Les joies d'Island Bay (Ft Ludvik)

William ne croyait pas au paradis, ni à l'enfer. Pour lui, Dieu n'existait pas, ou en tout cas il n'était rien de plus que l'homme idéal, celui que l'on vénérait parce qu'il incarnait des valeurs et un état d'esprit, la perfection, en somme. Mais il n'était pas croyant. Ceux qui prétendaient avoir la foi en Dieu avaient tué tellement de leur semblables, ils avaient provoqué tellement de guerres et d'injustice qu'il refusait l'idée même d'appartenir à un dogme confessionnel. Il croyait en l'humanité et ça, par contre, ça changeait tout. Finies, les excuses absurdes et capillotractées ! Terminés, les faux-semblants, ceux que l'on faisait durer pour essayer d'excuser son comportement. Il vivait au quotidien dans l'espoir d'être meilleur et de rendre, par ricochet le monde plus beau. Évidemment, à son échelle d'individu, il ne pourrait pas faire grand chose pour régler tous les problèmes. Mais au moins il essayait, et puis qui sait, peut-être qu'il allait inspirer d'autres personnes ? Et qu'elles agiraient à leur tour de la même façon ? S'il y avait bien une chose qu'il n'ignorait pas, c'est que la vie apportait son lot de belles surprises et que tout était réalisable, il suffisait d'y croire, ne serait-ce qu'un peu. Alors, de façon totalement impliquée et dans la plus grande abnégation, il appliquait cette philosophie. Il fallait avoir de la détermination et un optimisme certain pour ne pas voir son énergie altérée. Beaucoup de choses amenaient des ondes négatives, à commencer par les infos, la télévision, la radio. Il s'investissait dans son métier, dans son quotidien pour faire du bien autour de lui. Si le paradis existait, alors oui, il y avait une place, très belle place. Seulement, son paradis n'était pas dans les cieux, mais ici, sur Terre, avec ses proches, avec ces inconnus qu'il saluait gaiement dans la rue.

William hâtait son pas, par crainte d'être en retard. On voyait à sa tête, à son regard, une grande source d'excitation. Il affichait un air ravi, comme si quelque chose de beau allait enfin se concrétiser. Et c'était un peu ça ! Il avait rendez-vous avec un homme. Oh, non, pas dans un cadre sentimental ! Enfin si ! Mais pas pour lui ! Certes, il était gay, et célibataire qui plus est, mais le vétérinaire se sentait étrangement bien avec un autre garçon, un certain Josh Davis. Et le beau gosse qu'il allait rencontrer aujourd'hui ne possédait pas grand chose de néo-zélandais. Il venait même de l'autre hémisphère, dans un pays improbable, où une simple éruption volcanique provoquait une paralysie aérienne totale ! Ludvik Gudrunsson, tel était son nom. Il venait d'Islande et avait fraîchement débarqué depuis quelques jours. Le tout sans prévenir ! Le comble ! William et lui se connaissaient virtuellement. Ils avaient beaucoup échangé depuis leurs téléphones et leurs ordinateurs. Parce que tous les deux nourrissaient une véritable passion envers une fille. Une passion qui ne trouvait pas forcément ses origines au même endroit. Pour William, Emy était sa meilleure amie, son doudou plein d'amour, avec laquelle il adorait passer du temps, raconter plein de belles choses. Il la consolait quand elle avait un coup de blues. Bref, il était une épaule pour elle et vice-versa. Pour Ludvik, la passion était toute autre. Il était son ex, le seul homme avec lequel elle avait vécu quelque chose de beau et de fort. Il avait suffi d'une erreur pour les rendre malheureux tous les deux. Manston, qui évitait, en général, de se mêler de ce qui ne le regardait pas, avait fait une exception. Il travaillait à les rabibocher et à faire renaitre la flamme. Il le sentait, c'était évident : ils s'aimaient encore. Dans leur histoire, il voyait aussi son propre passé avec Naïm. Et il refusait l'idée que l'un d'eux ait à affronter la même réalité : celle de ne plus avoir la possibilité de rattraper le temps perdu.

Sac à dos sur l'épaule, il ne tarda pas à arriver près de la salle de sport où Ludvik lui avait donné rendez-vous. Seulement voilà... complètement ailleurs, il ne regardait pas là où il mettait les pieds. Quelques instants plus tôt, un groupe d'ouvriers avait par mégarde fait tomber un pot de peinture couleur coquille d'oeuf sur le trottoir. Et forcément, il en fallait un pour mettre les pieds dedans ! Devinez donc de qui il s'agit ? Banco ! Notre William préféré ! Se rendant soudainement compte que le sol semblait glissant, il voulut modifier sa trajectoire. Vous avez déjà essayé d'éviter la chute en patinant comme un dératé sur une surface meuble ? Pas très simple, hein ? Par je ne sais trop quel miracle, William s'évita la gamelle... par contre il projeta sans le faire exprès de la peinture sur un jeune homme qui se tenait devant lui et sur lequel il posa ses yeux, avant de le reconnaitre :

- Hé !!! Ludvik !!! Ma parole, mais t'es exactement comme je t'imaginais en vrai !!! Excuse-moi pour la peinture... je crois que j'en ai mis partout... Hahaha ! Première fois que nous nous rencontrons et je manque ressembler à Pikachu !!! Un peu plus et tu me ramassais ! Hahaha !

Il lui tendit la main et lui fit une accolade. Ils ne se connaissaient qu'à distance mais William ne manquait pas de chaleur humaine ! Et il voulait que le nouvel arrivant se sente totalement à l'aise ! Bon, après quelques heures d'acclimatation, Ludvik finirait pas d'habituer à son comportement très ouvert et très positif ! En tout cas, il l'espérait !

acidbrain