i'm going on an adventure ○ libre

I’m going on an adventure !
crédit/ helpfulwriters ✶ libre

Statique, à l’orée de la forêt, Emi admirait la vaste étendue d’arbres. Elle avait décidé de profiter d’un week-end loin du café pour se mettre au vert, se ressourcer et peut-être puiser de l’inspiration pour la prochaine carte du Jardin d’Eden. Avant de s’élancer dans ce labyrinthe de verdure, Emi effectua une dernière check-list mentale de tout ce qu’elle avait mis dans un petit sac à dos en toile (mauvaise idée dont elle prendra conscience par la suite) : gourde, boussole, carte de randonnée, manuel de toutes les plantes comestibles et fruits sauvages, trousse de soin, couteau et téléphone portable. S’estimant parée pour l’aventure, elle s’avança plus franchement et s’enfonçant un peu plus parmi les arbres jusqu’à se laisser engloutir par la végétation. Le regard émerveillée d’Emi se posait partout et plus particulièrement en l’air lorsqu’elle entendait le chant des oiseaux. C’était si apaisant, si calme, si doux pour son oreille encore sensible. Dans un premier temps, elle n’eut aucun mal à trouver et à suivre les panneaux qui indiquaient la direction à suivre, mais à force de se laisser distraire par la beauté de l’endroit, Emi en manqua un ou deux sans s’en apercevoir. Bientôt, elle se retrouva sur un tout autre itinéraire que celui initialement prévu, un itinéraire plutôt conseillé aux randonneurs aguerris et sportifs de haut niveau, ce qu’elle n’était absolument pas. Emi fut surprise de se trouver face à un dénivelé impressionnant, mais entama tout de même son ascension, persuadée que si ça montait, ça finirait bien par redescendre. La pente était rude et semblait interminable. Ses mollets étaient en feu, sa respiration difficile et en voulant prendre appui contre un arbre au bord d’un ravin, mais la terre était meuble et Emi sentit ses pieds se dérober sous elle, la propulsant dans le précipice sans lui laisser une seule chance de se rattraper.

Lorsqu’elle s’immobilisa enfin en contrebas, violemment stoppée par la cime d'un arbre centenaire, sa tête et son corps étaient douloureux. Après un instant à recouvrer ses esprit, Emi prit toute la mesure de la distance qui la séparait de son point de chute et poussa un soupir de découragement. Elle se leva difficilement et se mit à boiter jusqu’au sac qui s’était échoué un peu plus loin. Il ne lui restait plus qu’à appeler les secours ! Malheureusement, le sac s’était déchiré de part en part et tout son contenu s’était déversé le long de sa descente.

« 狗屎 ! » lâcha-t-elle en chinois, langue natale qu’elle n’utilisait plus que pour jurer.

Toujours en boitillant, elle inspecta chaque coin de verdure en quête de son téléphone qu’elle trouva cinq mètres plus loin. Sa joie fut pourtant de courte durée car il n’y avait pas de réseau dans ce coin de la forêt.

« Great ! » s’exclama-t-elle, entre frustration et envie de pleurer. De rage, elle fourra rageusement son téléphone dans le sac, oubliant totalement que celui-ci n’était plus en état d’assurer sa fonction. L’objet passa par le trou et vint s’écraser contre un rocher, endommageant l’écran tactile.

« Emi, you’re so stupid !! » geignit-elle, à deux doigts de la crise de larmes.

Il lui restait bien la boussole et la carte de randonnée, mais elle ne saurait probablement pas s’en servir.

La chinoise entreprit alors de reprendre le chemin en sens inverse, celui-là même qu’elle avait emprunter cul par dessus tête. Sa cheville droite étant douloureuse, elle s’aida des arbres, mais la progression fut lente, difficile et certains endroits impraticables l’obligeait à faire bien des détours, l’éloignant de son objectif quand elle croyait s’en rapprocher.

Bientôt, il ne lui resta plus qu’une option.  

« Help ! Is anybody here ? » cria-t-elle.
Si on pouvait appeler ça crier. A ce niveau-là, seuls les chiens seraient capables de l’entendre et si elle avait été un personnage de film d'horreur, elle aurait probablement été la première victime. Sur cette pensée, elle se mit à frissonner : le décor lui semblait tout de suite plus hostile, un peu à la projet Blair Witch et elle se mit à sursauter au moindre craquement de branche, pourtant provoqué par ses propres pas...

En toute franchise, Clare n’a jamais été une grande fan de randonnée. Mais ça serait mentir de dire que ça ne lui a jamais fait de bien. Plus à l’esprit qu’autre chose, d’ailleurs. Alors depuis plusieurs années maintenant, c’est presque devenu un rituel pour elle. Et pour Barry, parce que si elle est d’accord d’aller crapahuter dans les bois quand elle n’a plus l’impression d’avoir l’esprit assez clair pour fonctionner, elle n’est en revanche pas d’accord d’y aller seule. C’est donc ainsi qu’ils se retrouvent tous les deux, chaussures de marche aux pieds, à devoir regarder où ils les mettent sous peine de se retrouver au fond d’un ravin.
« - Tu sais qu’on n’est pas obligés de faire ça à chaque fois, hein ? Il existe très certainement d’autres moyens pour se vider la tête.
- Ouais, mais peut-être pas aussi efficaces. Ni aussi sains. »
Non, Clare n’est pas en train de faire allusion au fait d’aller prendre un verre en terrasse quelque part. Ou pire encore. Ça fait plus de dix ans qu’elle n’a plus touché à la moindre goutte d’alcool et ça ne risque pas d’arriver de nouveau. Barry devrait le savoir, mais elle imagine aussi que, connaissant ce par quoi elle est passée, il y a toujours un infime risque qu’elle soit tentée. C’est alors que son téléphone se met à sonner, troublant le calme de la forêt et la blonde fronce les sourcils. A chaque fois, c’est la même rengaine : elle n’a pas le droit d’emporter son téléphone, à moins de le mettre sur silencieux, mais lui, en revanche… Bon, elle comprend. Il est psychologue après tout et les urgences, ça arrive.
« Je suis vraiment désolé de te laisser en plan mais tu n’as qu’à continuer sans moi, faut vraiment que j’y aille. »
Il le sait pourtant qu’elle a horreur de ça. D’autant qu’elle ne les connaît pas aussi bien que lui, ces bois. Et si elle venait à se perdre, hein ? Il y pense ? La bonne nouvelle, c’est qu’il n’existe pas d’animaux dangereux dans ce pays. En tout cas pas sur terre. Peut-être bien en mer mais elle n’en est même pas sûre. Et de toute manière, ça ne la concerne pas présentement. Faisant un peu la tête, Clare se laisse embrasser sur la joue. Et abandonner en pleine forêt, donc. Les hommes, je vous jure ! C’est bien pour cette raison qu’elle ne veut de personne dans sa vie. En fait non mais disons que ça se prête à la situation. Elle poursuit donc sa route jusqu’à entendre un appel de détresse. Une voix féminine – et même très aigue - qui réclame de l’aide.
« Oui ? »
Sauf qu’elle ne voit personne.
« Continuez de crier, je vais bien finir par vous trouver. »
Si seulement c’est une bonne idée. Et non un piège. Mais non, on est en Nouvelle Zélande, ici, personne n’est mal intentionné. Ou presque.

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Emi avait cru entendre une sonnerie de téléphone, mais avait lu quelque part que certaines espèces de passereaux étaient capables de reproduire n’importe quel son à l’identique. Ou alors, c’était le fruit de son imagination ? Elle était particulièrement fertile en période de stress puisque la jeune femme s’imaginait déjà la proie d’un quelconque animal sauvage. Hormis les espèces de fleurs comestibles et de fruits sauvages qu’elle était venue cueillir, Emi n’avait aucune connaissance des mammifères qui peuplaient ces bois.
Et là, elle commençait sérieusement à paniquer !
« Help ! Is anybody here ? » répéta-t-elle.
Plutôt que d’augmenter le volume, sa voix partait davantage dans les aigus et bientôt il n’y aurait plus que les dauphins pour entendre son appel à l’aide.
Elle poussa un soupir et rassembla ses forces pour continuer d’avancer lorsqu’une voix féminine répondit à son appel.  
« Oui ? »
« Ah ! Euh... Bonjour ! Quel soulagement !! » s’exclama-t-elle, ravie d’avoir été repérée.
« Continuez à crier, je vais bien finir par vous trouver. »
Puisque crier ne semblait pas être son fort, Emi opta pour faire la conversation. Appuyée contre un arbre et ne pouvant pas se fier à son ouïe, sa tête naviguait à droite et à gauche, scrutant les branchages à la recherche de sa sauveteuse.
« Je suis en contrebas ! Faites attention où vous mettez les pieds, le sol est très meuble par ici ! »
Il ne manquerait plus que l’inconnue se casse la figure, elle aussi.
« J’ai dévalé le ravin, mon sac s’est déchiré, j’ai perdu une bonne partie mes affaires et mon portable est HS. » expliqua-t-elle, toujours fermement collée contre son arbre.
Emi s’autorisa à le lâcher et à s’en écarter lorsqu’elle l’aperçut enfin. Alors, elle agita ses bras dans tous les sens pour capter son attention.
« Je suis ici ! »
Elle ne se calma que lorsque le contact visuel fut établi.
Elle était sauvée !
Si tant est que l’inconnue avait un téléphone portable ou savait se repérer dans les bois.
« Je suis tellement soulagée. Merci ! »
Elle effectua deux ou trois pas boiteux pour venir à sa rencontre.
« Je m'appelle Emi. » se présenta-t-elle avant de demander. « Vous êtes seule ? » demanda-t-elle.

Quand on appelle à l’aide dans la forêt, c’est quand même rarement bon signe. Voilà ce que Clare se dit quand elle entend cette voix. Qui cesse de crier mais se dit soulagée de l’entendre, elle. Ça, elle n’en doute pas. Surtout si la jeune femme à qui appartient cette voix se trouve en mauvaise posture comme elle se l’imagine. En contrebas… Elle s’approche prudemment d’un escarpement d’où le son semble lui provenir et se penche un peu pour essayer de voir s’il y a quelqu’un là en bas. Malheureusement, elle n’y voit rien, trop de végétation. C’est alors que la jeune femme lui raconte sa mésaventure ; la terre est si meuble par-là que celle-ci s’est dérobée sous ses pas, la précipitant au fond du ravin avec bien d’autres désagréments encore.
« Mince, vous n’avez décidément pas eu de chance. »
Qu’elle commente tout en faisant très attention à ne pas se retrouver dans la même situation. Voilà la raison pour laquelle ça ne la branche pas plus que ça de partir en randonnée toute seule. Et si elle n’était pas passée par-là, hm ? Et si personne n’était passé par-là ? Que serait-il advenu de cette demoiselle ? Clare préfère ne pas y penser et contourne le ravin afin de trouver un endroit plus praticable pour la rejoindre. Ce qu’elle finit par trouver. Bien que praticable soit quand même un grand mot. Disons plutôt que si le sol s’effrite sous ses pieds, il y a quand même moyen de s’en sortir et la remontée devrait être plus facile que la descente. Une fois en bas, elle se félicite de ne pas s’être tordu la cheville au passage et son œil est alors attiré par du mouvement. La voilà ! Un sourire s’affiche aussitôt sur son visage tandis qu’elle s’avance vers la jeune femme qui lui répète à quel point elle est soulagée de la voir. Tu m’étonnes…
« Vous vous êtes fait mal ? »
Voilà qui risque d’être légèrement problématique. Mais légèrement seulement parce qu’on dirait bien qu’avec un peu d’aide, elle peut quand même se déplacer. C’est alors que la jeune femme se présente – Emi – et enchaîne ensuite en lui demandant si elle est seule.
« Ravie de faire votre connaissance, Emi, moi c’est Clare. Et malheureusement oui, je suis seule. Moins de dix minutes auparavant, vous seriez tombée sur l’ami qui m’accompagnait mais une urgence a fait qu’il a dû s’en aller. Ce n’est pas grave, je suis certaine que nous nous en sortirons très bien sans lui. »
Ah, Clare et son optimisme débordant mais pas toujours communicatif.

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Emi était toujours un peu secouée, mais rassurée d’avoir enfin été retrouvée aussi rapidement et le sourire de l’inconnue finit de l’apaiser. Elle baissa les yeux sur sa jambe claudicante, évaluant le niveau de douleur.
« J’ai dû me fouler la cheville, mais je vais réussir à marcher. » assura-t-elle, soulignant ses propos d’un hochement de tête déterminé. « Une urgence ? Rien de grave, j'espère ? ». Elle ne voulait pas non plus la retenir au cas où celle-ci devait se rendre au même endroit que cet ami qui avait dû partir précipitamment. Toutefois, la dénommée Clare - puisque c'est ainsi qu'elle se prénommait - était bien décidée à mener cette mission sauvetage improvisée à bien. « Ravie de vous rencontrer Clare - et ce n’est pas peu dire ! - vous avez raison, on s’en sortira très bien toutes les deux, en tout cas vous êtes mieux équipée que moi et vous devez sûrement mieux connaître les lieux aussi. » reprit-elle. L'optimisme de Clare avait déteint sur elle, peut-être un peu trop prématurément. Emi était tellement soulagée d'avoir été trouvée qu'elle n'interpréta pas les signes pourtant évidents que Clare n'était pas du tout une habituée de la randonnée comme elle se l'imaginait. Emi récupéra ce qu’il restait de son sac en toile et entreprit de chercher du regard les objets qui lui appartenaient pour les ramasser à la hâte. « Et puis, si jamais on se perd, vous, au moins, vous avez sûrement un téléphone portable qui capte et qui est en état de marche… ». Elle secoua le sien dont l’écran tactile était fissuré, le rendant totalement inutile. Venir ici, toute seule, sans connaissance du terrain et sans matériel adéquat, c'était vraiment une idée stupide ! « J'étais venue ici pour faire quelques recherches, m'inspirer de la forêt pour mes prochaines créations - je suis pâtissière - on ne peut pas dire que ce soit une réussite. Enfin, si vous passez un jour au café le Jardin d'Eden, la tournée sera pour moi ! ». Lorsqu'elle eut ramassé ses affaires, elle revint vers Clare, un sourire aux lèvres. « Voilà, je crois que j'ai tout ramassé. Je vous suis ! C'est par où ? ». Son ton avait l'enthousiasme de l'enfant impatient.

Voyant que la jeune femme qu’elle vient de rejoindre a un peu de mal à marcher, Clare ne peut faire autrement que de s’enquérir de son état. S’il le faut vraiment, elle peut rebrousser chemin en la laissant là pour aller chercher des secours. Mais celle-ci la rassure vite fait quant à comment elle se sent : elle peut marcher. Bon, de toute manière, la blonde peut aussi lui prêter une épaule sur laquelle se reposer en cas de besoin parce qu’on a beau faire, il s’agit d’un sentier de forêt, autrement dit assez accidenté. Bien, elles vont donc pouvoir y aller. Enfin, après avoir échangé quelques mots tout de même. Au sujet de l’ami qui vient tout juste de la quitter, notamment. Avec un sourire, Clare secoue la tête.
« Non, non, rien de grave. Il est psychologue alors il n’est jamais vraiment l’abri qu’un de ses patients l’appelle en urgences. »
Quand bien même ça n’en était une que pour le patient en question, dans certains cas. Bref, inutile de vous faire un dessin quant au fait que ce n’est pas vraiment un métier facile. Sans se départir de son sourire, elle acquiesce à présent. En tout cas pour ce qui est d’être bien équipée. Pour le reste, ça reste à voir.
« Ah bon ? Je dois en déduire que vous n’êtes pas du coin ? »
Ou tout simplement que la randonnée, ce n’est pas son truc, en fait, ça peut arriver. Mais la formulation l’intrigue. Quoi qu’il en soit, Emi a raison sur un point, son téléphone est en état de marche. D’ailleurs, elle le sort de la poche arrière de son jean, le lui montre en vitesse en enlève le mode silencieux. Puisque Barry est parti, il ne trouvera rien à y redire… Ça serait mal le connaître que de croire ça, cependant.
« Et le plus important c’est qu’on a eu la preuve il y a à peine quelques instants qu’il y avait du réseau. »
Puis la jeune femme lui apprend que si elle était venue ici, c’était pour s’inspirer pour ses prochaines créations et, la détaillant en haussant les sourcils, Clare attend la suite en l’imaginant peintre ou dessinatrice. Mais non, pâtissière en fait. Voilà qui est original, si on lui demande son avis.
« Les forêts noires sont votre spécialité ? »
Ce qui est une blague bien sûr. Dans tous les cas, elle note le nom de la pâtisserie où Emi officie dans un coin de sa tête, se promettant d’y entrer si elle passe devant.
« Je ne manquerai pas de venir voir ça. C’est très gentil à vous. »
Puis, une fois que la jeune femme lui annonce qu’elle a récupéré ses affaires et qu’elles peuvent se mettre en route, Clare tend le bras dans la direction d’où elle vient.
« Par-là. En revanche, c’est pas mal en pente mais je ne vous quitte pas. Faites-moi juste savoir si je vais trop vite pour votre cheville. »