the lighthouse ⋘ keila.

Comment je suis censée faire illusion alors que j’ai jamais bossé, pas même un seul jour dans ma vie ? C’est la question que tout le monde se pose. Et par ‘tout le monde’, j’entends mes grand-parents, ma tante, et sûrement quelques uns de mes professeurs de lycée qui ne seraient pas étonnés le moins du monde de me voir au point mort de mon existence. Moi aussi je me la pose, tout en observant l’enseigne de la galerie d’art dans laquelle je suis censée faire mes premiers pas aujourd’hui. Depuis le trottoir d’en face, je prends le temps de détailler la devanture, clope au bec, tout en imaginant toutes sortes d’histoires à ces gens qui s’arrêtent, ou au moins ralentissent devant le bâtiment, faute d’y entrer. A choisir, je me demande si je ne préfèrerais pas rester de ce côté-ci de la rue, mais bon… Il faut ce qu’il faut, alors je jette ma clope avant de traverser, sursautant à peine devant la voiture qui s’est arrêtée à quelques centimètres de ma jambe. Son conducteur me gratifie d’un coup de klaxon, auquel je réponds par mon majeur que je lui présente sans même le regarder. Quoi ? Je lui permets de travailler ses réflexes, il devrait me remercier.
D’une main, je pousse la porte vitrée, faisant s’actionner la sonnette qui annonce mon arrivée à la propriétaire des lieux. Je ne sais pas à quoi elle ressemble, on m’a à peine donné un nom - que j’ai déjà oublié - et une adresse, et de toute évidence, je n’ai pas besoin de stalker si c’est pour jouer les secrétaires de luxes pour une… - Okay, elle est canon. J’aurais peut-être dû stalker, finalement. « Bonjour, je viens pour le poste de secrétaire. Ou d’assistante, je sais pas. Enfin… On m’a dit de venir directement ici. C’est vous, Keila ? » Au moins, je me souviens de son prénom. Un bon point pour commencer, et j’en ai bien besoin parce qu’ils vont être rares.
Sans trop savoir pourquoi, mon regard est déjà attiré par les quelques toiles exposées dans cette pièce, et j’ai un flashback de l’époque où Naima me traînait dans ce genre d’endroits, pour ‘éveiller ma culture artistique’, qu’elle disait. Ça n’éveillait pas grand-chose à l’époque, mais peut-être bien que l’espoir n’est pas mort, finalement. Quoique, ça lui ferait beaucoup trop plaisir, je sais pas si j’ai vraiment envie de lui accorder ça.