Je peux avancer sans avoir peur de me tromper que cette parenthèse familiale arbore des aspects de baume au coeur et que, tous autant que nous sommes entre les murs de ma demeure dont les portes se sont ce soir ouvertes avec amour et impatience, c'est précisément ce dont nous avions besoin. Chaque membre de la fratrie a traversé ses propres épreuves cette année passée, chaque branche a dû mettre en œuvre tout ce qui était en son pouvoir dans l'espoir de se relever au nom des autres et être en mesure de poser mes yeux émerveillés sur cette assemblée la veille de Noël est une notion qui ne m'aurait au grand jamais semblé réalisable il y a encore de cela quelques semaines. Au sein de cette bulle festive, tous les différents et désaccords sont mis de côté, la nouvelle génération confronte pour la toute première fois des figures plus anciennes de la lignée et une pléthore de joyeux événements nous attendent à l'aube de ce nouveau chapitre. Le ventre rond de Lukas est bien évidemment là pour confirmer mes paroles. Il faut parfois bien peu de choses pour que des liens se reforment. Un sourire, une attention ou un sentiment partagé à coeur nu suffisent dans certaines situations à apaiser les blessures et recoudre les plaies intérieures. Et d'autres fois, la possibilité de tout recommencer à zéro se présente et il faut prendre son courage à deux mains pour foncer la tête baissée et ne plus perdre son temps à regretter des divergences d'opinions passées, trop souvent fondées sur des incompréhensions et des non-dits. La Nouvelle-Zélande est apparue pour nous tous comme une porte de sortie indispensable et j'ai le regard brillant rien qu'à l'idée de cette renaissance voulue à tant de reprises auparavant. J'aurais aimé retrouver Parker plus tôt, avoir eu la bravoure nécessaire à New York de la supplier de revenir dans mon existence lorsqu'elle a fait irruption en silence pour anonymement sauver l'équilibre de l'ensemble de la famille, pour rendre un ultime service à des parents qui l'avaient pourtant rejetée, pour faire don à son fils ce qui manquait à sa survie sans ne jamais rien quémander en retour. C'est bien la personne la plus humaine que je connaisse en ce monde. Aujourd'hui ils se retrouvent enfin pleinement et entendre Nathan dire maman à celle qu'il a toujours faussement considéré comme sa sœur aînée me force à reporter mon attention sur d'autres détails pour ne pas fondre en larmes. Personne ne m'en voudrait dans le fond, je suis connue pour être une sentimentale invétérée mais je n'ai pas envie de ça, mon discours chargé d'émotions est largement suffisant pour prouver mon point. Le simple fait de voir une larme perler sur la joue de Parker me serre le coeur, je me racle discrètement la gorge tout en remettant en ordre un pan de ma robe et vais me poster à côté de Connor, un large sourire aux lèvres et ma flûte de champagne à moitié pleine. Naturellement, je pose ma tête sur son épaule et continue d'afficher un sourire serein alors qu'il me caresse les cheveux avec tendresse. Animé par une envie spontanée de partager à son tour ses pensées, Nathan lève son verre et commencer à s'exprimer.
« C'est promis après je vous fiche la paix mais je tenais vraiment à vous dire merci d'être là… » Je relève la tête et l'observe avec tout l'amour que je lui porte, je reconnais bien son caractère transparaître dans ses paroles. Il a toujours peur d'embêter ceux qui l'entourent, d'être une sorte de fardeau, il passe son temps à s'excuser et poser cent fois les mêmes questions pour s'assurer que tout va pour le mieux. Sans doute des restes ingrats de sa période de maladie.
« Ça n'a pas été facile pour moi ces dernières semaines et on va pas remettre le sujet sur le tapis mais voilà je suis fière de faire partie de cette famille un peu bizarre mais ô combien généreuse… » J'échappe un doux rire, c'est vrai que n'importe quelle tierce personne est capable d'admettre que nous sommes dysfonctionnels mais dans le fond, on s'y retrouve pas trop mal je trouve.
« Il m'a fallu du temps mais aujourd'hui j'ai vraiment envie de vous dire que je vous aime de il me tarde de passer plus de temps avec ceux et celles que je connais moins… » Je glisse un regard discret à l'encontre de Kenzo et Noa qui écoutent leur nouveau grand frère avec une attention toute particulière, ils sont beaux et si merveilleux. C'est dur de ne pas m'effondrer.
« Voilà je me tais, je vous fiche la paix. » Je lève brièvement les yeux au ciel après cette énième excuse dissimulée et retrouve bien vite mon sourire satisfait lorsqu'il vient me prendre par l'épaule. Je dépose ma main sur sa joue, la caresse quelques secondes du pouce, juste comme ça sans un mot, puis y dépose un baiser.
« Je t'aime. » Je me racle à nouveau la gorge pour prendre la parole et inviter tout le monde à pénétrer dans la maison et prendre leurs aises dans le coin salon, où les traiteurs ont mis a disposition de délicieux amuses-bouche.
Les enfants se régalent déjà de petites douceurs et Lukas, de part son statut de femme enceinte devant subvenir à des besoins doublés, lorgne la nourriture avec envie avant de succomber devant un canapé bien garni. Me voyant m'agiter, elle lève la tête vers moi et me demande si j'ai besoin d'aide, ce à quoi je réponds par la négative avec un large sourire.
« Tu n'as le droit de rien faire ce soir, si ce n'est mettre les pieds sous la table et te reposer. Tout est son contrôle, ne t'en fais pas. Tu veux quelque chose à boire, peut-être ? » Après lui avoir servi un verre de boisson non alcoolisé, je tourne les talons et presse le pas en direction de Nathan qui se trouve dans la cuisine, parmi les employés. Je dépose mes mains sur un îlot et fais semblant de mettre en ordre d'autres apéritifs avant de tourner la tête vers mon petit frère, que je n'arriverai jamais à considérer comme mon neveu malgré tout.
« Merci pour tout. Ton soutien, le fait que tu aies accepté sans l'ombre d'un doute de venir vivre avec moi avec Tom, ta présence constante quand je me sens faible et fragile. Pour tout. Si tu savais comme je t'aime, comme je suis fière de toi et tout ce que tu réussis à accomplir. Tout viendra à toi, tu ne devrais vraiment t'inquiéter de rien. » Il me regarde avec des yeux émus et je suis à nouveau obligée de détourner le regard comme une faible en émettant un léger rire gêné.
« Vous avez besoin d'aide ? » Il dépose un baiser sur ma joue, prend un plateau d'apéritifs et retourne au coin salon en envoyant un clin d'oeil à sa mère. Je me frotte le bras pour chasser des frissons et indique du menton d'autres plateaux sur le comptoir. Ma sœur échappe un soupir qui en dit long.
« Le plus dur est passé je crois. » Je hoche doucement la tête tout en rabattant une mèche de cheveux en arrière.
« Les retrouvailles, c'est ce qu'on craignait tous je t'avoue. Mais je trouve que dans l'ensemble, on s'en sort comme des chefs. » Un léger rire franchit mes lèvres.
« Ça te fait bizarre à toi aussi qu'on se retrouve là où il n'y a que moi qui ait des visions du Canada qui me reviennent à l'esprit ? » J'échappe un rire à mon tour.
« Tiens, ça ne te dérange pas de m'aider à porter ce qu'il reste ? Je vais aller vérifier que tout va bien dehors pendant ce temps. » Le dîner va effectivement se dérouler sur la terrasse, au vu de la magnifique soirée qui s'annonce grâce au temps plus qu'idéal. Je m'arrête cependant nette et dépose ma main sur le bras de Parker, sérieuse.
« Tu sais, tu ne fais que de répéter que tu es fière de nous et de ce qu'on fait mais sans toi, nous ne serions rien. Les parents ne nous ont pas forgés, ils ont subvenu à nos besoins, payé nos études et c'est tout. Tout le reste c'est grâce à toi. » Je déglutis difficilement, l'émotion est à son comble.
« Si je n'ai jamais cessé de me battre dans ma vie c'est pour un jour avoir l'occasion de tout te raconter et peut-être te rendre fière. Je t'aime, Parker. » Je hausse les épaules en me sentant idiote et la prend dans mes bras en faisant attention au plateau qu'elle transporte. Je souris, la laisse partir en direction des autres et tourne les talons pour franchir la baie vitrée.
- Spoiler:
C'est un peu long excusez-moi mes amours mais au moins ça relance bien je pense
je vous aime