happy new year (eden #8)

Exceptionnellement, Elliot est autorisé à veiller un peu plus ce soir et autant dire qu’il en profite. Il a descendu plusieurs de ses jouets – des années précédentes ou reçus à Noël il y a quelques jours –  et les montre un à un à Eden. Et oui.. maintenant que Leo est couché, je ne suis pas en tête à tête avec mon aîné, puisque la jeune femme a accepté de passer le réveillon avec nous. J’aurais bien proposé à Marley de venir aussi, mais ma meilleure amie a décidé de tenir compagnie à sa colocataire. L’important, c’est qu’elle ne soit pas seule ce soir et si cela me permet de me retrouver seule avec sa sœur un peu plus tard, je ne vais quand même pas me plaindre. Car oui, pour l’instant, même si ça fait maintenant cinq mois que nous nous voyons plus régulièrement, nous le faisons de manière discrète : les enfants ne sont pas encore au courant de ce qui se passe entre nous. Pour être honnête, je trouve cela excitant, j’ai comme la sensation d’être redevenue une adolescente lors de ses premiers émois. Bien sûr, parfois, j’aimerais m’afficher avec la jeune femme. Mais pour cela, il faudrait déjà que l’on soit ensemble. Car même si nous agissons parfois comme un couple, rien n’a été acté de façon officielle. Comme je l’ai dit à Marley, nous prenons notre temps et pour le coup, cela a dû repousser plusieurs fois la fameuse conversation – avec sa séparation, son divorce et tout cela, je ne voulais pas donner l’impression de précipiter les choses. Alors qu'Elliot joue sur la table basse, je profite d'avoir des assiettes vidées de leurs amuses-bouches pour inviter Eden à m'accompagner dans la cuisine. Je dépose la vaisselle dans l'évier et me retourne vers la brune. « Je crois qu'il aime bien t'avoir ici. » Même si pour l'instant, il ignore tout de ce qui se joue vraiment ici. « J'aime bien aussi. » Je jette un coup d'œil au loin pour m'assurer que le petit garçon n'est pas sur le point de débouler et je viens lui voler un tendre baiser. Des adolescentes qui se cachent, vraiment. « Mais méfie-toi, il va finir par y prendre goût et vouloir que tu emménages avec nous. » Je pince ma lèvre inférieure entre mes dents. Pour le coup, ça, ce serait un peu trop rapide, mais l'idée de l'imaginer un jour n'est pas désagréable. Surtout que c'est quelque chose qui n'est jamais arrivé à l'époque : je vivais encore chez mes parents et quand j'ai eu mon premier appartement, la jeune femme vivait déjà à des milliers de kilomètres d'ici. « Avoir son institutrice préférée à domicile, c'est comme un rêve éveillé pour lui. » Si j'ai souvent le prénom Eden aux lèvres en ce moment, je l'ai aussi au niveau de mes oreilles, puisque le petit garçon prend plaisir à parler d'elle et de ce qu'ils font à l'école quand il y est. « Tu n'es qu'une institutrice qui vient s'assurer que l'un de ses élèves va bien pendant les vacances, n'est-ce pas ? Ou est-ce qu'il y a autre chose ? » J'arque légèrement un sourcil, espérant bien la voir aller dans mon sens. Je jette un nouveau coup d'œil derrière nous et une fois assurée que le champ est libre, je viens passer mes bras autour de sa taille.

Les choses n'étaient pas destinées à se passer comme ça. Dans ma vie sentimentale, j'ai eu des hauts et des bas, et clairement, je ne pensais pas que mon chemin finirait par recroiser celui d'Eden. Néanmoins, maintenant que nous nous sommes retrouvées et que les choses se passent bien – très bien même, je n'arrive pas à m'imaginer sans ces retrouvailles. Pourtant, même si les choses semblent évidentes quand nous sommes toutes les deux, c'est un peu plus compliqué quand il y a du monde autour de nous. Compliqué sûrement pas le terme approprié, mais comme nous n'avons pas vraiment défini notre relation, il est difficile de le faire auprès des autres. Et ça, c'est encore plus vrai avec les enfants. Je suis heureuse avec l'institutrice et j'ai envie de pouvoir profiter un peu plus des moments que nous passons ensemble. Cependant, avec les histoires que j'ai eues, bien trop souvent catastrophique, j'ai pris l'habitude de ne pas les impliquer avant d'être sûre. Eden n'est pas n'importe qui et ce qu'il y a entre nous est prometteur, j'en suis convaincue, mais le fait qu'elle soit la maîtresse d'Elliot n'aide pas forcément. Si quelque chose se passe mal entre nous ? Que se passera-t-il pour lui ? Il est encore jeune et ne saura certainement pas comment agir si la jeune femme venait à quitter nos vies brusquement, à passer moins de temps ici. Alors pour l'instant, pour palier à tout cela, nous faisons comme si nous étions des amies et parfois, le fait de devoir se cacher, à quelque chose d'alléchant. Pendant que le petit garçon joue dans le salon, j'invite Eden à me suivre dans la cuisine pour un petit moment à deux. « Se lasser de toi ? Je voudrais bien voir ça. » Il y a sûrement plus de chances pour que le petit garçon me demande de garder mes distances avec elle, pour qu’il puisse l’avoir rien que pour lui, que l’inverse. J’ai beau être sa mère, je l’ai déjà vu préférer son institutrice à moi pour certains jeux. Loin de moi l’idée d’être jalouse. En réalité, ça me fait du bien d’avoir une deuxième personne ici, ça me permet de pouvoir passer du temps avec l’un des garçons, sans que l’autre ne se sente seul. Prise dans tout cela, je m’amuse à interroger la jeune femme sur sa présence ici. Elle rentre dans mon jeu et me donne l’impression de perdre au moment même où elle s’éloigne de moi – alors qu’elle était sur le point de m’embrasser. « Non, rien. Je ne suis qu’une maman d’élève. » Je lève les mains vers le ciel, déjà défaitiste. « Je vais finir par croire qu’il faut que je te mette à la porte une fois qu’il sera couché. Si vraiment tu es là pour lui.. » Si elle est ici pour son élève, alors il n’y a pas de raison pour que je la garde à mes côtés une fois qu’il sera tombé dans les bras de Morphée. « Non.. ce serait vraiment dommage. J’ai plein d’idées pour toi et moi. » Je grimace un peu, avant de venir pincer ma lèvre inférieure entre mes dents. Des idées, j’en ai plein et autant dire qu’elles ne sont pas toutes très catholiques. Après tout, c’est soirée de fête ce soir, autant bien finir l’année et potentiellement bien la commencer aussi. « On devrait peut-être retourner par là, il va finir par se poser des questions. » Si jamais il a remarqué notre absence. Mais comme il n’est pas au courant de ce qui se passe vraiment entre nous, ce serait quand même dommage qu’il nous surprenne ici, relativement proche l’une de l’autre.

Pour quelqu'un qui ne nous connaît pas, il serait facile de penser que cette famille est la notre, à Eden et moi, sans Archie et Morgan dans l'équation – même si cette dernière n'a pas joué grand-chose dans la conception d'Elliot. Il y a quelques années, quand nous étions encore ensemble, peut-être que j'aurais pu rêver de ce tableau pour notre futur. Mais nous savons toutes les deux que nos vies ont suivis des chemins bien différents. Des chemins qui ont fini par se retrouver et c'est là-dessus que nous devons nous concentrer : nous devons vivre au jour le jour et profiter de ce que la vie nous offre. Même si pour l'instant, aux yeux des enfants, ça signifie vivre cachées. À en entendre notre conversation dans la cuisine, nous nous en amusons. Il faut dire que sans savoir ce que nous sommes réellement l'une pour l'autre, s'il y a oui ou non une question d'exclusivité, il est difficile de faire autrement. Les plats déposés dans la cuisine et notre échange terminé, je propose à la brune de revenir au salon, où se trouve Elliot. Il est encore jeune, certes.. mais seul trop longtemps, il serait capable de venir ici et de nous surprendre excessivement proche. Alors qu'Eden reprend place aux côtés du petit garçon, je m'installe dans le canapé. Je récupère mon verre de vin et les regarde, un large sourire sur les lèvres. C'est attendrissant de les voir comme ça, je me prends même à rêver. Mais je suis rapidement ramenée à la réalité avec la question du brun. Pour ce qui se passe à l’école, je ne peux malheureusement pas aider l’institutrice. De toute manière, elle n’a pas besoin de moi : parler aux enfants, ça fait partie de son métier. Néanmoins, dans tout son récit, il y a quelque chose qui attire ma curiosité. « Tu es amie avec beaucoup de mamans ? » Dis-je, avant de venir boire une gorgée de ma boisson. Pour les pères de famille, c’est différent. L’idée qu’elle soit amie avec certains d’eux me fait ni chaud ni froid. C’est une chose qu’Elliot ignore, mais Eden ne devrait pas avoir trop de mal à comprendre pourquoi ma question vise uniquement les femmes. « Et.. est-ce que tu es amie de la même manière avec toutes les mamans ? » Telle mère, tel fils, non ? D’ailleurs, j’ai peut-être oublié que le petit garçon pouvait m’entendre et se questionner sur mes propos. « Maman ! Tu n’écoutes pas. C’est différent, mais elle nous aime tous un peu pareil. » Voilà que je me ferais presque disputer par mon propre fils. Visiblement, il n’a pas tout compris de ce qu’elle lui a dit, mais qui suis-je pour vouloir le contredire. « Je vois. » Je hoche machinalement la tête et laisse mon regard se reposer sur la brune. Si elle pense échapper à ma question, elle se trompe. Cependant, nous pouvons remettre cela à plus tard si besoin. « Toi, ça ne te dérange pas que nous soyons amies ? » Cette discussion n'a jamais vraiment eue lieu. Mais si nous voulons nous lancer dans quelque chose, alors il est peut-être mieux de tâter un peu le terrain. Vu la tournure que prend notre relation, si je ne me trompe pas complètement, nous devrons avoir une discussion avec Elliot bientôt. Cette question nous servira à savoir la direction que nous pourrons utiliser pour aborder ce sujet : j'en doute, mais si cela l'embête, alors nous devrons réfléchir plus longuement aux mots à utiliser. « Non, c'est cool ! » Cool.. donc nous en sommes déjà au début de l'adolescence, super. L'avantage, c'est qu'il est plutôt positif à cette relation, même s'il ne connaît pas la vraie nature de celle-ci pour l'instant. « Tu nous aimeras toujours quand tu auras des enfants à toi ? » Outch.. celle-ci, je ne l'avais pas vu venir et pour être honnête, je m'en serais bien passée. Tout cela va forcément ramener Eden à son ancienne relation et à l'envie qu'elle avait de fonder une famille avec Morgan. « Et si on passait au dessert ? » Changer les idées avec un peu de chocolat, il n'y a rien de mieux. Je connais le petit garçon et je sais qu'il cédera facilement, mais est-ce que ce sera aussi le cas de mon amante ?

Selon moi, et malgré les allusions faites par la jeune femme, Eden ne partage pas la même relation avec les autres familles qu'avec la notre. Non pas parce que mon fils est son élève préféré – je doute qu'elle fasse une distinction à ce niveau –, mais bien grâce à notre passé et maintenant notre présent. Même si les choses ne sont pas clairement définies entre nous, il est évident qu'il y a un petit quelque chose entre nous. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais j'ai comme l'impression qu'il est plus compliqué d'avoir la fameuse conversation maintenant que nous sommes dans la trentaine. Bien sûr, ce n'est pas notre âge qui rentre en compte ici, c'est notre histoire et nos relations passées – ou présentes si on parle de mes enfants. J'aimerais pouvoir m'afficher au grand jour avec elle, dire à tout le monde qu'elle est ma petite amie, mais il y a certains facteurs en prendre en compte et la réaction d'Elliot et Leo en fait partie. Par chance, quand j'interroge le plus grand des deux, celui-ci ne semble pas contre le fait que nous soyons amies. Il n'a pas encore toute la vérité sur notre relation, mais c'est déjà un bon début : si cela l'avait embêté, la suite aurait été bien plus compliquée. Poussée par sa curiosité – un trait qu'il tient certainement de moi, le petit garçon interroge son institutrice sur son envie d'avoir des enfants. Mince.. s'il y avait bien une question à éviter, c'était celle-ci. Du plus naturellement possible, j'essaye de noyer le poisson en proposant de passer au dessert. Eden approuve, alors je me lève et me dirige vers la cuisine. Je suis seule à prendre cette direction, puisqu’ils restent tous les deux dans le salon. Il n’y a plus qu’à espérer qu’Elliot n’envenime pas les choses, maintenant que je ne suis plus là pour faire tampon. Rapidement, je suis surprise par des mains qui viennent glisser sur moi – vu la hauteur, ce n’est certainement pas mon fils. « Maintenant, tu veux bien de moi ? » Dis-je, un sourire taquin sur les lèvres. « Est-ce que c’est parce que la maman de Lola ne t’a pas invité ? » Je la cherche un peu, comme elle l’a fait un peu plus tôt avec moi. Mais je viens finalement me rétracter assez vite. « Je rigole. Ne pars pas, je te veux rien que pour moi. » D’une main, je viens agripper la sienne et je finis par me tourner, entre ses bras, pour lui faire face. « Je suis désolée pour la question d’Elliot. » De mon point de vue, je sais que cette question est lourde de sens et sûrement un peu déplacée. Mais ce n’est pas le cas du petit garçon, qui n’avait aucune mauvaise intention avec. En tant que mère, c’est donc me devoir de m’excuser pour lui, même si inconsciemment, amener ce sujet sur la table a attisé un peu ma curiosité. La dernière fois où nous avons parlé du projet d'adoption qu'elle avait avec Morgan, c'était après son voyage à Londres. Depuis, c'est silence radio. Ce n'est pourtant pas un sujet sensible, mais ça pourrait facilement y ressembler. Son envie d'enfant est-elle toujours là ? Le projet d'en adopter un avec son ancienne femme l'est-il aussi ? « Est-ce que c'est quelque chose que tu veux toujours ? » Au moins, je pourrais en avoir le cœur net. Néanmoins, je me rends rapidement compte que je ne suis pas mieux que le petit garçon et je viens m'excuser, encore, cette fois-ci pour moi. « Je suis désolée, tu n'es pas obligée de me répondre. De nos jours, les parents d'élèves sont très curieux. » Je grimace un peu, tout en hochant la tête pour confirmer mes propres propos. Discrètement, du mieux que je peux, je viens prendre un peu de dessert sur le bout de mon doigt et je viens l'étaler sur le nez de la brune. Le gâteau ne sera sûrement plus aussi beau qu'au départ, mais je doute qu'Eden ou Elliot m'en tienne rigueur. Dans tous les cas, il finira dans nos estomacs, alors inutile de s'attarder sur l'esthétique. « Oups.. je suis maladroite. » Je hausse les épaules, un large sourire sur les lèvres. Après ce sujet un peu sensible, je me suis dit qu'un peu de légèreté ne pouvait pas faire de mal.

Cette jalousie est un petit jeu entre Eden et moi. Enfin.. je crois. Je ne pense pas être jalouse ou du moins, avoir à l’être. Surtout que pour l’instant, aux dernières nouvelles, nous ne nous devons rien. Pourtant, même si ce n’est pas encore tout à fait officiel, j’ai tendance à agir avec l’institutrice comme si c’était déjà ma petite amie : je ne vois qu’elle, elle est la seule à venir ici et c’est également l’unique personne qui arrive à me faire sourire en toute circonstance, dès que je la vois ou avec les messages que nous échangeons. Cependant, de l’entendre parler d’une autre maman d’élève, ça me pousse à aller dans son sens, comme dans l’espoir qu’elle me donne quelque chose, qu’elle me confirme que pour elle aussi, je suis la seule. Ça n’arrivera pas là, mais la soirée est encore longue et les conversations pourront vraisemblablement être différentes lorsque Elliot sera partie rejoindre les bras de Morphée. Alors que nous nous retrouvons toutes les deux dans la cuisine, une nouvelle fois, j’aborde un sujet un peu compliqué, un sujet que le petit garçon a lancé quelques minutes avant. Néanmoins, je me rétracte assez vite, réalisant que ce n’est peut-être pas quelque chose dont elle a envie de parler, surtout ce soir où nous sommes censés être dans un esprit festif. Pour aller dans ce sens et pour alléger un peu l’atmosphère qui a rapidement changé, je décide de redevenir une enfant et de venir mettre un peu de gâteau sur le nez de la jeune femme – en toute innocence, bien sûr. Si je pensais qu’Eden accepterait d’en rester là, je me trompais ! Il ne faut pas attendre longtemps avant de la voir riposter, m’étalant du chocolat sur la joue. Par chance, de bonté d’âme, elle accepte de m’aider à l’enlever. Avec une serviette ? Certainement pas, l’écologie coule dans les veines de l’institutrice. C’est donc avec ses lèvres qu’elle retire ce qu’elle vient de mettre et ce serait mentir de dire que je n’en profite pas un peu – cette solution est bien meilleure qu’un fichu morceau de papier. Si ses lèvres se trouvaient d’abord sur ma joue, elles finissent rapidement par s’unir aux miennes. « Juste le dessert ? » Dis-je, alors qu’elle vient murmurer quelques mots à mon oreille. Je ne m’attends pas à avoir de réponse de sa part ou si elle m’en donne une, je n’en accepterais qu’une. Cependant, nous nous retrouvons interrompues par Elliot. Ce n’est pas vraiment comme ça que j’imaginais les choses, mais il est maintenant trop tard pour y faire quelque chose. « Qu’est-ce que vous faites ? » Il est encore jeune, alors j’ignore si je suis censée lui répondre honnêtement ou s’il est encore possible de lui mentir. D’ailleurs, qu’est-ce qu’il a vu ? A-t-il vraiment compris ce qui se passait ? « Vous êtes amoureuses ? » Oui, il a compris. Mais comment répondre à la question d’un enfant de cinq ans quand nous n’avons pas nous-même la réponse ? « Alors.. » Je tourne la chose dans ma tête, encore et encore, à la recherche du premier mot que je pourrais dire et de la façon dont je pourrais avancer les choses. « Tu es aussi amoureuse des autres mamans ? » Dit-il, cette fois-ci à l’attention d’Eden. Telle mère, tel fils, non ? « Retournons dans le salon. » C’est déjà un bon début et je suis sûre que nous y serons plus confortablement installés. Je prends la main d’Elliot et ouvre la marche avec lui jusqu’à l’autre pièce, son institutrice nous suit de près. Le petit garçon s’installe dans le canapé et je me mets à côté de lui. Comme pour rendre ce moment encore plus solennel que ce qu’il n’est déjà, je viens prendre sa petite main dans la mienne. « Tu sais déjà qu’Eden et moi étions amies lorsque j’étais encore à l’école. En réalité, nous étions un peu plus que ça. » Il a rapidement compris que nous nous connaissions d’avant le jour où j’ai été convoquée à l’école, il était donc inutile de lui mentir. Néanmoins, nous ne sommes pas rentrées dans tous les détails, surtout qu’à ce moment-là, il n’était pas encore question d’une nouvelle relation entre nous. « Vous étiez amoureuses ? » Visiblement, cette partie-là de l’histoire l’intéresse vraiment et il souhaite avoir la réponse à sa question. « C’est ça. » Dis-je, tout en hochant la tête. « Et puis un jour, nos chemins se sont séparés. Eden a rencontré quelqu’un et j’ai rencontré ton papa. » Inutile de rentrer plus dans le détail des années où nous nous sommes perdues de vue. « Quand elle est revenue, l’année dernière, nous nous sommes revues et nous avons compris que nos sentiments étaient toujours là. Que nous étions encore amoureuses. » Une nouvelle fois, je simplifie un peu les choses. Même si sur la fin, la finalité est la bonne. « Ça veut dire qu’Eden va venir vivre ici ? » Pour être honnête, rares sont les personnes qui sont venues vivre ici. Mais si vraiment les choses se passent bien entre nous, alors peut-être que ça finira par arriver à un moment. « Nous n’en sommes pas encore là. Mais elle sera sûrement plus souvent ici qu’avant, si tu es d’accord avec ça. » Ce n’est qu’un enfant et pourtant, son accord est important pour moi. Car même si c’est ma vie privée, je sais qu’un tel changement impactera aussi sa vie. « Oui. Je crois. J’aime bien quand elle est là. » Un sourire se dessine sur mes lèvres et je viens tendrement passer ma deuxième mains dans ses cheveux.

Je pensais pouvoir être discrète avec Eden et garder notre relation – quelque qu’elle soit – secrète auprès des garçons, encore quelques jours au moins, histoire de trouver les mots justes pour leur expliquer. Mais ça, c’était sans compter sur la curiosité d’Elliot et les risques pris de notre part en étant aussi proches, à seulement quelques mètres du petit garçon. Finalement, il faut croire que me tenir loin de la jeune femme, dans un endroit où nous pouvons être nous-même, devenait de plus en plus compliqué. Maintenant que c’est fait et qu’Elliot a visiblement compris ce qui se passait entre nous, il est temps d’avoir une discussion pour éclaircir les zones un peu floues et pour s’assurer qu’il est d’accord avec tout ça. Pour cela, je nous ramène tous les trois dans le salon – là où nous serons plus à l’aise. Je laisse le petit garçon s’installer et je commence à évoquer le lien qui existe entre son institutrice et moi. C’est peut-être un enfant, mais il est inutile de chercher à lui cacher des choses. Visiblement, il a l’air de plutôt bien prendre tout cela. C’est une bonne chose et ça rend tout bien plus simple. Il reste encore Leo a convaincre, mais il est le plus jeune des deux, alors il ne comprendra qu’à moitié ce qui se passe. Pour conclure ce moment solennel, Elliot cherche à s’assurer qu’Eden me rend heureuse et je ne peux m’empêcher de sourire à cette remarque. Est-ce que je le suis ? Bien sûr et la brune n’y est clairement pas pour rien. Maintenant que les choses sont dites, il est temps de passer au dessert qui nous attend sagement dans la cuisine. Les minutes passent et même si le petit garçon fait de son mieux pour poursuivre sa soirée avec nous, il devient difficile pour lui de lutter contre l’envie de dormir qui monte en lui. Remarquant ça, je l’invite à aller se mettre en pyjama et à se brosser les dents, avant que je ne monte pour lui dire bonne nuit. Ni une, ni deux, il part. Puis s’arrête à la moitié des escaliers pour demander une histoire de la part d’Eden. C’est à moi que la question est adressée, mais c’est auprès de mon amante que je vais chercher la réponse – même si j’adore lui lire des histoires, je ne vais pas me mettre entre eux si son envie à lui est d’en avoir une de son institutrice. Sa réponse obtenue, il reprend son ascension, nous laissant toutes les deux. « De mon fils ? Non. » Dis-je, quelque peu amusée. « En revanche, que la maman de Lola se méfie. » Je n’ajoute rien de plus, comme pour créer un sentiment d’insécurité. En réalité, si je fais ça, c’est surtout parce que j’ignore ce que je pourrais bien faire en réalité. Eden m’embrasse rapidement, avant de monter rejoindre le petit garçon. Pendant plusieurs minutes, alors que je suis seule, je m’occupe de débarrasser et de ranger le désordre mis lors de cette soirée. Je fais cela grossièrement, je ferais le reste demain, quand il fera jour. À mon tour, je monte à l’étage et je viens donner trois petits coups sur la porte de la chambre, faisant bien attention à ne pas faire trop de bruit pour ne pas réveiller Leo qui dort à côté. « Je viens chercher mon bisou. » Je m’avance jusqu’à son lit et je viens déposer un tendre baiser sur son front. L’histoire a été terminée avant même que j’arrive, alors après avoir souhaité une bonne nuit à Elliot, nous avons toute la liberté de partir pour continuer notre soirée ensemble, seules. « Nous ne sommes plus que toutes les deux.. » Dis-je, tout en refermant doucement la porte derrière moi. J'attrape la main d'Eden et nous redescendons les escaliers. La jeune femme peut maintenant découvrir les bougies que j'ai pris le temps d'allumer tout à l'heure, avant de les rejoindre. « Je me suis dit que ça valait le coup d'allumer quelques bougies. » Avec seulement quelques flammes dans la pièce et la lumière éteinte, ça donne tout de suite une toute nouvelle ambiance. « Surtout que nous sommes des amoureuses maintenant, un peu de romantisme va désormais faire partie de notre quotidien. » Je hausse légèrement les épaules, reprenant volontairement les mots utilisés par mon fils. « Je ne pensais pas avoir cette discussion avec Elliot aussi tôt, mais maintenant c'est fait. » Et nous pouvons être soulagées puisque ça s'est bien passé. Il restera peut-être certains points à évoquer avec lui, notamment si Eden souhaite que cela reste un secret sur son lieu de travail. « Tu ne peux plus te débarrasser de moi aussi facilement, au risque d'avoir un petit garçon en colère à l'école. » Je lui offre mon plus beau visage innocent, alors que je viens entourer sa taille de mes bras. « Est-ce que tu étais d'accord avec moi sur tout ce que j'ai dit ? » Comme il s'agit de mon fils, j'ai trouvé logique que ce soit moi qui lui expose les choses, mais peut-être qu'elle aurait voulu ajouter quelque chose aussi. « Je veux dire.. est-ce que nous sommes ensemble ? Est-ce que nous sommes exclusives ? » Autant poser la question maintenant, que les choses soient bien claires.

Toute cette soirée est bouleversée à partir du moment où Elliot nous surprend dans la cuisine. Ce n'était pas dans nos plans, mais maintenant que ces petits yeux innocents avaient été témoins de notre baiser, nous ne pouvions plus faire comme si de rien était. Plus les jours passent et plus il grandit, je m'en rends bien compte aujourd'hui. Avant même de lui expliquer les choses, Elliot a compris. Toute la discussion dans le salon n'était donc qu'une formalité pour lui. Ce n'était néanmoins pas une mauvaise chose, puisque cela nous a permis d'apprendre qu'il n'avait rien contre cette histoire et que nous n'aurions donc pas à reconsidérer tout cela. Cela.. nous. Un sujet qui a été éclaircit pour le petit garçon, mais qui reste encore un peu vague pour nous – aux dernières nouvelles, nous n'avions pas encore établi les règles qui existent entre nous. Cette discussion, nous pourrions l'avoir une fois qu'Elliot sera couché et cela va arriver plus vite que prévu, puisqu'il commence doucement à fatiguer. À sa demande, Eden le rejoint en haut pour lui lire une histoire. Pendant ce temps, je m'occupe de ranger un peu la pièce et de sortir quelques bougies pour le reste de nos soirées, que j'allume avant d'aller les rejoindre à l'étage. Un baiser déposé sur le front du petit garçon et nous pouvons maintenant redescendre. Inconsciemment, je cherche à justifier mon geste et l'atmosphère que j'ai cherchée à mettre dans le salon. Après ça, il ne me faut pas longtemps pour décider d’entamer le sujet de notre relation. Maintenant qu’il a été abordé avec Elliot, nous ne pouvons plus repousser la chose, nous devons mettre les choses au clair. Par chance, avec la réponse qu’elle me donne, je comprends rapidement qu’Eden et moi sommes sur la même longueur d’ondes. Néanmoins, après sa phrase pleine d’honnêteté, l’institutrice ne peut s’empêcher de me taquiner un peu, encore au sujet de la fameuse mère de famille. « Tu me cherches. » Dis-je, alors que je lui donne un coup sur le bras. Elle me retourne la question et je décide de lui rendre la monnaie de sa pièce, pour plaisanter un peu. « Il faut peut-être que je me concerte avec toutes les jolies femmes qui sourient au café. » Si elle veut jouer, nous pouvons jouer. Moi aussi je peux croiser beaucoup de monde, beaucoup de femmes si je le désire. « Je rigole. Bien sûr que c’est exclusif de mon côté aussi. » Même si je ne me suis pas interrogée dessus au début de nos retrouvailles, il n’a jamais été question d’autre chose que cela avec elle. Voir quelqu’un d’autre ? Pourquoi ? Je n’ai besoin que d’une personne. Je n’ai besoin que d’elle. « Comme à l’époque, comme à nos grands débuts. » Déjà au lycée, même si j’étais en train de découvrir certains aspects de moi, je n’ai jamais cherché à vouloir voir quelqu’un d’autre qu’elle. Lorsqu’elle mentionne la difficulté nécessaire pour avoir cette conversation, je ne peux m’empêcher de rigoler légèrement. « C’est vrai. Il faut dire que nous étions jeunes et insouciantes. Ou peut-être que c’est l’époque qui a changé aussi. » Ou alors, en tant qu'adultes, il est plus compliqué de mettre tout cela en place, comme si c'était moins naturel. Maintenant que nous sommes seules, les vraies hostilités peuvent commencer et pour cela, la brune propose d'ouvrir la bouteille qu'elle a amenée avec elle. « Avec grand plaisir ! Nous pouvons fêter ce nouveau départ et la nouvelle année, d'une pierre deux coups. Et s'il y a besoin d'un peu plus de champagne, je suis presque sûre d'avoir une autre bouteille quelque part. » Une, ce sera déjà bien. Nous verrons ce qu'il en est quand elle sera terminée. Alors que je laisse la jeune femme s'occuper de l'ouverture de la bouteille, je m'éclipse quelques secondes dans la cuisine pour récupérer deux coupes. En revenant, je les tends une à une à Eden pour qu'elle les remplisse. Je garde la mienne en main et lui tends l'autre. « À quoi pouvons-nous trinquer ? » Pour être honnête, les possibilités sont multiples. « À nous ? À 2023, une année qui va nous voir redevenir le couple le plus glamour de la ville. » Pourquoi ne pas faire d'une pierre deux coups ? Si tout va bien, nous passerons l'année ensemble, alors autant nous souhaiter du bonheur et de la réussite : plus nous serons positives et plus nous aurons des opportunités, j'en suis persuadée. « Sache que tout cela ne t'apportera pas plus de privilèges au café que ce que tu n'as déjà ! » Plaisanter un peu pour faire passer la proposition suivante, qui elle est un peu plus sérieuse. « Comme c'est maintenant officiel, je me disais que tu pourrais peut-être amener quelques affaires ici. Histoire que tu ne sois pas toujours obligée de repartir avec ta tenue de la veille. »

Les enfants maintenant couchés, c’est une soirée bien différente qui commence maintenant. Si je ne me trompe pas, c’est la première fois depuis de nombreuses années que le réveillon du Nouvel An est aussi calme. Mais ne vous méprenez pas, je ne suis pas ici par dépit, faute d’avoir trouvé mieux. Non, je suis exactement là où je voulais être. Il serait mentir de dire que le retour d’Eden en ville n’a pas bousculé mes sentiments dès le premier jour. Néanmoins, avec nos histoires respectives et douze ans en plus, il nous a fallu un peu de temps pour ouvrir les yeux et pour mettre tout ce qu’il fallait à plat. Aujourd’hui, il n’y a plus rien qui se tient entre nous, pas même Elliot qui semble accepter cette histoire – même s’il faudra sûrement surveiller les choses dans les semaines et mois à venir. Après avoir trinqué à la nouvelle année qui s’annonce, je me risque à proposer à la jeune femme de laisser quelques affaires ici. J’avance le côté pratique, mais cela signifie aussi que les choses avancent dans le bon sens entre nous. Elle semble être du même avis que moi et naturellement, un sourire se dessine sur mes lèvres. N’ayant pas anticipé cette demande, l’institutrice n’a pas forcément prévu les choses pour cette fois-ci. Lorsqu’elle évoque la possibilité que je lui prête quelque chose, je hoche la tête – je ne serais pas contre l’idée de la laisser sans vêtement pourtant. « Tu pourras toujours te servir, même si tu as des affaires ici. C’est l’avantage de faire plus ou moins la même taille. » Et d’être deux femmes. Si un matin, l’un de mes hauts l’intéresse plus que les siens, elle pourra facilement le prendre – sauf si je le porte déjà, mais je doute que ce cas de figure se produira souvent. « En plus, j’aime beaucoup te voir avec certaines de mes affaires. » J’arque légèrement un sourcil, un sourire charmeur sur les lèvres. Même si les autres personnes ignorent que ses affaires ne lui appartiennent pas, je trouve que cela donne un je-ne-sais-quoi de plus à ses tenues. Eden boit une gorgée de champagne et je l’imite, avant de la laisser se rapprocher de moi. Pour me taquiner ou pour je-ne-sais-quoi d’autre, elle remet le sujet de la maman de Lola sur la table et je ne peux m’empêcher de froncer légèrement les sourcils. Pourtant, ce qu’elle dit est plutôt flatteur. « J’ai bien vu que tu prenais plaisir à me torturer.. » Mais c’est bon enfant et c’est le principal. « C’est le côté mère de famille et femme d’affaires ça. » Dis-je, tout en passant mes bras autour de son cou. Elle sait comment me parler, c’est aussi ça l’avantage de retrouver quelqu’un que l’on a aimé par le passé. « Malgré les années, certaines choses ne changent pas. » Nos côtés sexy, bien sûr. Mais pas que, l’effet qu’elle a sur moi aussi et je crois bien qu’elle en a conscience. Je réduis la distance qui nous sépare et viens coller mes lèvres contre les siennes. Pourquoi vouloir être ailleurs alors que je suis avec elle, comme ça ? Je ne vois pas, vraiment pas. « Un peu de musique ? Je sais à quel point tu adores danser. » À mon tour de la taquiner un peu. Mais que serait-une fête sans musique – à un volume raisonnable puisque les garçons dorment juste au-dessus ? La dernière fois où nous avons dansé toutes les deux, dans un salon, il y a eu ce baiser accidentel, ce baiser qui a coupé court à notre soirée. Mais là, ce soir, rien ne nous retient et si la brune décide de se remémorer des choses de cette soirée-là, je ne l’arrêterais pas. Je m’éloigne quelques secondes pour allumer l’enceinte et pour lancer un premier morceau. Je récupère ensuite sa coupe de champagne et la pose sur la table, à côté de la mienne. Nos mains vides, je peux reprendre la place que j’occupais tout à l’heure. Volontairement, j’ai choisi une musique calme, proche du slow, nous permettant ainsi d’être proche l’une de l’autre. « Il va quand même être difficile pour moi de venir à l’école sans pouvoir te voler un baiser. » Si elle laisse des affaires dans mon armoire et qu’elle prend l’habitude de partir d’ici le matin, ce sera déjà un peu moins compliqué puisque le manque sera moins présent. Mais les matins où elle viendra de chez elle, sans que je n’ai passé la nuit à ses côtés, il faudra que je résiste à la tentation. Je pourrais facilement jouer la comédie et demander à m’entretenir seule avec elle pour parler de quelque chose qui touche Elliot, néanmoins je suppose que ce genre de stratagèmes fonctionnera une ou deux fois, mais pas plus.