A ce rythme, Lane se demandait combien de temps encore il serait capable de tenir la distance sans perdre totalement pied. Le jeune homme avait l'étrange impression que le destin ne voulait pas lui accorder le moindre répit et qu'il cherchait sans cesse à contrarier le bonheur qu'il pouvait éprouver alors que celui-ci venait tout juste de frapper à sa porte. Il avait beau faire preuve de courage, il n'était nullement invincible et à force de voir son ciel s'assombrir, il craignait de sombrer au point d'être entrainé vers le banc des condamnés à mort. Le plus angoissant pour Lane était de vivre seul avec ses différents secrets : le jeune homme ne comptait plus le nombre de soirs où il s'était dit juste avant de se coucher que demain serait le bon jour, qu'il trouverait enfin le courage de se confier à l'un de ses proches. Malheureusement, chaque fois qu'il avait eu l'occasion de passer à l'action, c'était toujours cette peur terrifiante qui l'habitait qui avait fini par prendre le dessus. Se fourvoyer dans le mensonge demandait d'énormes sacrifices mais paraître heureux devant ses amis alors que dans son cœur, on était totalement anéanti s'apparentait à subtiliser l'identité d'une autre personne dont on avait toujours ignoré l'existence. Lane avait beau avoir une confiance aveugle en ses proches, il n'était jamais parvenu à apercevoir le sommet de la montagne qu'il devait escalader. Comme le disait un célèbre dicton, " faute avouée est à moitié pardonnée " : alors pourquoi avait-il l'intime conviction que dans son cas, cette expression perdait tout son sens ? Sans doute parce qu'en considérant qu'il avait lui-même scellé le destin de son propre ami, il avait l'intime conviction d'être un monstre. Dire que Lane se dégoûtait n'était qu'un doux euphémisme : à cet instant précis, il avait même envie de s'infliger quelques sévices tant il était empli par un profond sentiment de culpabilité...

Depuis quelques minutes, le cœur de Lane était passé par toutes les émotions possibles et inimaginables. Pourtant, le jeune homme n'était pas un débutant en matière de sensations fortes dans la mesure où son existence n'avait pas toujours été de tout repos. Des douleurs personnelles, profondes et inoubliables avaient marqué sa vie d'une éternelle empreinte au même titre que certains événements l'avaient conduit à affronter des situations pour le moins périlleuses où sa vie n'avait parfois plus tenu qu'à un fil. Le problème, c'était qu'en revoyant cette photo, Lane avait vu renaitre au fond de son cœur une blessure qu'il pensait avoir soigné au fil des années alors qu'en réalité, cette dernière n'avait jamais réellement cicatrisée. La vérité, c'est que Lane commençait à se demander si le bonheur ne se refusait pas à lui. Plus il se penchait sur son avenir, plus il voyait ses perspectives de nager dans l'insouciance se réduire à néant. En effet, le jeune homme avait la désagréable sensation d'être pris entre deux murs mouvants et au regard de ce que le destin lui réservait, ce n'était plus qu'une question de temps avant que l'étau ne se referme sur lui.

Totalement désemparé, Lane tenta tant bien que mal de s'imprégner des paroles de sa chère et tendre dans l'espoir de chasser les mauvaises pensées qui pullulaient dans son esprit mais son désespoir était si immense que les efforts de Maxyne demeurèrent vains. Ses vagues d'ondes positives eurent beau déferler en flots ininterrompus, elles se heurtèrent violemment au chagrin incommensurable que ressentait le jeune homme qui demeura de marbre malgré les tentatives répétées de sa petite amie de lui apporter un minimum de réconfort. Rongé par la peine et la culpabilité, Lane hocha simplement la tête de dépit et quitta les bras de sa petite amie comme s'il estimait ne pas mériter la douceur ainsi que la tendresse dont elle faisait preuve à son égard. Ne voulant pas que Maxyne se sente mal par sa faute, Lane prit l'initiative de déposer un baiser sur ses lèvres même s'il n'en menait pas large de son cote.

- « Je te remercie de ne pas me juger et de te montrer si compréhensive à mon égard mais je t'avoue que je n'arrive pas à surmonter cette souffrance qui s'exprime au travers de chaque parcelle de mon être. Je crois que j'ai besoin d'une bonne douche chaude pour faire le vide dans mon esprit... »

Affichant un sourire qui se voulait forcé, Lane délaissa alors Maxyne pour se rendre dans la salle de bain : c'était sans doute la première fois depuis leurs retrouvailles qu'une ombre venait se dresser au-dessus de leur couple. Se débarrassant de ses affaires en quatrième vitesse, Lane se contempla dans le miroir l'espace d'une seconde et remarqua aussitôt à quel point son âme paraissait meurtri. Désabusé par la situation, le jeune homme se retint pour ne pas laisser sa rage s'exprimer et pénétra alors dans la douche tout en posant sa tête contre l'une des parois de la cabine. Tout en se lavant, il chantonna alors une mélodie qui lui tenait à cœur : cela avait pour but d'apaiser son âme qui était en totale perdition. Lane ferma les yeux et son esprit se mit alors à divaguer vers les confins de son imagination. Était-ce lié à ce don qu'il possédait et qui avait déjà fait des siennes quelques minutes plus tôt ? Toujours est-il qu'il avait la sensation de rêver tout en restant éveillé. Des images défilaient dans sa tête mais ce film ne correspondait pas à une scène de son passé. En fait, il était devenu spectateur de sa propre âme : elle semblait le projeter dans un futur plus ou moins proche et cela le troublait au plus haut point. Dans ce qui s'apparentait à une vision de son avenir, il nageait dans le bonheur suprême loin des difficultés qui avaient récemment marquées son quotidien d'une pierre blanche. Tout portait à croire qu'il respirait la sérénité puisqu'un large sourire illuminait son visage de mille feux. Cerise sur le gâteau, il remarquait également la présence de Maxyne, seule personne dans son entourage actuel qu'il percevait distinctement dans ce scénario pour le moins loufoque que son esprit avait donc fabriqué de toutes pièces. Ce flash fut aussi court qu'intense puisqu'il eut le mérite de le déboussoler totalement. Par la suite, Lane rouvrit les yeux tout en affichant un regard pour le moins désorienté mais contre toute attente, il se sentit brusquement apaisé comme si cette vision avait eu le mérite de chasser ses pensées négatives.

Sortant de la douche une serviette autour de la taille, Lane se contempla de nouveau dans le miroir dans la salle de bain réalisant par la même occasion que son âme respirait de nouveau la sérénité. S'il était incapable de décrire ce qui venait de se produire sous la douche, Lane n'en avait cure car il avait pris l'habitude que certaines choses échappent à son contrôle. Ce qui lui importait désormais, c'est de rejoindre Maxyne dans la chambre pour qu'elle arrête de cogiter inutilement. L'apercevant près de la fenêtre, Lane s'empressa de venir à ses cotes pour l'enlacer avec tendresse et tenta de la rassurer tout en la remerciant de son soutien.

- « Je suis désolé d'être parti de la sorte tout à l'heure mais j'avais besoin de me retrouver seul. Je ne veux surtout pas que tu crois que ton aide s'est avérée inutile car sans ton soutien, je me serais retrouvé plus bas que terre. Tes paroles étaient pleines de sagesse comme toujours et tu as sans doute raison : tout ceci n'était qu'un regrettable accident. Cependant, je pense que pour soulager ma conscience, il serait important que je parle aux parents de Brian : je leur dois la vérité. »