. Pourquoi son avis changerait aujourd'hui ? » Je hausse les épaules et me mords l’intérieur de la joue. « J’aimerai te dire que tu vas la retrouver, qu’elle en vaut la peine et ce genre de truc. Mais je suis d’accord avec toi, elle m’a crue moi, pauvre gamine paumée de 16 ans, face à son mari, je crois que c’est pas à son avantage. Mais j’espère qu’une fois que tout ça sera réglé elle te laissera au moins voir ton fils. » Je baisse les yeux et tripote nerveusement la lanière de mon sac. « Tu veux pas qu’on aille manger un morceau ? Je t’invite. » Si j’avais la force et la folie, je lui proposerai de partir, maintenant, tous les deux, pour aller à Perth et faire les démarches tous les deux. « Tu sais, je serai capable d’aller la voir et tout lui expliquer. Si ça peut changer la donne… » Je regarde l’homme qui se trouve devant moi, que je ne connais pas finalement. Comment une gamine de 16 ans a peu bousiller comme ça toute une vie. Je m’en veux tellement…

J’essaie de rester calme, de ne pas m’emporter. Il n’a rien demandé, je crois que je lui en ai assez fait vivre. Il faut que j’arrive à me rattraper, et cette soirée, cette vente aux enchères était pour moi une façon de me racheter auprès de lui. Je sais bien qu’il ne me pardonnera pas aussi vite que je le voudrais, mais je peux au moins essayer. Nos retrouvailles ont été houleuses et il y avait de quoi, mais aujourd’hui, je voudrais qu’il comprenne que je ne suis plus cette gamine inconsciente. Je suis toujours chiante et capricieuse, mais j’ai pris conscience de certaines choses. Et les régler fait partie de mes objectifs pour ma nouvelle vie. Je tente de lui exprimer mon point de vue concernant son ex-femme, je ne l’ai jamais trop aimée, jalousie sûrement, et puis avec le recul j’ai compris qu’elle avait été complètement conne de me croire moi plutôt que lui, et je ne me cache pas pour l’exprimer à Troy, sans penser que ça puisse le blesser. C’est tout moi ça, je ne réfléchis pas assez avant de parler. D’ailleurs, je le voix grimacer, mais je ne sais pas si c’est parce que je l’ai blessé ou parce qu’il estime que j’ai raison, au moins un peu. Je préfère couper court et lui propose d’aller manger un morceau. Je ne parle pas d’un restau en tête à tête, un bagle suffira. Je le sens hésitant et je ne peux que comprendre, alors je reste silencieuse le temps que la sentence ne tombe. « Je.. Si tu m'invites, je ne peux pas refuser. » Un sourire prend place au coin de mes lèvres, ravie qu’il accepte malgré ce que je représente à ses yeux. En chemin, je lui propose d’aller voir sa femme pour lui expliquer toute l’histoire, et ainsi le défendre de ce qu’il a été accusé. « De nous deux, je ne sais pas ce qui est le mieux. Je dois faire partie de sa liste rouge, alors que toi, c'est sûrement la liste noire. » Je ris légèrement avec lui. « Oui, tu n’as pas tout à fait tord. » J’enfouis les mains dans les poches de ma veste et laisse le bruit de mes talons haut glisser jusqu’à mes oreilles. C’est étrange de me dire que je suis là avec lui, qu’on arrive de nouveau à parler à peu près calmement. Il aura fallu du temps, mais un jour, j’espère qu’on verra ça comme une erreur de jeunesse, et que tout rentrera dans l’ordre pour lui. « Des fois, je me dis que si tout ceci est arrivé, c'est parce qu'il y a une raison. » Je fronce les sourcils et tourne la tête dans sa direction. « Ne dis pas de bêtises… » Je hausse les épaules. « Je ne crois pas au hasard, mais je ne vois pas ce que la vie aurait eu à t’apprendre dans toute cette histoire. Moi ça m’aura appris que chaque acte a ses conséquences. Toi finalement tu n’es que la victime. Ma victime. Et ta femme… enfin ton ex-femme, et ton fils, sont les dommages collatéraux. » Je sens ma voix changer sensiblement, ma gorge se serrer à mesure que je parle de tout ça, que je prends conscience d’avantage. « T’es un mec bien, elle te pardonnera forcément quand elle comprendra que tu n’y es pour rien. Et elle me détestera jusqu’à la fin de sa vie, j’en paierai le prix ! » Je tourne la tête et lui adresse un micro sourire, un peu triste. « Tu as déjà fait une grosse bêtise que tu regrettes du plus profond de ton coeur ? »

J’essaie de prendre la température, d’être gentille avec lui. Je ne veux pas le brusquer et qu’il se referme comme une huitre. Après tout, si j’ai misé beaucoup sur cette soirée c’est pour réussir à lui parler calmement, que nous arrivions à parler entre adultes, qu’il comprenne que je ne suis plus une enfant. Certes j’ai pas encore eu le temps d’aller à Perth pour retirer ma plainte, mais je me suis promis d’y aller très bientôt. Pour lui, pour son fils. Sa femme, j’en ai bien rien à foutre. Je ne l’ai jamais aimée, et la réciproque est légitime. Je suis ben consciente qu’il y a toujours eu un rapport de jalousie, tant d’un côté que de l’autre. Mais aujourd’hui, c’est moi qui invite Troy à manger, pas elle. Et en soit, c’est une petite victoire pour moi. Je sais aujourd’hui qu’il ne se passera jamais rien entre Troy et moi, à moins de l’alcool ne nous aide à passer une étape supplémentaire mais franchement, j’en doute. Et puis faut dire que je me suis fait une raison depuis le temps. Troy était mon fantasme d’adolescente, de gamine. Il est toujours aussi canon mais j’ai grandit et les choses sont différentes. Nous marchons tous les deux en direction d’un restaurant susceptible de nous plaire à tous les deux, et sur le chemin, nous continuons de parler, comme deux adultes lambda. Je fais preuve du maximum de discernement possible, il n’est pas question de le braquer ou l’énerver. Je finis par lui demander s’il a déjà fait une bêtise qu’il regrette. Je le sens réfléchir, comme s’il ne voulait pas me donner une fausse réponse. « Je pense que oui, comme tout le monde. Mais au fur et à mesure des années, on oublie et on se dit que c'était seulement le moyen d'apprendre de nos erreurs. » Je hoche la tête, lentement, les yeux rivés sur les sol et un mince sourire prend place aux coin de mes lèvres. Je suis un peu rassurée de sa réponse. Troy est un gars bien, et il sait pardonner. J’en suis sûre. « Tu as fait de ma vie un enfer, c'est certain, mais je ne pense pas que tu referas cette erreur un jour. » Je relève la tête pour la tourner vers lui et en voyant son petit sourire, je sens que sa phrase n’était pas méchante. « Non, c’est clair. » Je souris à mon tour. « Tu as dû comprendre avec cela que quand on veut plaire à quelqu'un, on ne porte plainte contre cette personne. » Je me mets à rire, parce qu’en plaisanter est encore la meilleure des solutions, je pensais pas qu’il le ferait aussi tôt, et ça me soulage grandement. « Oui, c’est une technique de drague expérimentée qui ne marche pas aussi bien que je l’aurai pensé. » Je préfère m’en amuser, la culpabilité est moins grosse grâce à lui. « En tout cas merci. Je sais que tu ne me pardonneras jamais totalement, mais le fait d’accepter mes excuses, c’est déjà beaucoup pour moi. Pour nous d’ailleurs, ça va nous permettre d’avancer plus facilement je pense. » Je le regarde, mais pas trop longtemps parce qu’il me trouble toujours plus que je ne le voudrais. Je m’arrête devant un restaurant italien et demande à Troy « Ça te va ça ? » avant de le regarder avec un sourire sincère, bien qu’un peu timide, étrangement. S’il y a quatre ans on m’avait dit qu’un jour je dînerai avec lui, je ne l’aurai pas cru. La soirée se passe bien plus calmement qu'au début. Je ne peux pas parler de complicité, mais nous sommes un peu plus sereins, et ça me fait du bien. Je me promets de trouver un moment pour aller à Perth dans la semaine. Je voudrais vraiment que ça s'arrange pour lui. J'ai grandit, je crois.