Poisson pas frais ou conversations embarrassantes ? A chacun son choix le jour du marché - Keniamh

J’ai le sentiment de redevenir une adolescente, ou une jeune adulte insouciante qui ne se préoccupe de rien d’autre que son coeur qui bat à l’unisson de celui de quelqu’un d’autre. Ce quelqu’un d’autre c’est Niamh, la seule qui n’ait jamais été, la seule et l’unique. « Qu’est-ce que t’en sais, il n’y a pas de tortues à Londres. Enfin, si, dans les zoos ou des domestiques, mais elles sont réduites pour faire craquer les enfants, c’est pas comparable. En plus, c’est pas un cou, mais un palmier qui protège la tortue ! » J’éclate de rire à nouveau, je me sens plus libre que jamais, je ne pense à rien d’autre qu’à ce nuage qui prend des formes différentes en fonction des secondes qui passent. J’en arrive à avoir mal au ventre de rire, et le rire de Niamh qui ravit mes oreilles depuis quelques minutes déjà. Je m’en délecte comme une goutte d’eau en plein désert. « T’es sûre que tu n’as pas une insolation toi ? Non, parce qu’entre l’éléphant maigrichon et le cul d’hippopotame, il y a de quoi s’inquiéter. » Les chatouilles de la jolie blonde ont raison de moi et mon rire prend un peu plus d’ampleur, le plus naturellement du monde. Je ne sais pas depuis combien de temps je n’ai pas ri de cette manière mais ça manquait cruellement à mon existence. Je viens me placer tout contre elle et calme doucement ma respiration, mon regard plongé dans le sien et la respiration courte. Ça ne s’arrange pas puisque je viens chercher ses lèvres pour un baiser des plus gourmands. Je me laisse totalement aller, à cet instant plus rien n’existe, et surtout pas mon mari. La main de la blonde dans ma nuque, elle amplifie notre baiser et je sens mon corps gronder sous une vague de désir longtemps enfoui. Mais nous sommes interrompues par un couple et à une vitesse folle, Niamh met de la distance entre nous, j’imagine que son acte n’est pas guidé par la peur de nous faire surprendre, mais plutôt par l’envie de me protéger, comme elle l’a toujours fait. « Il fallait qu’il y ait des touristes curieux juste aujourd’hui, j’y crois pas. » Je lui souris tendrement et nous reprenons notre position initiale, assises toutes les deux face à l’immensité de l’eau. Je viens frotter mes mains pour en retirer le surplus de sable et passe une main dans ma crinière brune pour lui redonner une forme correcte, avant de glisser à nouveau mes mains dans le sable de part et d’autre de mes jambes pour jouer avec les grains chauds de ce sable fin. « Est-ce que tu as prévu un concert en à Island Bay ou Wellington ? J’aimerais t’entendre jouer. » Je tourne la tête vers elle et lui souris, tendrement, peut-être même un peu trop amoureusement d’ailleurs. « Le mois prochain oui. J’aimerai beaucoup que tu sois là. » Sentir son regard sur moi lorsque je joue. Je n’ai jamais ressenti un tel sentiment de plénitude qu’à ces instants. Niamh tourne à nouveau les yeux vers le couple qui nous a dérangées dans notre moment intime. « Rien ne vaut l’ouïe d’une musicienne pour ne pas se faire attraper en flagrant délit : épreuve passée avec succès ! Et je me rajoute un point de discrétion, te dépassant toujours avec puissance. » Je ris légèrement en la bouffant clairement du regard. J’aime la façon qu’elle a de me regarder, et le sourire tendre glissé sur ses lèvres. De son pouce elle vient effleurer la paume de ma main et je ferme les yeux, mordant ma lèvre en sentant mon coeur s’accélérer. Elle joue avec le feu. Ce geste aussi minime que particulier n’est pas anodin, quelques années auparavant il avait une grande signification, celle de faire comprendre à l’autre sans un mot à quel point le désir était grand. Tout un flot de sensations s’immiscent en moi et une espèce de décharge électrique me traverse lorsque j’ai le malheur de repenser à l’amour qu’on faisait avec une tendresse inouïe. Je prends une grande inspiration et finis par attraper la main de Niamh en entremêlant nos doigts pour qu’elle arrête de titiller la paume de ma main à l’aide de son pouce. Le couple s’éloigne et disparaît finalement, c’est ce moment que je choisis pour reposer mon regard sur la blonde à mes côtés. « Tu es… maléfique. » Je ris un peu et me mords à nouveau ma lèvre inférieure tout en louchant sur les siennes. « Ne recommence jamais ça au risque d’en subir les lourdes conséquences. » Je souris tendrement et m’avance vers elle, glissant ma main dans sa nuque pour l’embrasser une nouvelle fois, naturellement, comme si rien n’entravait notre histoire, comme si rien n’avait changé, comme si nous n’avions pas été séparées pendant toutes ces longues années.

Imaginer que Niamh puisse être là à mon prochain concert me fait un bien fou. Peut-être même qu’elle viendra avec sa fille, je n’en sais rien, mais la simple présence de la blonde me remplira de joie. Je me souviens encore de toutes ces scènes qu’on faisait ensemble, son regard sur moi me donnait une force inouïe, et souvent lorsque je monte sur scène et qu’elle n’est pas là, je ferme les yeux et l’imagine, simplement, dans la salle ou juste là derrière le rideau de velours. Alors mes doigts deviennent plus précis et l’amplitude de mon archet plus souple. Si elle savait qu’elle est une source d’inspiration inépuisable. Une fois le couple quasiment parti, je récupère la main de Niamh, non sans un petit jeu de sa part faisant grimper en moi autant de désir que de souvenirs. Sans attendre, mes lèvres s’approchent des siennes, tant pis pour le couple, ils doivent déjà être loin à l’heure qu’il est, du moins je l’espère. L’envie de ses lèvres est plus forte et déjà la blonde s’approche pour terminer le parcours. Je sens une décharge électrique en mon for intérieur de sentir sa langue chercher la mienne. Il y a longtemps que je n’avais pas ressenti ce désir, cette sensation puissante et grisante, cette envie de partager plus qu’un baiser. Niamh dévie ses baisers pour glisser le long de ma mâchoire puis de mon cou, penchant la tête sur le côté pour l’inciter à poursuivre tandis que je ferme les yeux, mordant ma lèvre inférieure en sentant d’avantage le désir grimper en moi. « Tes punitions sont une douce torture pour moi. Ne viens pas me faire des promesses qui m’incitent à enfreindre les règles. » Je ris légèrement, reconnaissant à la perfection le ton de voix qu’elle utilise dans l’espoir de me faire flancher. Et voilà qu’à nouveau nos lèvres se rencontre faisant exploser mon coeur dans ma cage thoracique. Une main glissant dans sa nuque, au travers de ses cheveux blonds, je laisse mon autre main parcourir délicatement l’extérieur de sa cuisse, pendant que les doigts de Niamh s’immiscent sous mon haut me faisant frissonner plus que de raison. Mais avant même que je ne me sente dépassée par les évènements, comme prise d’un élan visionnaire, Niamh stoppe doucement son élan de désir pour calmer nos ardeurs. Front contre front, nos souffles rapides se mêlant l’un à l’autre, je tente de faire redescendre la pression. « Si tu ne me dis rien, je risque de ne pas pouvoir m’arrêter et je sais que ce n’est pas une bonne idée. Pas ici, pas comme ça. » Grisée par cette manière qu’elle a de lire en moi encore aujourd’hui, je plonge mon regard dans le sien et lui souris tendrement. « J’en ai envie sûrement autant que toi Niamh, mais tu as raison, c’est pas du tout l’endroit pour ça. » Mon regard oscille entre ses yeux bleus magnifiques et je me sens l’obligation de m’écarter d’elle lorsque j’entends du bruit derrière nous. Une bande de jeunes débarque pour prendre d’assaut la plage, nous replongeant dans une réalité de manière un peu trop sèche à mon goût. Un léger soupir s’extirpe d’entre mes lèvres et je tourne la tête vers Niamh, un petit air déçu sur le visage. « Je crois qu’il vaudrait mieux que je rentre. La prochaine fois qu’on se retrouve toutes les deux, on essaie de trouver un endroit plus tranquille ? » Je ris légèrement et dévore des yeux ses lèvres avec l’envie folle de les capturer une dernière fois, en vain. Trop de monde, trop de regards potentiellement rivés sur nous. Je me lève et tends la main à la blonde pour l’aider à en faire de même, et frotte mes vêtements pour en retirer le surplus de sable, avant de prendre le chemin inverse pour retourner à la voiture. Mais une fois arrivées au niveau des rochers, dans un moment de latence et à l’abris des regards, je tire la main de la blonde pour la faire se retourner et lui vole un baiser, un simple baiser, sans doute un peu trop furtif et qui aurait pu en appeler d’autres, mais je l’estime précieux. Un sourire, et nous revoilà parties. « Tu veux bien me déposer chez moi ? »