Retrouvailles inopinées [Feat. Blake Johnson]

Jonathan n'arrivait pas à s'adapter à sa vie, cette vie dans laquelle il était enfin libre mais où il se faisait prisonnier lui-même des démons de son passé. Il vivait avec en passant son temps à regarder derrière, sans se soucier de son possible avenir.

Alors il y a quelques mois il avait eu son premier rendez-vous chez la psychologue, sans succès. Il ne parlait jamais pendant les séances, à tel point que la secrétaire ne connaissait même pas le son de sa voix. Elle y était habitué et ne prenait pas ça pour un manque de respect, mais Weller ne parlait que très peu.

Il connaissait pas mal de monde en ville, enfin connaître est un bien grand mot, c'est simplement qu'il reconnaît chacun de ses clients réguliers ou non, qui ont mis les pieds dans sa boulangerie un jour, mais au fond il n'a personne. Enfin fut un temps, il avait eu un dénommé Blake avec qui il aimait parler, il venait souvent avec son copain, puis, ils discutaient ensemble, c'était bien la première fois pour Jon d'ailleurs. Mais du jour au lendemain, il avait disparu et n'avait plus jamais donné signe de vie. Il faut dire que vivre en 2017 sans avoir de téléphone portable c'est presque impensable et pourtant c'était bien le cas, Jon n'était joignable que sur le téléphone de la boulangerie ou le fixe de chez lui, alors pour gagner le contact c'est assez complexe. Mais il ne s'était pas vraiment formalisé, c'était tellement commun pour lui d'être seul qu'il s'en contentait.

Le jeune homme avait un nouveau rendez-vous aujourd'hui, il avait songé à l'annuler, mais avait finalement écarté cette possibilité, et bien qu'à contre coeur, il s'y était rendu après avoir attendu l'heure de fermeture de la boulangerie. Il entra alors dans la salle d'attente dans laquelle il avait ses petits habitudes à force d'y passer autant de temps. Et c'est à ce même moment que ses yeux bleu océan se posèrent sur un jeune homme. C'était lui il le savait, il le reconnaissait. Sa mémoire visuelle ne lui faisait jamais défaut. Il s'approcha timidement, et s'assit en laissant un siège entre eux. Il le regarda fixement sans bouger.

Encore un rendez vous chez le psy. J’en ai marre de me pointer tous les mois dans cette salle d’attente. J’ai l’impression que ça sert à rien. Le toubib me file des cachets et puis ciao rendez vous le mois prochain. Je n’ai rien de nouveau à lui raconter. J’évite de lui parler de mes excès de boissons. D’ailleurs je suis toujours très sobre quand je viens chez le toubib, c’est quand je sors que je m’arrête dans un bar ou bien au supermarché pour me prendre des bières. Des bières c’est quand j’ai pas envie d’être déchiré trop rapidement, sinon je me prends du whisky ou de la vodka. J’arrive pile à l’heure chez le toubib parce que j’ai pas envie de poireauter. Sauf qu’il est encore en retard, je ne suis pas pris tout de suite. Je tapote du pied parce que je suis assez impatient. Il y a un type au visage familier qui entre dans la salle d’attente. J’essaie de me souvenir d’où je l’ai vu mais impossible de le remettre. Il vient s’installer à côté de moi et pendant un moment j’essaie de faire comme si je l’avais pas vu. Je sors mon téléphone portable pour m’occuper. Je regarde mes notifications sur facebook. Sauf que je sens le regard du type sur moi et je me tourne pour le regarder et là ça y est ça me revient. Le boulanger. Ca fait plus d’un an que je ne l’ai pas vu et pour cause, j’ai déménagé, je ne vis plus dans le quartier de sa boulangerie. Il a perdu un client.

« Je t’avais pas reconnu. Ca fait un baille. »

Je le tutoie parce que je suis un rebelle. Je réalise qu’il consulte lui aussi chez un psy, parce que je suis dans un cabinet où il y a que des psychiatres. Je me demande ce qui a comme problèmes lui. Comme quoi on ne connait pas vraiment les gens qu’on côtoie.

« J’ai déménagé, je suis sur West bay maintenant. C’est pour ça que je viens plus à ta boulangerie. »

Voilà je lui explique brièvement. Je ne rentre pas dans les détails. Le pourquoi j’ai déménagé. C’est aussi le pourquoi je suis ici, mais je n’ai pas envie de lui raconter ça. Je pense pas qu’il va me faire part de ses démons lui non plus.

Jonathan n'aimait pas ces séances pendant lesquelles il ne se passait pas, à part lui qui faisait ses dessins dans son carnet. Le spécialiste avait commencé à lui poser des questions, mais voyant qu'il n'y répondait pas, et pire encore, qu'il ne parlait pas du tout, il avait arrêté d'essayer. En revanche, il trouvait très intéressant de Jon qui en disait beaucoup plus que des mots, ils exprimaient le profond malaise qui l'habitait depuis des années, mais jamais l'allemand n'a réussi à parler de ses problèmes, la douleur était trop forte pour mettre des mots dessus.

Il s'installa alors dans la salle d'attente où patientait, tout comme lui plusieurs personnes. Ce n'est qu'en voyant l'homme qu'il avait en face de lui qu'il décida d'aller à côté de lui, sans pour autant parler. Il le fixait intensément, jusqu'à ce que ce dernier n'entame la conversation. Il ne se formalisa pas du tutoiement parce qu'au fond, ils s'étaient côtoyé dans le temps, et qu'il avait sans doute entendu sa voix plus de voix que la réceptionniste du cabinet dans lequel ils étaient.

" - Bonjour. Oui ça fait un bail.."

Jonathan avait toujours une voix un peu froide quand il parlait aux autres, mais, en aucun cas il ne l'était, simplement que toutes ces discussions n'étaient pas vraiment sa tasse de thé.

" - Je comprends." fit-il en haussant les épaules.

Il n'avait pas besoin de se justifier au fond, les clients ça va et ça vient, il ne peut pas obliger une personne à venir acheter son pain chez lui, ou bien des pâtisseries. Puis, son regard se posa autour de lui, son copain ne semblait pas être là, peut-être que c'était lui qu'attendait son interlocuteur. Il décida tout de même de poser la question, parce qu'il l'appréciait.

" - Votre copain n'est pas là ? C'est lui qui vous attendez ?"

Apparemment il se souvient aussi de moi, c’est sûrement pour ça qu’il me fixait évidemment. Il me répond et j’hoche la tête pour toute réponse. Il n’a pas l’air de se formaliser de mon absence, après tout je n’étais qu’un client parmi tant d’autres. Il n’avait peut être même pas remarqué mon absence avant qu’on se recroise aujourd’hui. Il comprend bien évidemment, la vie et ses aléas, on ne choisi pas toujours ce qui nous arrive. J’hausse bien haut les sourcils quand il me parle d’Eliott. Je sens mon coeur se serrer, même si maintenant je suis habitué à parler de lui au passé.

« Non… Eliott… Il nous a quitté. Il a eu un accident. Enfin, si on peut appeler ça comme ça. »

Ca ne me gêne pas d’en parler, au contraire. J’aime bien parler d’Eliott. Ok pas forcément de ce qui lui est arrivé, c’est pour ça que je parle plutôt d’un accident plutôt que d’une agression. Mais mentionner Eliott me fait du bien. Comme si il était encore parmi nous.

« C’est pour ça que j’ai déménagé d’ailleurs. »

Je pouvais plus payer le loyer tout seul. Et j’avais aussi pas très envie de vivre dans un endroit qui me rappelait Eliott à chaque recoins de l’appart’. Mais je ne vais pas lui faire ces précisions, c’est assez personnel. Je connais le boulanger mais sans plus. Je ne connais même pas son nom pour dire la vérité, ou du moins je l’ai oublié si jamais il nous l’avait dit un jour.

« C’est aussi pour ça que je consulte…. »

Ca je sais pas pourquoi je l’ai dit, c’est pas vraiment ses affaires pourquoi je suis là, mais c’est sorti tout seul.

Jonathan était un jeune homme sympathique même si au premier abord ce n'était pas ce que l'on voyait. Personne n'avait jamais essayé de voir au-delà de la carapace qu'il s'était créé durant toutes ces années, alors, maintenant il savait qu'il était seul et il l'avait depuis longtemps accepté. La solitude était en quelque sorte la seule compagnie qu'il avait.

Il avait parlé à de nombreuses reprises avec cet homme et son compagnon, mais ce n'était pas pour autant qu'il les connaissaient vraiment. Jamais il n'y avait eu l'échange de les noms, ni autre chose. La seule chose qu'il savait c'est qu'il habitait dans le coin pour venir à sa boulangerie. Ne plus le voir du jour au lendemain lui avait fait de la peine, pas seulement parce qu'il avait perdu un client, à la limite il s'en fiche parce que ce n'est que de l'argent. Mais en l'occurrence c'était parce qu'il avait perdu une personne avec qui il aimait parler, et c'était rare.

" - Je suis désolé.. J'aurai pas dû demander.. Ça ne me regarde pas après tout.."

En entendant que le copain de l'homme face à lui avait perdu la vie, il se sentit soudain coupable de lui faire revivre une telle souffrance, et s'il avait pu, il serait parti en courant pour fuir cette maladresse dont il venait de faire preuve.

" - Est-ce.. Est-ce je peux vous être d'une aide quelconque.. ?" demanda-t-il timidement, de peur de se faire jeter.

Il savait ce que ça faisait d'être dans une telle situation. Enfin pas de perdre son petit copain, mais de se sentir ainsi, de devoir évoquer le passé, et c'est pour cette raison que lui était resté bloqué dans son passé, refusant d'en parler, et refusant d'être aidé.

" - Je m'appelle Jonathan, mais tout le monde m'appelle Jon.."

C'était déjà une bonne chose, il venait de se présenter sans que l'on demande.

Il s’excuse et je fais non de la tête.

« C’est rien, ça me dérange pas. »

Je me suis fait à l’idée maintenant. Ca fait un an très exactement depuis hier. Ca n’a pas été une journée très facile d’ailleurs. Je suis allé sur la tombe d’Eliott, j’ai acheté des fleurs, je suis resté un moment sur sa tombe à lui parler. Enfin, à lui parler, à parler tout seul à voix haute. Il demande s’il peut faire quelque chose pour m’aider, je fais non de la tête. Y’a rien à faire.

« Non ça va. Ca fait un an maintenant. Je me suis fait à l’idée. »

Pour lui faire comprendre que j’ai passé le gros choc du début. Le déménagement a aidé aussi. Au début ce n’était pas du tout ça. Mais c’est de l’histoire ancienne. Il se présente et je réalise seulement maintenant que je ne savais pas son nom.

« Enchanté Jon. »

Même si on se connait, je ne trouve rien de mieux à dire que cette phrase toute faite.

« Moi c’est Blake. Et mon copain c’était Eliott. »

Ca me fait du bien de parler de lui. Peut être que je vais parler de lui au psy aujourd’hui au lieu de rester à dire des banalités ? Peut être. Mais je lui ai déjà dit tellement de chose à propos d’Eliott qu’il doit en avoir marre mais bon c’est son métier et si je consulte c’est surtout parce que je l’ai perdu. Les cachets qu’il me donne ne font pas vraiment effet d’après moi, c’est comme si je prenais rien. Je regarde l’heure sur mon téléphone portable et je soupire.

« Il est encore en retard. T’as rendez vous avez Dr Spina ? »

J’espère pas pour lui sinon il va devoir attendre que je passe pour que ce soit son tour. Je ne lui demande pas pourquoi il est là, c’est privé, je n’oserai pas.

Jon avait été maladroit il fallait le reconnaître, mais contrairement à ce qu'il pensait, le jeune homme ne lui en veut pas. C'est la grande différence entre eux, lui arrive à parler de ce tragique événement, Weller non. Il reste enfermé dans sa douleur c'est ça qui le tue réellement au fond de lui.

Il lui adressa un léger sourire quand il dit que c'était passé maintenant. Certes la douleur de la perte de son petit ami devait être passée, mais on n'oublie jamais quelqu'un et c'était toujours dur de vivre avec ce genre d'absence. Et puis, vu la manière dont il en avait parlé, l'accident qu'il avait évoqué ne semblait pas l'être réellement, mais, il ne demanderait pas de détails, sauf s'il décide d'en parler avec lui, auquel cas, il sera heureux d'être une oreille attentive.

" - Très joli prénom."

Il aurait voulu dire qu'il trouvait que Blake et Eliott faisait un très beau couple, mais il se ravissa. Il ne voulait pas remuer le couteau dans la plaie, il devait déjà assez souffrir de cette perte pour que Jon en rajoute.

" - Non, je suis avec le docteur Strauss, mais elle semble être en retard dans son planning elle aussi.."

Dans la voix de Blake comme dans celle de Jon, on sentait bien qu'ils n'avaient aucune réelle envie d'avoir ce genre de rendez-vous. Peut-être que ça servait à Blake et qu'il pouvait se confier, mais, lui n'y arrivait pas, il restait muet tout le long de la séance. Depuis son enlèvement Jon avait enchaîné les rendez-vous chez les psychologues, mais en vain.

Il commente disant que c’est un très joli prénom et je le prends comme si il parlait du prénom d’Eliott. Je ne sais pas pourquoi. Sûrement parce que je trouve son prénom beaucoup plus agréable que le mien. Ou tout simplement parce qu’il me manque terriblement et que oui il avait un joli prénom. Le mien est assez banal. Mixte. C’est une particularité. Je fais un commentaire sur le docteur qui est en retard et il me dit qu’il est avec Dr Strauss.

« Je la connais pas elle. »

Et pourtant j’en ai fait un tas de psy. Tous autant qu’ils étaient ils n’ont pas servi à grand chose à mon avis. Enfin, à part me donner quelques cachets pour faire passer la nouvelle. Ouais les cachets ont un peu aidé au début mais maintenant je sais pas si c’est parce que je me suis habitué ou quoi mais je ressens plus les effets.

« C’est un truc de docteur d’être en retard… »

Je me demande une fois de plus qu’est ce qui peut bien le mener ici mais je ne lui poserai pas la question. C’est beaucoup trop indiscret.

« C’est une psychologue ou une psychiatre ? »

Histoire que je vois quel genre de soins il a besoin. J’ajoute rapidement :

« Ou les deux. »

Parce que je pense qu’il y en a qui font les deux.

« Enfin bref. Tu as toujours ta boulangerie ? »

Je pose la question parce qu’en un an il peut s’en passer des choses. Si comme moi il a vécu un événement traumatisant, ça change toute la donne.

Blake semblait est pareil que Jon sur le fait qu'il avait sans doute vu pas mal de spécialistes, tout comme lui. Il avait dû les enchaîner après le décès de son copain, quant à Jon, ça faisait vingt ans qu'il se rendait dans de pareils cabinets pour au final, pas grand chose d'intéressant. Mais il décide de ne pas s'étaler plus concernant son rendez-vous avec le docteur Strauss. Cette femme à qui il avait été confié de force sans avoir son mot à dire dans cette histoire.

Puis, un léger, mais vraiment léger sourire se dessina sur ses lèvres quand il évoqua le retard des médecins. À chaque fois qu'il venait ici, c'est-à-dire un minimum d'une fois par semaine, il n'avait jamais été pris à l'heure, d'aussi loin qu'il s'en souvienne. Alors il ne pouvait qu'être tout à fait d'accord avec les paroles de Blake !

Au travers sa question de savoir si c'est une psychologue ou psychiatre, Jon perçoit comme une question cachée mais ignore si c'est réellement le cas, alors il se contente de répondre.

" - Psychologue."

Enfin en vérité, elle doit être un peu des deux, car il lui arrive parfois de lui prescrire certains médicaments contre les crises de Jon. Qui d'ailleurs au passage n'était que peu efficace, à part lui donner fes hallucinations de temps en temps, il ne voyait pas spécialement de différences entre avant et maintenant.

" - Oui je l'ai toujours, mais je sais pas pour combien de temps.."

C'était la première fois que Jon exprimait son besoin de changer d'air, de vie peut-être après tout. Il ne l'avait jamais réellement évoqué mais surtout, il se rabaissait tellement qu'il se croit incapable de vivre son rêve de devenir écrivain.

" - Et vous, vous faites quoi ?"

Il ne se souvenait pas qu'un jour ils aient évoqué ce qu'il faisait dans la vie, mais sans doute que ça avait été bouleversé par la mort de son compagnon, alors peut-être qu'il avait changé depuis.

C’est donc un psychologue qu’il va voir. Il doit en avoir des trucs à raconter. On m’a dit que la différence c’est que les psychologues s’intéressaient vraiment à ce qu’on a à raconter alors que les psychiatres ne veulent vous donner que des médicaments pour faire passer le problème. Mes séances durent environ quinze minutes, ce qui n’est pas grand chose. Ca me pousse dans l’idée que ça ne sert à rien. Je n’ai plus rien à dire sur le sujet alors je décide de parler de sa boulangerie qui est un sujet un peu plus sympathique. Enfin, jusqu’à ce que j’apprenne qu’il compte s’en séparer. Je me retrouve bloquer une fois de plus sur le sujet de conversation. Je suppose que s’il a envie d’en parler il le fera. Du coup je ne pose pas plus de question sur sa boulangerie. En tout cas j’ai bien l’impression qu’il est lui aussi en pleine remise en question. Il me demande ce que je fais dans la vie.

« Je suis Barman au Foxglove, c’est à Wellington. Sur le bord de mer. C’est plutôt sympa comme job. »

J’ai pas l’impression que ce soit un job surtout. J’y vais, je m’amuse pas mal. Je bois aussi beaucoup, c’est ça qui aide le plus.

« Ca fait que un mois que je bosse là bas et je m’y plais bien. Je bosse avec une ami, ça aussi c’est cool. »

Tawny, c’est elle qui m’a trouvé le job. Je sais pas ce que je ferai sans elle. Je sors mon téléphone portable de ma poche parce que j’ai envie de regarder l’heure. Ca commence à faire un moment que je suis là et non pas que je n’aime pas la conversation que je suis en train d’avoir avec Jon, j’ai quand même envie de me barrer d’ici le plus vite possible.

« Tu fais quoi quand t’es pas à ta boulangerie ? »

Je pense que moi je bois pas mal, mais je ne vais pas lui faire part de cette facette de ma vie.

C'était la première fois que Jon abordait sur le sujet sur le fait qu'il veuille changer de vie. Il ne l'avait pas dit ouvertement certes, mais il en avait quand même parlé, et c'était la première fois que ça arrivait. Peut-être qu'il ressentait vraiment ce besoin de changement, de renouveau, ou bien c'était simplement qu'il avait envie de vivre ses rêves et essayer de tourner définitivement la page de son passé. Il ne savait pas vraiment, il ne cessait de se poser des questions auxquelles il n'obtenait aucune réponse.

Puis Blake lui dit qu'il bossait dans un bar, bien évidemment le nom ne lui dit rien, puisqu'il n'avait jamais mis les pieds dans ce genre d'endroit. Ce n'était vraiment pas fait pour quelqu'un comme lui. Mais il était heureux de voir le jeune homme plutôt épanouit dans son nouvel emploi. C'était le but après tout, aimer le métier qu'on fait, sinon ça ne sert à rien de le faire.

" - C'est sûr que travailler avec quelqu'un de qui on est proche aide beaucoup."

Le terme ami était étranger à Weller. Il était seul, peut-être pas par envie, mais il était seul. Alors parfois sa solitude lui allait, mais des fois, il aimerait simplement être un homme comme un autre, avoir une compagne, une famille, des enfants, des amis, s'amuser. Être normal en somme.

Puis la question posée par Blake le surpris. Ce qu'il faisait quand il n'était pas à la boulangerie ? Il s'enfermait chez lui, il écrivait dans son carnet, il dessinait. Rien de bien palpitant.

" - Rien de spécial.. Je reste enfermé chez moi.. Ou alors.. Je sors la nuit, quand les rues sont calmes, je ne suis pas un grand amateur de la foule."

Rectification, il a horreur du contact physique avec les autres, voilà pourquoi il s'isole autant que ça.

" - Et vous ? Je suppose qu'au bar vous devez avoir tout ce dont vous avez besoin.."

Il y avait du monde, de quoi s'amuser, de quoi faire de nouvelles rencontres, tout ce que Jonathan ne connaîtra probablement jamais.

Je ne sais pas si j’aurai réussi à reprendre un boulot si Tawny ne m’avait pas poussé. Du coup oui il a raison, ça aide beaucoup d’être avec quelqu’un qu’on connait. On est pas que le petit dernier de la boîte, on est aussi l’ami d’untel. Et ça change tout. Je demande à Jon ce qu’il fait quand il n’est pas à sa boulangerie. Histoire de faire la conversation. Je ne cesse de regarder l’heure sur mon téléphone en même temps, je suis quand même sur les nerfs intérieurement que mon toubib soit à ce point en retard. J’apprends que Jon ne fait pas grand chose quand il bosse pas. Il a l’air d’être un type assez solitaire. Moi j’ai de la chance d’avoir un bon groupe d’amis. Je dois parfois batailler pour rester tout seul. Il dit qu’il aime pas la foule et je peux comprendre ça. Etre seul ça a du bon parfois. Pas toujours, je dois l’admettre. Il me pose la question aussi, à savoir ce que je fais quand je bosse pas.

« Quand je bosse pas je vais au bar aussi. Pas le même que celui où je bosse bien sûr. »

Je ne le dis pas directement mais je bois beaucoup quand je bosse pas. Quand je bosse aussi d’ailleurs. Je bois presque tout le temps. J’ai pas encore bu aujourd’hui et c’est une des raisons pour laquelle j’ai envie de vite partir d’ici. J’ai besoin d’une bonne bière ou d’un petit whisky. Non un double whisky même.

« Je vois des potes. J’ai pas mal de potes qui sont barman. Du coup je fais la tournée des bars pour les voir tous. Et sinon je squatte chez moi. Je mate la télé, je squatte l’ordinateur aussi. »

Même si généralement je finis avec les yeux dans le vide perdu dans mes pensées. Une porte s’ouvre et je lève les yeux pour voir de qui il s’agit. J’ai envie de commencer une prière pour que ce soit mon docteur et c’est en effet mon toubib qui est là.

« Monsieur Johnson, c’est à vous. »

J’hoche la tête et je me tourne vers Jon en me levant.

« C’était un plaisir de te revoir. A une prochaine peut être. »

Je lui fais un légé sourire et je file de mon côté avec le doc.

Spoiler:

Jon aurait aussi aimé avoir des amis sur qui compter, mais dans cette histoire, il est aussi fautif puisqu'il évite toute relation avec les autres, alors forcément, les amis ne se font pas de cette manière. Il en est conscient mais il n'arrive pas à aller vers eux, c'est au-dessus de ses forces pour le moment.

Les deux hommes discutent alors de leur passe-temps lorsqu'ils ne travaillent pas. L'allemand n'a pas grand chose à dire sur ce qu'il fait durant son temps libre. En dehors du fait de s'adonner à son petit péché mignon, autrement dit, la gourmandise de ses pâtisseries, ce qui en soit est un comble pour un boulanger/pâtissier.

Weller écouta alors la réponse de Blake, qui lui expliqua qu'il passait son temps dans les bars même lorsqu'il ne travaille pas. Même s'il ne le dit pas, Jonathan perçoit comme un refuge quand il parle des bars. Il devait sans doute noyer sa peine dans l'alcool comme beaucoup le font dans la même situation que lui. S'il y a bien une chose à laquelle il a échappé, c'est bien ça. Il n'a jamais touché à la drogue ni à l'alcool, et il ne compte pas le faire de sitôt. Jamais il ne jugerait Blake, parce qu'il savait que c'était dur de faire face à une situation comme la sienne, mais l'alcool n'était sans doute pas le remède idéal. Il ne se permettrait pas d'émettre un quelconque jugement sur sa façon d'agir, il n'en a aucun pouvoir de toute manière.

Blake était une personne normale. Elle avait des amis, des hobbies et une vie sociale en dehors de son travail. Jon en était le parfait opposé. Alors qu'il commençait vraiment à apprécier cette conversation entre eux, le fait de le retrouver, il lui fut arraché par une voix qui venait de derrière lui. Une porte s'était ouverte et une personne vêtue d'une blouse blanche en était sortie appelant Blake.

" - Oui.. À plus tard.."

Du moins, Jonathan l'espérait. Il appréciait Blake et il aimerait vraiment avoir de nouveau une conversation avec lui. Auprès de lui, il ne se sentait pas jugé ou quoique ce soit, même si c'était peut-être le cas, parce qu'il n'était pas comme les autres et qu'il attira peut-être les regards malgré lui. Il se retrouvait désormais seul, attendant son tour pour cette séance inutile.

HRP: