Flashback - Joyeux anniversaire - [Hallenstein Family]

La journée n’avait pas été de tout repos pour Lucy. Après une nuit difficile couplée à une crise d’angoisse dès le réveil, les soins de son principal patient du moment – Lucca – avaient été compliqués, pour ne pas changer. Le jeune homme, ancien sportif de haut niveau, portait en lui une colère qu’elle pouvait tout à fait comprendre, mais qui lui compliquait la vie. Il n’était jamais positif, n’avait jamais un mot gentil ou ne serait-ce que neutre, ne mettait jamais du sien, n’était jamais compréhensif… C’était épuisant. Il était épuisant. Elle se reconnaissait un peu en lui parfois, d’ailleurs. Cette façon de rejeter le monde, de l’inonder de sa colère pour effacer un peu sa douleur. Cette manière de rejeter tout le monde aussi, même si ça elle ne faisait plus depuis longtemps elle. Lucy avait appris à « maîtriser », au moins en apparence, sa colère. Aujourd’hui, elle savait comment aimer ses proches, et comment être aimée. Le chemin avait été long et tortueux, et il était loin d’être terminé selon sa psychiatre, mais elle était en bonne voie. Lucca n’en était pas encore là, et elle savait que cela prendrait du temps. C’était aussi pour cela qu’elle s’accrochait autant à ce patient, parce qu’elle voulait l’aider comme sa famille adoptive l’avait aidée. Donc oui, il la vidait de son énergie ; oui, il lui fallait des efforts surhumains pour contrôler ses émotions face à lui ; et oui, elle mettait beaucoup plus de temps avec lui qu’avec n’importe lequel de ses patients. Mais ce n’était pas grave. Si elle pouvait l’aider, elle le ferait…
Elle était donc épuisée, ce soir-là. Bien loin d’avoir assez d’énergie pour se rappeler quel jour on était, elle était très loin de se douter de ce qui l’attendait chez elle. Comme chaque soir, écouteurs vissés sur les oreilles, elle tourna la clé de son appartement dans la serrure et, en ouvrant la porte, passa sa main sur le côté pour chercher l’interrupteur…

Une chose est sûre, pour les dates d'anniversaire, je ne suis pas très douée. Pas très douée, sauf pour celles qui touchent ma famille — et bien sûr, ça n'a rien à voir avec les nombreuses conversations WhatsApp créées en amont pour trouver des idées de cadeaux. En avril, c'est à Lucy de souffler ses bougies et par chance, grâce à un calendrier dessiné au début de chaque mois, je savais dès le départ que je serais disponible pour faire un petit quelque chose. J'ai laissé le temps faire et j'ai attendu qu'elle lance les invitations, mais malheureusement, rien est arrivé — ou alors, elle ne m'a pas invitée.. Pour en savoir un peu plus, je sonde les différents membres de ma famille et visiblement, Lucy n'a pas pris le temps d'organiser quelque chose. Avec son travail et la cruauté que peut faire preuve l'un de ses patients, est-ce que ça ne serait pas une bonne idée de faire un geste pour elle ? Même s'il est petit, cela pourrait lui faire du bien. Et puis, je ne parle pas d'une fête avec une cinquante d'invités : juste quelque chose entre nous et éventuellement quelques amis à elle — ceux que nous pourrons contacter. L'idée d'en faire une surprise n'arrive que plus tard, lancée par nos parents. Bien que pas très fan de cette pratique — de peur que cela ne plaise pas, je finis par me ranger de leur côté et par mettre la main à la tâche pour que la fête soit à la hauteur. Rory et moi nous occupons de faire plusieurs plats, salés et sucrés, pour les végétariens et pour ceux qui ne le sont pas. J’essaye de me tenir à une quantité raisonnable, mais j’ai comme l’impression qu’il y en aura de trop. Le jour J, je passe à la maison familiale pour récupérer le double des clefs de son logement — nous en avons tous un chez nos parents. Je glisse toute la nourriture dans le réfrigérateur et m’attaque à la décoration. Ce n’est pas mon domaine de prédilection, mais ne pas être de garde semble me faire pousser des ailes ! Quelques dizaines de minutes avant la fin du travail de Lucy, je suis rejointe par les autres invités. Si nous discutons un peu entre nous, le calme se fait entendre lorsque la brune est aperçue en bas de son appartement. La lumière est éteinte et le silence se fait, jusqu’à ce que la porte s’ouvre et que l’interrupteur soit activé. « Surprise ! » Je souffle dans l’un des objets trouvés par mes sœurs. Par chance, celui-ci ne donne qu’un effet visuel et non sonore. « Joyeux anniversaire petite sœur ! » Je ne sais pas encore si cette surprise l’emballe, mais je suppose qu’on le saura bien assez vite.