i was a mess (rory)

À en voir l’état de ma chambre, je ne passe pas beaucoup de temps à la ranger. En même temps, pourquoi le faire quand un bazar organisé suffit au quotidien ? Cependant, il faut croire qu’aujourd’hui, une mouche m’a piquée — ou alors l’envie de faire un peu de tri — puisque me voilà à faire et défaire les différents tas agglutinés dans les différents coins de la pièce. L’envie de bien faire.. c’est d’ailleurs pour cette raison que quelques heures plus tard, je suis toujours là, avec la sensation de faire un pas en avant et deux en arrière. Je tombe sur certaines choses, que j’avais oublié, et je me retrouve à revoir ce qui les a amené ici. Du bordel, encore et toujours, jusqu’à ce sweat. Il me faut quelques minutes pour me souvenir d’où il vient. Vu l’état dans lequel j’étais, ce soir-là, encore affectée par ma rupture avec Sofia, il n’y a rien d’étonnant à ce que ce ne soit que des bribes de souvenirs qui me reviennent à l’esprit. Le lendemain, bien décidée à rendre sa tenue à la jeune femme, je la prends avec moi à l’université : j’ai une pause dans la matinée, alors j’irai lui amener — Abby m’a indiqué à quelle salle je devrais la trouver autour de mon heure de pause. L’heure arrivée, je me déplace jusqu’à cette fameuse salle et attend que du mouvement se fasse à l’extérieur. Après quelques minutes d’attente, les premiers étudiants sortent. Tous des inconnus pour l’instant, jusqu’à ce visage qui m’est plus familier. « Rory ! » Je décide de l’interpeller avant qu’elle ne se mêle à la foule et qu’elle disparaisse vers un autre endroit. « Salut. Je ne te dérange pas ? Ça ne durera pas très longtemps de toute façon. » Un sourire se dessine alors sur mes lèvres. C’est la sœur de ma meilleure amie et je l’ai déjà vu plusieurs fois, mais on ne peut pas pour autant dire que l’on se connaît vraiment et je ne voudrais pas lui faire peur à lui sauter dessus. « Je faisais un peu de rangement dans ma chambre et je suis tombée sur ça. » De mon sac entre ouvert, je sors un sweat à capuche. « C’est à toi, si je ne me trompe pas. » On ne peut pas vraiment dire que j’avais l’esprit éclairé le jour où je l’ai récupéré. Néanmoins, je me souviens vaguement de la boulette que j’ai fait en me trompant d’Hallenstein sur mon téléphone. « D’ailleurs, je voudrais te remercier. Encore. Tu n’étais pas obligée de venir ce soir-là. » Ou alors, elle aurait pu envoyer sa sœur. Même si celle-ci devait deja certainement être dans les bras de Morphée — quand on n’est pas dérangé par quelqu’un d’alcoolisé en pleine nuit, ça aide.

Ce sweat ne m’inspirait qu’une seule personne et si Rory avait fait une tête bizarre à la découverte du vêtement, alors je ne sais pas ce que j’aurais fait. Je me serais retrouvée à le ramener chez moi et à me poser un bon nombre de questions pour trouver le vrai propriétaire. Avec le temps, j’aurais peut-être fini par le mettre dans mon armoire, surtout que ça reste le genre de vêtement que je pourrais porter. L’objet rendu à la jeune femme, je ne peux m’empêcher de la remercier pour ce qu’elle a fait ce jour-là. Il était tard et malgré ça, elle a quand même accepté de me rejoindre, comme si c’était elle ma meilleure amie. Je ne sais pas si c’est naïf de ma part de dire cela, mais je suis quasiment sûre qu’un bon nombre de personnes n’aurait pas fait cela, peu importe qui appelait. Et en plus de tout cela, elle semble s’inquiéter pour moi et des conséquences que cela pourrait avoir sur mon amitié avec sa sœur – si j’avais fait le choix de lui cacher. « Ne t’en fais pas, Abby est au courant. Une rupture, ça reste rarement secret très longtemps. » Surtout pour une relation qui commençait à durer. Après, est-ce qu’elle est au courant pour cette nuit-là, pour le fait que j’ai appelé sa petite sœur par accident ? Je ne sais pas, mais sur le moment, ça n’avait pas vraiment d’importance. Et ce n’est pas comme si j’avais mis Rory dans une situation compromettante. Enfin, je crois.. de ce que j’arrive à me souvenir, ce n’est pas arrivé. Dans le cas inverse, j’espère que la jeune femme a réussi à rester droite dans ses bottes. « Et pour être honnête, je l’avais appelé quelques jours pour tôt, pour une situation similaire. Ici même, cette fois-ci. » Et pour le coup, je n’avais pas manqué mon appel. D’ailleurs, il me semble même que c’était des messages. Des messages qui n’avaient aucun mal à traduire l’état dans lequel je me trouvais. « Rassure-toi, je ne fais pas que ça. » Consciente qu'il est possible de comprendre plusieurs choses à tout cela, je décide de poursuivre. « De boire. J'étais juste dans une mauvaise passe. » Qui commence maintenant à remonter, par chance. Mais j'ai conscience que je suis tombée bien bas après le départ de Sofia, sûrement parce que c'était la première relation qui comptait pour moi, la première dans laquelle j'étais vraiment investie, celle où j'avais avoué mes sentiments pour une fois. « C'est d'ailleurs passé. Je m'en tiens aux soirées avec mes amis maintenant, pour les excès. » Disons que c'est plus cadré maintenant et que les excès du genre reste un peu plus rares. Peut-être qu'à force, grâce à ces quelques épisodes, je suis aussi devenue un peu plus résistante à l'alcool. J'en doute, mais c'est toujours agréable de se dire que peut-être, je suis un peu moins en proie aux effets inhibiteurs des boissons. « Mais merci, vraiment. Qui sait sur qui j'aurais pu tomber si je n'avais pas cherché à joindre une Hallenstein ? » Techniquement, je ne crois pas avoir de mauvaises personnes dans mon répertoire. Mais peut-être que l'on est jamais vraiment à l'abri d'une surprise. Et puis, dans le fond, je dois avouer qu'il est agréable de se dire que des personnes sont prêtes à me venir en aide, que l'on se connaisse super bien ou un peu moins, et encore plus que ce sont deux sœurs – comme quoi, leur éducation a été bien faite. « Est-ce que tu as quelque chose de prévu ? Je crois que c'est l'heure parfaite pour un en-cas et je te dois bien ça. » Si je ne me trompe pas, j'ai encore quelques minutes devant moi et puis, je peux toujours utiliser l'excuse de mes troubles alimentaires si j'arrive en retard à l'un de mes cours – même si pour le coup, ce n'est pas cool de me servir de cela.

Vu comment la brune m'a vue ce soir-là – enfin, je suppose – je n'ai aucune raison de lui mentir aujourd'hui. Et puis, si ça ne vient pas de moi, ça pourrait facilement venir d'Abby. Je ne dis pas que ma meilleure amie serait du genre à s'étaler un peu trop sur ma vie quand il ne le faut pas, mais disons que parfois, certains détails nous échappent, des détails que nous pensons totalement courants. Et puis, qu'est-ce qui est le mieux aux yeux des autres ? Une personne qui abuse un peu trop de l'alcool – pour ne pas dire ivrogne – ou quelqu'un qui s'est retrouvé avec le cœur brisé ? « Un peu plus d'un an. » Dis-je, en réponse à sa question, alors qu'une grimace se dessine sur mes lèvres. Sur toute une vie, ce n'est finalement pas grand-chose, mais pour moi, c'était beaucoup. C'était d'ailleurs ma plus longue histoire et peut-être que les choses auraient été différentes si finalement Sofia n'était pas partie pour Auckland. C'est quelque chose que nous ne saurons pas, malheureusement et pour être honnête, je ne suis pas certaine d'être prête à retenter l'aventure, du moins pas de sitôt. À la remarque de la jeune femme, je ne peux m'empêcher de sourire. Est-ce qu'il faut être stupide pour me laisser partir ? Je ne suis peut-être pas la mieux placée pour répondre. Même si en étant totalement franche, je ne suis pas certaine d'être la plus facile à vivre au quotidien. La conversation suit son fil et j'en arrive à lui confier que la dernière fois où sa sœur m'a retrouvé dans un sale état, c'était ici, à l'université. Une information qui semble la surprendre, à la hauteur de ce que j'attendais. Les bâtiments que nous parcourons chaque semaine ne sont pas fait pour une petite beuverie, normalement. « Les toits de certains bâtiments ont une vue plutôt pas mal.. » Je viens naturellement hausser les épaules pour accompagner mes propos. Par chance, tout cela ne fait plus partie de mon quotidien maintenant – même s’il est toujours agréable de prendre un peu de hauteur – et pour ça, je dois sûrement remercier mes anges gardiens. Des personnes bienveillantes qui ont su me ramasser à la petite cuillère sans émettre le moindre jugement. Le fait que les deux sœurs Hallenstein en soient m’amuse et forcément, je ne trouve rien de mieux que de flatter un peu l’égo de la brune en évoquant ce point. Cependant, comme elle le souligne, j’aurais peut-être pu tomber sur pire. « Mon ex ? Peut-être qu’elle aurait répondu, mais je doute qu’elle serait venue. Elle n’est plus dans le coin. » Et encore, vu la communication qui existait entre nous lors des dernières semaines, je ne suis même pas sûre qu’elle aurait finalement pris la peine de répondre. Quoique.. en plein milieu de la nuit, elle se serait peut-être dit que quelque chose n’allait pas – ou à l’inverse, elle aurait compris que c’était l’alcool qui agissait à ma place. Pour la remercier de son geste, je ne tarde pas à proposer à Rory de lui offrir de quoi manger, si jamais elle n’a rien d’autre de prévu. Visiblement, non. Du moins, pas avant quelques heures. Un point que nous avons en commun. « Je n'ai plus que deux heures, en fin de journée. » Deux heures de sport, il faut aimer ça pour accepter de rester ici pour ça, je suppose. Mais forcément, ça va plutôt bien avec mon cursus. En réalité, pendant plusieurs années, les premières que j'ai passées ici, le sport était ma matière préférée, celle qui faisait que je m'accrochais à mes études. « En communication et management sportif. Très abstrait dit comme ça, mais globalement, dans l'idéal, je pourrais devenir l'agent de sportifs plus tard. » Quand je parle seulement du nom de ma filière, les gens ont tendance à ne pas comprendre, alors avec le temps, j'ai pris l'habitude de préciser le débouché qui va avec. « Et toi ? Il me semble que tu es dans quelque chose de plus intellectuel. » Je ne dis pas qu'il n'y a que des idiots dans mon cursus, mais mes cours demandent peut-être un peu moins de rigueur ou d'apprentissage « par cœur » comme le sien. Pour revenir à cette idée de repas, Rory me questionne sur l'endroit où nous pouvons aller. « La cafétéria, c'est très bien. Sauf si tu préfères prendre quelque chose à emporter et découvrir ces fameux toits.. » Je la regarde, un sourire taquin sur les lèvres. « Par contre, je dois te dire que techniquement, nous n'avons pas le droit d'y monter. » Je préfère être honnête avec elle, même si elle doit sûrement s'en douter : rares sont les personnes qui s'y rendent et clairement, aucun panneau n'indique qu'il est possible de franchir les portes qui y mènent. Qu'est-ce que je fais là.. j'espère qu'Abby ne m'en voudra pas d'emmener sa petite sœur dans de sales coups comme ça.