My Rainbow ft Romi

Ça faisait maintenant une petite semaine que Joan avait eu sa discussion avec la jolie lieutenant des pompiers. Et le moins qu'on pouvait dire, c'était qu'elle n'avait eu le temps de rien depuis que sa nouvelle amie était partie. Elle avait passé des jours d'enfer, rentrant chez elle encore plus tard que prévue et ne songeant qu'à prendre une douche avant de dormir tout son saoule. Si bien, que la psy n'avait pas eu le temps ni le courage de prendre son téléphone pour envoyer un message à Romi. Et, visiblement, elle n'en aurait pas eu le temps avant un moment. À croire que tous les adolescents d'Islandbay s'étaient donnés le mot pour pourrir le peu de relations sociales que Joan cherchait à avoir.

Heureusement, alors qu'elle était en train de manger un sandwich sur le pouce, elle reçut un mot de la jolie brune. Parfait, cette petite sortie lui ferait le plus grand bien mentalement. Dire qu'elle avait eu l'air d'une gamine parlant à son crush en textant était un euphémisme. Elle était complètement niaise. Le reste de la journée se passa à nouveau dans la course et lorsque la fin de sa garde sonna, elle était épuisée et très impatiente. La docteure prit une douche rapide et enfila une chemise propre ainsi qu'un jean. Joan attrapa son beau parapluie transparent et fourra sa blouse dans son sac par automatisme.

C'était une vraie pile électrique. Elle se coiffa à peine, préférant laisser ses cheveux longs et se maquilla légèrement avant de foncer à sa voiture. Ne pas être en retard, ne pas être en retard. Joan lança waze et roula rapidement jusqu'au fameux bar. Elle trouva une place juste à côté de l'entrée et regarda l'heure rapidement. 21h10. Parfait. La psy soupira et sortit, ne prenant que son portefeuille et son portable qu'elle fourra dans ses poches. Joan était un peu intimidée non pas par le côté LGBT du bar mais plutôt par le monde et surtout par le fait de juste... SORTIR. Elle inspira longuement et franchit les portes du lieu, un léger sourire aux lèvres. Romi était-elle déjà arrivée ?

my rainbow
crédit/ tumblr ✶ w/joan

« Ne rentre pas trop tard. » À cette réflexion, je ne peux m'empêcher de tourner la tête vers ma sœur. Rappelez-moi, qui de nous deux est sortie de l'adolescence il y a seulement quelques années et qui a le plus de chances de faire des bêtises en soirée ? Bon.. d'accord, je dois avouer que Rory n'est pas le genre de filles à être compliquée, de celles qu'il faut aller chercher au commissariat car elle s'est fait prendre lors d'une soirée clandestine. Finalement, elle n'a peut-être pas tort : de nous deux, je suis peut-être celle qui se rapproche le plus d'une adolescente. Depuis la réponse de Joan à mon message, je n'arrive plus à tenir en place. Heureusement que Lilly était là pour m'occuper l'esprit, sinon le temps jusqu'au rendez-vous m'aurait semblé être une éternité. À coup de coloriages, de constructions en tout genre et de sorties dans le jardin. Même si j'étais impatiente d'arriver dans ce bar, je ne voulais pas pour autant bâcler le temps que je pouvais passer avec ma fille : les jours où je ne suis pas à la caserne, chaque minute est importante, surtout à la vitesse à laquelle elle grandit. Ce n'est qu'à l'arrivée de Rory que je me décharge un peu, laissant la petite fille à ma sœur, pour aller vider mon armoire à la recherche de ce que je pourrais bien enfiler. J'ai dit à Joan qu'il n'y avait pas de code vestimentaire strict, qu'une tenue classique ferait l'affaire, et pourtant, je ne peux m'empêcher de me prendre la tête. Depuis Alice, j’ai déjà eu l’occasion de voir des gens, femmes et hommes, mais jamais ils ne ressemblaient à mon épouse. Alors forcément, je crois que je me mets une pression supplémentaire. Une pression que je dois garder pour moi, puisque mes proches pourraient me prendre pour une folle s’ils découvraient qui était vraiment Joan. Après de longues minutes, je me décide sur un jean noir et un débardeur – je rajouterais une veste en cuir pour quitter la maison et ce sera suffisant. Lorsque l’heure arrive, j’ai eu le temps de m’attacher les cheveux et de légèrement me maquiller. Pour rien au monde, je n’aurais voulu arriver en retard à ce premier rendez-vous. D’ailleurs, malgré un peu de monde sur la route, j’arrive à vingt-et-une heures et quelques au bar. En retard ? Non, je suis même en avance. Je pousse la porte du Rainbow et m’installe à l’une des tables. J’ai rapidement regardé les personnes présentent dans la pièce et personne ne ressemblait à la jeune femme, mais au besoin, je me déplacerais. « Joan ! » Après seulement quelques minutes, la brune arrive enfin. Je me lève et fais signe à la psychiatre. « Je me suis mise à cette table, mais nous pouvons changer. » Dis-je, alors qu’elle s’est avancée jusque moi. « Qu’est-ce que tu veux boire ? » Il y a du monde ce soir, alors je suppose qu’il faut aller commander directement au comptoir.

La jeune femme était aussi excitée qu'un acarien au salon de la moquette. Elle avait vraiment envie de revoir la jolie Romi après la semaine qu'elle venait de passer. Son simple message avait illuminé la journée compliquée de la psy et l'avait rendue étrangement plus courte. Elle était sur un petit nuage, avait l'impression que personne ne le remarquait alors que ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Ses collègues la taquinèrent même. Elle, la casanière allait sortir ! Dans un BAR ! Quel exploit ! Mais, Joan était bien trop heureuse pour se rendre réellement compte des moqueries, préférant se concentrer sur son travail ou sur la vision de sa nouvelle amie.

Il fallait bien avouer que malgré son impatience, elle était aussi nerveuse. On aurait vraiment dit une adolescente. Alors, elle prit le temps d'inspirer longuement avant de sortir de la voiture et de pénétrer dans le bar. Elle jeta un oeil sur les gens assis, cherchant Romi des yeux et l'entendit avant de la voir. Joan la salua de la main et franchit rapidement les quelques mètres qui les séparaient. « Bonsoir Romi ! C'est parfait ! » Elle sourit un peu, la brune et s'installa sur la chaise après avoir retiré sa veste.

« Oh, mh, une bière légère s'il te plait ! Ce sera parfait. Tu veux que j'y aille ? » Joan lui sourit, ne pouvant s'empêcher d'admirer un peu sa jolie amie. Elle était vraiment belle, juste ce qu'il fallait. La psychiatre passa un peu ses yeux sur le bar lui-même, l'ambiance était vraiment sympa, la musique pas trop forte et les gens semblaient tous calmes. « J'aime beaucoup cet endroit, comment tu vas ? Tu étais en repos alors ? » Elle sourit un peu, jouant avec une mèche de ses cheveux par automatisme. Joan était un peu tendue, quand même. Son premier rencard depuis combien de temps ? Des mois. Vraiment, elle travaillait beaucoup trop.

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À la seconde où je vois la jeune femme franchir le pas de la porte, je réalise que tout ceci est bien réel. Et même si je ne peux m’empêcher de me revoir quelques années en arrière, à nos premiers rendez-vous avec Alice, je dois me rappeler que ce n’est pas elle qui se trouve face à moi aujourd’hui. Une partie de moi le sait très bien, mais l’autre essaye toujours de faire la connexion avec mon épouse, mon ancienne épouse : le même sourire, le même regard et pourtant, un ton de voix différent, un rire aussi. Et avec le temps, les rendez-vous que je vais pouvoir avoir avec elle aussi, je vais devoir réussir à déterminer s’il n’y a que cette ressemblance avec Alice qui me plaît ou s’il y a autre chose. De ce que j’ai pu voir à l’hôpital, nous pouvons nous entendre et puis, si nous sommes toutes les deux là ce soir, c’est déjà une bonne chose : l’intérêt que nous nous portons est partagé. « Non, laisse. Ta journée a sûrement dû être longue. » Alors que la jeune femme s’installe à notre table, je me lève pour aller commander nos boissons au comptoir. Malgré l’affluence du soir, je ne tarde pas à me faire servir et par conséquent, à revenir auprès de Joan. Je dépose les deux bières sur la table et en pousse une un peu plus vers elle. « Et voilà. » Je reprends place face à elle, un large sourire sur les lèvres. « Oui, je reprends demain. C’est d’ailleurs pour cela que je n’ai que la permission de minuit ce soir. » Je ne suis pas tout à fait sérieuse, puisque personne ne m’impose une heure de retour. Mais dans les faits, me coucher à une heure raisonnable n’est pas une si mauvaise idée si je souhaite assurer un minimum demain – et ainsi éviter un tour aux urgences, un tour qui ne serait pas pour des patients. « Nos emplois-du-temps ont visiblement pris des directions opposées. » Je ne sais pas comment fonctionne ses gardes, mais pour moi, c’est trois jours à la caserne, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, puis trois jours à la maison où je ne travaille pas – du moins pas à la caserne, car il m’est déjà arrivé d’aider mon père à son entreprise. « J’espère que ta journée n’a pas été trop compliquée ? » Sinon, peut-être que Joan aurait préféré être ailleurs qu’ici ce soir, chez elle par exemple. « Tu n’as sûrement pas envie de parler boulot. Même si je me dis que le tien peut apporter son lot d’histoires et de surprises. » Après.. peut-être que dans son cas, quand on est affecté aux urgences, ce ne sont pas toujours des récits joyeux que l’on a raconté.

Pourquoi elle plutôt qu'un autre ? Joan n'en savait vraiment rien. Elle avait l'impression que quelque chose la liait à cette femme incroyablement belle et visiblement intelligente. Sans doute que si ça avait été quelqu'un d'autre, la jeune femme n'aurait pas accepté. Même si son mental était encore plus épuisé que son physique et qu'un peu de distraction ne lui aurait pas fait de mal, la docteure aurait sans doute refusé si ça n'avait pas été Romi. Alors, elle lui sourit doucement en la remerciant du regard lorsque la demoiselle prit les devants pour aller chercher les boissons. Joan s'était installée et devait se retenir de frotter ses yeux fatigués. FOUTU MAQUILLAGE. « Merci beaucoup ! » Elle sourit et trinqua avec la femme pompier avant de boire une gorgée.

« Oh je vois, un esprit saint dans un corps saint. » Elle rit un peu avant de s'adosser à sa chaise, admirant la jolie Romi en face d'elle. Joan ne put s'empêcher de rire un peu en l'entendant, constatant le désastre de son emploi du temps en ce moment. « Hé bien, j'aurais du être en repos hier et aujourd'hui mais, certains de mes patients ont eu besoin d'aide et mes collègues étaient débordés. » Mais, elle allait pouvoir se reposer les trois prochains jours avant de reprendre sa vie normalement. Enfin, on l'espérait, hein. Avec leurs métiers, c'était forcément compliqué, cette normalité qui était la leur.

« Oh ne m'en parles pas. Quelle journée de fou. Des fois, j'ai l'impression que tout le monde se ligue pour avoir besoin d'aide le même jour. » Elle poussa un profond soupire avant de boire à nouveau et de se redresser pour se rapprocher un peu plus de la table, un sourire malicieux aux lèvres. « Après quelques verres, je te raconterais les pires histoires que j'ai pu connaître.... Mais dans l'ensemble, ça n'a pas été si fou aujourd'hui. » Joan effleura doucement la main de Romi presque comme si elle avait peur de la briser. Gênée, elle se reprit et se contenta de poser sa main sur sa table. « Et toi alors ? Ta journée ? Tu as sans doute due la passer avec ta fille. J'espère que tu as pu te reposer ! D'ailleurs, merci pour l'invitation, ça me fait vraiment plaisir d'être là avec toi. »

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crédit/ tumblr ✶ w/joan

Un esprit sain dans un corps saint, c’est ça. À quelques exceptions près, bien sûr. Sinon, je doute que je serais autorisée à être ici ce soir. Lorsque j’évoque nos emplois du temps différents – alors qu’ils étaient plus ou moins identiques il y a quelques jours encore – la jeune femme m’explique que si le sien a été changé, c’est parce que des patients avaient besoin d’aide et je ne peux m’empêcher d’être admirative de l’attachement qu’elle porte à son boulot. Même si c’est quelque chose que l’on est censé aimer, je ne sais pas si tout le monde aurait agi comme elle. L’avantage à tout cela, c’est qu’elle a potentiellement de nouvelles histoires à raconter, des anecdotes toutes fraîches. Ce n’est d’ailleurs qu’après plusieurs verres qu’elle acceptera de se confier. « Quelques verres ? » Dis-je, légèrement amusée. Je ne comptais pas la saouler, mais si elle devient un peu plus bavarde, alors l’idée n’est peut-être pas si déplaisante. Dans la limite du raisonnable bien sûr et si elle en arrive là, je m’assurerais qu’elle rentre chez elle en sécurité – en appelant un Uber ou en la ramenant directement chez elle, moi-même. Si sa journée a sûrement été éreintante, cela ne l’empêche pas de m’interroger sur la mienne, qui a été pour le coup bien plus calme. « C’est ça, je l’ai passée avec Lilly. » Tout naturellement, un sourire se dessine sur mes lèvres à la simple évocation de la petite fille. « S’il m’arrive quelque chose un jour, je pourrais probablement me reconvertir en faiseuse de bracelets de perles ! » Je ne sais pas si cela colle vraiment à la définition de reposant, mais au moins, avec ma phrase, Joan a une idée de ce que j'ai eue l'occasion de faire aujourd'hui. « Je pourrais t'en faire un, un jour, si tu veux. » Ou Lilly. Car il faut être honnête, de nous deux, c'est bien elle qui a du talent pour ça. « Là, je l'ai laissé devant un film. J'espère qu'elle n'aura pas la bonne idée de zapper sur un film d'horreur. » Par chance, cette conclusion ne peut pas arriver – du moins, pas sans la complicité de Rory – puisqu'il y a un contrôle parental sur la télévision. Du haut de ses quatre ans, la petite fille devient de plus en plus intelligente et ce n'est pas l'envie de zapper sur d'autres programmes qui lui manque. « Si ça peut te rassurer, je rigole. Elle a seulement quatre ans, alors je l'ai laissé avec quelqu'un de confiance. » Je ne voudrais pas qu'elle se fasse une mauvaise image de moi, ou alors des choses que j'essaye d'inculquer à ma fille. Après que tous ces mots soient sortis de ma bouche, je viens boire une gorgée de ma boisson, avant de finalement reporter mon attention sur la brune. « Merci à toi d'avoir accepté. » Bien sûr, je n'ai pas oublié ce qu'elle a pu dire un peu plus – ce serait mal me connaître que de penser ça. « J'espère que je pourrais être la lumière de ta journée, celle qui te fera oublier que c'était un peu sport pour un jour de congé. » Pour un jour qui était censé être comme ça plutôt. « Peut-être que tu veux quelque chose à manger avec ta bière ? Ils doivent sûrement avoir de quoi grignoter ici. »