you're not welcome anymore (teeghan)

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teeghan & connor

Aujourd'hui, pour une fois, je ne travaillais pas. J'avais pris ma journée pour pouvoir profiter des rayons du soleil avec Eileen sans risquer d'être dérangé par mon bipeur. Chose suffisamment rare pour être soulignée, j'avais même laissé mon téléphone au loft. Aujourd'hui, j'avais décidé de consacrer tout mon temps à ma fille, et notre prochaine étape était une balade au parc. Il était à peine neuf heures et nous avions déjà fait beaucoup de choses : réveil, câlin, biberon, câlin, chansons, toilette, habillement, câlin. S'en suivit l'étape cruciale de l'enfilage du chapeau, pour protéger cette petite poupée des températures chaudes du mois de décembre en Australie. Cela m'étonnait toujours de pouvoir bronzer sur la plage, alors qu'il neigeait sûrement dans ma ville natale. Les saisons inversées n'avaient pas été difficiles à vivre, mais les fêtes de Noël sans la neige n'avaient pas le même goût. Mais il y avait un point positif à ces températures chaudes : je n'avais pas besoin de prévoir une bonne heure pour habiller Eileen qui se débat sans comprendre pourquoi tout le monde ne sort pas, tout simplement, en couche culotte. Le chapeau de soleil était déjà suffisamment compliqué à accepter pour ce petit être qui gigote dans tous les sens, alors vouons un culte à la saison estivale. L'hiver viendra bien assez vite. Le chapeau enfilé, nous arrivâmes dans un parc presque désert. Seules quelques mamans observaient leurs enfants glisser sur un toboggan jaune fluo. Bien que les choses commencent à changer, les papas étaient souvent moins nombreux que les mamans dans ce type d'endroit, et nous avions souvent droit à quelques regards fascinés. Je poursuivais mon chemin jusqu'à tomber devant un parterre de marguerites. J'en cueillis quelques unes et m'accroupit pour être au niveau d'Eileen. « Tu as vu ces fleurs comme elles sont jolies ma chérie ? » lui dis-je en lui tendant mon petit bouquet, dont elle ne fit qu'une bouchée. « Oh mais non, ça ne se mange pas ! » Je lui retirai les quelques pétales de sa bouche, et elle se mit à rire aux éclats. Eileen avait un rire cristallin qui ne laissait personne indifférent. Cela l'amusait beaucoup, apparemment. « Petit monstre ! » lui lançai-je en lui titillant le bout du nez.

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Voilà déjà un peu plus d’un mois que je suis là. Il n’en reste plus que huit et je n’ai même pas encore pris le temps d’aller voir Connor et Eileen. J’ai dû faire des pieds et des mains pour avoir une photo d’elle il y a trois mois avant d’apprendre pour ma blessure. Connor m’en veut et il a le droit. C’est normal après tout, je suis partie comme une voleuse. J’ai eu peur, peur de tout gâcher, de ne pas être à la hauteur, de ne pas être une bonne mère. Et passer à côté de mon rêve, en vouloir à mon enfant de m’avoir privée de tout ça. Je sais que c’est égoïste et au fond, je m’en veux. Mais Eileen est encore petite et peut-être qu’elle me pardonnera d’avoir fait ce choix. Je veux pouvoir parler avec Connor, être là pour elle quand elle en aura besoin, du mieux que je le pourrai. Mais je ne suis pas sûre qu’il accepte. Je repousse cette confrontation depuis trop longtemps, il faut que j’aille le voir. C’est important pour moi, pour ma fille aussi. Je sais pourtant qu’elle me prendra pour une étrangère, je doute que le lien biologique qui nous lie suffira à créer un lien entre nous. Et je crois que c’est ce qui me fait le plus peur. Qu’elle pleure peut-être, je n’en sais rien. Connor va être en colère, c’est certain. Va-t-il me laisser la voir, la prendre dans mes bras ? Voilà, j’angoisse. Mais il faut que je le fasse. Je prends une grande inspiration et regarde une dernière fois mon reflet dans le miroir. Je porte une robe légère, crème pour faire ressortir mon teint halé, et une petite veste en jean par dessus. Aux pieds, une paire de sandales. Je fais glisser la lanière de mon sac à main sur mon épaule et ferme la porte de mon appartement pour quitter l’immeuble et trouver le soleil. J’enfourche mes lunettes de soleil et me dirige vers le parc pour prendre un peu d’énergie avant de me confronter à Connor.

En chemin, j’échange quelques sms avec ma soeur qui est elle aussi à Island Bay depuis quelques jours, et lorsque je relève la tête, mon regard accroche un papa au milieu d’un champs de pâquerettes avec une petite fille assise au milieu de celui-ci. Un sourire illumine instinctivement mon visage jusqu’à ce que je me rende compte qu’il s’agit de Connor, er de notre fille. Ma petite Eileen. Je l’ai quittée elle était minuscule, et voilà qu’elle tient presque sur ses pieds. Son petit chapeau lui va à ravir et je remarque que Connor est complètement gaga. Mon coeur s’emballe et après une légère hésitation, je m’approche d’eux, doucement pour ne pas les effrayer. « Bonjour… » Le regard de Connor se relève sur moi et je retire mes lunettes de soleil pour plonger mon regard à travers le sien. Il me reconnaît immédiatement et son visage se ferme déjà. J’esquisse un sourire qui se veut maladroit et prends la parole en balbutiant quelque chose avant de m’arrêter, prenant une inspiration pour construire une phrase correcte. « Je venais justement pour te voir. Vous voir. Je ne m’attendais pas à vous trouver ici… » Mon regard se poser sur Eileen et mon coeur se serre. Mais elle met une pâquerette dans sa bouche et ça me fait rire, naturellement. Connor s’empresse de la lui retirer d’entre les lèvres et il se lève, notre fille dans ses bras. « Je suis désolée, je ne voulais pas ruiner votre moment de complicité… » Je me pince un peu les lèvres, mal à l’aise, attendant sûrement que la sentence finisse par me tomber sur le coin de la gueule.

Dernière édition par Teeghan Lorenzini le Lun 30 Jan - 22:16, édité 1 fois

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Ce moment de complicité avec ma fille aurait pu être le plus récent d'une longue liste de petits bonheurs du quotidien, s'il n'avait pas été entaché par la venue d'une indésirable. « Bonjour… » La voix de mon interlocutrice l'avait trahie ; je n'eus même pas besoin de me retourner pour reconnaitre Teeghan. Je savais que ce moment finirait par arriver un jour, mais j'osais espérer que ce soit le plus tard possible. Je regardai au loin en serrant (fort) la mâchoire. Sa voix, rien que sa voix, m'emplissait déjà de colère. Je finis par me retourner, presque malgré moi, pour découvrir celle que je haïssais désormais. Elle semblait très gênée, heureusement. Avec difficulté, elle finit par balbutier quelques mots : « Je venais justement pour te voir. Vous voir. Je ne m’attendais pas à vous trouver ici… » Chaque lettre, chaque mot, chaque phrase résonnait en moi comme un mensonge. Teeghan était la mère de ma fille, mais elle n'était pas sa maman. Si cela ne tenait qu'à moi, elle n'aurait plus jamais vu Eileen. Certains penseraient que c'est cruel vis-à-vis de ma fille, mais mon intolérance pour Teeghan dépassait toute raison. Je demeurais impassible, et c'est sans décrocher un mot que, par instinct de protection, je pris Eileen dans mes bras. Mon degré de confiance en cette femme était si peu élevé que je la croyais capable de me l'enlever, et de disparaître à tout jamais. « Je suis désolée, je ne voulais pas ruiner votre moment de complicité… » « Ah oui ? C'est ta spécialité pourtant. » Ces mots étaient sortis de ma bouche sans même que je ne m'en rende compte. Je ne voulais pas lui adresser un mot, mais ma rancoeur avait pris le dessus. « Tu voulais nous voir ? Tu nous as vu. Maintenant dégage de là, je passe du bon temps avec ma fille. » Parce qu'Eileen était ma fille. Nous vivions tous les deux quasiment depuis sa naissance, et nous étions un duo fabuleux. Un duo que rien ni personne ne saurait briser, pas même celle qui lui a donné la vie avant de s'enfuir. La colère que j'emmagasinais depuis des mois en voyant ma fille grandir sans sa mère était si intense que je craignais d'exploser. Pour le bien être de tout le monde, il aurait fallu que Teeghan disparaisse aussi vite qu'il y a huit mois. Je restais donc immobile, aussi déterminé qu'un guerrier sur le champ de bataille, prêt à lui faire face.

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 A l’instant où son regard vient croiser le mien, je m’électrise. Pas d’une bonne façon, il faut être honnête. En même temps, je ne m’attendais pas à être la bienvenue. Mais Eileen est ma fille aussi et il faudra bien qu’il me laisse l’approcher un jour ou l’autre, ou il risquerai de le regretter au bout d’un moment. Connor vient récupérer notre fille dans ses bras, comme un instinct de protection, comme si j’étais capable de lui faire du mal, de la kidnapper, comme si j’étais le mal incarné. Je prends mon courage à deux mains et tente de dire quelque chose, et je m’excuse, parce que je ne vois pas bien quoi dire d’autre pour commencer. « Ah oui ? C'est ta spécialité pourtant. » Je serre les mâchoires et me pince les lèvres, mal à l’aise. Mon coeur s’accélère et une boule se place juste là, dans ma gorge, m’empêchant de respirer correctement. « Tu voulais nous voir ? Tu nous as vu. Maintenant dégage de là, je passe du bon temps avec ma fille. » Je me mords l’intérieur de la joue pour me contenir, parce que je suis mélangée entre l’envie de lui hurler dessus, et celle de pleurer comme une enfant. Mais je ne m’abaisserai pas à ça. « Ecoute Connor, je sais que j’ai déconné, que tu m’en veux, et tu en as tous les droits. Mais Eileen est ma fille aussi, et même si tu m’en veux, je pense qu’elle a le droit de connaître sa mère. » Ma voix n’est pas bien assurée. J’ai imaginé ce moment depuis si longtemps, et je me rends compte que tout ce que j’aurai pu préparer à lui dire n’aurait pas suffit. « J’ai eu le temps de réfléchir, de penser à elle, à vous, tu m’en voudras sûrement toute ta vie mais je t’en supplie ne m’éloigne pas d’elle. » Je cherche son regard, ma voix toujours posée, calme et sans doute un peu trop chevrotante. Mais je voudrais qu’il me pardonne bien sûr, même si je doute que ça arrive un jour, mais je voudrais surtout qu’il me laisse un peu de place dans la vie de notre fille. Je ne demande pas sa garde, je sais qu’ils ont construit leur vie sans moi, et s’ils sont heureux je ne chercherai pas à briser leur équilibre. Mais je demande juste à connaître ma fille, et qu’elle me connaisse elle aussi.

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Ce qui aurait pu être une belle matinée en compagnie de ma fille était piétiné à dos coups de sabots par Teeghan. J'avais maintes fois pensé à nos retrouvailles, à comment je pourrais réagir en la voyant, à comment je pourrais réagir en entendant un seul son sortir de sa voix. Mais dans tous les scénarios imaginés, jamais je n'aurais cru ressentir de la peine. Oui, j'éprouvais de la peine pour cette femme qui n'avait jamais partagé un intense moment de complicité avec la merveille qu'elle avait mise au monde. Oui, j'avais de la peine en imaginant comment un parent pouvait vivre (survivre) sans son enfant. Et oui, j'avais de la peine pour ma fille d'avoir une mère pareille. Et ressentir cette peine me mettait dans une colère noire. Et ce tourbillon de sentiments se décuplait à mesure que des mots sortaient de la bouche de Teeghan.  « Ecoute Connor, je sais que j’ai déconné, que tu m’en veux, et tu en as tous les droits. Mais Eileen est ma fille aussi, et même si tu m’en veux, je pense qu’elle a le droit de connaître sa mère. » Je serrais davantage Eileen, fort contre moi, en maintenant sa tête contre mon torse. J'aurais aimé qu'elle n'entende jamais ça, même si elle n'était encore qu'un bébé. Eileen n'avait rien demandé, elle ne méritait pas que ses parents se déchirent et que sa mère l'abandonne. J'inspirai profondément pour ne pas sortir de mes gonds. « J’ai eu le temps de réfléchir, de penser à elle, à vous, tu m’en voudras sûrement toute ta vie mais je t’en supplie ne m’éloigne pas d’elle. » Je fuyais son regard jusqu'à ce qu'il soit impossible pour moi de garder le contrôle. Sur un ton ferme, incisif, c'est avec les dents serrés que je finis par lui dire ses quatre vérités. « AH ÇA ! Tu as eu le temps de réfléchir ! Tu t'es barrée comme ça, du jour au lendemain, comme une lâche. Et tu voudrais que je t'accueille à bras ouverts ? Tu voudrais faire partie de notre petite famille ? Et bien ma grande, tu vas vite redescendre sur terre parce qu'Eileen n'a jamais eu de mère, et elle n'en aura jamais. T'as même pas été foutue de lui envoyer un mot, une photo ou un petit jouet pour Noël ! Elle n'a aucun souvenir avec toi ! » Je commençais sérieusement à hausser le ton, ce qui faisait gigoter Eileen. Elle ne m'avait jamais entendu en colère comme ça, et elle trouvait visiblement cela très inconfortable. Ma rancoeur était tellement vive que j'avais l'impression de suffoquer, d'avoir trop de haine envers cette femme pour rester courtois. « Et ne t'avise surtout pas de me sortir le couplet de l'enfant qui a besoin de sa mère. A ce jour, la seule figure maternelle qu'Eileen n'ait jamais eu, c'est ta soeur ! » Bien que je ne sois jamais parvenu à mettre des mots sur leur relation, je devais avouer qu'au moins une personne de cette famille était normale. « Et au cas où tu l'aurais oublié, tu t'es éloignée de ta fille toute seule. » Heureusement pour elle, Eileen me forçait à mesurer mes propos et mon comportement. Parce que là, tout de suite, j'avais bien envie de la jeter dans la petite mare. Au lieu de ça, je pris une profonde inspiration et, tout en maintenant Eileen à bras, fis rouler la poussette en direction de la sortie du parc. Il m'était absolument invivable de rester auprès de Teeghan.

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La façon dont il protège notre fille pourrait être mignon, dans un autre contexte. Mais me dire qu’il la protège de moi me fait un mal de chien. Je sais, je sais que j’ai déconné, que je suis une mère horrible d’avoir abandonné mon enfant, mais je ne l’ai pas laissée à n’importe qui, elle avait son père, mes parents, ma soeur, toute ma famille. Je sais qu’il m’en veut et je lui laisse tous les droits de m’en vouloir, pour la simple et bonne raison que je m’en veux moi aussi, au moins autant que lui. J’ai eu le temps de réfléchir, et c’est pourquoi je suis là aujourd’hui, devant lui, pour lui demander non pas de me pardonner, mais de faire un effort, pour elle. Parce qu’un enfant a besoin de ses deux parents pour évoluer correctement. Je n’ai aucun doute sur sa légitimité de père, je suis sûre qu’il s’en occupe mieux que n’importe quel père sur la planète et je ne l’en remercierai jamais assez. Mais j’ai besoin de connaître ma fille, besoin qu’elle me connaisse. Et je sais que c’est pareil pour elle, je le ressens au plus profond de moi même. Je lui ai donné la vie merde ! Connor boue, je le connais assez pour le savoir. Il s’énerve mais tente au maximum de se retenir pour Eileen qui n’a pas mérité ça. « AH ÇA ! Tu as eu le temps de réfléchir ! Tu t'es barrée comme ça, du jour au lendemain, comme une lâche. Et tu voudrais que je t'accueille à bras ouverts ? Tu voudrais faire partie de notre petite famille ? Et bien ma grande, tu vas vite redescendre sur terre parce qu'Eileen n'a jamais eu de mère, et elle n'en aura jamais. T'as même pas été foutue de lui envoyer un mot, une photo ou un petit jouet pour Noël ! Elle n'a aucun souvenir avec toi ! » Putain ce que ça fait mal. Je me contracte à mesure que ses mots sortent de sa bouche, et mon regard s’embue, mais je ne veux pas le lâcher des yeux. Il a raison, bien malheureusement d’ailleurs. Je suis un mère en carton, mais je voudrais me racheter, je voudrais que ça change. « Je ne t’ai pas demandé de m’accueillir à bras ouverts Connor, tu crois que je ne suis pas consciente de tout ça ? » Je crois que j’ai de la chance d’être tombée sur un moment où notre fille était là parce que sans elle, j’ai bien peur que Connor en soit passée à la phase offensive pour défendre son territoire. « Et ne t'avise surtout pas de me sortir le couplet de l'enfant qui a besoin de sa mère. A ce jour, la seule figure maternelle qu'Eileen n'ait jamais eu, c'est ta soeur ! » Quoi répondre à ça ? J’encaisse en serrant les dents mais je sens mon coeur battre si fort, mes yeux me brûler tellement que j’aurai envie de hurler, pleurer et me mettre à genou pour le supplier de me laisser rencontrer notre fille. C’est comme se retrouver face à un miroir et se rendre compte à quel point on est vraiment horrible. Je me sens une moins que rien en ce moment même et je suppose que c’est ce qu’il voulait. Il a gagné. « Et au cas où tu l'aurais oublié, tu t'es éloignée de ta fille toute seule. » Je sais. Je sais ça. Et aujourd’hui je le regrette amèrement. Je le vois déjà prendre la poudre d’escampette et je refuse de le laisser faire. Alors je trottine pour arriver à son niveau et je me mets devant la poussette pour l’empêcher d’avancer. Il essaie de me détourner mais je me mets toujours devant. Qu’il tente de faire demi-tour, je l’en empêcherai. « J’ai eu peur ! Tu peux comprendre ça ? J’ai eu peur de ne pas être à la hauteur, et c’est finalement ce qu’il s’est passé ! Je voulais pas assumer d’être une mauvaise mère alors j’ai préféré fuir et aujourd’hui je me rends compte que j’ai fait la plus grosse erreur de ma vie. » J’attends qu’il daigne me regarder pour poursuivre. « Je ne te la prendrai pas Connor. Ça fait presque un an que vous êtes tous les deux, que tu as appris à vivre avec elle et elle avec toi. Je ne suis pas venue pour demander la garde et t’empêcher de continuer ta vie avec elle. Je veux juste la connaître, passer du temps avec elle. Laisse-moi au moins ça, pour elle, je t’en prie. »

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« Je ne t’ai pas demandé de m’accueillir à bras ouverts Connor, tu crois que je ne suis pas consciente de tout ça ? » J'étais tellement en colère contre Teeghan que je ne l'avais même pas entendu intervenir entre mes accusations. Le contrôle que je tentais de garder sur moi-même, pour le bien-être d'Eileen, s'évanouissait à mesure que la mère de ma fille nous côtoyait. Et puisqu'elle ne voulait visiblement pas déguerpir de ce parc, alors c'est nous qui partirions. Mais quand il s'agissait d'obtenir quelque chose, Teeghan avait toujours été tenace. Si à l'époque, cela me plaisait plus que de raison, c'était tout l'inverse aujourd'hui. J'aurais tout donné pour qu'elle sache l'affaire, qu'elle nous oublie comme c'était le cas jusqu'à maintenant. Mais nous n'avions même pas marché trois mètres qu'elle nous rejoignait en trottinant. « J’ai eu peur ! Tu peux comprendre ça ? J’ai eu peur de ne pas être à la hauteur, et c’est finalement ce qu’il s’est passé ! Je voulais pas assumer d’être une mauvaise mère alors j’ai préféré fuir et aujourd’hui je me rends compte que j’ai fait la plus grosse erreur de ma vie. » Sa voix chevrotante m'agaçait davantage encore que le contenu de ses paroles. Comme elle l'avait fait huit mois auparavant, je tentais de fuir, en vain. Teeghan entravait notre chemin en se plaçant systématiquement devant la poussette, pour nous bloquer. Nous étions prisonniers de son bon vouloir, et cela commençait sérieusement à me taper sur le système. Je serrai les dents pour finalement lui adresser un regard noir. « Laisse-moi passer Teeghan. » Chaque mot était appuyé, ma phrase saccadée. Je ne lui laissai plus le choix. « Pour une fois, fais quelque chose de bien pour ta fille. » Mes paroles étaient blessantes, mais j'avais l'intime conviction qu'elle aurait même mérité le double. « Je ne te la prendrai pas Connor. Ça fait presque un an que vous êtes tous les deux, que tu as appris à vivre avec elle et elle avec toi. Je ne suis pas venue pour demander la garde et t’empêcher de continuer ta vie avec elle. Je veux juste la connaître, passer du temps avec elle. Laisse-moi au moins ça, pour elle, je t’en prie. » Je devais avouer que je ne connaissais pas cette facette de Teeghan. Elle n'avait jamais été si compréhensive et surtout... si conciliante. Dans d'autres circonstances, je l'aurais vraiment trouvé changée. Mais la rancoeur m'aveuglait. « Mais qu'est-ce que tu veux, bordel ?! » Si elle croyait que je laisserai facilement une heure, même une minute, ma fille seule avec une inconnue (parce que c'est ce qu'elle était) alors elle se mettait le doigt dans l'oeil.

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Je ne compte pas le laisser éloigner ma fille, notre fille certes, mais c’est aussi la mienne. Qu’il le veuille ou non. Je suis quelqu’un de déterminé, et il n’est pas question que je me laisse abattre et que je le regarde partir sans rien dire et sans rien faire. Je veux pouvoir connaître ma fille, la prendre dans mes bras, sentir son odeur, voir son sourire et caresser ses petits doigts. Je veux pouvoir lui dire que je suis sa mère, que je n’ai pas cessé de penser à elle. Alors je me positions systématiquement devant la poussette pour que Connor comprenne que je n’abandonnerai pas. Il n’en est pas question. Maintenant que je suis là, je suis là, et je ne partirai pas. Et je ne le laisserai encore moins s’échapper. Il veut fuir comme je l’ai fait ? Pas question. S’il m’a laissée partir, je ne ferai pas la même erreur que lui. « Laisse-moi passer Teeghan. » « Non. » Il sait à quel point je suis têtue. Il n’arrivera pas à me faire changer d’avis. Il devra capituler, je peux être très chiante quand je veux quelque chose. « Pour une fois, fais quelque chose de bien pour ta fille. » Une bonne claque dans ma gueule. Putain ce que ça fait mal. Je me contracte un peu et le laisse prendre de l’avance, mais je n’abandonne pas pour autant. Je le rattrape à nouveau et me positionne de manière à planter mon regard brumeux dans le sien coléreux. J’essaie de ne pas m’emporter, ne pas être méchante comme il vient de l’être même s’il m’a clairement blessée. J’estime le mériter, et je mets la rancoeur de côté. J’essaie de le rassurer, de lui dire que je ne suis pas venue pour lui reprendre. Je suis bien consciente du lien qu’ils ont tissé tous les deux et j’ai déjà fauté en partant comme une voleuse, il n’est pas question que je foute encore plus leur vie en l’air à tous les deux en demandant la garde d’Eileen. Je ne suis pas un monstre contrairement à ce qu’il peut penser. « Mais qu'est-ce que tu veux, bordel ?! » Je prends une inspiration un peu plus importante. Je lui ai déjà dit ce que je voulais, mais je compte bien le lui demander à nouveau jusqu’à ce qu’il accepte. « Je veux la connaître. Et qu’elle me connaisse. Je veux passer du temps avec elle. Tu ne me fais pas confiance, j’ai bien compris, je ne te demande pas d’être seule avec elle, si tu veux être là pour me surveiller, ça ne me dérange pas. » Mon regard jongle entre ses yeux puis je pose mon regard sur notre fille qui gigote dans les bras de son père, avant de me regarder aussi. Je continue alors de parler sans quitter Eileen des yeux. « J’ai réalisé mon erreur, trop tard, je sais. Mais j’ai envie de croire qu’il n’est pas trop tard, qu’il vaut mieux maintenant plutôt que dans dix ans. Et même si tu garderas sa garde, j’ai besoin de tisser un lien avec elle, et je suis certaine qu’elle en a besoin aussi, pour son équilibre. » Je finis par regarder Connor à nouveau. « Je ne te demande pas la lune Connor. S’il te plait, fais-le pour elle. » Je suis sûre qu’au fond de lui il est conscient qu’Eileen a besoin de connaître sa mère, de savoir qu’elle existe en vrai, qu’elle est là, et qu’elle l’aime.

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« Ces plaisirs violents ont des fins violentes. Dans leurs excès ils meurent, tels la poudre et le feu que leurs baisers consument. » A l'époque, cela aurait pu représenter le début de notre propre histoire. Avec Teeghan, nous avions une relation passionnée, sans attache. Nous étions libres, et profitions des joies de la chair quand l'envie nous en prenait. Il n'y avait rien de plus entre nous qu'une complicité charnelle. Parfois, nous pouvions nous surprendre à discuter comme des amis, mais la barrière n'avait jamais vraiment été franchie. Nous nous complaisions dans nos désirs ardents, dans nos rendez-vous discrets et nos baisers enflammés. Une flamme en moi brûlait pour cette femme et son physique ravageur, jusqu'à ce que la réalité nous rattrape. Nous n'avions pas été si prudents que cela, et Teeghan attendait un enfant. Le choc avait été rude, mais nous avions tenté de gérer au mieux cette nouvelle. Ensemble, comme des adultes. Jusqu'à ce qu'elle décide de nous fuir. Aujourd'hui, je ressentais ce même besoin irrépressible de m'enfuir. J'aurais voulu me transformer en oiseau pour quitter ce nuisible au plus vite. « Non. » Mais Teeghan n'était pas un nuisible. C'était une femme déterminée qui encaissait les coups depuis de longues minutes sans broncher. Je me mis à hurler, pour qu'elle aille droit au but et qu'elle nous laisse partir. « Je veux la connaître. Et qu’elle me connaisse. Je veux passer du temps avec elle. Tu ne me fais pas confiance, j’ai bien compris, je ne te demande pas d’être seule avec elle, si tu veux être là pour me surveiller, ça ne me dérange pas. » A mesure que Teeghan s'expliquait, je sentais le petit corps d'Eileen s'agiter. Ses poumons se gonflaient et se vidaient de manière saccadée, plus rapidement. Eileen allait pleurer.  « J’ai réalisé mon erreur, trop tard, je sais. Mais j’ai envie de croire qu’il n’est pas trop tard, qu’il vaut mieux maintenant plutôt que dans dix ans. Et même si tu garderas sa garde, j’ai besoin de tisser un lien avec elle, et je suis certaine qu’elle en a besoin aussi, pour son équilibre. » Teeghan eut à peine le temps d'achever sa phrase que ma fille éclata en sanglots. Je la berçais lentement, tout contre moi, en lui murmurant quelques petits mots rassurants. Elle n'avait pas encore un mois, mais elle comprenait certainement déjà que ses parents se déchiraient. « Je ne te demande pas la lune Connor. S’il te plait, fais-le pour elle. » Je restais silencieux, administrant de temps en temps un tendre baiser sur la tête d'Eileen. Je continuais de la bercer, le dos tourné à Teeghan, lorsque ma fille me regarda, le regard embué. D'une certaine manière, j'eus l'impression qu'Eileen me suppliait de ne pas commettre la même erreur que sa mère. J'eus un violent pincement au coeur. Je ne pouvais pas lui faire ça. Je devais mettre ma fierté et mon inquiétude de côté pour son équilibre. Après lui avoir chuchoté que je serais toujours là pour elle, c'est sur un ton résigné que je finis par proposer l'impossible : « Samedi, 17h, chez moi. Ne sois pas en retard. » Et c'est sans lui adresser un seul regard que je me dirigeai, enfin, vers la sortie du parc. Je ne voyais rien de bon dans ces retrouvailles, mais leur lien ne s'éteindrait jamais, et Teeghan ne lâcherait pas l'affaire. Je n'avais guère le choix : il fallait que je prenne sur moi pour Eileen. Je priais seulement pour que cette fois, il n'y ait pas de fins violentes.