cup of tea ? • may-line

Le soleil vient caresser mon visage et j'ouvre, l'un après l'autre, les yeux. Je m'étire tout en baillant, regrettant amèrement de m'être couchée aussi tard hier soir. Ce n'est pas dans mes habitudes de dormir moins de huit heures par nuit, mais la veille, plusieurs choses me tracassaient, m'empêchant de trouver le sommeil. Agacée de tourner en rond dans mon lit, j'avais décidé de me relever, d'ouvrir mon ordinateur et d'écrire. Je savais que ça m'aiderait à calmer mes pensées, seulement, je ne m'attendais pas à relever les yeux du clavier à quatre heures et quelques. Avec Star Sky de Two Steps From Hell en boucle dans les oreilles et les idées qui fusaient, je n'avais pas vu le temps passé. L'avantage, c'est que, selon mon plan, il ne me restait plus que deux chapitres avant de poser le point final de mon premier roman et ça, ça valait bien toutes les heures de sommeil en moins. Évidemment, le travail était loin d'être terminé, j'allais devoir repasser dessus pour la réécriture et les corrections, mais il s'agissait d'une première victoire. Et j'étais vraiment impatiente d'annoncer ça à Kenzo, lui qui me soutient depuis le début ! Mais maintenant que l'euphorie de la veille est passée, je peux jurer que je regrette amèrement ma presque nuit blanche de la veille. Et encore plus maintenant que je réalise que je vais être en retard au travail. Et ça, ce n'est vraiment pas possible ! Je repousse vivement mes draps et sors du lit d'un bon. J'ai à peine quinze minutes pour me préparer  et moi, qui adore prendre mon temps le matin, c'est raté. Je fonce dans la salle de bain, me douche, m'habille, me maquille, tout ça en vitesse grand V. Tout en me rendant dans la cuisine pour préparer mon thermos de thé, je sautille pour enfiler mes Converses noires. Une fois le tout préparé, j'attrape mon sac, dépose un bisous sur la douce fourrure de mes animaux avant de quitter mon appartement. Je dévale les escaliers de mon immeuble, manquant plusieurs fois de rater une marche et de m'étaler de tout mon long. Je pousse la porte d'entrée et court jusqu'au parking à vélo où j'enfourche ma bicyclette. Je dépose mon sac dans mon panier et pédale comme jamais. Je suis déjà, presque, en retard.  

Une fois arrivée, ma bicyclette bien cadenasser, remarquant qu'il me reste plus qu'une toute petite minute, je cours à perdre haleine jusqu'à la librairie. Je passe la porte d'entrée, et reprend mon souffle. Pile à l'heure ! Si j'étais sûre de ne pas passer pour une folle devant ma patronne, je ferais un petit cri de la victoire. « Bonjour. » répondis-je en souriant. « Et oui, on va dire ça comme ça... » Bon, visiblement, elle ne compte pas tenir rigueur de mon potentiel retard et ça me rassure. Je regarde autour de moi à la recherche des trois clients, soulagée qu'ils ne soient pas une vingtaine à avoir vu mon arrivée pour le moins catastrophique. Je me dirige vers l'arrière de la boutique, dépose toutes mes affaires et attache mes cheveux en chignon. Une fois prête, je rejoins Lyra, qui s'empresse de me demander la raison de mon petit marathon matinal. Je me mords la lèvre intérieure, un peu gênée. C'est quand même un peu trop courant l'histoire de la panne de réveil, nan ? Mais bon, en même temps, malgré son côté cliché, c'est aussi la vérité. Je passe une main dans ma nuque et lui répond. « J'ai raté mon réveil. En fait, je ne sais même pas si il a sonné ou si je ne l'ai tout simplement pas entendu... » Si, effectivement, il s'avère que j'ai oublié de le régler hier soir, je mériterais sincèrement une bonne paire de claques. « Je me suis couchée tard la nuit derrière, pour écrire, parce que je n'arrivais pas à dormir, trop de choses en tête, et comme, habituellement, écrire me détend et me permet de ne plus penser à rien, je me suis dit que c'était l'occasion. Sauf que j'ai écrit pendant six heures, alors je ne sais pas trop ce qui s'est passé ce matin. Quoi qu'il en soit, je suis désolée… » Je ne suis pas certaine que ce passage de ma vie soit très intéressant, mais bon.

Je réfléchis à la question. Maintenant que j'y pense, je ne me souviens pas d'avoir programmer mon réveil. C'est le trou noir. Je me revois me glisser sous la couette, mais me suis-je endormie tout de suite ou ai-je prit le temps de le mettre ? Je n'en sais rien. J'espère que c'est ça, parce que si je me mets réellement à ne plus l'entendre sonner ou si il ne marche plus, je vais avoir du mal à être à l'heure à tous mes rendez-vous. Et ce n'est même pas envisageable. « Oui, c'est exactement ça. Mais j'imagine que je devais être tellement fatiguée et que j'ai oublié. » Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que la première chose que je vais faire en rentrant, c'est de vérifier si tout fonctionne et ensuite le programmer pour demain. Je me suis faite avoir une fois, mais pas deux. J'écoute ensuite Lyra m'expliquer qu'elle à la même attitude que moi lorsqu'elle est sujette à des insomnies. Je ne savais pas qu'elle écrivait de la musique. En tant que grande passionnée, j'aimerais bien rebondir sur le sujet, mais elle ne m'en laisse pas le temps et reprend la discussion sur mes écrits. Toutefois, je glisse cette information dans un petit coin de ma mémoire. Je reviendrais dessus un peu plus tard. Peut-être que ma curiosité me perdra.

Je prends la pile de livres qu'elle me tend et débute le rangement, tout en jetant quelques coups d’œil aux ouvrages à chaque fois que je le remets à sa place, en rayon. La lectrice et l'acheteuse compulsive que je suis ne peut s'empêcher de graver dans son esprit une liste des prochains livres à acheter.
Elle congédie ma collègue, alors je la salue d'un signe de tête. Nous voilà donc toutes les deux. D'ailleurs, Lyra ne tarde pas à me rappeler que j'ai des choses à lui raconter, ce qui me fait sourire. Je n'ai pas tellement l'habitude de parler de ce que j'écris, c'est assez difficile de résumé son histoire. Je prends quelques minutes pour réfléchir à la tournure de mes phrases tout en continuant de ranger. Puis, une fois que je pense avoir trouvé les bons mots, je me décide enfin à répondre aux questions de ma patronne et lui explique, dans les grandes lignes, sur quoi je travaille en ce moment. « J'écris un roman de fantasy. C'est quelque chose d'assez classique, en fait. On suit deux orphelins, d'une dizaine d'années, qui vivent dans un royaume gouverné par un roi tyrannique et dont ils sont prisonniers. Mais, tapis dans l'ombre, une Résistance se forme et se prépare à déclarer la guerre au roi. C'est lors d'un assaut qu'ils découvriront les deux enfants et leur proposeront de les rejoindre afin d'être formés aux combats et à la magie. J'ai bientôt terminé le premier jet. Après, je m'attaquerais à la réécriture et aux corrections. » Je lui souris et reprend la parole. « Une fois que j'estimerais que mon roman est prêt, je pense que je le soumettrais à quelques maisons d'éditions. Au début, je ne savais pas vraiment de ce que j'avais envie. Je voulais juste écrire, mais il faut un certain courage pour accepter de se faire lire. Après tout, même si mon histoire se déroule dans un monde imaginaire, je me livre beaucoup à travers mes personnages et je mets beaucoup de mes ressentis ou de mes propres expériences, alors c'est un peu comme-ci, indirectement, je me livrais et exposait certaines choses de ma vie privée. Je ne sais pas si c'est très compréhensible ce que je dis... »

Maintenant que j'ai parlé un peu de moi, j'estime que c'est le bon moment pour ressortir la petite information obtenue tout à l'heure. Parce que mine de rien, ça m'intrigue vraiment. J'ai déjà composé quelques chansons et je me suis déjà adonnée à la composition de musiques, mais ce n'était pas forcément très glorieux, voire même catastrophique. Il y a toujours un moment où plus rien ne va, si bien que je n'ai jamais réussi à terminer une seule composition. Alors même si c'est quelque chose que très peu de personnes savent et que je ne souhaite pas spécialement divulguer ; car je pense garder toutes ces créations pour moi, je pourrais peut-être obtenir quelques conseils. « Et vous, vous m'avez dit que vous écriviez des chansons ? Vous êtes musicienne? » En même temps que je termine ma phrase, je range le dernier bouquin de ma pile. Je pars en chercher une seconde et lorsque je reviens, je ne peux m'empêcher de compléter. « Ou alors, chanteuse ? » Après tout, quand on la regarde bien, Lyra à tout de la rock-star un peu excentrique.

C'est vrai que je n'ai jamais réfléchi à comment je vais m'y prendre pour réécrire et corriger mon roman. Pour le premier jet, c'était plutôt facile. Je m'occupais simplement d'écrire mon histoire et mes idées, en suivant le plan que j'avais écrit au préalable et que, parfois, je ne suivais même pas puisque je me retrouve maintenant avec quatre ou cinq chapitres de plus. Là, je dois quand même le rendre plus...lisible. Je ne pense pas avoir écrit quelque chose de forcément impossible à lire, sans fil conducteur ou même sans aucune logique et cohérence, mais j'imagine que des petites erreurs se sont sans aucun doute glissé dedans et qu'il y a de forte chances pour que je m'en arrache les cheveux. Au même titre que les fautes d'orthographe et d'inattention. C'est un peu devenue une mauvaise habitude d'écrire sans faire attention à mes mots. J'en ai déjà repéré plusieurs -de fautes- en me relisant une fois pour me remettre dans le bain après quelques jours sans écriture et je dois bien avouer que j'ai failli faire une mini crise cardiaque. Alors est-ce que je devrais tout réécrire, corriger dans un premier temps, les quelques incohérences et par la suite corriger les fautes ? J'en sais rien. Toutefois, je prends en compte le conseil de Lyra. De toute façon, il doit avoir une tonne de manière de faire et j'imagine qu'elles sont toutes bonnes à prendre. C'est sûrement à nous de trouver celle qui nous convient le mieux. « Je pensais tout réécrire en fait. Reprendre chapitre par chapitre et les récrire sur un fichier Word vierge. Comme ça, les chapitres qui ont besoin d'amélioration, je pourrais les récrire sans blocage… Comme ci mon premier jet me servait de brouillon. Un peu comme on s'apprête à faire une rédaction en classe. On prépare d'abord un brouillon et ensuite, à l'aide de ce brouillon on met au propre nos idées. Je pensais fonctionner comme ça. Une fois un chapitre récrit, je m'occuperais des fautes. C'est une bonne idée vous pensez ? » En agissant comme ça, je me demande si je ne me rajoute pas plus de travail. Quand j'ai cherché des conseils, la plupart on simplement reprit leur fichier et corrigé ce qu'il y avait à corriger par-dessus le premier jet, mais pour ma part, comme je sais que j'aurais certaine scène à revoir dans leur entièreté, je ne suis pas sûre que ce soit faisable…
Je souris à ma patronne quand elle m'explique qu'il est normal de mettre un peu de soi ou des personnes qui nous entourent. Et c'est exactement ça. Inconsciemment, j'ai projeté la relation un peu tendue que j'avais avec mon frère dans mes deux personnages. Le sentiment d'abandon, mon héroïne le connaît aussi. C'est ça qui me rend encore plus proche d'elle. Tout ce que je n'ai jamais pu dire à mon grand-frère, elle, elle lui a dit. Mais comme pour moi, il s'agit que de son frère adoptif. Si je viens à me réconcilier avec Claüs, j'espère que si il vient à lire mon écrit, il n'aura pas la présence d'esprit de faire le lien entre notre histoire et la leur. Mais ça, je n'y crois pas trop. Il est trop intelligent pour passer à côté d'une information pareille.

Alors que je termine de ranger les derniers livres de ma pile, Lyra se met à rire. Je ne sais pas ce que j'ai dit de si amusant, mais en tout cas, ça me fait sourire. Il faut dire que son rire est communicatif et pourrait même faire rire un mort dans sa tombe. Oui, ce n'est pas très élégant comme image, je le conçois. Je l'écoute attentivement et hoche la tête, prenant note de tout ce qu'elle me dit. C'est vrai que je ne suis jamais venue aux soirées à thème organisée ici. Pourtant, je suis persuadée que ça pourrait être extrêmement enrichissant. Il est vrai que je ne suis pas tellement un oiseau de nuit… Ce serait peut-être l'occasion de sortir un peu de mon cocon. Puis, je pourrais toujours traîner Ashton. Après tout, il est musicien, alors ça lui correspondrait plutôt bien. « Pourquoi l'envie d'apprendre d'un instrument a disparu maintenant ? » J'ai eu la chance d'apprendre la musique quand j'étais petite. Venant d'une bonne famille, c'était presque primordial. Même si, au début, il s'agissait d'une vraie plaie, j'en suis aujourd'hui redevable à mes parents. « Et j'aimerais beaucoup lire ce que vous écrivez. Puis si vous avez des conseils sur la forme, parce que je suis douée pour les romans, mais les chansons, je crois que c'est une autre histoire... » Je ris légèrement en repensant à la monticule de feuilles posée sur mon bureau comportant des paroles jamais terminées ou même des compositions au piano ou au violon. Ouais, je pense que j'aurais vraiment besoin d'un coup de pouce. Quand elle m'explique pourquoi la voix de rock-star ne l'a jamais emballé plus que ça, je ne peux m'empêcher de penser à mon ami australien. Lui, c'est son rêve. Pourtant, je n'ai pas l'impression qu'un jour, il puisse devenir égocentrique et méchant. Non, il saurait garder les pieds sur terre. Puis si il n'y parvient pas, je me ferais une joie de le faire pour lui. Toutefois, je la comprends. De nos jours, certaines stars sont tellement...méprisable que ça en devient presque affligeant. « En tout cas, je viendrais vous voir chanter avec plaisir la prochaine fois. Ce serait pour quand ? »

Nous échangeons quelques instants sur les futures corrections à venir sur mon roman, avant de changer de sujet de parler musique et composition. Lyra m'explique pourquoi elle ne souhaite plus apprendre la musique à son âge. Ce que je peux comprendre. Même si rien n'est impossible, c'est vrai qu'un grand nombre de choses sont plus faciles à apprendre quand on est jeune et qu'arrivée à une période de notre vie, nos envies changent et se dissipent. Je comprends néanmoins qu'elle souhaite le proposer à son fils. C'est un peu à cause ou grâce à mes parents que j'ai appris à jouer d'un instrument. Ils souhaitaient que tous leurs enfants sachent le faire. Même si au début, c'était véritablement un gros casse-tête, j'ai fini par prendre énormément de plaisir durant les cours. Certes, je n'aurais sans doute jamais pu apprendre à jouer de la batterie ou de la guitare électrique, mais honnêtement, le violon et le piano me conviennent plutôt bien. Je pourrais presque dire qu'ils sont en accords avec mon caractère.
Quand elle accepte de me faire lire l'une de ses chansons, je souris et la remercie. Peut-être que ça pourra m'aider. Ou peut-être pas. Mais qui ne tente rien, a rien. Puis j'aimerais bien apprendre à mieux la connaître et je crois, que l'écriture est l'un des meilleurs moyens. Que ce soit avec le récit d'un roman ou les paroles d'une chanson, l'écriture nous permet de coucher toutes nos émotions, tout ce qu'on ressent. Alors, comme moi, peut-être que ses chansons renferment énormément de sa personnalité et de sa vie. Dit comme ça, c'est vrai que ça fait un peu intrusif, mais n'acceptons pas de se livrer au grand jour quand on devient auteur, musicien, compositeur ou toute autre personne connue et reconnue ? J'écoute attentivement ce qu'elle commence à m'expliquer et hoche la tête. C'est vrai, je n'ai jamais vraiment prit le problème sous cet angle. Une chanson, c'est avant tout une histoire que l'on raconte, les rimes et les vers en plus. Cet aspect aurait dû me sauter aux yeux. Pour une auteure, je me sens un peu idiote. Je devrais peut-être commencer par là quand je souhaite écrire une chanson. « Je n'avais jamais pensé à ça... » dis-je à mi-voix. « Pourtant, c'est vrai que c'est évident. Les chansons racontent en quelques minutes une petite histoire. Merci ! »
Ensuite, elle me donne les prochaines dates de ses apparitions. Je sors mon téléphone de ma poche pour noter les dates dans mon calendrier. Vu aux nombres de choses auxquelles je dois penser, maintenant, je mets des mémos pour tout et n'importe quoi sur mon portable et de préférence avec une alarme qui sonnera pendant une bonne dizaine de minutes. Impossible d'oublier quoi que ce soit. Je lui souris à mon tour, tout en rangeant mon smartphone. « Super ! Je viendrais avec grand plaisir. Peut-être pas aux deux, à cause des cours, mais je viendrais ! »

Malgré le peu de personnes aujourd'hui, la suite de la journée passe à une vitesse incroyable. Certainement car nous n'avons pas cessé de parler. De tout et de rien. L'heure, pour moi, de rentrer arrive. Je termine ce que je suis en train de faire et je pars récupérer mes affaires à l'arrière de la boutique. Je reviens, quelques minutes plus tard et dit au revoir à ma patronne. « Bonne soirée ! » Je lui souris et quitte la boutique.