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♪ (Master) Let me sing a kutti story, pay attention listen to me... life is really short nanbaa, always be happy ! Ma famille est une famille tamile plus ou moins typique. Une petite maison dans un petit quartier, ni dans les beaux bâtiments des riches, ni dans les bidonvilles des pauvres. Une maison parmi tant d'autres plus ou moins similaires, que l'on peut facilement joindre les unes aux autres par les toits, et qu'on ne manque pas de faire dès l'enfance pour aller rejoindre les potes. C'est plus facile que de passer par la rue, et passé une certaine heure, c'est même moins dangereux. J'ai grandi entouré de mes grands parents paternels, de mon père et de mon grand frère. Mon père était cuisinier, puis mon frère a été à l'école jusqu'à l'âge légal avant de venir lui prêter main forte à plein temps. Quelques années plus tard, je faisais le serveur dans ce même restaurant pour arrondir les fins de mois. Je voulais continuer ma scolarité au-delà des quatorze ans, alors il fallait bien mettre de côté.
♫ (Bhoomi) Tamizhan Endru Sollada J'ai grandi ainsi, entouré des miens, pas loin de la plage où je passais bon nombre de mes après-midi à jouer au cricket ou au kabaddi avec mes camarades de classe. La vie était doucement rythmée par les différents festivals religieux, les sorties de films de Rajini Super Star et de la musique de notre Rockstar nationale, Anirudh. Une enfance heureuse et insouciante comme tous les enfants du monde devraient avoir.
♪ (Master) Get the man with the plan right here... Si j'étais un enfant plutôt joyeux, toujours partant pour sortir et s'amuser, j'étais relativement différent en classe. Je me démarquais par une présence inconditionnelle, des devoirs toujours fait, et une attention toute particulière. Pourtant, c'était l'école publique. Classe surbondée, profs désabusés et répétitions inlassables des leçons plutôt que la compréhension. Mais j'en ai eu un, un jour, qui s'est attardé sur moi. Qui m'a prêté des livres. M'a enjoint aux discussions, m'a donné des devoirs plus intéressants... et m'a demandé si je serais intéressé pour intégrer une école anglaise. Oh, pas en Angleterre. Les écoles anglaises, c'est une façon chez nous d'appeler les écoles, souvent privées, mais surtout bien cotées, où les cours sont dispensés en anglais. À l'inverse des écoles gouvernementales dont tout le monde se fout et où la moitié des élèves ne connaissent que quelques mots d'anglais, sans même savoir que ce n'est pas du tamil.
♫ (Vikram) The eagle is coming, better start running... Comme mon père n'avait pas les moyens, il a fallu passer par des demandes de bourses et des examens d'entrée. Plusieurs écoles m'avaient fait leurs offres, à tel point que j'avais eu du mal à y croire. Mais, n'y connaissant rien ou pas grand chose, j'ai choisi la facilité... à savoir celle qui se trouvait à vingt minutes de vélo de la maison. Quitte à passer plus de temps en classe (moins nombreux, ils n'avaient pas à diviser entre les élèves du matin et les élèves du soir), autant avoir moins d'une heure de trajet.
♪ (Venakkam Chennai) I'm a Chennai City Gangsta ! Je pensais arriver dans une école sérieuse, entourés d'élèves certes plus riches, mais aussi mieux éduqués et instruits, qui ne me verraient comme rien d'autre qu'un camarade de classe supplémentaire... God, que j'étais loin de la réalité... Si mon anglais semblait parfait (mais local) aux oreilles de mes voisins et amis, j'étais ici moqué et repris, certains me répondaient même avec condescendance en tamil. Si la plupart des profs étaient conciliants, d'autres ne notaient que mes fautes de syntaxe et ne souhaitaient faire aucun effort. Je suis passé de "topper" à "moins que rien" en une seule rentrée scolaire. Ça n'a pas été facile, au début.
♫ (Vivegam) If you really want it, you gotta fight for what you love, put everything on this... Forget the pain, you can never give up. C'est mal me connaître que de croire qu'un peu de harcèlement, de railleries et de mise à l'écart ferait fondre mes rêves et mes ambitions. Quand ils ont appris qu'en plus je faisais le service tous les soirs, j'ai presque vécu l'enfer. Et puis, j'en ai eu marre. J'ai commencé à répondre, à les envoyer chier, à leur montrer que leur argent (ou plutôt celui de leurs parents), ne les rendaient pas plus intelligents que moi. Pour la majorité, loin de là. Si un groupe d'irréductibles crétins a continué à se comporter avec moi comme des connards (on ne mélange pas les castes, voyons!), j'ai fini par me construire des amitiés solides. Et découvrir leur monde.
♪ (Vikram) I'm freakin' druuuunk, I'm so wasted...! Avec les amitiés naissantes autour de personnes d'un milieu bien différent du mien, j'ai découvert leurs soirées. Je pensais naïvement que ça ressemblerait à ce que je vis régulièrement le soir sur les toits ou à la plage, avec un peu de musique, quelques bières et des clopes. J'imaginais simplement cela dans un milieu plus somptueux, avec autre chose que de la Kingfisher ou du JD. Sur ce dernier point, je ne me trompais pas, mais sérieusement, qu'est-ce qu'ils trouvent tous au champagne ? Perso, je trouve ça dégueulasse. Les joints remplaçaient les clopes, et la cocaïne faisait son apparition là où avec mes potes habituels on sortait un joint. J'avais évité de montrer que cela me choquait, et j'ai mis du temps avant de tenter le coup. Pire erreur de ma vie. Après ça, je suis un peu redevenu le sale gosse des bas quartier à éviter. C'est un truc de pauvre, visiblement, de pas tenir l'alcool et la coke.
♫ (Leo) I'm fireproof, there's nothing you can do... so run away, cause I am here to stay. Après la période de l'illusion et celle de la découverte, j'ai décidé de tirer un trait sur toute leurs conneries. À quoi bon essayer de faire croire que je pouvais être comme eux ? Non seulement c'était pas le cas, mais en plus, maintenant que je l'avais vu, que je l'avais compris, je ne le voulais pas. Je suis un moins que rien ?
This is how I'm gonna play, hell yeah ! Etre un "topper" n'est pas une expression assez bien pour eux ? Tant pis, je n'ai jamais été un backbencher, c'était pas pour le devenir aujourd'hui. J'ai avalé tout ce que j'ai pu de littérature et cinéma anglais. Si ça n'a rien fait à mon accent local de classe moyenne, ça a nettement amélioré mes notes auprés des profs adeptes du "t'es pas assez bien pour nous". Ils croyaient enterrer ma motivation, ils ont nourri mon ambition. Certains s'en sont mordu les doigts, en voyant le meilleur élève de la promo. Rien à foutre. Ils vont reprendre la boîte de papa de toute façon... il leur fallait mieux que vouloir remettre le sale gosse à sa place pour me battre.
♪ Swipe Right Material Avec tout ça, quelque soit son milieu et ses problèmes de gosses de riches ou de topper des bas fonds, l'adolescence reste une période compliquée, surtout lorsqu'on est différent. Oh, je ne dis pas ça parce que j'étais un serveur fils de cuisto dans un lycée de fils à papa, ni parce que j'étais désormais un élève d'école anglaise dans un quartier de fils d'ouvriers, mais parce que... les filles ne m'intéressaient pas. Au début, c'était aussi simple que ça. Et puis, je me suis rendu compte, ou plutôt, j'ai arrêté de m'occulter l'esprit. La manière dont ils parlent des filles, eux... c'est la manière dont je voudrais parler des mecs. Heureusement, je suis né au XXIe siècle, et la technologie m'a aidé à m'accepter... et à faire des rencontres. Plus ou moins plaisantes, plus ou moins blessantes... mais j'ai toujours su qui j'étais, et ce que je voulais dans la vie. Les cours, les mecs, c'est la même chose au final. Que d'efforts pour une satisfaction intense qui ne va pas durer plus de quelques minutes tout au plus.
♫ (Beast) Meaner, leaner, stronger, can you feel the power ? Avec ces échecs, ces désillusions et ces victoires, j'ai fini par sortir de l'adolescence (comme si on devenait tout d'un coup adulte à l'âge de 18 ans!) avec un esprit plus fort, plus déterminé que jamais à atteindre mes objectifs. Je n'ai jamais cru au rêve américain. Si je voulais déménager dans un endroit où les armes à feu sont légion et la liberté uniquement dans le crâne des gens qui y croient, inutile de traverser la moitié du monde. J'irais au Punjab. Harvard ne m'a jamais fait rêver, pas plus que Mumbai ou Chandigarh. J'aurais bien tenté le Canada, mais Wellington, c'est pas mal non plus, non ?
♪ (Thunivu) Chilla chilla chilla iru ezha nalum chilla ! À partir du moment où j'ai pris la décision de m'envoler pour l'étranger dans la poursuite de mes études, j'ai arrêté de me prendre la tête. Chill. Oh, j'étudiais toujours autant, j'avais en tête de terminer le secondaire dans le top five des meilleurs élèves que ce lycée de gosses de riches n'avait jamais eu. Terminer deuxième de la promo n'était pas une option... mais terminé la cravate serrée au cou, l'uniforme impeccablement repassé et les baskets (ouais, j'avais pas d'argent à mettre dans des chaussures cirées) immaculées (mais un peu trouées en fin de vie tout de même). Ils m'ont toujours vu comme un crétin des bas fonds, de toute façon... Sur le côté crétin, j'allais les faire tomber de haut, mais je n'avais plus aucune raison de faire des efforts sur mon attitude et mon comportement. J'allais juste compenser avec des résultats concrets. Qu'ils aillent tous se faire foutre.
♫ Machan chancey illa namma Chennai pola vera oorae illa... J'aime ma ville. J'aime mon pays. Mais je sais que mon avenir, à terme, n'y est pas. Je rentrerais toujours à la maison. Je sais qu'elle me manquera. Que tout me manquera. Peut-être même la religion. Mais j'ai besoin de m'éloigner. M'éloigner pour étudier, m'éloigner pour me retrouver. Et puis, ce sera pas vraiment à 100% l'étranger, je serais logé par mon oncle et ma tante qui vivent là bas. Oui, la décision de ne pas partir aux USA était aussi financière. Idéologique principalement, mais disons que le côté financier ne s'en sort pas plus mal pour le coup...
♪ (VIP) Tamizh is my mother tongue-u, I'm sing-u and I'm young-u. J'étais bien décidé à faire de mes études une fête. Mais pas une fête comme chez la jeunesse dorée, à base d'illusions au champagne et farine magique. Non, j'étais là pour réussir ma vie, faire semblant que c'est facile, et hurler au monde entier que je suis un Indien du sud, un Indien de classe moyenne, un Indien à l'accent à couper au couteau, un Indien fier de son pays malgré ses défauts, un Indien venu montrer la signification de
desi.
♫ (RRR) Puyalum oru oongalum, pulamum perum pootkaiyum... Natpai ! Ça ne s'est pas passé aussi bien que prévu avec mon oncle et ma tante. Je ne m'entends pas du tout avec cousin, qui finalement ne vaut pas mieux que tous les fils de riches que j'ai côtoyé pour en arriver là. Le pire chez lui, c'est que c'est même pas un fils de riches. Juste un privilégié qui s'ignore... Quant à ma cousine, elle est pas mieux. Une vraie prétencieuse que sa mère croit encore vierge et innocente... Du coup, j'évite de rentrer trop à la maison. Heureusement, je me suis fait un groupe de potes génial. On s'est rencontrés lors du weekend d'intégration. On a fait équipe, et comme l'échec ne fait pas partie de mon vocabulaire, et pas vraiment du leur non plus... on a gagné ! Évidemment, qu'on a gagné. Comment pourrait-il en être autrement avec cette bande de... après avoir insulté tous mes différents camarades de classe jusque là, je vais avoir du mal à réutiliser "crétins" ici, mais ça passe si c'est dit de manière affective, non ?
♪ (Petta) Maranam massu maranam, tough-u tharanum...! On peut pas dire que la modestie soit ma meilleure qualité. On pourrait même me trouver arrogant, mais je m'en fous. Les gens trouvent toujours quelque chose à dire de toute façon. Et puis, comme dirait Vir Das : "what people think of you is none of your business".
♫ Make some noise for the Desi Boyz ! Même si je reste un étudiant beaucoup plus sérieux et consciencieux qu'il n'en a l'air, je suis aussi là pour mettre une touche
locale à la vie néo-zélandaise. Cuisine épicée, musique bien de chez moi, cricket et kabbadi... oh, et les échecs aussi, évidemment. J'en mettrais une couche ou deux sur le thé s'il le faut, même si en réalité je marche essentiellement à la caféine. Comment ça, je suis chauvin ? Juste le nécessaire, voyons.
♪ (Brahmastra) Machaan yethuda dancela bodha yethuda ! Je suis le genre de mec qui trouve n'importe quel pretexte pour s'amuser. Oh, pas forcément aller en boîte ou quoi... non, je laisse ça à ceux qui ont de l'argent à perdre pour se retrouver dans un endroit sombre et puant juste bon à se rendre sourd. Non, moi je suis du genre à embarquer les potes pour une "petite rando d'une heure" qui en fera cinq, tout ça pour une vue "imprenable" sur la baie, alors que franchement, y'avait mieux et moins loin. Je l'avouerais pas si c'est ce le cas, parce que comme on dit, ce qui compte, c'est le voyage et pas l'arrivée, non ? Bon, depuis trois ans que je suis là, je commence à mieux connaître le coin, alors je les entraîne plutôt dans les coins sombres où attendent les loups-garous dans le but de découvrir des licornes. Les endroits laissés à l'abandon, y'a que ça de vrai pour passer un bon moment.
♫ (3 Idiots) Aal iz well Pour en revenir au côté chill, il m'arrive souvent dans une soirée tranquille ou autre, même à l'extérieur, d'abandonner mes chaussures et de rester pieds nus un long moment. Voir même de rentrer chez moi sans et de ne m'en rendre compte que trop tard. Enfin, ça n'arrive jamais en hiver... Frileux comme je suis (ben oui quoi, je viens de Chennai, les températures là bas c'est chill aussi), c'est pas le genre de trucs qui m'arriverait en dehors de l'été. De même, niveau fringue, le jour où j'ai pas envie de faire un effort, je peux sortir en lungi sans souci. Pas le genre de beau lungi blanc à liseré de cérémonie... nan juste le bout de tissu en Madras à peine suffisant pour cacher le caleçon.
♪ (3 idiots) Give me some sunshine, give me some rain, give me another chance I wanna grow up once again... Si j'aime déconner, faire la fête et passer du temps avec les gens à faire n'importe quoi, c'est sûrement pour éviter de rentrer trop en profondeur dans les détails. Life's a bitch. Deal with it.
♫ Happy people all around, never ever getting down ! Happier than me and you, they don't have a fucking clue... Je ne pense pas être du genre pessimiste, juste réaliste. La vie, y'a des beaux côtés, y'en a des moches. Les hypocrites du bonheur me foutent la gerbe. Moi, je suis heureux même en sachant que le monde qui nous entoure, c'est de la merde. De toute façon, comment vous dites, déjà... YOLO ? Bitch please, I'm Hindu.
♪ Nacho like an Indian man L'humour noir, le second degrés et tout ce qui s'y rapporte, c'est un peu mon truc. Un peu trop, parfois... des fois ça passe, des fois ça casse ! Oh, et une dernière chose... au cas où vous n'auriez pas remarqué la subtile playlist de ma vie et son acteur principal... Je suis un fan invétéré d'Anirudh. Cherchez pas, écoutez juste. Les gens qui me côtoient assez souvent doivent bien connaître plusieurs refrains à force de m'entendre... ça vous soule ? Perso je m'en fous. Je m'en lasse pas.