avery - dancing with demons

l'histoire de ma vie

Avril 1998. Le vent est étonnamment farouche dans la capitale néo-zélandaise lorsque la petite Avery pousse ses premiers cris. Prémisses de la tempête que la petite blonde incarnera. La famille n'attendait pas ce deuxième enfant, pas alors que les parents sont déjà épuisés par leur petit garçon de deux ans à peine. Cadeau inattendu, elle est pourtant tout de suite chérie. La vie chez les Wentworth est modeste, soutenue par un salaire un peu trop bas d'un père professeur d'histoire à l'université de Wellington et par celui franchement bas d'une mère fleuriste. L'appartement est un peu étroit, les assiettes quelques fois un peu vides, mais l'espace entre les murs est rempli d'amour et c'est suffisant.
Avery est une enfant bruyante, bien plus que son grand frère, et les cris se transforment en turbulence et insolence à l'adolescence venue. Elle a toujours en elle ce sentiment de décalage, cette sensation de ne pas être comprise qui lui donne envie de crier au monde de l'accepter comme elle. Elle et tous ses défauts, elle et ses envies de grandeur. Elle et son besoin irrépressible de bouger constamment, elle et son inaptitude à s'intéresser à l'école parce qu'elle voudrait déjà changer le monde de ses mains. Agir plutôt que de rester assise à une table, à absorber passivement toute cette théorie qu'elle ne peut mettre en pratique. 


Juillet 2014. Elle n'a que seize ans quand sa vie bascule. Elle se rappelle encore de la nicotine interdite qui vient brûler ses poumons lorsqu'elle inspire sur cette cigarette maudite. Elle tousse encore, elle n'est même plus certaine de pourquoi elle s'est mise à fumer. Parce qu'elle avait besoin de se sentir appartenir à ce groupe de jeunes faussement rebelles ? Parce qu'elle cherchait l'attention, malgré elle ? Un appel à l'aide camouflé. Elle se rappelle la panique en attendant la porte d'entrée se refermer tandis que sa mère rentrait plus tôt du travail. Elle a jeté la cigarette encore incandescente dans la petite poubelle à papiers de sa chambre, incapable de réfléchir. Geste inutile puisque sa mère avait tout de suite senti l'odeur de tabac, l'avait attiré dans la cuisine en criant. Elle se souvient s'être dit que sa génitrice ne comprenait rien, qu'elle ne pourrait jamais comprendre. Qu'elle ignorait son appel à l'aide en lui hurlant dessus, incapable de parler de ce vide au fond d'elle-même. Et puis, après ça, les souvenirs sont flous. La fumée, la chaleur, la douleur, la vision brouillée de sa mère tentant désespérément d'éteindre l'incendie incontrôlable. Les pompiers, le réveil à l'hôpital. La sentence. La culpabilité dévastatrice.
Maman est morte. Ce ne sont pas les flammes qui ont ravagé son corps et elle s'est même accrochée à la vie pendant trois longs jours. Mais les inhalations de fumée ont fini par lui arracher sa mère et elle en est la seule responsable. Avery aussi est restée un long moment à l'hôpital et pourtant, elle s'en est sortie. Parfois, elle aurait aimé ne jamais avoir rouvert les yeux. Elle garde une trace sur sa main, à l'endroit où le brasier a ravagé ses chairs, comme un rappel indélébile de son acte.
Plus rien n'a plus jamais été pareil après ça. Personne ne pourra autant l'accuser du drame qu'elle-même, pourtant son frère s'éloigne. Acte certainement inconscient et comment pourrait-elle lui en vouloir ? Elle a du mal à se regarder dans un miroir. Son père se met à boire un peu trop souvent aussi et l'air entre eux dans ce nouvel appartement qui est à présent le leur est irrespirable. La famille est brisée, Avery encore davantage. Elle ne continue pas ses études à l'issue de la scolarité obligatoire et son père est trop fatigué pour se battre. Elle enchaîne les petits boulots et surtout, les conneries. Elle a envie de se mettre en danger constamment, de frôler la mort comme pour donner une chance à la faucheuse de terminer un travail inachevé lorsqu'elle ne l'a pas récupérée le jour de l'incendie. La seule chose qui lui donne encore l'envie de sourire, c'est la photographie. Sans stabilité dans cette grande ville aux souvenirs qui la hantent, elle se restreint encore plus pour mettre de l'argent de côté. Elle doit partir d'ici avant de se perdre à tout jamais.


Avril 2020. Island Bay n'est pas grande, même pas très loin de Wellington. Pourtant, il y a quelque chose qui l'attire ici. Une chance pour un nouveau départ. Une tentative de faire taire la culpabilité insupportable juste assez pour commencer à vivre pour elle-même. Le studio qu'elle peut se payer n'est pas grand lui non plus, mais elle n'a pas besoin d'un palace pour renaître de ses cendres.