En bonne compagnie. Feat Ollie.

J'ai eu une de ces faims. Une chance pour moi, il est presque midi, ce qui veut dire qu'il aura encore des trucs mangeables à la cafétéria. Enfin, tout est relatif. Autre point positif cela signifie que je vais pouvoir manger avec Heather. Heather est une collègue à moi et surtout une bonne amie. On a bien rigolé quand je l'ai invité chez moi pour "prouver" à Jayden que je n'étais pas complètement asociale. Ils se sont bien foutu de ma gueule quand même. Mais, c'était sympa.

Ainsi, je me dirige vers le réfectoire de l'hôpital, aussi pressée que je suis, je ne peux marcher que doucement, trop fatiguée pour accélérer le pas. Je croise Blondie sur le passage, je lui adresse un sourire polie. Enfin, un demi-sourire du moins, j'ai du mal à faire semblant. Je ne l'aime pas, je ne vais pas faire comme si. Arrivée à la cafétéria, je cherche Heather du regard. Je ne la vois, elle ne doit pas être dispo pour le moment. J'espère qu'elle n'a pas été appelé en urgence, en ce moment je n'aime pas trop rester seule, je pense trop. Entre l'arrivée de mon père, la fausse relation que j'entretiens avec Saad et la découverte d'une soeur dont je ne sais rien, je pète un peu un plomb pour être honnête. Alors, j'essaie de ne plus y penser. Mais, ce n'est pas si facile, cela-dit ça m'est moins dure quand je discute. Bon, pour le moment, elle n'est pas là, alors je me décide à aller chercher mon plateau repas et à m'asseoir à une table seule. Je préfère ne pas déjeuner seule, certes, mais cela ne veut pas dire pour autant je vais manger avec n'importe qui. Soit Heather, soit Tara, soit personne. Finalement, lorsque je commence à entamer mon repas, Heather pointe le bout de son nez. "Ah.. Ollie, si tu savais comme j'suis contente de te voir." Elle prend place à côté de moi et sort son repas, apparemment fait maison. Voilà qui est intelligent, j'aurais du faire de même mais, comme je ne pensais pas manger à l'hôpital... Je lui rends son sourire et décide de la taquiner un peu : "Bien sûr que tu es contente de me voir, je suis formidable." Plus sérieusement, je pense qu'elle a quelque chose à me raconter et ça, j'aime bien. Ce sera un bonne distraction. Les histoires d'Heather sont souvent intéressantes et on se prend vraiment à vouloir connaître la suite. "Tu ne devineras jamais qui vient de me contacter par message ce matin !" Ouh, ça annonce du croustillant. Poussant quelque peu mon plateau, je pose la tête sur mes mains, exagérant un air intrigué. "Dis moi tout ! Et n'omets aucun détail surtout." Je ris doucement, attendant impatiemment de savoir de quoi il s'agit.

C'est ça que j'aime chez Heather, on plaisante, on rit, tout ça sans se prendre au sérieux. Il y a tant de personne "premier degré" dans ce monde, c'est navrant. Et ce n'est pas du logisme, non, non. Moi je suis logique et pragmatique, je suis médecin, une femme de science. Cela dit, ça ne m'empêche pas de savoir rire de moi-même ou des autres. J'adore l'ironie, je trouve que ça dédramatise tout. Ainsi quand j'ai dit être formidable à ma collègue, elle a rétorqué  : "Tes chevilles ne seraient-elle pas en train d'enflées ?" Vous voyez, je ne le prends pas mal ? Non. Je sais qu'elle plaisante et moi aussi d'ailleurs. Ainsi, je ris quelque peu avant de me me pencher vers elle, comme si j'étais sur le point de lui raconter un secret. "Ça fait des années que je ne passe plus les portes voyons." L'autodérision, ça ne fait pas de mal non plus. Ni une, ni deux, la discussion s'enclenche. C'est comme ça dans les milieux médicaux, on n'a pas le temps de prendre son temps (petit jeu de mot ridicule au passage).  Et quelque part, c'est mieux comme ça. J'ai toujours été dynamique, je me rappelle que, quand j'étais petite, ma grand-mère m'engueulait en me disant de ne pas être si "speed". Moi, je ne vois pas ce qu'il a de mal à être rapide, efficace. Vite fait bien fait comme on dit.

Ainsi, Heather me parle de ce gars qu'elle a revu il y a peu. Si mes souvenirs sont bons, ils se sont vus il y a un moment et il est parti sans un mot. Ça avait beaucoup blessé Heather. Les hommes comme ça, je les castrerait personnellement, ça leur donnerait une leçon. Ceci-dit, ça corrobore bien ma théorie selon laquelle les relations de couple sont toutes vouées à l'échec. "Tu te rappelles de cet homme que j'ai croisé après plusieurs années sans même avoir ne serait-ce qu'un message de sa part ?" Pour le coup, oui, je me rappelle bien de lui. Même si je ne sais pas de qui il s'agit vraiment. Non pas que j'ai vraiment besoin de le savoir. Il y a déjà une étiquette collé sur son front avec noté crétin dessus de toute manière. Pour moi, les personnes comme ça, se ressemblent toute, alors à quoi bon connaître leur identité ? "Oui, oui, je vois. Tu as eu des nouvelles de lui ?" J'imagine que si elle m'en parle, c'est que c'est le cas. Je ne suis pas sûr que ce soit forcément une bonne chose mais, j'attends d'avoir toutes les informations avant de me prononcer.  "Il m'a envoyé un message tout à l'heure pendant que j'étais en consultation. Je ne sais pas comment il a fait pour obtenir mon numéro mais à vrai dire je m'en fous un peu. Tu crois que c'est bon signe ?" C'est qui ce gars ? Comme il a fait pour avoir son numéro ? Il fait parti des services secrets ou quoi ? Je plisse les yeux un peu perplexe. Je me demande vraiment, même si ce n'est pas son cas, comment il a pu obtenir son numéro. Ce n'est pas comme si ça se trouvait dans le bottin. "En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'il est motivé." Je ris légèrement en prenant une bouchée de mon repas. Cette histoire est pour le moins intriguante en tout cas. "Je dois le voir ce soir, j'ai proposé qu'on se retrouve après mon service. J'ai bien fais tu crois ? J'aurais peut-être mieux fait de le faire attendre un peu non ?" Heather, elle, a l'air d'avoir envie de le revoir visiblement puisqu'elle lui a proposé de se retrouver après son service. Cependant, elle est hésitante, je me décide à la rassurer. Maintenant qu'elle a pris cette décision, rien ne sert de le regretter, ça n'avancera pas le schmilblique. "Le faire attendre ne sert à rien, il veut te voir, tu veux savoir pourquoi, rien de plus normal. À toi d'avoir l'air détachée quand tu le retrouveras. Le tout est de savoir ce qu'il te veut. Essaie de le cerner, de voir pourquoi il revient après tout ce temps."

Ce ne serait pas plus mal, en effet. Il faut faire attention avec les gars dans son genre, bien vite, il peuvent vouloir vous mettre dans leur lit avant de disparaître de nouveau. Je sais que moi, c'est le genre de relation qui me convient mais, je ne suis pas sûre que ce soit le cas d'Heather. Quoiqu'elle a vécu un divorce difficile, s'amuser un peu ne pourrait pas lui faire de mal. Tant qu'elle sait gérer du moins."Penses à toi avant tout, qu'est-ce tu veux de lui ? Tu veux t'amuser ? Et bah go get it girl. Tu veux juste parler ? Fais en sorte que ça en reste là. Prends les commandes. Et surtout, fais gaffe." On est au XXI° siècle, girl power comme on dit. Jusqu'à présent il avait le pouvoir, il prenait les décision. C'est à elle de le faire à son tour.

Notre petite discussion suit son cours, si on m'avait un jour dit que je parlerais de garçons de la sorte, j'aurais sûrement explosé de rire. Comme quoi, la vie est pleine de surprise. Ainsi, j'écoute mon amie parler de ce gars dont je ne connais rien. Dans la manière de parler d'Heather je ressens une pointe d'espoir quand elle dit : "C'est ce que je me dis.. Si vraiment il était passé à autre chose, si j'étais sortie de sa vie, il ne se donnerait pas tant de mal. Enfin je ne pense pas en tout cas." Visiblement elle a très envie qu'il ne l'ai pas oublié, qui que soit cet homme, elle, elle y pense toujours. Personnellement je trouve plutôt étrange de bloquer sur quelqu'un qui fait parti de son passé. En effet, comme on dit "revoir un ex, c'est ravaler son vomi". Bien que trop peu classieuse, ce dicton est tout de même vrai. Si ça n'a pas marché avant, pourquoi ça marcherait maintenant ? Quoiqu'il en soit, je ne suis pas la pour juger, bien au contraire, je veux la conseiller du mieux que je peux. "Et toi ? Tu l'as oublié ?" C'est la question après tout, celle qui importe vraiment. Bien que je pense connaître la réponse je veux en avoir le coeur nette. En effet, je me fiche bien de ce que ressens un gars dont je ne connais même pas le nom, ce qui compte, c'est de savoir comme mon amie se sent par rapport à ça. Je sais que les relations amoureuses, chez certaines personnes, sont très importantes alors, j'essaie de m'intéresser vraiment. On ne peut pas dire que je ne fais pas d'effort. "Oui, t'as raison.. Sauf que je sais pas.. Je sais pas vraiment comment me comporter face à lui, tu comprends ? Je me dis qu'il faut que je reste naturelle mais peut-être que ça ne lui plaira pas. Ça fait quatorze ans que l'on ne s'est pas vu, c'est énorme..." Elle soupire et, avant que je puisse en placer une, reprend :  "De plus il est marié maintenant, ça prouve qu'il a tourné la page une fois pour toute. De toute façon il me la fait comprendre lorsque l'on s'est croisé la dernière fois. J'suis complètement perdue, je devrais pas me mettre dans cet état mais c'est plus fort que moi. J'ai peur de ne plus lui plaire, qu'il me trouve ennuyante maintenant qu'on a grandit chacun de notre côté."

Mes mains soutenant toujours ma tête, je l'écoute déblatérer sur ce gars pendant un moment. Je cligne les yeux de surprise à la fin de sa dernière phrase. Je ne comprends pas comment elle peut autant se prendre la tête pour ça. Elle se dévalorise en plus de ça, c'est hallucinant... Personnellement, jamais je ne me mettrais dans un état pareil pour un homme. "Tais toi deux secondes." Levant un indexe en l'air, je l'arrête sans méchanceté aucune. Passant la main dans mes cheveux, je cherche la meilleure façon de lui dire ce que j'ai à dire. Je me lance, après avoir soufflé un bon coup : "Saches que je dis ça avec toute la sympathie du monde. Tu es stupide, vraiment stupide. Tu te prends la tête pour un gars que tu n'as pas revu depuis la Saint Glinglin. Pire encore, tu penses n'être plus assez bien pour lui. Mais qui te dit qu'au contraire, ce n'est pas lui qui n'est pas assez bien ? Il ne faut pas parler comme ça Heather. Si c'est pour te mettre dans un état pareil, ne le revois pas car il te ferait plus de mal que de bien. Ceci-dit si tu as envie de le voir, que ça te rend heureuse, arrêtes de te prendre la tête et va-s'y, tu verras bien ce que ça donne. Chouchou je dis vraiment ça pour toi parce que là, honnêtement, tu me fais un peu flipper."

Je ne sais pas comment lui dire autrement, j'ai toujours parlé très franchement et je pense que ça fait parti de mon charme, de ce pourquoi les gens m'apprécient, du moins je l'espère. Quand je lui conseille de simplement s'accorder du bon temps elle rit à gorge déployée, alors que je hausse sourcil, avant de rétorquer : "Je ne sais pas ce que je veux de lui.. M'amuser ? Ce n'est pas mon genre de faire ça Ollie, je viens de divorcer, ce n'est pas pour me jeter dans les bras d'un autre homme aussi rapidement. Même si d'un côté il est vrai que ce n'est pas n'importe qui." Je lui souris jusqu'aux oreilles, en rajoutant une couche en haussant les sourcils de façon subjective pour plaisanter :"T'es divorcée, donc libre comme l'air, raison de plus pour t'amuser."

Je ris légèrement sachant pertinemment que mes conseils rentreront dans une oreille pour en sortir par l'autre. Heather est bien plus conventionnelle que moi sur le sujet, pour elle, le sexe, ça veut dire quelque chose. On sait que tous que, pour moi, c'est plus une façon de me défouler en prenant mon pied. Chacun sa vision comme on dit. Ceci-dit, je maintiens ce que je dis, je suis sûre que ça ne pourrait pas lui faire de mal. "Non, je ne peux pas aller à ce rendez-vous dans l'optique que l'on finisse dans le même lit. Il a refait sa vie, c'est trop tard pour qu'il se passe quoi que ce soit entre nous." Le fait qu'elle incite sur le sujet montre une petite hésitation de sa part, peut-être va-t-elle écouter mes conseils après tout ? Qui sait ? Je grimace quand je goûte à la viande allant avec les condiments, elle est caoutchouteuse, c'est une horreur. Je pose alors mon assiette sur le côté, pour pouvoir m'affaler quelque peu sur la table et murmurer : "Il n'est jamais trop tard. Je dis ça, je dis rien. À toi de voir mais arrêtes de te prendre la tête." Je lui octroie un sourire bienveillant. Elle retourne le sujet de conversation sur ma personne. Chose que j'aurais préféré éviter car ma vie est assez chaotique en ce moment, c'est un peu le merdier alors que je souhaite que ce soit tout le contraire."Bon et toi alors, pas d'homme à l'horizon ?"

LA question que tout le monde se pose, personne n'arrive à se mettre en tête que je ne veux pas d'homme dans ma vie. Bien sûr il y en a qui vont, qui viennent mais, uniquement dans un but physique. Jamais je n'aurais une relation avec un homme. Sauf si elle est fausse, car là, oui, je suis bien couple... Quelques fois, je déteste ma vie. "Si tu demandes à mon père je sors avec un millionaire."Je ferme les yeux, secouant légèrement la tête, cette situation avec Saad est plus que complexe et surtout horriblement inconfortable. Je ne sais pas comment j'ai pu me mettre dans une histoire pareille... "C'est une longue histoire, laisse tomber. Je vois deux, trois hommes comme ça, rien de sérieux." C'est vrai qu'à ce niveau là, je n'ai pas à me plaindre. En ce moment, j'ai le droit à tout un tas de beaux spécimens dont je peux abuser sans vergogne. Rien que d'y penser, un large sourire vient habiller mon visage. "Tu peux garder un secret ?" Un sourire malicieux ancré sur mes lèvres, je regarde fixement le chirurgien, dos à moi, assis sur la table d'en face pour attirer l'attention de mon amie. Quand elle se retourne vers moi, je lui fais un clin d'oeil équivoque. Nulle doute, elle a compris : de temps à autres je m'envoie le docteur Lane et dieu sait que j'adore ça.