Same person other place ( Aoline )

Se libérer l’esprit et s’aérer était le meilleur moyen de trouver l‘inspiration. Samuel était en pleine rédaction d’un chapitre, ce qu’il espérait devenir un livre dans un proche avenir, et les mots restaient bloqués dans son esprit. Ses idées s’embrouillaient et tout devenait un peu confus. Entre les articles et cette autre occupation, il était resté chez lui depuis deux jours. Trop longtemps sans se détendre ni même voir la lumière du jour. Cela lui arrivait parfois. Il avait bien avancé, mais aujourd’hui rien ne voulait sortir. Après s’être étiré à plusieurs reprises, Sam s’était levé pour prendre la direction de sa terrasse donnant sur la plage. Le soleil était radieux. Une journée à sortir et non pas rester enfermé. Il ne fallut gère longtemps à l’ancien joueur pour se décider. Quelques minutes plus tard, habillé simplement, il arpentait les rues sans autre but précis que celui de se promener et de profiter de ce moment de détente. C’était agréable. Son esprit se libéra de toute pression ou contrainte, et il se prit même à fredonner un peu tout en marchant. Le centre-ville fut rapidement en vue. Les cafés étaient en pleine activité, et étonnement, malgré l’heure, il y avait de nombreuses personnes à l’extérieur. Plutôt qu’un café, Sam décida de prendre une boisson fraîche. Ce serait plus agréable. Il entra dans un établissement et passa commande. Il fut rapidement servi, et savoura la première gorgée avec plaisir sous le regard amusée de la serveuse. Un clin d’œil puis il se dirigea vers la sortie.

Un peu brusque et inattentif, Samuel percuta une personne une fois dans la rue. Sa boisson tomba au sol, et il tira la pauvre victime vers lui pour éviter qu’elle ne soit arrosée. Une expression déçue lui étreignit les traits quelques secondes, avant qu’il ne reporte son attention sur la pauvre victime de sa maladresse. Heureusement elle n’était pas tombée, et elle n’avait pas été arrosée. Au moins la catastrophe était évitée de justesse. Sam ouvrit la bouche pour s’excuser et s’enquérir de la santé de la jeune femme qu’il venait de bousculer, lorsqu’il reconnut la tête brune face à lui. Sa prise de parole se transforma en léger rire amusé par la situation. Finalement il prit enfin la parole sur un long léger et beaucoup moins inquiet que celui prévu à l’origine.

_ « Eh bah si je m’attendais à te voir ici… Je crois bien que c’est la première fois qu’on se voit en dehors de ton antre. » Il sourit simplement avant de continuer. « Ça va tu n’as rien. Excuse-moi encore je ne regardais pas où j’allais. »

Depuis le temps, Samuel se permettait de la tutoyer. Ils avaient de toute manière discuté et échangé sur de nombreux sujets lors des passages fréquents du journaliste dans la bibliothèque. Ce n’est que plus tard qu’il avait appris que Bella était sa cousine. Le monde était vraiment petit parfois… Sam se rendit compte qu’il la tenait toujours contre lui, même si c’était inutile à présent. Il la relâcha et s’écarta légèrement avant de reprendre.

_ « Je t’aurais presque pas reconnu à la lumière naturelle… Ça te va bien aussi… »

Il laissa échapper un petit rire, heureux de sa bêtise sur l’instant. Lui qui voulait se changer un peu les idées, il venait de tomber sur une personne intéressante. Les discussions avec Aoline étaient toujours intéressantes.

11h45. Cela faisait à présent deux heures qu’elle était plongée dans ses révisions. Lorsque Julina, sa meilleure amie, lui avait proposé de quitter l’Angleterre et de venir avec elle en Nouvelle-Zélande, Aoline n’avait pas pu refuser. Elle avait besoin de changer d’air, et changer d’entourage. Ses parents la traitaient toujours comme une petite chose fragile qui replongerait au premier obstacle qui se présentait. Mais ils ignoraient la vérité et ce que Paul lui avait fait subir, comment dire à ses parents que leur fils aîné violait sa cadette ? Alors lorsqu’elle l’avait accidentellement tué pour sauver Evan, son second frère, elle n’avait pu s’empêcher de ressentir une certaine légèreté. C’était terminé. Les Sandersen l’avait envoyé consulté un psychiatre pour l’aider à surmonter la mort de son frère et la fuite du second mais cela ne l’avait pas aidé. La seule chose qui lui avait permis d’oublier était la drogue. Et c’est ainsi qu’elle avait commencé. Elle était tombée très bas, prenant du retard dans ses études, se mettant les gens à dos, y compris Juls. Le fait de rester vivre avec ses parents, dans cette maison, de dormir dans cette chambre, elle n’avait pas supporté. Malgré tout, elle s’était repris en main et aujourd’hui elle était fière de dire qu’elle clean, sobre et pouvait aller dans un bar sans se sentir tentée, après l’alcool n’ayant jamais été son problème.

Toujours est-il qu’elle souhaitait rattraper son retard et dès son arrivée à Island Bay, elle avait cherché l’université la plus proche et vérifié le cursus qu’elle souhaitait suivre. Mais il était grand temps de faire une pause. Elle ferma ses bouquins, les rangea et fila se préparer. Avec la journée qui s’annonçait, elle aurait été malade de rester enfermée. Elle laissa un mot sur la table de la cuisine pour Julina qu’elle ne s’inquiète pas, attrapa son sac au vol et sortit. Elle préféra se rendre en centre-ville en marchant et ainsi profiter du soleil de cette matinée. Elle n’avait pas de but précis, ni d’endroit spécifique où se rendre. Elle préféra flâner un peu, c’était toujours agréable. Et malgré l’heure matinale, les rues étaient en pleine effervescence, comme les habitants d’Island Bay s’étaient levés et avaient décidé de bouger. Une boutique attira son attention si bien qu’elle ne vit pas la personne en face d’elle. Ils se percutèrent et avant qu’elle n’ait pu faire quoique ce soit, on la saisit par le bras et la tira en avant. Elle posa main sur le torse du jeune homme pour garder l’équilibre, confuse. Ce dernier se confondit en excuses, ce qu’elle comptait faire puis elle reconnut ses grands yeux bleus. Son visage se détendit et elle lui sourit. Elle secoua la tête « Non je n’ai rien merci. » , elle marqua une pause « Ne t’inquiètes pas, moi non plus. J’imagine que j’ai été plus chanceuse que ton café » ajouta –t-elle en désignant la boisson à présent au sol. La tenant toujours contre lui, Samuel la lâcha avant de s’écarter un peu. « C’est gentil. Ceci dit moi non plus. J’ai passé la matinée plongée dans mes révisions, j’avais besoin de prendre l’air. » Aoline réfléchit quelques instants avant de prendre son bras « Allez viens, je paie ma tournée. »  en désignant feu son café « Je te dois bien ça. » lui dit-elle en riant.

Profiter de cette belle journée. Se promener et de désaltérer. C’était les objectifs de Samuel à présent qu’il se trouvait en centre-ville. Il n’avait pas particulièrement d’habitude dans ce domaine, ni de lieu préféré. Le journaliste s’était arrêté dans la première boutique qu’il avait aperçue, et avait simplement passé commande. Une boisson fraîche tout simplement, n’étant pas trop café ni autre boisson du même type. Cela le rendait encore plus actif et nerveux, qu’il ne l’était au naturel. Cette expérience avait été plus dérangeante qu’intéressante dans son cas. A croire qu’il réagissait un peu trop à la caféine. Sa boisson dans les mains, la première gorgée avalée, Sam sortit de la boutique un peu trop rapidement et brusquement. Inattentif il heurta une personne passant par là. Il eut juste le temps de la tirer contre lui pour éviter qu’elle ne soit arrosée par le liquide répandu sur le sol à présent. L’homme ne s’était pas attendu à croiser un visage connu dans ces circonstances, surtout celle qu’il ne voyait que dans le confort de la bibliothèque et la lumière artificielle des néons. Son expression oscilla entre la déception pour sa boisson, l’inquiétude de ne pas avoir été trop rude et l’amusement de la retrouver dans ces circonstances. Malgré lui son ton plus amusé que souhaité à l’origine quand il prit la parole. Ses premières excuses furent accueillies par celles de son interlocutrice. Une situation cocasse qui le fit sourire de plus belle.

Maintenant que les premières inquiétudes étaient terminées, et que les formules de politesse avaient été expédiées, Samuel reprit la parole sur un sujet plus personnel et plus charmeur. Aoline commençait à avoir l’habitude de ce genre de réaction et de paroles de sa part. Un petit rire ponctua sa prise de parole et précéda la réponse de la jeune femme. Un hochement de tête accompagna ses explications. Il comprenait parfaitement ce besoin, puisque c’était le même qui l’avait amené dans cette partie de la ville à l’origine. Son regard la suivit amusé tandis qu’elle prenait son bras. C’était amusant de la voir un peu plus entreprenante que dans la librairie. Elle lui avait toujours donné l’impression d’une personne discrète et plutôt méfiante. Un haussement d’épaule fut se seule réaction à ces pensées, qui resteraient dans le secret de son esprit. Elle utilisa les mots magiques, et il sourit en répondant.

_ « Oh bah si tu proposes de me payer un coup. Difficile de refuser, et puis ma mère m’a toujours dit qu’on ne devait pas laisser boire une femme seule. »

Un nouveau sourire avant de l’entraîner avec lui dans le café dont il sortait au moment de la collision. Samuel s’avança devant l’entrée, et ouvrit la porte pour laisser passer son amie. Il ne poussa pas le vice jusqu’à faire une légère révérence, mais ce n’est pas l’envie qui lui manqua sur le moment. Un dernier regard vers sa boisson étalée sur la rue, et il pénétra dans l’établissement. Sam glissa un mot à un serveur et s’excusa pour les dégâts minime mais bien présent.

_ « Pour information ce n’était pas du café. Boisson trop forte pour moi » Il prit un air faussement gêné avant de reprendre. « Alors tu t’en sors dans tes révisions… » Il l’observa un instant et reprit rapidement. « C’est vraiment un coup à boire… tu me prends pas pour un cobaye histoire de tester tes cours sur moi. »

Samuel se permettait de la tutoyer et de se montrer familier avec elle, vu les discussions qu’ils avaient déjà eu et les sujets abordées au cours de celles-ci. Difficile de la vouvoyer et respecter un certain protocole après avoir appris un certain nombre de chose personnelle. Il invita Aoline à s’installer à une table, autant se poser tant qu’ils étaient là. Et puis l’un comme l’autre avait besoin d’une pause, et le meilleur moyen était de discuter simplement.

_ « C’est quand les examens ? »

Une question innocente, et pas forcément très utile dans un objectif de se changer les idées. Mais cela l’intéressait vraiment sur le moment. Cette époque où il s’inquiétait de ce genre de choses était très loin pour lui, et encore s’était-il seulement inquiété une seule fois pour ça. La question méritait un peu de réflexion. Il n’était pas l’archétype de l’élève modèle.

Avec une journée pareille, il était tout bonnement hors de question pour Aoline de rester à l’intérieur. Et puis si elle n’avait pas décidé de prendre l’air, sa meilleure amie l’y aurait forcé à coup de pieds aux fesses. La brunette n’était pas particulièrement friande de ce genre de traitement. Pourquoi pousser Juls à bout ? Elle avait pris les devants et pour le moment, elle ne regrettait pas son choix. Le centre-ville était idéal pour tous ceux qui souhaitaient errer sans réelle but ; vous trouviez toujours quelque chose à faire. Aussi, un peu dans la lune, elle ne remarqua que trop tard la personne devant elle. Elle manqua de perdre l’équilibre dans la bousculade mais on la retint fermement. Elle releva la tête et reconnut Samuel. Un habitué de la librairie avec qui elle avait développé des affinités. Au début, ils avaient surtout discuté de ses recherches pour son bouquin mais rapidement, Aoline s’était surprise à se confier. Il dégageait quelque chose d’assez rassurant, à vrai dire, par certains aspects, il lui rappelait beaucoup son frère, Evan. C’était peut-être pour cela qu’il lui était aussi facile de se laisser aller. Ce qui avait achevé de la convaincre était sa relation avec Bella. Le jeune homme se trouvait être le meilleur ami de cette dernière tandis qu’Aoline et la jolie brune étaient cousines. Elle lui faisait confiance et la française en avait fait autant. Ils se saluèrent poliment même si aujourd’hui, le contexte était beaucoup moins formel qu’à l’ordinaire. Elle s’en voulut d’avoir gaspillé le café de son ami, aussi elle lui saisit le bras et l’entraina avec elle. Elle se ferait pardonner en lui en offrant un second, geste que Samuel apprécia et tous deux prirent le chemin du café. En gentleman,  il lui ouvrit la porte, la laissant ainsi passer. Elle le remercia par un sourire et s’engouffra à l’intérieur. Il lui précisa alors que ce n’était pas du café dans son gobelet, boisson trop forte pour lui. Elle acquiesça « Ton choix sera le mien. » , une ombre passa sur son visage et il reprit rapidement. Sa question la fit rire «  Promis je ne jouerai pas les psys de bas étages . Mais je tiens tout de même à me faire pardonner. »

Samuel l’invita à s’installer à une table et ce dernier prit place en face d’elle. Elle posa son sac à ses pieds et attrapa la carte. Elle commençait à avoir faim alors autant faire d’une pierre deux coups. Le jeune homme s’enquit alors du début de ses examens. La brunette réfléchit quelques instants « Dans deux semaines. Je suis arrivée en cours d’année alors ils souhaitent aussi s’assurer que j’ai le niveau pour entamer ma dernière année. Je suis déjà contente qu’ils aient accepté mon inscription à trois mois de la fin des cours. Mais nous comptons bien rester içi avec Julina, alors je dois m’assurer de réussir ce test. » Un serveur arriva à leur hauteur et les deux compères passèrent commande. Line rangea la carte et reprit « L’avantage c’est qu’ils me laissent prendre une matière optionnelle pour gagner quelques points. J’ai choisi le français. Certains pourraient croire que c’est de la triche puisque c’est ma langue maternelle mais il ne me reste qu’une année. Dans un an je serai diplômée et j’ai suffisamment pris de retard comme tu le sais » Elle baissa les yeux. Noah, son parrain, lui avait pourtant dit de ne pas avoir honte de ses actes. Ils appartenaient au passé et malgré tout, constituaient aujourd’hui sa personnalité. Samuel était au courant concernant la drogue, et en partie ce qui avait déclenché sa descente aux enfers, autrement dit le départ d’Evan suite au meurtre. En revanche, elle n’avait jamais parlé des viols que son aîné, Paul lui avait fait subir. Peut-être un jour. Mais pas aujourd’hui. Lorsqu’elle avait lâché l’information concernant les circonstances du décès de Paul et son implication dans l’événement, il était trop tard. Pourtant, Samuel ne l’avait jamais jugé et c’était réellement à partir de ce moment-là qu’elle avait compris qu’elle pouvait lui faire confiance. Elle secoua la tête et s’éclaircit la gorge « Bref. Et tes recherches ça avance ? »

A peine sorti déjà de retour. Samuel se fit cette réflexion quand ils pénétrèrent dans l’établissement. Au moins il était en bonne compagnie cette fois, et non pas comme une âme esseulée en quête d’une occupation quelconque pour la journée. C’était amusant de tomber sur Aoline dans ces circonstances, surtout que maintenant il connaissait son aversion pour les hommes par l’intermédiaire de Bella. Quoi que aversion était un mot peut-être plus violent que la réalité. Le journaliste avait l’impression de rencontre une nouvelle personne, tant le contexte était différent de leur conversation habituelle… et les sujets le seraient tout autant d’ailleurs. Sam accepta l’invitation par plaisir et parce qu’elle se proposait de payer. Il était parti sans prendre d’affaires précises, et on pouvait qualifier de miracle la présence de ses clés dans sa poche arrière. Le peu de monnaie présente avait été utilisé pour payer la boisson étalée sur le trottoir à présent. Encore une preuve de son insouciance. Le serveur se contenta de lui sourire et de partir chercher quelque chose pour nettoyer. Sa précision sur le contenu fut accueillie par une réponse qui l’amusa et qui entraîna une question. Devait-il choisir pour eux deux ou était-il libre de prendre ce qu’il souhaitait. Il aviserait le moment venu. Ce n’était pas important pour le moment. Sam reprit rapidement en se souvenant des études de son interlocutrice, l’interrogeant sur ses intentions et sa gentillesse dans cette situation.

Son intervention eut le mérite de la faire sourire, et de la détendre en même temps. Sa réponse fut accueillie d’un mouvement de la tête vigoureux pour accepter cette situation. Samuel n’avait pas grand-chose à cacher, mais c’était toujours un peu stressant de se poser ce type de question. Ils s’installèrent finalement à une table, prêt à commander et à continuer leur discussion. Pendant qu’elle scrutait la carte, il l’interrogea sur le début de ses examens tout en prenant la carte à son tour. Tandis qu’elle répondait, il examina l’état de son estomac. Aoline donnait l’impression de vouloir prendre plus qu’un simple verre. En entendant l’étudiante, Sam se dit qu’il était heureux de ne plus être dans cette situation à présent… et de ne jamais l’avoir été réellement d’ailleurs. Un sourire accueillit la fin de sa phrase, avant qu’un serveur ne prenne leur commande. Son explication suivante le fit à nouveau sourire.

_ « Oh tu sais pas besoin de te justifier… Et puis je te dirais peu importe ce qu’il pense, tu es libre de faire comme tu le sens et tu le veux. » Il marqua une pause et reprit. « De toute manière dans un an tu en reverras combien… »

Samuel n’avait jamais prêté beaucoup d’attention à ce qu’on pouvait dire de lui. Il savait ce qu’il voulait et faisait ce qu’il devait tout simplement. Une leçon acquise grâce à ses parents. Cela lui jouait des tours évidemment, mais globalement, il n’avait pas à se plaindre de sa situation actuelle. Et puis ce qui l’énervait encore plus c’était la connaissance du passé de son interlocutrice, et l’effet que ce genre de réflexion pouvait avoir sur elle. Il irait bien dire deux mots aux petits malins de son cours, mais ce ne serait guère judicieux. Finalement Aoline l’interrogea à son tour.

_ « Hum… Doucement mais sûrement. J’essaye de mettre les personnages en place, mais faudrait que je me remette plus sérieusement à la lecture je pense. Histoire de prendre un peu d’inspiration » Il sourit simplement et s’étira légèrement. « Enfin tu m’as beaucoup aidé quand même. »

Samuel essayait d’écrire un livre de fantaisie. Un univers qu’il appréciait beaucoup, et qui l’inspirait. Mais ces derniers temps, sur les conseils d’Aoline et d’autres personnes, il avait choisi d’écrire sur un domaine qu’il connaissait dans un premier temps. Histoire de se faire ses premières armes et de s’habituer à écrire.

_ « Enfin bon ça avance doucement mais sûrement je suis plutôt satisfait, quand je m’endors pas devant évidemment. » Un petit rire ponctua sa prise de parole. « Ou que le boulot me laisse un peu de temps libre. Ces derniers temps il y a pas mal de choses à couvrir, et il semblerait que mon boss commence à me faire confiance vu qu’il me confie plus de choses. C’est pas mal aussi… Ce n’est pas pareil qu’avant où j’étais complètement sûr de ce que je voulais. En tout cas rassures-toi, comme promis tu seras la première à lire mais je veux un avis honnête. Pas de ménagement. »

Le rugby avait été son univers pendant tant d’année. C’était difficile de passer à autre chose à présent, et de se dire que tout ceci était terminé. Les matchs et les entraînements lui manquaient, mais il se rendait compte régulièrement que ce serait trop risqué pour lui… Et il n’avait aucune envie de marcher en béquille pour le reste de sa vie.

Il était difficile pour Aoline de se confier sur son passé. Si bien qu'elle avait instauré un mécanisme de défense et repoussait généralement les gens qui s'approchaient trop près. Pourtant, il était nécessaire de faire tomber ses barrières, c'était le seul moyen pour elle d'avancer. Elle démarrait une nouvelle vie, loin de l'Angleterre, loin de ses parents, qu'elle aimait malgré tout, mais trop étouffant à son goût. Elle savait qu'elle leur avait fait vivre un enfer et constater la déchéance de son enfant chaque jour n'avait pas dû être évident. Toujours est-il qu'aujourd'hui, elle allait mieux, elle avait changé son comportement, ses habitudes. Mais pas ses parents, eux, non. Julina avait alors proposé de l'emmener avec elle à Island Bay. La française n'y avait pas réfléchit à deux fois avant d'accepter.
Aoline se sentit légèrement honteuse mais Samuel s'empressa de la rassurer. Peu importe ce que les gens pensent. Et il avait raison mais sur ce sujet particulier, elle ne parvenait à laisser passer. Il ajouta qu'elle ne reverrait que peu des étudiants présents dans son cours plus tard. Encore juste. Elle sourit et s'enquit de l'avancement de son livre. Elle le savait déterminé et il lui tardait de pouvoir le lire. Elle l'avait assidu, faisant régulièrement des recherches et c'est d'ailleurs de cette manière qu'ils s'étaient rencontrés. Elle avait hâte de voir les résultats et quelque part, elle appréciait qu'il prenne son avis avec considération. Sur ses conseils et ceux de ses proches, il avait choisi d'écrire un livre sur un domaine qu'il connaissait, histoire de se faire la main et il reviendrait plus tard sur la fantaisie, un univers qu'Aoline appréciait tout autant. Il semblait satisfait pour le moment, il avait doucement mais sûrement comme il disait. Elle hochait la tête, attentive. Il ajouta cependant qu'avec le travail, il n'y consacrait pas autant de temps qu'il aurait voulu. Mais cela ne semblait pas l'ennuyait plus que cela. Son patron lui avait confié plus de responsabilité, ce qui n'était pas pour lui déplaire, ajoutant qu'elle resterait la première à lire son œuvre.

« Tant mieux, c'est une bonne chose. Et j'espère bien que je serai la première à le lire. »

Le serveur arriva avec leur commande et la brunette le remercia avec un sourire. Le café commençait peu à peu à se remplir, signe que la vie s'éveillait réellement.

« Ce sera objectif. Je ne fais pas dans la langue de bois, tu le sais. Je te dirai réellement ce que j'en pense.  »

Elle haussa les épaules en riant. Dans le genre sarcastique et franche, on ne faisait pas mieux. Ca lui avait valu quelques soucis d'ailleurs mais c'était toujours préférable à un hypocrite de base. Elle prit une gorgée de son café. Le temps était toujours au beau fixe, cela promettait un été inoubliable.

« Tu prends des vacances cet été ? Tu pars ou tu restes ici ?»

Aoline était une personne sympathique et simple. Sam appréciait toujours les conversations en sa compagnie. Son esprit était très fin, et puis elle avait déjà vécu de nombreuses choses. Certes il était flatté d’avoir obtenu sa confiance, mais parfois il se disait qu’il aurait préféré ne rien savoir sur des choses aussi personnelles. Ce n’était pas facile de réagir normalement en ayant ses connaissances au sujet de la jeune femme. Le sujet de ses examens fut rapidement abordé et évincé. Inutile de trop l’accable dans ce domaine. Elle était suffisamment stressée pour gâcher son moment de détente en y pensant. La discussion dériva sur le livre que tentait d’écrire Sam. Il lui en avait parlé à plusieurs occasions pour justifier ses recherches et ses questions. C’était un rêve qu’il ne pensait jamais voir se concrétiser ou plus précisément, il doutait d’être publié un jour. Le talent n’était pas une chose qui s’inventait malheureusement. Cela ferait toujours une bonne lecture pour les âmes charitables lors des moments d’ennui. Au moins il pourrait se targuer d’avoir essayé et tenté sa chance plutôt que de se contenter de rêver. Sam appréciait l’attention de la jeune femme pour son envie d’écriture. Certains se contentaient d’écouter d’une oreille distraite sans y accorder plus d’importance, ou alors se moquait de voir un ancien sportif professionnel tenter une telle aventure. Au choix selon les cas.

Un hochement de tête confirma bien qu’elle serait la première à le lire. C’était une évidence… Quoi que ce serait plutôt l’une des premières à le lire sans être la première. D’autres personnes le soutenaient dans cette aventure, et dans sa reconversion. Les commandes arrivèrent, et cela marqua une pause dans leurs échanges. Leur commande servi, le serveur reprit sa route dans l’établissement. Parlant à haute voix, Sam énonçait son plan d’action pour l’écriture de son livre. Reprendre la lecture de manière plus assidue pour avoir une idée de la manière d’aborder certaines choses. Cela lui rappelait ses premiers cours de journalisme et d’écriture. Le voilà revenu des années en arrière. Il aurait pu choisir de terminer ses études et obtenir son diplôme avant de choisir le Rugby, mais tenter sa chance avait été sa meilleure option. Il ne doutait pas du jugement d’Aoline. Elle serait impitoyable dans ce domaine la connaissant.

_ « Je compte sur toi, et je ne doute pas de ton objectivité… Elle me fait même un peu peur. »

Samuel se contenta de sourire. Ce n’était pas très éloigné de la vérité, sans l’être totalement. Ce qui lui faisait peur c’était de faire n’importe quoi et de se planter complètement dans son récit et son aventure. Le journaliste prit une gorgée de sa boisson, et son regard se perdit pendant quelques secondes sur l’extérieur et le magnifique soleil. Aoline reprit la parole, et il se tourna vers elle avec un large sourire.

_ « Hum… Des vacances ce serait top. Malheureusement je viens de commencer, et je dois faire mes preuves avant de commencer à parler congés ou vacances. J’imagine déjà la tête du rédacteur en chef si je me pointais pour lui poser la question. Il ne me prendrait plus au sérieux. » Il sourit simplement et reprit. « Et toi alors ? Une fois que tu seras libérée de ton fardeau, tu comptes faire quoi ? En profiter, réviser encore plus pour l’année prochaine ou tu as d’autres plans plus sympas. »

Après tout, en dehors de la bibliothèque, Samuel ne connaissait pas vraiment ses occupations. Aoline lui était toujours apparue comme studieuse et sérieuse, mais l’image pouvait être complètement fausse d’ailleurs.

Entre Samuel et Aoline, ça avait été simple. Ce côté rassurant, protecteur qu’il dégageait lui rappeler beaucoup son frère. Elle ne lui avait jamais dit et ne lui dirait probablement jamais. C’était également pour ça qu’elle appréciait sa compagnie. Ils parlaient de tout et de rien. Et les sujets de conversations ne tarissaient jamais. Ils étaient honnête l’un envers l’autre. Certes, certains points étaient soigneusement omis mais tout le monde avait des secrets. Aussi, lorsque Samuel lui avait demandé – une fois son livre terminé – de lui donner son avis, elle avait accepté avec grand plaisir. De plus, elle était curieuse de voir le résultat de ce travail acharné. Aoline avait été témoin, à de nombreuses reprises de son investissement, même si dernièrement, il avait quelque peu ralenti. Son ami le disait lui-même. Elle le rassura quant à l’honnêteté dont elle ferait preuve et il avoua que c’était justement ça qui l’effrayait. La brunette fronça les sourcils. Elle sentait qu’il n’était pas sûr de lui, ce qui pouvait être compréhensible. Pourtant, la française ne doutait en rien des capacités de son ami.« Moi je pense que ça va bien se passer. Je ne me fais pas trop de soucis pour le résultat. Bien entendu, il ne sera pas parfait au début mais c’est normal. Et puis il est toujours difficile de juger de son propre travail. » elle marqua une pause et ajoutant avec un grand sourire « Mais tu ne fais pas n’importe quoi, j’en suis certaine. »

Elle hocha la tête, satisfaite de sa réponse.  Elle pouvait comprendre ce sentiment. Samuel avait une peur bleue de se planter, de tout faire de travers. Aoline le ressentait constamment depuis le début de sa cure, persuadée qu’elle finirait par tout gâcher. C’était l’une des raisons pour lesquelles elle se tuait autant à la tâche, à réviser assidument, à travailler à côté. Elle voulait prouver, peut-être plus aux autres qu’à elle-même qu’elle pouvait y arriver. Prendre sa revanche sur son passé et également sur tous les médisants qui la mettaient au fond du trou après huit mois de cure.  Préférant partir sur un sujet plus joyeux, Line enchaina sur les vacances. Elle ignorait si elle en prendrait et surtout si son patron lui en accorderait. Julina voudrait peut-être profiter un peu de la plage, l’avantage de vivre à South Bay. C’était un peu le même de cas de figure pour Samuel. Il venait à peine de débuter son travail et ce ne serait pas très sérieux de sa part d’en demander. Il n’était d’ailleurs, probablement pas prioritaire. La brunette piocha dans son muffin, attentive. « Je ne sais pas encore. Je continuerai à étudier, même si je vais ralentir un peu. Après tout dépend de mes résultats aux examens. Ils détermineront mon été je crois. Après, avec la librairie, je pense que je n’aurais pas de vacances. Mais bon, je ne vais pas m’en plaindre. Je m’estime heureuse d’avoir décroché ce job et je ne compte pas le lâcher de sitôt. »
Sa revanche. C'était surtout ça qu'elle gardait à l'esprit. Elle savait qu'elle pouvait le faire et avancer. C'était son tour maintenant, et elle prouverait à qui de droit, qu'elle en était capable.

Parfois Aoline lui rappelait sa cousine et sœur de cœur. Elles partageaient certaines valeurs et certains comportements. C’était probablement pour cette raison que Samuel se comportait parfois comme il pensait qu’un grand frère devait le faire. Un sujet qu’il n’avait encore jamais abordé avec elle d’ailleurs. Difficile de glisser ça dans une conversation de manière naturelle, et il n’avait aucune envie que cela devienne une affaire d’état ou débouche sur un étalage de sentiments. La situation était très bien comme ça, et le journaliste était persuadé que son interlocutrice savait qu’elle pouvait compter sur lui en cas de besoin. Quand il se rappelait leur première discussion et leur première rencontre, cela l’amusait de voir le chemin parcouru depuis. La confiance avait été presque immédiate, et les confidences n’avaient pas tardé à se produire. La libraire l’aidait beaucoup dans son activité parallèle pour réaliser un rêve. Ses conseils étaient avisés et ses connaissances plutôt complètes dans de nombreux domaines. Et puis une chose était sûre c’est qu’elle n’avait pas sa langue dans sa poche, et que brosser les gens dans le sens du poil comme on dit ce n’était pas son fort. Ce qui la rendait encore plus intéressante et attachante du point de vue de l’ancien sportif. Autres points communs non négligeable : la France. Ils pouvaient en parler ensemble, vu que Sam y avait vécu près de trois ans.

Cette fois, la conversation tournait autour du livre de Sam. L’objectivité de la libraire n’était pas en doute du tout. Des hochements de tête accueillirent ses réponses et ses encouragements. Cela faisait du bien d’être rassuré, surtout pour un premier travail. Un sourire accueillit sa conclusion. C’était une certitude. Samuel était un perfectionniste, malgré son manque de constance parfois et son caractère inconséquent dans certaines situations. L’un comme l’autre ne semblaient guère motivés pour parler de leur travail. Heureusement Aoline changea de sujet pour quelque chose de plus agréable. Des vacances. En y pensant, l’ancien rugbyman se demandait depuis quand il n’en avait pas pris… Que ce soit seul ou en compagnie de celle qui partageait sa vie par intermittence. Cela lui fit réaliser de nouvelles choses la concernant. Sam répondit simplement. Pas de pause pour lui puisqu’il venait de démarrer un nouveau travail. La question fut retournée. Un air désapprobateur accueillit les paroles de la jeune femme, et Sam se pencha pour lui mettre une pichenette dans le front.

_ « Dis donc on t’a jamais dit que décrocher était aussi important que réviser pour ne pas saturer. Prends-toi au moins deux ou trois semaines de véritables vacances. Reposes-toi et profites… Sinon je te promets, je te kidnappe et je te balance sur une île déserte. » Il soupira. « Pour la librairie je comprends, mais lâche tes révisions. »

Aoline était une étudiante sérieuse, trop sérieuse pour son bien du point de vue de Samuel. Il comprenait parfaitement bien son désir de faire ses preuves. Une revanche sur son passé. C’était un moteur comme un autre, mais elle ne devait pas se laisser avaler par ces raisons pour autant. La vie continuait et ce serait dommage qu’elle passe à côté de ses années. Finalement c’était peut-être ça qu’il pourrait lui apporter. Après avoir bu presque la moitié de sa boisson, Sam reprit simplement.

_ « Ecoute. Je ne peux pas prendre de vacances, mais je peux me faire un week-end prolongé. Du coup dès que tu as trois – quatre jours de libre, tu me fais signe et je vais t’emmener avec moi. On va s’amuser, profiter et se détendre… Tu vas voir tu te sentiras bien après. » Il l’observa intensément et la pointa du doigt. « Pas le choix et pas de discussion. »

Sa décision était prise, et si Aoline pouvait être déterminée, son obstination était encore plus grande. Samuel finissait toujours par faire céder les gens. Et cette fois ne ferait pas exception. Dans le pire des cas, il l’aurait à l’usure tout simplement. C’était pour son propre bien… et son plaisir aussi…

L’envie de réussir prenait le dessus. Elle se sentait presque obligée de prouver des choses, comme pour justifier son changement de comportement. Clean depuis maintenant huit mois, elle tenait le choc. Certes il y avait des hauts et des bas mais pour le moment, rien de particulier à signaler de ce côté-là. Pourtant, lorsqu’elle pensait à sa manière de faire, d’agir ou de réfléchir, cette obsession qu’elle développait peu à peu, cela l’effrayait. Une drogue, peu importe la forme qu’elle prenait, restait une drogue. Aoline avait l’habitude de se shooter mais elle savait pertinemment que l’alcool ou la cigarette lui étaient proscrit à vie. Elle ne serait jamais en mesure de trinquer à sa réussite ou de se contenter de prendre une bouffée lors d’une soirée pour se détendre. Les antidouleurs lui étaient également formellement interdits.  Aussi, ce désir de réussir qui prenait le pas sur tout le reste, n’était-il pas une forme d’addiction pour elle ? C’était peu commun mais elle reconnaissait là-dedans son comportement de junkie. Ce n’était pas dangereux pour elle,  au contraire, et dans le pire des cas, elle risquait un burnout. Pourtant, elle avait peur et elle ne ralentissait pas. Détail qui n’avait pas échappé à Samuel. Ce dernier lui fila une pichenette sur le front ce qui eut le mérite de lui faire lever la tête. Elle fronça les sourcils, curieuse. Qu’avait-elle fait pour susciter une tel geste chez son ami. La réponse ne se fit pas attendre et ce dernier la réprimanda. Elle écouta, attentive ce qu’il lui disait. Elle afficha un léger sourire. Avec lui, elle se sentait à découvert, comme s’il était capable de lire ses pensées et ses peurs. Elle n’avait pas à les formuler, il comprenait, consciemment ou inconsciemment, mais il comprenait. C’était une bonne chose d’ailleurs. Aoline ne faisait que difficilement confiance et même si ces deux-là s’entendaient bien et que la française savait qu’elle pouvait compter sur le beau brun, parler n’était pas facile. Lorsqu’elle était en cure, il lui avait fallu plusieurs semaines pour la débarrasser de la sensation de manque avant d’être en mesure de penser correctement. Et plusieurs autres pour qu’elle se sente suffisamment à l’aise et se confier. Samuel lui conseilla, non lui ordonna, de prendre quelques vacances et ainsi souffler, se retrouver et se poser. Il accompagna cette « suggestion » par une « menace » ce qui eut le mérite de la faire rire. « Ah d’accord, un kidnapping et une île déserte. En voilà un programme ! »

La brunette termina son muffin, toujours à l’écoute de son ami. Il continua sur sa lancée, précisant qu’il ne serait pas en mesure de prendre de véritables vacances mais qu’un week-end prolongé serait plus qu’envisageable. Là encore, il ne lui laissa pas le choix. A un moment donné, pendant l’été, ils partiraient tous les deux s’aérer la tête. Elle prit une grande inspiration, le temps de digérer l’information. Il n’avait pas tort, bien au contraire. Ce break lui ferait un bien fou et prendrait probablement une tournure thérapeutique. Elle prit alors un air déterminé, et fit un salut militaire   « Bien Monsieur, absolument Monsieur » Elle parvint à garder son sérieux deux secondes avant d’exploser de rire. Elle termina son thé glacé puis reprit, plus calme « Et le pire dans cette histoire, c’est que tu as raison. Ce sera avec grand plaisir. Je te dirai rapidement quand je suis disponible et on se calera ça ensemble. Merci en tout cas »Elle jeta un coup d’œil à l’extérieur « Tu es pris cet aprem ou tu veux qu’on aille se balader ? « Rien de mieux que la marche pour aider à digérer tout ça. Et pourquoi couper court si vite à leur entrevue ?

La voir aussi sérieuse était un bon signe, malheureusement Aoline donnait l’impression de vouloir trop pour des raisons qu’il comprenait. Samuel se sentait la responsabilité de la freiner un peu, de lui permettre de se libérer l’esprit et de lui rappeler qu’elle devait aussi vivre. Elle était encore jeune, et devait profiter de cette période. A plus forte raison lorsque l’on connaissait son passé, et les épreuves qu’elle avait traversé pour en arriver où elle était aujourd’hui. Le journaliste trouvait intéressant qu’elle ne remarque pas cette simple vérité. A force de vouloir faire les choses de manière parfaite, elle allait finir par tout louper. De hautes aspirations étaient une bonne chose, de trop hautes aspirations pouvaient se retourner contre vous. Sam réagit de la seule manière qu’il connaissait. Une petite pichenette dans le front comme pour la réveiller de l’intérieur, la faire sortir de son idée un peu étrange qui la poussait à se comporter ainsi. Pas très subtil de sa part, mais cela ne faisait pas partie de ses qualités. Il se comportait toujours de manière directe et entière face aux gens, encore plus lorsqu’il s’agissait de personne qu’il appréciait et respectait comme Aoline. Son intervention se termina par une menace, qu’il était capable de mettre en pratique. L’enlever pour l’emmener se détendre quelque part. Cela lui pendait au nez sérieusement.

Sa réaction fut tout à fait normale et attendue. Sa première réponse l’amusa et il hocha la tête d’un air déterminé et confiant. Histoire de bien lui rappeler qu’il pouvait le faire. Cela ne lui poserait aucun problème, et elle n’aurait aucune possibilité d’y échapper. D’ailleurs, sa cousine Bella serait même capable de l’aider dans ce petit kidnapping. Finalement, Sam lui offrit une alternative. Un week-end de sortie avec lui pour profiter des vacances, et se détendre. Autant dire que le programme serait corsé pour elle. Le journaliste était un habitué de ce genre de soirée, et généralement il se réveillait le lendemain en se souvenant à peine des évènements de la veille… La fois la plus étrange c’est quand il s’était réveillé dans une demeure qu’il ne connaissait pas. Assez flippant comme réveil, il ne souhaitait plus le vivre comme ne souhaitait cette expérience à personne. Un sourire et un salut furent ses premières réactions à l’attention de la brune. Ils explosèrent de rire tous les deux en même temps. Samuel afficha une expression de fausse modestie quand elle confirma qu’il avait raison.

_ « De rien voyons ce sera un plaisir. J’attends donc ta réponse rapidement ma chère. »

Aoline observait l’extérieur et reprit la parole. Le temps était magnifique, et Samuel se demandait déjà où il pourrait emmener la jeune femme exactement pour ce week-end prolongé. Des idées fusèrent… Mais aucune ne sortait véritablement du lot. Le fil de ses pensées fut interrompu par son interlocutrice. Le journaliste fit mine de réfléchir. Il n’était pas vraiment pris, mais il lui restait quelques petites choses à terminer. Pour le moment, l’homme tentait d’évaluer le temps nécessaire pour ce qui lui restait à faire.

_ « Nope… Je suis libre cet après-midi, il faudrait juste que je rentre pas trop tard. » Il se pencha légèrement sur la table et reprit. « Pourquoi une proposition intéressante à me faire ? »

Son comportement était volontairement mutin et provocateur. C’était par simple amusement et envie de la taquiner, sans autre arrière-pensée. Aoline était une amie tout simplement. Il est cependant parfois agréable de se lâcher un peu et de s’amuser sans autre conséquence. Finalement Sam se redressa et continua.

_ « Bref allons-y. Je te suis. » Il ajouta d’ailleurs à voix basse. « Pas très galant mais pourrais-tu payer. Je n’ai pas pris d’argent, et le peu que j’avais est passé dans le contenu du gobelet renversé tout à l’heure. »

Son expression était un peu gênée et contrite. Certes elle l’avait invité, mais il se sentait mal à l’aise de ne pas payer… Une petite pointe de galanterie ou de machisme selon la manière de voir les choses. Pour lui c’était juste par habitude. Il était toujours celui qui invitait et jamais l’inverse.

Samuel était le genre de personne qui vous percez à jour. Elle ignorait si cela fonctionnait avec tout le monde, mais elle avait la sensation d’être totalement transparente face à lui. Non pas parce qu’il ne la voyait pas au contraire, parce qu’il voyait tout en elle. Ses craintes, ses angoisses et cette envie dévorante de tout réussir. Elle n’était pas en mesure de se cacher avec lui et une fois de plus, l’image d’Evan lui revint en mémoire. Il n’y avait rien à faire, il lui rappelait vraiment son frère aîné. Ou peut-être faisait-elle un transfert, qui sait ? Toujours est-il qu’il ne lui laissa pas le choix et voilà qu’en quelques secondes, ils se prévoyaient un week-end tous les deux, quelque part au soleil. Mais il était sincère et ce séjour leur ferait probablement du bien à tous les deux. Samuel lui précisa qu’il attendait sa réponse rapidement, ce par quoi elle répondit par un hochement de tête déterminé. Elle devrait jeter un coup d’œil à son agenda et demander à son patron un jour ou deux. Il ne lui refuserait certainement pas et s’il fallait, elle travaillerait un peu plus la semaine qui suivait pour compenser. Mais c’était un détail qu’elle tairait. Après avoir terminé son thé glacé et son muffin, elle laissa son regard vagabonder. Le temps était magnifique et Aoline n’avait pas envie de rentrer chez elle pour le moment. Aussi, elle demanda à son ami s’il était libre, ce qu’il lui confirma « Chouette » Il se pencha alors sur le table et sur le ton de la confidence, lui demanda si elle avait une proposition intéressante. La brunette afficha un sourire en coin « Ne me tente pas Samuel » Il ne fallait pas lui tendre de perche, elle était du genre à les saisir. Enfin, elle savait également qu’avec son ami, c’était innocent. D’un commun accord, ils se levèrent et Samuel lui demanda, contrit, si elle pouvait régler leurs commandes. La brunette fronça les sourcils. Elle avait pourtant dit un peu plus tôt qu’elle l’invitait « Tu n’as pas à être galant, je t’invite je te signale. Allez viens » Ils se dirigèrent vers la caisse où la brunette régla, déposa quelques pièces dans la boîte à pourboire et ils filèrent.

Le ciel était dégagé, et il n’y avait aucun nuage à l’horizon mais grâce à une légère brise, c’était agréable. Il n’y avait rien de pire que de se balader sous un soleil de plomb. Elle attrapa de nouveau son bras et ils se mirent en route. Aoline ne savait pas réellement où ils allaient et n’avait pas non plus d’idée précise en tête. Elle souhaitait juste profiter de son après-midi en bonne compagnie. La ville était à présent bien réveillée et les gens s’affairaient dans les rues. La brunette prit quelques secondes pour réfléchir. Une question la taraudait mais plomber l’ambiance était la dernière chose qu’elle souhaitait. Elle prit une grande inspiration et lâcha l’air de rien « Au fait, comment ça se passe en ce moment avec Eve ? » Elle essayait de garder une expression neutre, contrastant entièrement avec la manière dont elle se sentait à l’intérieur. Samuel lui avait fait part de sa relation avec la jolie blonde, à plusieurs reprises. Elle était donc au courant de leur passé tumultueux. Mais elle ignorait où ils en étaient aujourd’hui.

A force de discuter et de se confier des choses, Samuel avait l’impression de connaître Aoline par cœur. Comme si ils s’étaient connus toute leur vie, ou qu’ils étaient membre de la même famille. Sa famille de cœur vu le peu de personne dans sa famille de sang, et encore à l’exception de sa cousine, il ne voyait pas grand monde. Le journaliste agissait parfois comme si il avait la responsabilité de veiller sur elle. Très présomptueux de sa part évidemment, mais il était décidé à agir de la sorte. Cette fois Sam lui proposait un petit week-end pour faire la fête. Il l’entraînerait avec lui, et probablement quelques amis à Auckland pour faire la fête… puis sur une plage privée d’une connaissance. Ils profiteraient ainsi de la mer, du soleil et de la plage sans être gênés par quoi que ce soit. C’était le plan idéal pour lui libérer l’esprit complètement. D’ailleurs sa décision était déjà prise. Le moindre livre serait jeté ou brûlé selon les possibilités du moment. Aoline se montra plutôt enthousiaste concernant cette proposition. Plutôt que de rester à flâner dans l’établissement, elle lui proposa de sortir. Il était heureux de pouvoir continuer cette conversation, et ce petit moment sympathique. Elle répondit même à sa petite provocation, ce qui l’amusa énormément. Sa dernière intervention fut pour s’excuser de la faire payer, même si elle l’avait invité pour une faute dont ils étaient tous les deux coupables finalement.

Un haussement d’épaule suivit les paroles de la jeune femme, tandis qu’ils se levaient pour rejoindre le comptoir et payer leur consommation. Le temps était magnifique. Il ne prêtait pas à rester enfermer chez soi, mais plutôt à se promener ou aller à la plage tout simplement. Six mois auparavant, Sam se serait retrouvé au milieu d’un entraînement. Le coach aimait les faire suer au maximum. Aoline lui prit le bras, et ils se mirent en marche au hasard. Samuel connaissait encore mal la ville, et il ne pouvait compter sur son amie pour le guider ou l’orienter d’une quelconque manière. Le journaliste sentit bien qu’une question allait arriver… Le sujet semblait délicat aux yeux de son interlocutrice, vu son comportement. Finalement quand elle tomba, il ne put contenir un petit rire.

_ « Je m’attendais à pire, vu le temps que tu as mis à la sortir. » Il haussa les épaules tout simplement avant d’ajouter en inspirant profondément. « Compliqué comme toujours. Cela fait un moment que je ne l’ai pas vu… Elle commence à me manquer. Ce serait bien si on trouvait un moyen de ne pas jouer constamment aux montagnes russes »

Samuel était aussi fautif qu’elle dans cette histoire, et il le savait pertinemment. C’est pour cette raison qu’il s’excusait autant qu’elle généralement quand ils se retrouvaient. D’ailleurs le journaliste avait une petite idée pour tomber sur elle « par hasard » et renouer le contact. Ils étaient souvent l’un et l’autre trop fier pour appeler l’autre et céder le premier. D’une bêtise sans nom évidemment.

_ « Bah ça finira par s’arranger comme à chaque fois… jusqu’à la fois de trop sûrement, ou jusqu’à ce qu’on trouve notre rythme de croisière. » Il sourit simplement, et retira son bras de celui d’Aoline pour lui enserrer les épaules. « Et alors ? Les amours ma chère. Il me semble de mémoires que ce n’est pas forcément plus simple que pour moi. »

Malheureusement Samuel avait tendance à oublier certains détails, comme celui-ci, alors qu’il se souvenait d’un tas d’autres choses. Une mémoire extrêmement sélective. Ses pensées vagabondèrent quelques secondes vers Eve… quand il vit une blonde au loin de la même taille que sa future ex-compagne. Cette expression le faisait sourire dans ces moments-là.

Ils passeraient donc l’après-midi tous les deux. Après avoir réglé, ils quittèrent le café et se mirent à route. Aoline jeta rapidement un coup d’œil à son téléphone. Samuel avait accepté, à condition qu’il ne rentre pas trop tard. Ils marchèrent sans but précis et Aoline décida qu’il était temps d’aborder le sujet des amours. Ils avaient souvent parlé d’Eve et de leur passé. Ils avaient une relation compliquée, c’était un euphémisme. Et son ami semblait réellement attaché à la blondinette. Pourtant, ils passaient leur temps à se séparer. La française prit une inspiration et se lança. Pourquoi était-elle si nerveuse à l’idée de lui demander ? Ce n’était pas comme si elle faisait une proposition ou quoi que ce soit. Samuel laissa échapper un petit rire ce qui eut le mérite de la détendre. Au moins, il ne le prenait pas mal. Il lui expliqua la situation, précisant que c’était toujours aussi compliqué, qu’il y avait des hauts et des bas. Mais le plus important était qu’elle lui manquait. La brunette hocha la tête, attentive. Il ajouta que les choses finiraient certainement par s’arranger, enfin, jusqu’à ce que ça ne soit plus le cas. Tout ça était complexe. « J’espère que ça ira pour vous deux. Mais si elle te manque, appelles-là ou envoies-lui un message. Ce serait bien qu’un de vous deux fasse le premier pas » Il lui sourit et passa son bras autour de ses épaules. Il changea complètement de sujet, ou plutôt, il s’intéressa à ses amours à elle. Aoline leva les yeux ciel « Je ne vois pas de quoi tu parles » lâcha-t-elle, peu convaincante. Samuel lui lança un regard lourd de sens signifiant « tu ne me l’as fait pas à moi ». Elle se mit à sourire. Il avait raison sur un point. Ce n’est pas simple du tout. Elle soupira « Noah. C’est mon parrain chez les toxico anonymes » Elle marqua une pause et indiqua à son ami la rue à prendre. Finalement, elle avait peut-être une idée d’où elle souhaitait se rendre. « Pour être tout à fait honnête, je ne sais pas trop où j’en suis avec lui. D’abord parce que durant notre première année de sevrage, nous ne sommes pas censés avoir de relation. Tu commences par une plante, ensuite un animal de compagnie et si tu parviens à garder les deux en vie, tu peux passer à l’étape supérieure » Aoline suivait son programme à la lettre. Elle était assidue et elle en était à sa seconde étape : l’animal de compagnie. Un chien demandant beaucoup d’attention, elle avait préféré un lapin. Cela faisait maintenant huit mois qu’elle était clean et techniquement, il ne lui restait plus que quatre mois avant de pouvoir songer à sortir avec quelqu’un  « Je l’apprécie. Je l’apprécie beaucoup mais c’est mon parrain tu comprends et les filleuls … enfin, tu vois où je veux en venir. D’ordinaire, les duos ne sont pas mixtes et j’ignore pourquoi c’est notre cas. » Une des règle pour éviter ce genre de situation certainement.

Finalement ils arrivèrent dans un petit parc. Ils prirent place sur un banc et la française continua. Elle avait des choses à dire apparemment « Et je ne pense pas qu’il me voit de cette manière. Noah est la première personne qui j’ai rencontré ici et il s’est immédiatement proposé pour devenir mon parrain. Il m’a beaucoup aidé. »  Aoline savait qu’elle pouvait compter sur lui et cela la rassurait de savoir qu’en un coup de fil, il pouvait débarquer.

Passer l’après-midi ensemble. Samuel n’avait aucune idée de ce qu’il pourrait faire exactement, mais de toute manière, il comptait flâner. Autant le faire en bonne compagnie plutôt que tout seul. Ce serait sûrement plus agréable et les conversations bien plus intéressantes. Sa seule restriction était leur heure de fin, car il avait encore du travail à terminer. Non urgent, mais autant se mettre un peu en avance. Le journaliste se sentait encore un peu comme en période d’essai dans le journal, même si cela ne devait plus être le cas. Mais bon les impressions ont la vie dure parfois. Ils marchèrent dans un premier temps au hasard, mené par quelque chose d’extérieur inconnu. Ne pas se prendre la tête était agréable des fois. Sam se sentait parfaitement bien et détendu, alors qu’il se sentait frustré et un peu énervé en sortant de chez lui une heure auparavant. Aoline mit quelques secondes avant d’aborder le sujet qu’elle avait à l’esprit. Il trouvait ce comportement très amusant. Ils avaient abordé des sujets très délicats de manière naturelle à plusieurs reprises, alors pourquoi hésiter à présent. Ils avaient passé ce stade depuis longtemps à ses yeux. Sa question porta sur Eve. Il comprenait mieux son hésitation, vu qu’elle ne connaissait pas l’état de leur relation dernièrement. Il aurait pu être énervé. Sa première réaction fut de laisser échapper un rire.

Sa réponse fut honnête et sincère. De toute manière, il n’avait rien à cacher sur son couple. Eve lui manquait, mais aucun d’eux ne faisait le premier pas jusqu’à ce qu’ils se croisent par hasard à un moment donné. C’était devenu dans leurs habitudes… malheureusement. La complexité de son couple ne l’étonnait plus, et il était loin de la romance simple et classique imaginé plus jeune. Aoline reprit la parole, et il se contenta de lui sourire. Des hochements de tête accompagnèrent ce qu’elle disait. Elle avait totalement raison… Plutôt que de s’appesantir sur ce sujet vu qu’il avait déjà décidé de reprendre contact avec elle. Il enroula son bras autour des épaules de la jeune femme, et changea radicalement de sujet. Un petit pouffement accueillit sa première réponse de fausse innocente, ou d’ingénue ne comprenant pas le sujet. Le regard de Samuel fut lourd de sens, et lui montra qu’il ne la lâcherait pas avant qu’elle ne réponde à son tour.

_ « Je vois… »

Que dire de plus. Ce type de relation était importante dans un cas de sevrage, et généralement il fallait une certaine distance qu’un couple ne permettait pas. Ce n’était vraiment pas simple, et à côté son couple en montagne russe lui paraissait bien simple et presque amusant. Ils tournèrent dans une rue. Aoline semblait avoir une idée derrière la tête. La plante, l’animal puis le copain. Cette image le fit sourire… Elle lui faisait penser au tableau de l’évolution où on voyait les changements depuis le singe jusqu’à l’homme. Bien que celui-ci était particulière original et étrange.

_ « Je me doute que ce n’est pas simple… Et à ton avis il pense quoi de son côté. Il attendra quatre mois ou pas selon toi. » Il marqua une pause et reprit. « Je ne suis pas très au fait de ce genre de chose, mais à mon avis c’est une bonne chose. Après je comprends l’idée derrière tout ceci, même si le principe me parait bien linéaire pour un problème comme le vôtre. Cela n’offre que peu de souplesse. »

Tous les individus étaient différents, et certains pouvaient se rétablir et reprendre pieds plus rapidement ou plus lentement. Cela lui paraissait étrange, mais ce n’était pas un expert dans ce domaine évidemment. Ce n’était pas un jugement mais un simple avis de sa part. Ils arrivèrent dans un petit parc, et s’installèrent sur un banc. Samuel ne l’avait jamais rencontré et ne pouvait se prononcer sur les différents points.

_ « Bah écoute au moins il est présent pour toi… Après malheureusement tu commences à me connaître, je ne suis peut-être pas la meilleure personne pour conseiller. Je suis plutôt du genre direct… Trop direct. Cela a marché avec Eve, mais c’est comme tenté le pile ou face. Il faut accepter la possibilité de ne rien avoir. »

Dire carrément et franchement les choses. C’était sa méthode depuis des années, et cela lui avait valu autant de bonnes que de mauvaises choses au cours de son existence. Pour Aoline ce n’était probablement pas la bonne méthode à appliquer, bien que le fait qu’il se soit proposé alors que les duos ne sont jamais mixte paraissait un peu étrange.

_ « Bah écoute au moins vois le bon côté des choses. Au moins tu ne te renfermes pas sur toi-même quel que soit le fin mot de tout ça. Si je peux t’aider en quoi que ce soit, n’hésites pas. »