Music Soothes the Soul (Ft Ashton)

Personne ne croise votre chemin par hasard, et vous n'entrez pas dans la vie de quelqu'un sans raison, chaque rencontre a sa raison d'être...Ashton & May

Assise devant mon sèche-linge, j'attendais qu'il termine son cycle tout en parcourant mon fil d'actualité Facebook. Chose que je fais très rarement en temps normal, mais comme je n'ai rien de mieux à faire et que je refuse de quitter la machine des oreilles pour être sûre de ne pas rater le moment où elle sera finie, je dois bien trouver un moyen de m'occuper. Gaby est parti depuis plusieurs heures déjà et une fraction après son départ, j'effectuais une lessive afin de rendre à Ashton son sweat sans l'odeur de cigarette. Puis ça reste la moindre des choses. J'aurais pu attendre sagement le lendemain pour le voir, histoire de le faire sécher sur le balcon, mais j'avais jugé le moment opportun pour lui rendre. Peut-être à cause des dernières révélations du jour et d'une certaine envie de le revoir… Mais surtout parce que j'ai suffisamment traîner pour lui ramener.
Quand la machine émet un bip sonore, m'avertissant que je peux enfin partir, je saute sur mes jambes, récupère le pull que je plie soigneusement et le glisse dans un sac en plastique. Je sors en trombe de la salle de bain, attrapant au passage ma montre posée à côté du lavabo. « Stitch, tu te caches où ? » demandé-je à l'intention de mon chiot. « Allez, montre-toi, on sort ! » Il me répond par un aboiement avant de se ruer sur moi. Je souris et me dirige vers l'entrée, attrape sa laisse, que je lui attache, rassemble toutes mes affaires dans mon sac et quitte mon appartement.

Après m'être trompée deux ou trois fois de rue, alors que j'ai passé plus de dix minutes à observer la carte de la ville et que j'ai mis, par sécurité, mon GPS, je tombe enfin sur le disquaire. Je soupire de soulagement en voyant qu'il est ouvert. Je ne sais pas pourquoi, mais pendant tout le chemin, je me suis imaginée me retrouvant devant une porte fermée. Je prends Stitch dans mes bras et j'entre en suppliant n'importe quel Dieu pour qu'il travaille bien aujourd'hui. Ce serait bien ma veine de tomber sur quelqu'un d'autre que lui. Fort heureusement, il est bel et bien là, en chair et en os, devant moi. Je m'approche d'un pas assuré, ce qui, honnêtement m'étonne. « Hey ! » Je lui souris et lui tend le sac en plastique. « Il me semble que ça t'appartient. Et je suis désolée de te le rendre que maintenant… » Dans mes bras, Stitch se penche pour renifler la main d'Ashton. Après sa petite inspection, il tourne sa tête dans ma direction, comme pour me dire que tout va bien et qu'il me donne sa bénédiction pour que je puisse le côtoyer. Il se concentre de nouveau sur la main du jeune homme qu'il se met à lécher pour le saluer. « Excuse-le. » dis-je en gloussant. « Mais je crois qu'il t'aime bien ! » Je regarde autour de moi, ne sachant trop quoi dire d'autre et surtout comment débuter une vraie discussion et pose alors la question la plus stupide du siècle. « Alors… C'est ici que tu travailles ? » Je me donne une claque imaginaire. Bravo, tu as deviné ça toute seule ma grande ? Je reporte mon regard sur lui et tente de reprendre maladroitement. « Enfin, la vraie question, c'est plutôt… Pourquoi ici ? Pourquoi un disquaire et pas une boulangerie… ? » Je me sens complètement ridicule. A croire que ça devient une habitude quand je parle avec lui.

May-Line & Ashton

music soothes the soul

« Du rock récent ? Hmm, voyons voir… Je peux te proposer d’écouter Neck Deep, ou le dernier album de The Maine qui est très bon. Si tu préfères le côté punk, je te conseille vivement Don Broco également, tu ne le regretteras pas. Il me semble qu’on a quelques exemplaires de ces albums en boutique, je vais voir ça. » Je m’excuse quelques minutes auprès du client le temps d’aller vérifier dans le coin approprié du magasin. Tout en fouillant dans les bacs, un sourire me retrousse le coin de la lèvre en songeant à combien j’ai eu du bol de décrocher ce job chez le disquaire. Déjà 6 mois que j’y travaille – un vrai record pour moi – et je m’éclate toujours autant. J’adore conseiller les clients voir même leur donner mon avis sur certains albums, leur faire découvrir de nouveaux artistes, et en général être entouré par tout un tas de vinyles, CDs et autres magazines musicaux. Franchement, que pouvais-je rêver de mieux ? Je mets enfin la main sur les albums recherchés et les apporte au client, qui me remercie chaleureusement en me promettant de revenir à la boutique m’en dire des nouvelles. C’est un habitué aux bras couverts de tatouages colorés qui passe souvent faire le plein de nouvelles musiques pour le fon sonore du bar qu’il possède, alors je ne doute pas une seconde le recroiser dans peu de temps. Après l’avoir encaissé et salué, je retourne vers le devant du magasin ranger une récente livraison de vinyles collector à leur place attribuée, et laissez moi vous dire que pour un fanatique de musique comme moi, résister à la tentation de m’extasier et d’admirer chaque pochette sous tous les angles me demande tout mon self-control.  

Quelques minutes plus tard, alors que je bougeais la tête au rythme de Sunday Bloody Sunday de U2 qui passait à la radio, j’entends une voix familière derrière moi qui me fait me retourner, surpris. « Hey, May-Line ! Ça fait plaisir de te revoir ! Qu’est-ce que tu fais là ? » J’accueille la jeune fille d’un grand sourire. La voir sur mon lieu de travail est bien la dernière chose à laquelle je m’attendais, je ne pensais même pas qu’elle aurait retenu que je bossais là, c’est pour dire. Elle m’explique la raison de sa visite en me tendant un sac plastique dans lequel je trouve mon sweat noir. Je l’avais presque oublié celui-là. « Ah tu y as pensé ! Merci ! » Je prends le vêtement et vais pour le poser sur un bac rempli de vinyles à côté de moi quand je remarque qu’il dégage une douce odeur fleurie. Odeur qui n’était sûrement pas la mienne. Désabusé, je secoue la tête  en riant. « T’étais vraiment pas obligée de le laver, il était pas si sale que ça... enfin je crois ? Mais j’apprécie l’attention ! » Ce n’est que lorsque je sens quelque chose d’humide me lécher la main que je me rends compte que May n’est pas venue seule : une adorable boule de poils aux grands yeux noirs me dévisage d’un air interrogateur, bien niché dans les bras de sa maîtresse. Est-ce que ça casserait le personnage si je me jetais à genoux ici et maintenant pour le caresser et lui faire des papouilles ? Parce que là je crois que je viens de me transformer en emoji avec des cœurs à la place des yeux. Ce chien est beaucoup trop mignon. Dans mon propre intérêt, je décide finalement de garder mon sang froid et de me contenter d’une sobre caresse sur la tête de l’animal. « Coucou toi, tu sais que t’es adorable ? » Heureusement, May-Line reprend la parole avant que je ne perde toute dignité. « Alors… C'est ici que tu travailles ? » Je hoche la tête en écartant les bras, comme pour englober toute la boutique. « Affirmatif ! J’aurais aimé te souhaiter la bienvenue dans mon magasin, or je ne suis ici qu’un modeste vendeur donc… bienvenue dans l’endroit où je passe la plupart de mon temps en semaine ! » Je ne peux m’empêcher d’éclater de rire à la question de May. Une boulangerie ? Sérieusement ? J’ai la maladresse d’un poulpe – très bourré le poulpe – et ma patience n’est pas la meilleure non plus, alors même si j’aimais bien cuisiner à l’occasion, bosser dans un tel endroit serait une véritable catastrophe, tant pour les clients que pour le mobilier. « Je ne sais pas ce qui te fait penser que je pourrais être boulanger, mais pourquoi pas ! Plus sérieusement, tu as devant toi un fana de musique de première catégorie. Bosser chez un disquaire est pour moi ce qui se rapproche le plus du job de rêve… juste après devenir rockstar évidemment. » Pour être plus à l’aise pour discuter, j’invite May-Line à me suivre dans le coin de la boutique où se trouve l’espace "détente". On y trouve trois fauteuils en vieux cuir beige accompagnés de casques audio connectés à des lecteurs CD où l’on peut écouter des extraits d’albums du moment avant de faire son choix. D’ici je peux garder un œil sur l’entrée et l’éventuelle arrivée de clients, mais vu comme la journée a été calme jusqu'à présent, je ne risque pas grand chose.

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Je souris légèrement devant sa remarque et n'ose pas lui expliquer qu'en réalité, j'ai traîné avec pendant presque toute la semaine et qu'en plus de ça, il commençait vraiment à sentir la cigarette. Remarque, entre l'odeur fleurie, bien fifille, de ma lessive et l'odeur de tabac, je me demande laquelle est la pire pour lui. Je le suis jusqu'à l'espace détente de la boutique, tout en cherchant du regard un rayon qui pourrait m’intéresser. Surtout que je suis un peu...bizarre, niveau musique. Jusqu'à mes douze ans, j'écoutais vraiment de tout. J'ai même eu une période de métal. Vraiment. Aujourd'hui, les seules musiques que j'écoute sont, soit du classique, soit de l'épique. Mes goûts musicaux sortent clairement de la norme et généralement, c'est le genre de choses que je garde pour moi. Après tout, vous connaissez beaucoup d'adolescents qui écoutent exclusivement ce style ? Je m'assois sur l'un des fauteuils et pose Stitch sur mes genoux qu'il quitte aussitôt pour s'allonger aux pieds d'Ashton. Je prends un air offusqué et lui annonce qu'il pourra toujours japper pour que je lui donne ses croquettes en rentrant ce soir. Ce qui n'a, évidemment, pas l'effet escompté, puisqu'il ne bouge pas d'un poil et prend même ses aises en se mettant sur le ventre, les quatre pattes en l'air. Ce chien est une vraie boule d'amour, mais une véritable tête de mule. Je secoue la tête de droite à gauche et soupir discrètement. Je suis presque sûr que l'Australien à autant de succès avec les filles qu'avec les chiens ou les animaux en général. Je remonte les yeux jusqu'à trouver les siens et rebondit sur ce qu'il me disait quelques instants plus tôt. « Rock-star, rien que ça ? » Mais c'est vrai que ça lui convient plutôt bien. Il a l'allure et le charisme pour. « Monsieur envisage une carrière de gloire, de paillettes et de richesse ? » dis-je avec une pointe d'ironie dans la voix, même si dans un sens, notre objectif se ressemble et que je le comprends parfaitement. Lui, dans la musique, moi, dans la littérature. Je donnerais n'importe quoi pour écrire un best-seller, vivre de ma passion et pourquoi pas, voir un jour ma saga sur grand écran. Avoir le même parcours que J.K. Rowling est mon but ultime. Ce serait le rêve absolu. Des fois, il faut savoir rêver et surtout croire en ses rêves. « J'en conclus donc que tu es musicien ? Ou chanteur ? Ou peut-être les deux ? » A ses pieds, mon chien choisit cet instant pour faire sa propre musique en aboyant. Avant de déménager, lorsque j'avais encore un violon, il se joignait à moi et m'accompagnait à sa manière, donnant à la scène un petit côté complètement craquant. D'ailleurs, il faudrait peut-être que j'investisse dans un nouvel instrument un de ces jours. De toute façon, l'ancien commençait à se faire vieux. Pensive, je jette un coup d’œil au magasin avant de reprendre. « J'ai appris le violon et le violoncelle quand j'étais plus jeune. » Je ne suis pas certaine que cette information soit vraiment utile à notre conversation, mais maintenant que c'est dit, je ne peux plus revenir en arrière ! En espérant qu'il n'ait pas une allergie à ses deux instruments.

May-Line & Ashton

music soothes the soul

À peine installé dans un des fauteuils que le chien de May vient s’allonger à mes pieds. Je me sens étrangement flatté par ce geste alors je lui gratouille derrière les oreilles et il m’en remercie en jappant. Trop mignon. Je me redresse et croise les jambes, cheville posée sur le genou opposé tandis que May reprend la parole. « Rock-star, rien que ça ? Monsieur envisage une carrière de gloire, de paillettes et de richesse ? » J’éclate de rire, même si en soit elle n’a pas vraiment tort. « La gloire et la célébrité, ce n’est pas le rêve de tout le monde ? J’ai juste décidé d’y croire au lieu d’y renoncer et de me rabattre sur un métier banal qui me ferait tourner en rond toute la journée. » Je dis ça le plus simplement du monde, en toute sincérité. Pensez que je suis un type naïf pour croire percer un jour dans une carrière aussi fermée, mais à quoi sert de vivre sinon pour suivre ses rêves ? Et puis je suis convaincu qu’avec beaucoup de détermination et d’huile de coude on peut gravir des montagnes, or de l’ambition j’en ai à revendre. Je hoche la tête en réponse à May-Line. « Affirmatif, mais musicien au chômage ! Chanteur non en revanche, c’est pas trop mon truc. Je préfère de loin m’exprimer en jouant de la guitare ou de la batterie. Je fais un peu de piano aussi de temps en temps, mais c’est pas aussi jouissif qu’un bon gros solo de batterie... » Je secoue la tête et me frotte le visage d’une main dés que ces mots sortent de ma bouche. « Damn, je passe pour un vrai bourrin, pas vrai ? » Heureusement, May-Line n’a pas l’air de s’en formaliser vu qu’elle n’a toujours pas pris ses jambes à son cou, ajoutant d’ailleurs qu’elle jouait du violon et du violoncelle étant plus jeune. Je ne sais pas pourquoi mais je n’aurais jamais imaginé qu’elle était musicienne elle aussi, mais en y repensant, ces deux instruments lui correspondent plutôt bien. Même si je ne peux jouer de ni l’un ni l’autre – et ce n’est pas faute d’avoir essayer, mais je préfère effacer ces moments tragiques de ma mémoire –, je suis très intéressé et ne peux m’empêcher d’interroger la brunette : « Ah ouais ! C’est top ça ! Pourquoi t’as arrêté ? Tu devrais me montrer un jour ! » Ça y est, mon mode "total music nerd" s’est enclenché et je deviens insupportable. « Désolé, j’ai tendance à m’emporter facilement quand on me parle musique… » je ris en me passant une main dans les cheveux d’un air embarrassé. Je suis vraiment irrécupérable de ce côté-là. Je m’agite dans mon fauteuil et finis par croiser les jambes dans l’autre sens avant de reprendre la parole d’une voix plus posée, moins "gamin shooté au sucre", mais avec toujours cette pointe de malice qui semble ne jamais être bien loin. « Alors, qu’est-ce qui t’amène dans mon antre ? » Si me rendre mon sweat avait été son seul objectif, elle serait déjà repartie. « Est-ce que mon charme naturel a fait son effet et tu ne peux déjà plus te passer de mon honorable présence ? »

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Pour tout avouer, je suis plutôt d'accord avec ce qu'il dit. Combien de fois ai-je rêvé de devenir un des ces auteurs mondialement connus ? De parcourir les pays pour des séances de dédicaces toutes aussi magiques les unes que les autres ? Ou encore de voir une de mes œuvres adaptées au cinéma ? Au fond, la musique, c'est comme l'écriture. Tout le monde peut apprendre à jouer d'un instrument et tout le monde peut écrire. Percer dans un de ces milieux, c'est une tout autre histoire. Et le facteur chance rentre, peut-être, un peu trop en compte. Sans parler du piston. Je ne connais pas grand-chose du domaine musical, puisque la musique reste, pour moi, un passe-temps secondaire, mais je sais que pour se faire éditer dans une maison d'édition reconnue, ça n'a rien de facile. L'argent passe avant tout. Et pour se faire de l'argent, il faut miser juste. Une nouvelle tête ne peut pas promettre de rapporter autant qu'un écrivain déjà célèbre, de la nièce ou d'un cousin germain de l'éditeur. Non. Alors, j'imagine que pour devenir la rock star de demain, c'est la même chose. Et dans le cas d'Ashton, si le chant n'est pas son truc, il ne peut même pas compter sur l'un des nombreux télé-crochets du moment pour tenter de se faire repérer. La vie d'artiste, faut vraiment la vouloir.
Je l'écoute sans dire un mot, me contentant de sourire d'amusement à cause de la vitesse à laquelle il débite ses phrases. Même si j'avais envie d'en placer une, je ne pourrais pas. De toute façon, ça ne me dérange pas plus que ça. Je suis plutôt douée pour écouter les autres et son enthousiasme est même communicatif. Il n'y a rien de plus plaisant que d'écouter quelqu'un parler de sa passion avec autant de panache. « Ne t'en fais pas, je comprends. Je pense que je réagis un peu de la même manière avec la lecture et l'écriture. Quand il s'agit d'un sujet que je maîtrise, je deviens un véritable moulin à parole. » Et pourtant, je ne suis pas quelqu'un qui tient facilement la conversation. Je lui souris et hoche la tête. « J'ai arrêté après le décès de ma sœur… Je ne sais pas vraiment pourquoi, d'ailleurs. Je n'arrivais plus vraiment à jouer. Peut-être parce qu'elle a toujours été la première à m'encourager. » Je termine cette phrase d'une toute petite voix et essaie de contenir mes larmes. « Je suis venue sans mes instruments, alors pour la démonstration, je pense qu'il faudra attendre encore un peu. » dis-je tristement. « Sauf si tu sais où je pourrais dégoter un violon électrique » poursuis-je avec un clin d’œil. Je ne suis pas certaine que mes parents apprécieraient que je dépense leur argent là-dedans, mais d'en parler, j'ai le sentiment que reprendre la musique pourrait être une très bonne thérapie.

Après notre discussion animée sur la musique, il décide de radicalement changer de sujet. Je le regarde, un sourire en demi coin. « Fidèle à toi-même à ce que je vois ? » Je regarde Stitch qui n'a pas bougé de place et semble profondément endormie. « Il se pourrait, effectivement, que je puisse plus me passer de toi. Mais par simple intérêt. Tu es l'une des seules personnes que je connais dans cette ville et je me sentais un peu seule. » Je croise les bras sur ma poitrine. En vérité, si je suis encore là, à parler avec lui, c'est bien parce qu'il y a une raison. Et plutôt une bonne. « En fait, j'aimerais surtout te parler de quelque chose. » Je pousse un léger soupir avant de reprendre. « J'ai appris ce matin que tu connais Gaby. Gaby Wade. Et bah...euh. C'est mon ancien beau-frère. Le copain de ma sœur... »

May-Line & Ashton

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Je suis rassuré lorsque May-Line ne s’effraie pas de ma réaction un peu trop enthousiaste dés qu’on aborde le sujet de la musique. Au contraire, elle à l'air de comprendre totalement. J’apprends ainsi qu’elle est fan d’écriture et de lecture, ce qui ne m’étonne pas plus que ça. Je n’ai pas de mal à l’imaginer en petit rat de bibliothèque, trois livres sous le bras et un stylo derrière l’oreille à toute heure de la journée. Mais l’ambiance jusque-là légère qui régnait entre nous s’alourdit soudain lorsque la jeune fille évoque sa sœur, et le décès de celle-ci comme étant la principale raison de son hiatus musical. Je vois bien que ce souvenir émeut toujours May-Line, j’entends sa voix se briser sur certains mots, mais ce n’est pas pour autant que je sais comment réagir. D’un côté j’ai envie de la questionner pour en savoir un peu plus et ainsi pouvoir trouver les mots juste pour l’aider, mais de l’autre je ne sais pas si elle apprécierait que j’envahisse sa vie privée de la sorte. On ne se connaît pas depuis très longtemps après tout, et même si dans mon cas je la considère déjà comme une amie, je ne suis pas tout-à-fait certain que ce soit la même chose pour elle. Il faut plus de temps, évidemment, mais je ne suis pas pressé. C’est pourquoi je décide de museler ma curiosité et me contente de poser amicalement ma main sur l’épaule de la jeune fille. « C’est normal que tu te sentes un peu perdue. Et quand tu seras prête, je suis sûr que ta sœur, de là où elle est, sera ravie de voir que tu as recommencé à jouer. » Je lui souris chaleureusement puis retire ma main après une légère pression réconfortante.

Notre discussion change radicalement de ton lorsque je change de sujet. Penché en avant, les coudes posés sur les genoux, j’écoute attentivement May-Line m’expliquer les raisons de sa visite à la boutique où je travaille. « Il se pourrait, effectivement, que je puisse plus me passer de toi. Mais par simple intérêt. Tu es l'une des seules personnes que je connais dans cette ville et je me sentais un peu seule. » Je prends un air faussement offusqué, main sur le cœur. « Par simple intérêt ? Et moi qui croyais que nous étions amis ! Tu viens de piétiner mes sentiments May, je ne sais pas si je pourrai m’en remettre un jour. » Aaah, moi et mon côté dramatique. Une grande histoire. Finalement, la jeune fille aborde le cœur de la question ce qui me fait reprendre un air plus sérieux. « Gaby Wade ? » je répète. « Oui bien sûr que je le connais, c’est un bon pote à moi. » On se connaît depuis pas mal de temps maintenant, c’est un de mes plus proches amis. Ce qui me fait penser, ça fait longtemps que je n’ai pas pris de ses nouvelles, je me demande comment il va… « Et bah...euh. C'est mon ancien beau-frère. Le copain de ma sœur... » J’écarquille les yeux d’un air ahuris. Gaby a tragiquement perdu sa petite-amie il y a quelque mois, je suis au courant bien sûr, je l’ai aidé du mieux que je pouvais pendant cette période difficile. Personne ne devrait avoir à traverser seul une telle épreuve. Surtout quand sa belle-famille est convaincue qu’il est coupable du suicide de leur fille, ce qui n’a pas arrangé les choses pour le pauvre Gaby. Or maintenant j’apprends que ladite petite-amie est – ou plutôt était – la sœur de May-Line ?! La révélation me fait un petit choc, le monde est vraiment petit. « Wow, je ne m’en serait jamais douté… Je suis vraiment désolé pour ta sœur, c’est horrible ce qui lui ait arrivé. » Je baisse les yeux un moment, histoire de digérer l’information. « C’est pour ça que tu es venue à Island Bay ? Pour parler à Gaby ? » Il ne faut pas être un génie pour connecter les points mais j'ai quand même besoin d'une sorte de confirmation. 

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Devant ses gestes et ses paroles théâtrales lorsque je lui explique, en me moquant de lui, la raison de ma visite, je ne peux m'empêcher de rire de bon cœur. Il est encore moins crédible que moi lorsque j'essayais de faire croire que j'étais une fille extrêmement douée en technique de combat, alors que je suis bien incapable de me débattre face à un moustique. Ces bestioles sont bien trop rapides et je reste persuadée qu'avant de venir m'embêter, elles sont passées se nourrir chez des ninja. Avec du sang pareil qui coulent dans leur veine, je n'ai aucune chance. « Tu sais quoi ? » dis-je en reprenant mon sérieux. « Si tu viens à échouer dans la musique, ce que je ne te souhaite pas, tu pourras toujours devenir acteur. » J'accompagne la fin de ma phrase d'un petit clin d’œil. « Ce n'est, certes, pas pareil, mais voyons le bon côté des choses. Tu pourras quand même vivre aux côtés de la gloire et des paillettes. » Je lui souris et me concentrer sur la véritable raison. Gaby. Je lui explique alors ce que j'ai appris ce matin et quel lien, aussi dramatique soit-il, me lie à lui. Je ne suis donc pas étonnée lorsqu'il m'explique qu'ils sont très bons potes. Je le savais déjà. En revanche, bien que je sois au courant, je ne m'étais pas imaginée une seule seconde qu'il puisse savoir pour ma sœur. Pourtant, ça coule de source. Et peut-être qu'il la connaissait. C'est même quasi certain. En était ami avec mon ancien beau-frère, il ne pouvait pas être passé à côté de Clarisse. « Merci. » Je ne sais quoi dire de plus. On s'excuse quand on a fait quelque chose de mal. Depuis son enterrement, lorsque la famille ou les amis viennent nous présenter leurs condoléances et leurs excuses, tout ce que j'entends ressemble plutôt à des ''nous sommes vraiment désolés de rien avoir vu. Elle semblait si heureuse.'' Et moi aussi, je suis désolée. Parce que nous étions proches et que je n'ai rien vu. Parce que pendant qu'elle souffrait ici, je m'éclatais, en vacances, avec des amies. Parce que j'aurais dû, ne serait-ce qu'une seule fois, lui demander comment elle allait et que je ne l'ai pas fait, préférant croire que tout allait pour le mieux. Et à quand remonte la dernière fois où je lui ai dit à quel point je l'aimais ? Est-ce qu'elle le sait au moins ? Est-ce qu'elle est partie en se disant que des personnes l'aimaient sur cette maudite terre ? Je baisse la tête, bénissant mes longs cheveux pour me cacher le visage et donc les larmes qui ont décidé de couler à flot le long de mes joues. Mes mains posées sur mes genoux se resserre machinalement pour former un poing et je ravale un sanglot. Je dois dire quelque chose. Juste un petit mot. « Oui. » La monosyllabe parfaite. Je réponds à sa question, sans trop en dire. Je me relève, incapable de rester inerte plus longtemps et lui tourne le dos, les bras maintenant croisée sur ma poitrine. Je ferme les yeux, essayant de contrôler ma respiration et une fois plus apaisée et mes larmes séchées, lui réponds, par une vraie phrase, cette fois. « J'ai toujours su qu'il était innocent. Toujours. J'ai essayé de le défendre auprès de mes parents et de mon frère, mais ils ne voulaient rien savoir… Pour eux, c'était de sa faute. J'imagine que quand on n'a pas d'explication quant à la mort de notre enfant, désigner la première personne qui passe est un moyen de nous aider… » Je me tourne de nouveau vers lui. « J'aurais pu les croire et condamner Gab, mais je ne pouvais pas m'y résoudre. Il y avait autre chose. Je voulais connaître la vérité. Et pour ça, je devais venir ici et renouer le dialogue avec Gaby. Puis ça devenait de plus en plus tendu à la maison. Je ne supportais plus l'ambiance qu'il y avait et encore moins de vivre dans la chambre voisine à celle de Clarisse. Je sais, qu'inconsciemment, j'attendais qu'elle revienne… » Je soupire. « Je suis plutôt bien ici. Et on commence à avoir des réponses. Même si elles ne sont pas celles auxquelles je m'attendais. » Je baisse les yeux. Depuis qu'on se connaît, ce pauvre garçon n'entend de ma bouche qu'un débit incessant de tous mes problèmes. Je me mords la joue intérieure et m'excuse. « Je ne voulais pas t'ennuyer avec ça… On pourrait changer de sujet, ce serait sûrement mieux... » Je me tourne vers le magasin, avant de demander : « Vous avez des CD's de musique épique ?

May-Line & Ashton

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Comme je m’y attendais, May-Line confirme mon interrogation. Je ne peux plus voir son visage, caché par un long rideau de cheveux bruns, mais son langage corporel est bien assez explicite pour que je comprenne que la jeune fille est bouleversée par cette conversation. Ce n’est pas du tout la direction que je voyais cette discussion emprunter et ça m’embarrasse un peu. Je ne sais plus où me mettre ni quoi dire pour alléger l’ambiance. Croyez-le ou non, Ashton Walker est à court de blagues. « T’es pas obligée d’en parler si tu ne te sens pas prête, je comprends tout à f- » Je n’ai pas le temps de finir ma phrase que May se lève soudain et je la suis du regard lorsqu’elle me tourne le dos en croisant les bras. Pendant un instant je crois qu’elle veut partir, mais elle reprend bien vite la parole, approfondissant sa précédente réponse. Elle m’explique croire en Gaby et en son innocence depuis le début, et même si ça a toujours été une évidence pour moi, je suis positivement surpris la concernant. C’est vrai quoi, blâmer le petit-copain pour le suicide de Clarisse aurait paru logique pour n’importe qui ne fréquentant pas le couple au quotidien. Le parfait coupable. C’est ce qui se passe dans les séries policières, non ? May-Line fait écho à mes pensées silencieuses et je hoche la tête pour confirmer, même si elle ne peut pas me voir. Au fur et à mesure que la jeune fille continue dans son discours, je découvre de nouvelles facettes de sa personnalité. Avant aujourd’hui, je n’aurais jamais imaginé qu’elle ait traversé ce genre d’épreuve terrible et c’est courageux de sa part de soutenir Gaby contre l’avis de ses parents, encore plus de venir à Island Bay pour y trouver des réponses. Je l’admire pour sa détermination. « Je suis plutôt bien ici. Et on commence à avoir des réponses. Même si elles ne sont pas celles auxquelles je m'attendais. » Je lui réponds d’un petit sourire compréhensif. « Je suis sûr que tu trouveras les réponses à tes questions. Ce n’est qu’une question de temps. » Et vu la détermination dont elle a fait preuve jusque-là, ça ne devrait plus être long, surtout si elle s’associe à Gaby dans ses recherches car je sais que ce dernier ne lâchera pas le morceau avant d’avoir prouvé son innocence et résolu le mystère. « Vous avez tout mon soutien en tout cas. Si jamais t’as besoin de quoi que ce soit, je ferai tout ce que je peux pour aider. » Je balaye ses excuses de la main en secouant la tête. « Tsk tsk tsk, aucun problème. Au contraire, je suis ravi que tu aies assez confiance en moi pour me confier ce genre de choses, ça me touche. » Ma référence à notre première rencontre me fait sourire. La fille au ton froid et méfiant de la petite allée sombre semble loin à présent. Lorsqu’elle propose de changer de sujet, j’acquiesce vivement du chef, plus que d’accord pour trouver une discussion plus… légère. « Vous avez des CD's de musique épique ? » Il me faut un moment pour comprendre ce qu’on vient de me demander. Je cligne plusieurs fois des yeux d’un air hébété, puis fronce les sourcils avant de pencher la tête sur le côté. « De la musique… épique ? » Qui vient dans un disquaire pour acheter un album de musique épique ? Mieux encore, qui écoute de la musique épique ?? « Tu parles bien de la musique principalement utilisée pour les bandes-son de jeux vidéos ou de films type le Seigneur des Anneaux ? » Je connais le magasin comme ma poche et je suis à peu près certain de n’avoir jamais croisé la route d’un album de ce genre de ma vie. Toujours nageant dans un bassin d’incompréhension, je reprends lentement la parole. « Je ne pense pas qu’on en ait non… mais je peux voir pour en commander si ça t’intéresse ? » Totalement à l’opposé de moi, May-Line n’a pas l’air phasée par sa demande, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Elle ne me fait donc pas de blague. Soudain pris de suspicion, je plisse les yeux. « Ne me dit pas que c’est le genre de musique que t’écoutes ? » Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, je ne juge pas les gens sur leur goûts musicaux, loin de là, mais avouez que c’est quand même hyper original et inattendu. J’aurais été moins surpris si elle m’avait demandé un CD de musique country honnêtement.

Personne ne croise votre chemin par hasard, et vous n'entrez pas dans la vie de quelqu'un sans raison, chaque rencontre a sa raison d'être...Ashton & May

Et du temps, on n'en a pas vraiment malheureusement. Je sais que tôt ou tard, Gaby voudra tourner la page et je pense qu'il a déjà commencé à le faire. Je le comprends. Il sait qu'il est innocent, plus personne ne pourra lui reprocher quoi que ce soit, c'est marqué noir sur blanc. Il trouvera sans doute une autre petite copine et même si il aimait Clarisse, il passera à autre chose. C'est normal. Mais moi, c'était ma sœur et les liens du sang, ça ne se change pas comme une petite copine… Et tant que je n'aurais pas obtenu les réponses à mes questions, je ne pourrais pas continuer ma petite vie tranquille et encore moins faire mon deuil. Mais pour ça, j'ai besoin que Gaby m'aide. Alors avant qu'il se reconstruise et souhaite laisser ce qui appartient au passé derrière lui, je dois lui soutirer le plus d'informations possibles.
Ashton poursuit en me disant qu'il me soutient et qu'en cas de besoin, il fera tout pour m'aider et surtout. Je nous imagine bien, tous les deux, jouer aux parfaits petits détectives. Même si cette pensée me fait intérieurement rire, ses paroles me touchent bien plus que ce qu'il peut imaginer ou même que ce que j'aurais pu imaginer. Je le gratifie d'un sourire en guise remerciement. Je sais, maintenant, que quoi qu'il puisse se passer, je pourrais compter sur lui et ça, c'est quelque chose dont je n'ai plus l'habitude avec les hommes. « Tu devrais même te sentir flatté. Ma confiance, on ne la gagne pas facilement. »

Devant son regard médusé voire même choqué, comme-ci il venait d'apercevoir un éléphant rose avec des ailes,  je ne peux m'empêcher de glousser. Est-ce si étonnant que ça d'écouter ce style de musique ? Vu la tête qu'il tire, j'imagine que pour lui, c'est même carrément plus choquant que la possibilité de voir des extra-terrestre se poser dans son jardin. « Pas exactement. Les musiques de films ou de jeux-vidéos sont distinguées de la musique épique. Si tu veux, elles ne sont plus uniquement composées pour ces supports. Mais dans l'idée, c'est ça. » Je suis persuadée qu'il est en train de se demander de quelles planètes je viens ou pire encore, si je ne suis pas complètement folle. Je peux concevoir que ce ne soit pas un style qu'énormément de personnes écoutent, si ce n'est presque personne. Mais pour moi, il y a quelque chose de tellement plus profond dans ces musiques que dans celles qui passent à la radio tous les jours, que passer pour une fille bizarre ne me dérange pas plus que ça. « Oui, je veux bien. Si tu peux trouver un de Two Steps from Hell, ce serait même parfait. Ce sont les plus connus dans le milieu. » J'ai l'air tellement sérieuse en disant ça, qu'il est obligé de poser la question qui lui brûle les lèvres depuis le début. Peut-être qu'il croit vraiment que je lui fais une blague ? Pourtant, le poisson d'avril, c'est dans un mois ! « Hm, si pourquoi ? J'écoute ça et le classique. C'est si étonnant ? » J'hausse les épaules, avant de reprendre. « Mais ne te fait pas de fausses idées non plus, je ne dis pas non contre du rock ou de la pop, c'est juste que ce ne sont pas des genres que j'irais écouter de mon propre chef… Et puis, c'est quand même plus difficile d'écrire avec ces styles de musiques ou même d'essayer de dormir. » Je passe une main dans mes cheveux et croises les bras sur ma poitrine. « J'aime beaucoup écrire en musique et la musique épique est parfaite pour ça. Surtout lorsque, comme moi, on écrit de la fantasy. Et pour dormir, c'est pas mal aussi. Quand ma sœur est décédée, j'en écoutais pour m'apaiser et ensuite m'endormir. Maintenant, ça me permet, de temps en temps, de faire des rêves assez particuliers et donc de me donner des idées pour mes écrits. » Je fini par me rasseoir sur le fauteuil en face de lui et croise les jambes et d'un air complètement détaché, lui raconte l'un de mes derniers rêves. « Bon, parfois, ça, mélangé à l'étrangeté de mon cerveau, ça donne des rêves plutôt incongrus. La nuit dernière, je me réveillais en étant transformée en homme. Alors le matin, quand je me suis réveillée, j'ai été obligé d'aller me regarder dans le miroir pour vérifier que tout ça n'était pas réel. D'ailleurs, entre nous, si je venais un jour à me transformer en mec, je pense que la première chose que je ferais c'est de regarder dans mon pantalon, histoire de vérifier si la nature a été généreuse avec moi. » Réalisant seulement maintenant de ce que je suis en train de parler, je plaque mes mains sur ma bouche, les yeux aussi rond que des balles de tennis. « Je… désolée, je ne voulais pas dire ça. » Je me mets à rougir comme une pivoine. « C'est vraiment embarrassant... »

May-Line & Ashton

music soothes the soul

Attentif, j’écoute les explications de May-Line quant à sa musique de prédilection. J’ai toujours été extrêmement curieux concernant tout ce qui touche de près ou de loin à la musique, aussi étrange et original soit le sujet, et ce domaine renferme tellement de choses que j’ignore encore que May aurait pu m’expliquer la différence entre deux types de chants africains que je boirais chacun de ses mots avec fascination. La surprise initiale passée, évidemment. Je sors mon portable de ma poche arrière de jean pour y noter le nom du groupe que vient de me citer May-Line. Two Steps From Hell… Ça sonne super bien pour un groupe de musique épique, on pourrait même penser à un groupe de métal. Et ils sont sensés être les plus connus dans le milieu ? Jamais entendu parler. Ce serait mentir en niant que ma fierté de music nerd n’en prend pas un petit coup. « Ok je prends note. » Je lui annonce en rangeant mon téléphone. « Je passerai commande dans la journée et je te dirai quand on l’aura reçu. Ça te fera une nouvelle occasion de venir me rendre visite ! » On se sent rapidement seul dans cette boutique lorsque les clients se font rares alors je ne suis jamais contre un peu de compagnie, surtout lorsqu’il s’agissait de May-Line que je commence à beaucoup apprécier. La brune me confie ensuite qu’en plus de l’épique, elle écoute surtout du classique. Je lève les yeux au ciel, un sourire moqueur au coin des lèvres. « Honnêtement, rien ne m’étonne plus venant de toi. » Elle poursuit en me disant que ces deux genres l’aident à dormir, au contraire du rock ou de la pop, et ça je peux comprendre. Je devrais peut-être m’y mettre aussi tiens, ça m’aiderait à régler mes problèmes d’insomnie chronique. En même temps vu la dose de café que j’absorbe dans la journée, ce n’est pas si étonnant que j’ai du mal à m’endormir... Mais j’en ai besoin pour que mon cerveau soit un tant soit peu réveillé à cause de mon manque de sommeil. Oui, c’est un cercle vicieux. Ça et mon esprit qui est bizarrement le plus créatif à deux heures du matin, au grand dam de mes chers voisins. Je devrais définitivement me mettre à la musique classique si c’est la solution miracle. Au fil de la conversation, j’apprends que May-Line est aussi portée sur l’écriture, en particulier sur la fantasy, découvrant une nouvelle facette de sa personnalité. « Oh tu écris ? C’est chouette ça. Un roman ? » J’imagine que la musique classique et épique lui permettent de mieux se concentrer, même si moi c’est tout le contraire : lorsque j’écris les paroles d’une chanson, c’est indispensable que j’ai une mélodie rock en tête en même temps. Normal me direz-vous. J’éclate de rire lorsqu’elle me raconte un de ses derniers rêves. Se réveiller en homme pour quelqu’un qui se méfie autant de la gente masculine, c’est cocasse. Mon hilarité redouble après sa petite confession et face au rouge qui ne tarde pas à lui monter aux joues. C’est tellement décalé d’entendre ce genre de chose sortir d’une fille si timide et propre sur elle telle que May, les visuels me viennent naturellement. « Classique. Je t’imagine totalement te réveiller et faire l’hélicoptère devant ton miroir. Comme le font tous les mecs le matin d’ailleurs, c’est bien connu. » Le visage de May est en train de virer au rouge pivoine à vue d’œil et ça m’encourage encore plus à continuer sur ma lancée. Je n’ai jamais été un mec avec beaucoup de filtre de toute manière. « Mais moi si je devais me réveiller en nana, je regarderais plutôt sous mon t-shirt, si tu vois c’que j’veux dire… » J’accompagne mes paroles de petits haussements de sourcil répétés avec un sourire un brin pervers au coin des lèvres. Je prends un réel plaisir à la taquiner, c’est tellement facile de l’embarrasser surtout quand elle me tend une perche aussi grande que celle-ci. Mais je suis sûr qu’au fond d’elle elle apprécie mon sens de l’humour douteux, c’est obligé. Même si elle ne l’avouera probablement jamais.

Personne ne croise votre chemin par hasard, et vous n'entrez pas dans la vie de quelqu'un sans raison, chaque rencontre a sa raison d'être...Ashton & May

Moi qui pensais, qu'après cette entrevue, j'allais être contrainte de trouver une excuse pour le revoir, en voilà qu'une toute faite me tombe entre les mains. D'ailleurs, j'ai même une excuse pour lui donner mon numéro de téléphone. Comme quoi, des fois, la chance peut aussi me sourire. Je fouille dans mon sac, à la recherche d'un papier et un stylo et lui écrit mon numéro, n'oubliant pas d'écrire mon prénom – avec un cœur sur le i – histoire qu'il ne se demande pas pendant dix ans, même si, au vu du post-it avec une tête de chat en arrière plan, il saura bien vite remettre une tête sur la propriétaire un peu loufoque de ce papier. Des fois, j'ai l'impression d'être jamais sortie de l'enfance. Je me ferais presque honte. « Je pense que tu en auras besoin pour me prévenir » lui dis-je en lui tendant le papier. « Ce sera toujours plus rapide que de venir sonner à la porte de mon immeuble. » Et je ne peux m'empêcher d'ajouter, sûrement pour garder une once de fierté, à l'intention de la feuille. « Je sais aussi être très sérieuse. Je suis plus mâture que ce que je laisse paraître. Et peut-être moins...étrange aussi. » Pour ce dernier point, je ne suis pas certaine qu'il soit capable de me croire. Après tout, entre ma réaction exagérée le jour de notre rencontre, la musique épique et classique et maintenant ça, je pense que c'est foutu. Il manquerait plus que je lui dise que je suis une fanatique de thé, d'encens et de yoga pour qu'il prenne les jambes à son cou. Quoi que. Il m'a bien dit, quelques minutes plus tôt, que plus rien venant de moi l'étonnait. Serait-il étonné si je lui disais que je me suis converti au bouddhisme et que je mange des insectes à tous les repas ? Intérieurement, je ne peux m'empêcher de rire. Même pour moi, ça me semble totalement irréel. Faudrait que je teste sa réaction. Un jour.

Perdue dans mes explications de rêves, je n'ai pas relevé le fait qu'il m'en demandait plus sur ce que j'écrivais alors que d'habitude, c'est à peine si des ailes ne me poussent pas dans le dos. Écrire, c'est devenu tellement plus qu'une passion, c'est comme une nécessité, un besoin vital. Quand, à travers mes écrits, je donne vie à mes personnages, c'est comme ci une nouvelle facette de ma personnalité s'éveillait. Inévitablement, je mets un peu de moi dans chacun d'entre eux et c'est sans doute ce qui me plaît le plus. Qu'ils soient les héros ou les grands méchants de mon histoire, une part de moi se cache en leur sein. Au fond, personne n'est blanc ou noir. Même moi, je possède une part d'obscurité.
Seulement, voilà. Au lieu de tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler, je me suis mise à débiter un rêve extrêmement étrange et que j'aurais mieux fait de garder pour moi. Pourquoi est-ce que j'ai dit ça ? Pourquoi ?! Pourquoi, devant ce type, je perds tout mon self-control ? Pourquoi est-ce que je suis incapable de réfléchir avant de parler et surtout pourquoi est-ce que je lui fais autant confiance pour ne même plus peser mes mots ? J'entends mon subconscient, au loin, me traiter d'imbécile et me dire que mon comportement est totalement inadmissible. Je pose une main sur mes joues. J'ai chaud. Et je sens que je suis rouge de honte. Et mon malaise doit plaire à Ashton car il se permet d'en remettre une couche, puis encore une autre. Franchement, je ne sais plus où me mettre. J'ai presque envie de partir sans me retourner, mais je ne suis pas sûre que ce choix soit des plus polis. Alors, pour le faire taire, et peut-être un peu parce que je trouve ça drôle et que ce serait presque déplacé de me mettre à rire, je lui donne un léger coup de poing sur l'épaule. « Tu profites un peu trop souvent de mon embarras ! » Je n'ai pas besoin de faire semblant d'être vexée, je le suis quand même un petit peu. Mais vraiment un tout petit peu. Bon, presque pas, mais suffisamment pour que ça paraisse un tantinet réel. « Vous êtes vraiment tous les mêmes en fait ! En plus, franchement, des fois, il y a vraiment rien à voir. » Et là, je parle en connaissance de cause.

May-Line & Ashton

music soothes the soul

J’attrape le papier que May-Line me tend sur lequel elle vient de griffonner quelques mots. Ah oui, son numéro. En effet, ça pourrait être pratique pour la prévenir de l’arrivée de sa commande et en bonne tête-en-l’air que je suis, j’ai totalement oublié de le lui demander. Le post-it qu’elle a utilisé me décroche un nouveau sourire amusé : cette fille doit être la seule personne au monde à se balader avec des post-it rose pâle avec une tête de chat en arrière-plan. Et elle ose se prétendre sérieuse et mature ? « Laisse-moi en douter, t’es spéciale comme fille. » Son numéro noté dans mon téléphone, j’en profite pour lui envoyer un texto pour qu’elle puisse enregistrer le mien. Est-ce que je lui envoie un bête « Salut, c’est Ashton ! » ? Ce serait mal me connaître. N’empêche, j’aurais aimé voir sa réaction lorsqu’elle verra mon superbe selfie trop zoomé et peu flatteur s’afficher sur son écran. « Mais c’est ce qui fait ton charme ! » Je lui souris en rangeant le papier et mon portable dans ma poche arrière.

La conversation dérive vers ses rêves étranges et je ne me gêne pas pour l’embarrasser sur sa confession sortie de nul part. Ce qui est bien avec cette fille c’est qu’elle dit ce qu’elle pense, et même si c’est parfois bizarre, c’est toujours intéressant. Ou très drôle. Surtout pour moi d’ailleurs, elle a plutôt l’air de vouloir se transformer en souris et de disparaître dans un trou. Elle proteste et je reçois un coup sur l’épaule, ce qui redouble mon hilarité. Elle n’a pas mis assez de force pour me faire mal mais je joue le jeu en frottant mon bras d’un air faussement blessé. « Tu profites un peu trop souvent de mon embarras ! » Et qui me lance toutes ces perches ? C’est tellement simple de l’embarrasser, je ne vais pas m’en priver ! « Et je n’ai pas l’intention de m’arrêter en si bon chemin alors il va falloir t’y habituer ! Le rouge te va si bien au teint. » Elle a le mérite de me supporter au moins, je le lui accorde. « Vous êtes vraiment tous les mêmes en fait ! En plus, franchement, des fois, il y a vraiment rien à voir. » Est-ce qu’elle me taperait de nouveau si je lui sortais la remarque un peu déplacée qui me brûle les lèvres ? Probablement. Je pince les lèvres pour réprimer un sourire évocateur et opte pour une réplique plus soft. « Permets-moi de te contredire ! Je suis un gentleman et en tout gentleman qui se respecte, j’accepte toute sorte de décolleter. Petit ou grand, peu importe. Pas de discrimination ! » Comme je m’y attendait, le visage de May-Line vire au cramoisis. Je n’ai aucun scrupule et elle est prévisible. « Respire May-Line, on dirait que tu vas exploser. » Finalement son regard qui me lance des éclairs me dissuade de continuer sur ma lancée alors je lève les mains, comme pour me rendre. Pour l’instant. « Ok ok, j’arrête. » C’est à ce moment que la sonnette de la porte d’entrée me fait tourner la tête, annonçant l’arrivée d’un client et par conséquent la fin de ma pause. « Loin de moi l’idée de te virer May-Line mais il est temps que je me remette au boulot si je ne veux pas me retrouver chômeur à la fin de la semaine. » Je lui annonce en me levant de mon siège, réajustant mon jean au passage. Ce serait le comble que je me fasse virer pour manque de zèle, vu mon tempérament  à moitié hyperactif. Mieux vaut ne pas tenter le diable. C’est donc après une heure de conversation pleine de révélations et de boutades douteuses que la petite brune prend congé et me salue alors que je me dirige vers la caisse de la boutique, sourire aux lèvres.