Le cadeau parfait Charli lindström

C’est assez dingue venant de moi, mais je crois que les cours et l’université sont presque en train de me manquer.. sûrement parce que je sais que la dernière ligne droite, ma dernière année, avant l’obtention de mon diplôme va bientôt commencer. Il y a eu de l’animation autour des fêtes et puis doucement, l’ambiance est retombée, laissant place à des journées plutôt calmes. Sorties, jeux, musique, cuisine. Un programme qui semble chargé comme ça, mais qui laisse finalement de la place à d'autres occupations. C’est bien pour cela que lorsqu’Ethan m’a proposé de nous rejoindre en centre-ville pour l’aider à trouver un cadeau pour sa sœur, j’ai directement accepté. Un peu d’air frais et du shopping, que demander de plus ? Après un repas pris sur le pouce et une douche de quelques minutes, je me glisse dans des vêtements et attrape mon vélo pour me rendre au point de rendez-vous. J’attache la bête à un endroit prévu pour cela et je marche jusqu’à l’une des entrées de la première galerie marchande. Quelques minutes seulement après mon arrivée, je suis rejointe par Ethan, que je m’empresse de saluer avec une accolade amicale. Je ne relève même pas la pique qu’il me lance — comment est-ce que je pourrais lui en vouloir, je ne suis pas toujours la plus ponctuelle. « Mes vingt ans s’éloignent de plus en plus, mais je vais essayer de t’aider du mieux que je peux. » Dis-je, tout en haussant légèrement les épaules. Avec un peu de chance, ce qui me plaira pourra aussi plaire à sa sœur, même si nous avons quelques années de différence. « Qu’est-ce qu’elle aime ? » Se renseigner sur ses goûts est une bonne chose pour commencer. Même si j’ai déjà eu l’occasion de la voir plusieurs fois, je ne la connais pas aussi bien que mon meilleur ami. Bien décidé à trouver son cadeau sans trop tarder, le jeune homme propose de s’y mettre et à deux, nous commençons à arpenter les différentes allées. Face a quelques vitrines, Ethan propose quelques idées, avant de finalement se rétracter. « Si le bijou a une certaine signification, ce n’est pas complètement idiot en réalité. » Il en existe avec gravure ou même des photos. Il peut se mettre au fond, avec une tête un peu originale, pour qu’elle puisse le voir et rigoler à chaque fois. Ou alors, s’il veut se la jouer un peu plus sentimental, il peut toujours mettre une photo d’eux. « Tu peux toujours lui offrir une activité à faire seule, comme une journée de soin, ou alors à deux et là, c’est à toi de voir ce qui pourrait vous plaire. » Je pense que c’est le genre de choses qui peut intéresser une jeune femme, surtout selon l’activité choisie. Et puis, en fonction de ce qu’elle aime et de son caractère, les solutions sont multiples : comme je l’ai déjà dit, il est possible de prendre quelque chose de calme comme un massage dans un spa, ou à l’inverse, une activité riche en adrénaline.

En acceptant l’offre d’Ethan, j’ignorais si je pourrais vraiment l’aider. J’ai beau être une jeune femme dans le début de la vingtaine, plus ou moins comme sa sœur, les goûts et les couleurs ne sont pas forcément les mêmes. Par exemple, rares sont les filles de mon âge qui jouent de la batterie : bien souvent, elles se dirigent vers la guitare ou le piano. Et ça, ce n’est qu’un exemple, je suppose que je pourrais en trouver d’autres. Même si, pour être honnête, je ne me considère pas vraiment comme quelqu’un de compliquée. Je suis jeune, j’ai envie de vivre, alors je suis souvent prête à essayer beaucoup de choses ! Finalement, même si je ne connais pas sa sœur comme lui, je suis de bonne foi et j’essaye d’utiliser ce qu’il me dit pour l’orienter vers le cadeau idéal. Il parle d’un bijou, avant de se rétracter  un peu, pensant que c’est un peu bateau. Mais à bien y réfléchir, s’il est personnalisé, alors cela peut faire son effet et ça semble convaincre mon meilleur ami qui s’attarde sur les objets proposés par la première bijouterie sur notre chemin. Avec tout ce qui s’offre sous ses yeux, Ethan semble soudainement trouver l’inspiration. Les idées fusent, avec des formes et des personnalisations différentes – clairement, j’aimerais aussi avoir un frère qui s’intéresse autant à mes goûts. Nous finissons par rentrer dans la boutique et un vendeur vient aider mon ami, espérant pouvoir ainsi conclure une vente. « J’aime bien l’idée du bracelet. » Mais ça, pour le coup, c’est propre à chacun. Personnellement, j’ai plutôt tendance à porter des bracelets, souvent plusieurs en même temps, que des colliers. C’est Ethan qui va payer et offrir ce cadeau, c’est donc à lui que revient le dernier mot. Visiblement, ce sera bien ce bracelet et pendant que le vendeur s’occupe d’emballer l’objet, le brun me remercie. « Ça va, tu n’étais pas compliqué à convaincre. » Si je pensais que nous allions faire une bonne dizaine de boutiques pour trouver la perle rare, je me suis trompée. Mais ce n’est pas une mauvaise chose, ça nous laissera le temps pour faire autre chose. Surtout qu’Ethan semble avoir une idée derrière la tête. « Pour moi ? » Un large sourire se dessine sur mes lèvres. Je sais que mon anniversaire approche, je ne suis pas idiote, mais ça fait toujours plaisir de voir que mes proches y pensent également. « Tu manques d’idées aussi ? C’est donc pour cela que tu m’as amené, pour que je t’aide un peu ! » Je lui lance un regard suspicieux, avant de finalement rigoler. Je sais bien que ce n’est pas la seule raison pour son invitation, mais c’était plus fort que moi d’en plaisanter un peu. « Est-ce que tu pensais à quelque chose en particulier pour la suite de cette mission cadeau ? »

Si nous devions nous en tenir au cadeau pour la sœur d’Ethan, notre virée shopping serait déjà terminée. Mais ce que je ne savais pas, c’est que mon ami avait une idée derrière la tête en venant ici. Étant du début d’année, mon anniversaire va très vite arriver et il espère bien profiter d’aujourd’hui pour trouver quelque chose pour moi. « Tu as de la chance ! J’ai cru que tu allais dire que j’étais une personne compliquée. » Il n’aurait sûrement pas eu complètement tort, mais c’est toujours moins agréable à entendre. Lorsque je lui demande s’il avait déjà une idée derrière la tête, c’est comme si le jeune homme avait pensé à la réponse depuis plusieurs jours. Alors qu’il sirote sa boisson, il m’expose son plan et cette idée de revivre certains moments du passé. « Je ne savais pas que tu faisais dans le sentimental ! Mais pourquoi pas, j’aime beaucoup l’idée. » Dis-je amusée, même si je dois reconnaître que je trouve cela adorable. « En plus, techniquement, je n’ai besoin de rien. » J’entends par là, rien de physique. À quoi bon m’offrir une bricole si c’est pour qu’elle finisse oubliée sur une étagère ? Il y a bien certains objets qui me servent au quotidien, mais j’ai bien souvent l’habitude, comme beaucoup de personnes, de l’acheter à la seconde où le besoin se fait ressentir. Et puis finalement, en plus de cette idée d’être un peu nostalgiques, Ethan a autre chose pour moi. Il me tend une enveloppe et en l’ouvrant, je découvre des billets d’aviron à destination de Stockholm. Là, pour le coup, je reste un peu sur le cul. Jamais je n’aurais pu imaginer ça. « Waouh.. merci ! » Quand je suis venue en Nouvelle-Zélande, il y a sept ans maintenant, j’ai pris un billet pour un aller simple, sans vraiment savoir quand je pourrais retourner là-bas. Pourtant, je suis forcément attachée à ce pays puisque j’ai passé dix-sept ans de ma vie en Europe, en Suède plus précisément. « Je ne sais pas quoi dire.. mais c’est vraiment un super cadeau, merci beaucoup. Ça fait si longtemps que je n’y suis pas allée. » Si j’étais un peu statique jusque là, je finis par me rapprocher de lui pour le prendre dans mes bras — c’est quand même la moindre des choses après un tel cadeau. Alors que je viens soigneusement ranger l’enveloppe dans mon sac, je l’écoute poser sa question concernant la suite de notre journée. « Je me souviens d’un week-end où nous avons fait du camping.. Mais ce n’est peut-être pas le moment idéal pour ça, peut-être plus tard. » Il ne fait pas encore nuit et nous n’avons pas vraiment le matériel nécessaire avec nous. « En revanche, je me souviens aussi de cette maison abandonnée où nous avons été. » Et qui nous a valu un rapide tour au commissariat. Faute de preuves et comme nous n’avions fait aucun dégât, nous avions finalement été relâché rapidement — il y a bien quelques dessins qui avaient été faits sur les murs, mais il avait été simple pour nous de dire que c’était déjà là à notre arrivée.

Cela fait maintenant plusieurs années que nous nous connaissons avec Ethan. D’abord coéquipiers dans un jeu d’intégration, nous sommes ensuite passés par la case amis, puis petits amis, avant de revenir à celle de meilleurs amis, alors forcément, nous avons de nombreux souvenirs ensemble. Il n’est donc pas étonnant de voir que nous pensions à deux choses différentes lorsqu’il commence à me faire deviner l’endroit où nous pourrions bien aller, maintenant que ses emplettes sont terminées. Histoire que je ne commence pas à citer tous les endroits où nous sommes déjà allés, aux quatre coins de la ville, il décide de me donner un indice qui me met rapidement sur le chemin. « L’université ? » Même si ce n’était pas dans un amphithéâtre, c’est bien là-bas que nous nous sommes rencontrés, et que nos chemins se sont recroisés à de nombreuses reprises après ça. « Elle te manque tant que ça pendant les vacances ? » C’est un peu ironique de ma part de dire cela, alors que j’ai sauté sur l’occasion de m’occuper un peu, lorsqu’il m’a proposé de l’accompagner. « Les autres étapes ? Mais tu as prévu combien d’arrêts ? » Ce serait mentir de dire que je ne suis pas étonnée par tout cela.. il semblait avoir besoin d’aide pour choisir un unique cadeau et voilà qu’il semble avoir préparé toute une suite de surprises pour moi — alors que ce billet pour Stockholm aurait clairement pu être suffisant pour fêter mon année supplémentaire. « Je ne te savais pas aussi friand des chasses aux trésors. » Même si ça n’en est pas vraiment une pour lui, puisqu’il devrait déjà avoir toutes les réponses aux questions. Mais dans le fond, je trouve cela amusant et comme nous n’avons visiblement rien de prévu, de nos deux côtés, nous avons bien le temps pour nous balader un peu et pour nous rappeler nos meilleurs moments du passé. « Allons-y ! Tu ne veux rien d’autre ? » Il a déjà une boisson dans la main, mais si jamais une petite faim commence à se faire ressentir, c’est peut-être le moment de prendre quelque chose, surtout que nous ne savons pas vraiment ce que nous allons trouver sur le campus : est-ce que certaines cafétérias restent ouvertes pendant les vacances ? « Je suppose qu’une petite virée à vélo nous attend ? » Si je suis une grande adepte de ce mode de transport — à défaut du bus ou de la voiture — je sais qu’Ethan l’est aussi, alors c’est sûrement comme cela qu’il est venu jusqu’ici. « Je te proposerais bien de faire la course, mais je suppose que l’hôpital n’est pas dans la liste de tes endroits à venir ? » Ce sera dans le pire des scénarios, mais il ne faut jamais dire jamais..

Les courses du jeune homme, pour l’anniversaire de sa sœur, terminées, nous sommes maintenant libres de faire ce que nous voulons. Et visiblement, un anniversaire peut en cacher un autre, puisqu’Ethan a déjà une idée bien précise de ce que nous pourrions faire et cela a quelque chose à voir avec mes vingt-quatre ans. Après m’avoir présenté un premier cadeau — un superbe cadeau d’ailleurs — il m’invite à participer à une chasse aux trésors, en quelque sorte, qui tourne autour de notre amitié. Comme quoi, parfois, ce ne sont pas les cadeaux les plus chers qui peuvent faire le plus plaisir. Il me donne un premier indice et assez rapidement, je trouve l’endroit où nous devons nous rendre : l’université. Histoire de pimenter un peu ce jeu et pour arriver sur place un peu plus vite que prévu, je mets mon meilleur ami au défi en lui proposant une petite course. Il accepte, affirmant que nous ferons un minimum attention, et une fois nos affaires rassemblées, nous prenons la route de l’établissement. Cette route, nous la connaissons par cœur, ou presque. Je ne compte plus les trajets que je fais à vélo et je sais que c’est aussi le cas de mon ami. Très vite, il prend les devants, me distançant même de plusieurs centaines de mètres à des moments. Mais l’important, c’est que je ne le perds jamais de vue et que l’espoir de remonter reste encore là. Plus nous nous rapprochons de l’école et moins la distance entre nous est grande, d’ailleurs. Et finalement, à quelques mètres de l’arrivée, je reprends le contrôle de la course. J’en suis fière, bien sûr, mais aux félicitations du jeune homme, je soupçonne quelque chose. « Tu aurais au moins pu faire semblant.. » Je le regarde, un sourire sur les lèvres. Parfois, je suis peut-être un peu naïve, mais je sais quand même reconnaître quand on arrête de concourir face à moi. C’est gentil de sa part, je le reconnais et puis.. dans le fond, j’aurais dû m’y attendre. « Quand je propose ce genre de courses, je dois me souvenir que tu n’es pas Oskar. » Notre ami, au côté plus geek que sportif. Maintenant, dans l’enceinte de l’université, nous descendons de nos vélos et venons les accrocher aux endroits prévus pour l’occasion. Arrivés ici, Ethan reprend les interrogations liées à sa chasse aux trésors. « C’était sur les terrains de sport, si je ne me trompe pas. C’est là que l’on nous a annoncé que nous formerions une équipe, avec les autres rigolos. » Je ne peux m’empêcher de rigoler légèrement à la simple pensée de cet événement, il y a plusieurs années maintenant. « Et finalement, nous nous en sommes plutôt bien sortis. » Même si nous étions une équipe de jeune, à cette époque, de nouveaux à l’université, nous avons réussi à faire en sorte que notre nom d’équipe ressorte lors de certaines épreuves. « C’est fou de se dire que sans cet événement, nous ne nous serions peut-être jamais croisés. Enfin.. toi et moi, peut-être, mais pas les autres. » Si nous sommes tous les deux dans un cursus autour du sport, ce n’est pas le cas de nos amis. D’ailleurs, pour certains, moins ils mettent les pieds sur un terrain de sport et plus ils sont heureux. « Nous allons là-bas ? » Dis-je, maintenant qu’il a lancé le sujet. « Tu vas finir par me rendre nostalgique. Dans quelques mois, l’université sera derrière moi et je ne pensais pas dire cela un jour, mais il se pourrait que ça finisse par me manquer. » Même si on passe beaucoup de temps à critiquer cette institution, il faut reconnaître que nous avons la belle vie-là. Notre diplôme en poche, nous serons lâchés dans un monde bien différent, où il faudra trouver un boulot pour éviter de déprendre aux dépens de certaines personnes — je pourrais le faire avec Iggy, pour compenser les années où elle m’a laissé à ma grand-mère, mais je ne sais pas si c’est vraiment ce que je veux.