Why are you so mean ( Jackson )

Samuel trouvait doucement sa place au sein du journal, et dans ce nouvel emploi. C’était vraiment différent de son ancienne vie, et les enjeux l’étaient tout autant. On attendait des choses différentes de sa part, et un investissement moins intense mais plus long. Cela l’amusait parfois de se dire qu’il démarrait une nouvelle vie à presque trente ans. Un rêve que certains n’arrivaient jamais à réaliser, et une situation que lui aurait préféré n’avoir jamais à vivre. Il avait besoin de travailler et de s’occuper, de se sentir utile et d’avoir une certaine reconnaissance. L’ancien joueur aurait pu choisir l’oisiveté aussi. Ses ressources le lui permettaient aisément, grâce aux conseils avisés de ses proches. Mais ce n’était pas dans sa nature ni dans ses habitudes. Même résidant près de la plage, il était rare de le voir prendre simplement le soleil. Il nageait, jouait ou courrait mais ne pouvait pas rester simplement immobile. Ce jour-là, Samuel s’était rendu au journal pour faire acte de présence et rendre un article à paraître le lendemain. C’est souriant qu’il pénétra dans les locaux et salua ses collègues avant de confier son papier au rédacteur en chef dont l’avis tranchant et avisé entraîna des modifications de son contenu. C’était ainsi qu’on apprenait, et le journaliste préférait cette franchise à tout autre comportement. Bien que parfois ce n’était pas facile à attendre et encore moins à accepter.

C’est mitigé que Samuel sortit du bureau de son supérieur. Le contenu avait plu, mais la forme demandait des retouches… Moins que les premières fois, et il trouvait ce constat encourageant. Au moins on était satisfait de ses analyses, même si il devait apprendre à les mettre en forme correctement. Le journaliste aurait eu le temps de se calmer, et de reprendre son papier à son bureau si il n’avait pas vu au loin Jackson faire son numéro. Il y a des personnes avec qui le courant ne passe pas… Cet homme était l’une d’entre elle pour Sam. Plutôt de bonne composition, ce reporter l’énervait particulièrement. Hautain et condescendant la plupart du temps. Il aimait montrer aux autres qu’il était supérieur en tout point. L’ancien joueur ne faisait pas exception à cette règle, lui qui n’était pas un vrai journaliste ne faisant pas du vrai journalisme à ses yeux. Au départ, Samuel avait accepté ce comportement après avoir appris ses problèmes de jeu et ses autres difficultés. Mais maintenant la patience du rugbyman était à bout. Cette fois il pesta dans sa barbe, et posa violemment son article sur son bureau avant de partir à la rencontre de l’homme. Il avait l’air de s’en prendre à une stagiaire de loin.

_ « Et alors Spieglman même pas de tour de chauffe t’es déjà au taquet… » Il soupira longuement. « Et si tu rentrais chez toi plutôt que de faire chier tout le monde. »

Cette fois, Samuel s’était lâché. Jusqu’à maintenant il s’était toujours contenté de sourire amusé aux remarques de cet homme, mais la coupe était pleine comme on disait. Pas question de s’effacer cette fois. Ce n’était probablement pas la meilleure idée… Il la regretta d’ailleurs dès que les mots sortirent de sa bouche. Non pas peur de son interlocuteur, mais parce que cela n’apporterait rien de bon de toute manière. Quoi que…

Je n'aime pas devoir retourner au journal. C'est mon travail certes, mais depuis l'attaque lors d'un tournage je ne me sens plus vraiment d'attaque. Je suis en pause parce que c'est mieux pour moi. Je n'ai pas fait de plateau depuis un moment et le patron m'a demandé de venir aujourd'hui pour parler de tout ça. Je ne sais pas s'il veut me garder ou s'il veut me virer. Je pourrais le comprendre, il connaît mes défauts même si j'ai du mal à les accepter mais il sait aussi que je suis un bon reporter, sans vouloir me vanter, seulement mes penchants addictifs aux jeux peuvent très bien jouer en ma défaveur et je ne suis pas du tout serein à l'idée de devoir discuter avec le patron. Il a évidement été d'un grand soutien quand tout ça est arrivé mais je ne sais pas à quoi m'attendre, j'aime généralement les imprévus, mais celui-là est bien trop important.

Je suis arrivé au journal avec la même dégaine habituelle, jean, chemise et chaussures cirées sans oublier mes lunettes de soleil, je ne m'en sépare que rarement. J'ai un café à la main, quelqu'un marchait devant moi et avait du se tromper de chemin car il s'est retourné brusquement avant de me rentrer dedans. Il ne m'avait pas vu, mon café s'est renversé sur ma chemise blanche et je lui ai crié dessus. Il m'avoue être stagiaire et ne pas encore bien connaître les lieux, mais je n'en ai absolument rien à faire. Il peut me présenter ses excuses autant qu'il le voudra le mal est fait. Je vais avoir l'air d'une cloche devant le chef et je déteste ça. Je suis tellement en colère que je pourrais demander à ce qu'on le dégage de là, mais je n'irais pas jusque là. Il a fallut que Westson soit dans les parages. Je préférais quand il se contentait d'être jouer de rugby.

« Je n'ai jamais eu besoin de tour de chauffe. Cet idiot ne regardait pas où il allait, qui a eu l'idée de nous coller des stagiaires aussi maladroit? Même toi tu es plus adroit que lui et c'est beaucoup dire. »

Je sais qu'il ne va pas apprécier, Sam n'est pas spécialement maladroit, mais j'aime bien l'embêter et voir ses réactions, je sais qu'il pourrait me mettre une claque s'il le voulait, vu son gabarit et vu le mien je ne ferais pas le poids cinq minutes, mais c'est ça qui m'amuse, m'en prendre à plus grand que moi et faire un peu le malin. Il n'en reste pas moins que je suis toujours énervé et que sa remarque ne plaît pas du tout. Je lui rétorque aussi vite :

« Tu n'as qu'a dire au patron. Je viens seulement parce qu'il me l'a demandé. J'aurai milles fois préféré ne pas voir ta tronche mais ce n'est malheureusement pas moi qui décide.»

Je fais ce qu'on me demande de faire, c'est tout et ça a toujours été comme ça.

Être présent au journal. Ce n’était pas tous les jours que Samuel passait, comme la plupart des journalistes. Finalement on ne venait que de temps en temps pour faire acte de présence, rendre un papier ou terminer du travail en retard. Il avait toujours trouvé ce lieu plus propice aux distractions qu’à la concentration. Mais peut-être était-ce simplement sa curiosité légendaire ou son envie de participer un peu à tous. Sa rencontre avec Evan était dans la droite lignée des précédentes. Une longue attente, un stress énorme, des critiques puis des félicitations finalement. Cet homme était très strict et sévère, mais aussi juste dans ses remarques. C’était ce qu’appréciait Sam chez lui. Evidemment la matinée avait bien commencé, et les compliments de Evan auraient dû mettre la puce à l’oreille du journaliste. Encore un manque d’instinct. Son regard se posa sur Spielgman en sortant du bureau du rédacteur en chef. En plein de son numéro d’être supérieur. Il aurait dû passer son chemin, et se contentait de clôturer son article avant de rentrer chez lui. Mais Samuel vit le pauvre stagiaire victime du reporter, et cette fois il ne put rester inactif. Dès qu’il ouvrit la bouche, l’ancien rugbyman sut qu’il avait fait une connerie en se mêlant de cette affaire. Leur animosité réciproque n’était un secret pour personne, et certains avaient même parié sur le temps que Sam tiendrait avant de lui en coller une.

Un haussement d’épaule fut sa seule réponse, comme si ce n’était pas réellement important. Et le connaissait, Jackson ne devait pas regarder devant lui non plus. Un signe de désapprobation accompagna sa remarque sur l’adresse, venant d’un gars qu’il doutait être capable de lancer correctement quoi que ce soit, il trouvait cette intervention amusante. Son poing se serra légèrement, puis se détendit rapidement. Ce n’était ni l’endroit ni le moment de céder à cette pulsion… Bien que cette simple idée le soulageait déjà. Son ton se durcit quand il reprit la parole.

_ « Oh bah tu sais personne ne veut voir ta tronche ici… Alors pourquoi t’irait pas à ton petit rendez-vous, et tu te trouverais pas un reportage loin de nous. Pauvre mouche gâchant le talent de sa majesté. » Il sourit avant de lancer sa dernière provocation. « Enfin le talent ça s’entretient. Ces derniers temps je ne suis pas sûr que tu en aies encore beaucoup. »

C’était un coup bas de sa part, mais l’énervement était réciproque. Cette fois ce serait peut-être Jackson qui aurait envie de lui en coller une. Être le premier à frapper n’était pas glorieux ni même une bonne idée, mais pour se défendre cela revenait à un autre domaine. Cette pensée resta ancrée dans son esprit quelques secondes, puis il soupira longuement avant de reprendre.

_ « Et que fais-tu encore là si tu es attendu par le boss toi… Allez tsss débarrasse le plancher. » Plus énervé que prévu à l’origine, Sam s’adressa au stagiaire. « Allez reprends ton boulot c’est fini, et te laisse marcher sur les pieds comme ça. » Il prit un air plus contrit avant d’ajouter. « Désolé. Ça va aller. »

Son regard se posa quelques secondes sur son interlocuteur, comme attendant de voir sa réaction. Il était prêt à en découdre si nécessaire, bien que si cet affrontement continuait verbalement, il savait qu’il ne ferait pas le poids contre le reporter. Dans ce domaine il reconnaissait ses faiblesses face à lui. Evidemment Samuel ne le reconnaîtrait jamais à haute voix.

J'ai pu m'empêcher d'arborer un faux sourire lorsqu'il m'avoue que personne ne veut me voir ici. Un petit ricanement est sorti de ma bouche. Je déteste quand je fais ça, mais ça a été plus fort que moi. S'il s'imagine que ça me fait plaisir d'être là, il se trompe royalement. Je me sens largement humilié par ses propos, mais ce n'est pas ça qui me déstabilisera. Je fini par lâcher d'une voix forte :

« La prochaine fois je leur demanderais de m'achever aussi !»

Je n'ai pas envie de parler de ça maintenant mais c'est lui qui a commencé. Je n'ai pas demandé à survivre à cette attaque, le reste de mon équipe est morte j'aurais préféré mille fois partir avec eux. Je me sens déjà assez coupable d'être vivant alors ce n'est sûrement pas quelqu'un comme Sam qui va me dire ce que je dois faire ou où je dois aller, quand à mon travail … il est évident que je ne suis pas au meilleur de ma forme pour toutes ces raisons, il pourrait au moins le comprendre au lieu de me lâcher ce genre de chose. Ce n'est pas franchement diplomate et pour le coup il est bien plus salaud que moi.

« Sache que je n'ai aucun ordre à recevoir de toi Sam, je me demande même ce que toi tu fais encore ici. Tu n'es pas un vrai journaliste, tu n'arrives même pas à faire la différence entre ton travail et le mien, alors je doute que tu puisse me dire quoi faire. Tu ferais mieux de retourner chez les all-black.»

Je suis certain qu'il n'a même pas été à l'université et il se permet de juger mon travail. Je laisse le stagiaire repartir ce n'est pas vraiment après lui que j'en ai. Je m'en prend souvent aux mauvaises personnes, mais jamais je ne le reconnaîtrait devant Samuel. Quoi qu'il en soit notre conversation reste très tendue et si j'avais eu encore un peu de mon café dans mon verre je lui aurais envoyé à la figure, sauf qu'il est vide parce qu'il s'est répandu sur ma chemise. Ce n'est rien, j'en ai une de rechange de mon bureau que je n'ai pas occupé depuis un bon moment. Je suis tellement énervé à présent que je sais que je peux partir au quart de tour à sa prochaine remarque, j'ai toujours eu du mal à contrôler ma colère. Je ne me priverais pas aujourd'hui.

Une dispute futile et inutile. Samuel le savait déjà pertinemment avant même qu’il n’ouvre la bouche pour parler. Mais cette fois ce fut plus fort que lui. Jackson l’énervait de plus en plus, et vu que personne ne semblait avoir envie de lui dire quoi que ce soit, il s’en chargerait sans une once d’hésitation. Cet homme ne lui faisait pas peur et ne l’impressionnait guère. Se montrer arrogant parce qu’on a plus d’expériences ou de compétences. Typiquement le genre de choses qui pouvait le faire sortir de ses gonds. Sam ne pouvait comprendre cette attitude vis-à-vis de personne partageant son quotidien et le même espace de travail. D’ailleurs ce qui l’irritait c’était les connaissances qu’il pourrait transmettre si il s’en donnait la peine. Pas avec lui car l’ancien joueur refuserait catégoriquement de l’écouter ou de travailler avec lui. D’ailleurs quand Jackson était dans les bureaux, et qu’Evan le convoquait, cette peur s’emparait de lui. Il doutait pouvoir rester trop longtemps à ses côtés sans l’étriper ou lui en coller une bonne pour lui remettre les idées en place. Sa pique était inutile, mais elle eut l’air de faire mouche. L’attaquer sur le talent était probablement la seule chose qui pouvait réellement l’atteindre, et Sam le savait parfaitement bien. Que ce soit dans le sport ou ailleurs, ceux ayant l’impression d’avoir du génie ont toujours la même attitude et la même faiblesse.

Finalement, Samuel le regarda et l’invita à reprendre sa route pour rejoindre Evan et aller à son rendez-vous. Son intervention vis-à-vis du stagiaire fut plus véhémente que prévue ou souhaitée d’ailleurs. Le pauvre. Il venait déjà de se prendre un savon, et voilà qu’on l’agressait à nouveau gratuitement. Retour de balle. Son sujet sensible. L’ancien joueur resta quelques secondes silencieux, et si ils avaient été dans un film, il y aurait probablement eu la musique d’attente genre vieux western en attendant sa réaction. Samuel réussit à garder son calme, étonné lui-même par son self-control évident.

_ « Oh j’y retournerais bien plutôt que de rester dans une pièce avec toi. Malheureusement les choses sont ainsi, et dans la vie on avance ou on meurt tout simplement. » Il s’interrompit avant de continuer. « J’ai fait le choix d’avancer tout simplement et rassures-toi, je fais parfaitement la différence entre nos articles mon cher. Les miens sont plus humains et donnent l’impression d’être écris par un être humain. Non par un moralisateur. »

Samuel ne lisait que rarement les papiers de Jackson, mais c’était une petite vengeance très basse. Il s’en voulait lui-même, et se disait que c’était stupide de sa part. Malheureusement ils ressemblaient à deux têtus et prêt à tout pour ne rien lâcher devant l’autre. Comme deux prédateurs se battant pour le même territoire. Finalement, Samuel soupira et reprit simplement.

_ « Allez je te laisse. J’ai assez perdu de temps avec toi… Certains ne veulent jamais comprendre tout simplement. Aussi médiocre que soit mon travail, il faut qu’il soit terminé. »

Samuel fit demi-tour et reprit la direction inverse d’où il était venu. Sa main le démangeait, et sa colère ne retombait pas encore. Cette fois, il avait bien cru que cela se terminerait en bagarre. Bien que ce ne fût peut-être pas fini si il en décidait autrement… L’ancien joueur était partagé entre l’envie de le voir faire pour l’aplatir, et le fait qu’il n’avait guère envie d’être impliqué dans une bagarre sur son lieu de travail.

Mes nerfs commencent à s'échauffer, je n'ai pas envie qu'on en vienne aux mains mais j'ai tellement de colère en moi qu'il est difficile de la maintenir continuellement et c'était un tout qui commençait à m'agacer. Ses airs de monsieur je sais tout, sa façon de me parler et de me regarder. Je ne sais pas ce qui me déplaît le plus chez lui et pourtant il est plutôt mignon, mais ce n'est sûrement pas le moment d'y penser et en plus vu sa personnalité et nos caractère différents il m’exaspère et voilà, comme toujours on fait l'amalgame. On me met dans la tranche des journalistes. Je ne suis plus seulement journaliste. Je suis reporter, c'est différent. Je voyage à travers le monde pour couvrir des grands événements et réaliser des reportages. C'est tout à fait différent de ce qu'il fait. Je n'ai jamais été moralisateur. Je prends tout ça pour de la simple jalousie. Je le regarde partir mais je sens bouillir en moi tellement de rage, que je fini par lui lancer mon gobelet dans le dos. Je ne sais pas s'il le sentira alors j'élève la voix.

«C'est quoi ton problème? Pourquoi tu as tant mal à accepter que j'étais là avant toi et que j'ai un meilleur poste que le tiens? Ce n'est pas sans raison si on m'a offert un job, c'est parce que j'en ai les capacités, sans doute autant que toi!»

Je suis tellement énervé que je pourrais bien lui en coller une mais frapper n'a jamais été mon genre. Je sais de toute manière que je n'ai aucune chance contre lui, ce n'est pas parce qu'il est baraqué que je ne ferais rien. Je n'ai pas peur de lui. Je n'ai peur de personne … juste de moi.

«Tu n'as même pas idée de ce que c'est que de devoir se remettre sur les rails alors je t'interdis de juger mon travail sur ces derniers moi.»

Je n'ai jamais parler de ça ouvertement, j'ai toujours plutôt eu tendance à éviter le sujet, mais un jour il faut bien que ça éclate. Personne n'a le droit de me dire que je suis plus mauvais que d'habitude, c'est vrai … mais j'ai de bonnes raisons.

«Quand au tiens de travail … je ne peux pas dire qu'il est si mauvais que ça non plus, sinon je ne le lirais pas.»

J'essaie de remettre un peu d'ordre dans toute cette histoire, c'était tellement stupide. Tout le monde va me prendre pour un cinglé, mais c'est sans doute ce que je deviens.

Cette dispute dépassait certaines limites. Même Samuel commençait à devenir mauvais dans ses paroles, ce qu’il n’appréciait pas particulièrement. Cet homme avait vraiment le don de le mettre en colère, bien plus que toute autre personne qu’il avait rencontré dans son existence. Et pourtant des fortes têtes et des prétentieux ce n’est pas ce qui manquait dans le Rugby. Certains surestimant leur propre force et leurs limites. Peut-être que chez Jackson c’était le fait que le talent était à la hauteur de l’égo finalement. Son attaque sur ses articles était gratuite et méchante. Elle n’apporterait rien de bon, et il en avait pleinement conscience. Le but n’était pas de lancer un énième débat avec lui, mais simplement de tenter de lui faire comprendre certaines choses. Ce qui relevait de l’impossible pour le peu qu’il connaissait de son interlocuteur pour le moment. Finalement, excédé et préférant éviter d’envenimer une situation déjà complexe, Samuel fit demi-tour après avoir lancé quelques dernières paroles. D’une certaine manière, il lui laissait la victoire pour cette fois au moins. Evan comptait sur lui pour rendre son travail à temps, et l’excuse de la dispute avec Jackson ne servirait à rien auprès du rédacteur en chef. Au contraire, cela ferait l’objet d’un nouveau sermon de sa part. L’envie de lui en coller une bonne le démangeait fortement, et il se retenait tout simplement car ce serait vraiment bas et mesquin de sa part.

Samuel pensait la discussion terminé, et il retournait vers son bureau. Il espérait que les choses en resteraient simplement là pour le moment. Un léger choc se fit sentir dans son dos, probablement un gobelet… Le vide de Jackson sûrement. Sam resta quelques instant immobile, respirant profondément pour tenter de se calmer. Son premier instinct était de se retourner et de l’aplatir tout simplement. Jackson prend alors la parole. Le journaliste se retourna et l’observa attentivement. Il ne comprend vraiment rien ce type. Ce fut sa première réflexion. Il se contenta cependant de faire demi-tour silencieux et de venir se placer face à lui. A portée de main au cas où. L’envie est toujours là. Contenue mais présente. Autant lui laisser vider son sac pour le moment. Sam fait un léger pouffement de rire forcé quand il lui parle de se remettre sur les rails… Sa dernière phrase l’étonne plus qu’autre chose. Et d’une certaine manière, c’est ce qui calme Samuel sur le moment. Son ton se fait plus calme et posé quand il reprend la parole.

_ « Déjà merci pour le compliment… Ensuite je sais exactement ce que ça fait de se remettre sur les rails. De perdre une chose qu’on aime ou d’être blessé au point d’avoir peur de ne plus pouvoir recommencer, de ne plus jamais être capable de faire ce qu’on faisait avant sans avoir la crainte de tout foutre en l’air à nouveau. » Il marqua une pause à cet instant. Se remémorant ses blessures, et les inquiétudes qu’il avait ressenties en retournant sur le terrain. Certes différents des épreuves de Jackson, mais le résultat était le même. « Mais je sais aussi que fuir ne changera rien, et que passer ta frustration sur les autres ne t’aidera pas non plus. Affronte un peu ce qui te fait peur et tu seras fixé tout simplement. »

Son regard reste planté dans celui de Jackson, comme un défi. Si il faut agir comme ça pour qu’il change d’attitude, il va le faire. Sam a toujours détesté les excuses et ceux qui n’affronte pas leur problème. Et malheureusement ce n’est pas le genre de personne à garder sa langue dans sa poche dans ces circonstances. Finalement il pousse un profond soupir et continue.

_ « Ensuite je me moque complètement que tu étais là et que tu as un meilleur poste… D’ailleurs si tu veux mon avis, mon poste me convient parfaitement. Mon problème c’est ton attitude avec les autres. Cette manière de prendre tout le monde de haut genre toi le roi et nous le petit peuple. »

Cette fois Samuel ne tourne pas le dos, et attend. Est-ce que cette fois Jackson va lâcher un peu de lest, qu’il retourne sur le terrain. Qu’il reprenne son fameux métier mieux que les autres. A défaut de changer d’attitude, il aurait moins à le supporter comme ça.

Je ne sais pas ce qui m'a prit de m'en prendre à lui. Je lui ai juste envoyé mon gobelet. Je sais que c'était puéril. Je sens qu'on nous observe, quelque part j'ai toujours aimé le spectacle, j'ai toujours aimé qu'on m'observe, enfin je l'ai fait croire. En réalité jouer la comédie ne m'amuse pas. Je le fais parce que j'en ai l'habitude et que c'est devenu mon identité. Je n'arrive pas à croire qu'il puisse comprendre. Il a l'air pourtant sincère. Ses mots sont ceux que je pourrais dire. Une vague de sentiments différent m'envahissent. La colère, la tristesse, l'angoisse tout ça à la fois. Je sais ce que c'est que de tout foutre en l'air. C'est ce que je suis entrain de faire, mais pourquoi lui le sait? Je lève les yeux au ciel lorsqu'il me dit que passer ma frustration sur les autres ne m'aidera pas, pas plus que fuir. Quand il me parle de mon attitude je lève les yeux au ciel et je laisse échapper un ricanement plus fort que moi. Je sors mes griffes de nouveau et lui lance sans réfléchir:

« Je ne suis pas frustré! Et mon attitude me regarde … C'est ma seule défense … On m'accepte comme ça ou on ne m'accepte pas.»

Être sur la défensive est le seul moyen que j'ai pour me protéger. Je fais comme je peux. Je ne peux pas tout contrôler. Je ne suis pas aussi grand que je le laisse croire, ni aussi fort. Le sarcasme est ma seul défense. Je n'ai pas envie d'affronter mes peurs et le fait que se soit lui qui me donne ce genre de conseils me déroute. Je soupire à nouveau et hausse les épaules. Ça ne même à rien. J'ai beau m'énerver les choses ne s'arrangent pas. J'aimerais parfois tout régler d'un claquement de doigts, mais je sais que c'est impossible, mais je ne changerais pas pour faire plaisir aux autres, même si c'est assez paradoxale étant donné que je ne suis pas vraiment moi-même face à eux. Je fini par dire :

«Heureusement que le verre était vide. Désolé. Il faut que j'y aille. Le patron m'attend.»

Je lui lance un sourire crispé. Je ne sais pas s'il cherche à comprendre, ça m'est égal de toute manière. Je n'ai pas besoin de son aide. Je n'ai besoin de l'aide de personne.

Ce qui aurait pu se terminer rapidement continua sous l’impulsion de Jackson. Certes il avait aussi des choses à dire, comme Samuel. Seulement ce dernier n’avait aucune envie de les entendre, ni même de l’écouter tout simplement. Mais le gobelet avait été de trop pour lui. Il se retrouvait donc à nouveau face à cet homme qui l’horripilait énormément. Les premières paroles de Sam firent mouches, pour la simple raison qu’elles étaient sincères et évoquaient un passé qu’il connaissait. Le comportement de Jackson, il l’avait déjà observé sur d’autres. Lui le premier d’ailleurs. A chaque fois, l’ancien joueur avait reçu de l’aide pour remonter la pente. Peut-être était-ce la différence entre eux l’entourage. Il avait des amis et de la famille pour le soutenir, et lui remonter les bretelles si nécessaire. Et de ce côté-là, entre sa cousine, sa mère et sa compagne, il avait été plus que servi ces derniers mois. Aujourd’hui les choses s’apaisaient doucement, et il retrouvait une vie plus normale. Un quotidien qu’il devait découvrir et apprivoiser. L’attitude de Jackson mériterait bien une tape sur le sommet du crâne, histoire de lui remettre les idées en place. Sa réponse n’entraine qu’un simple soupir de la part de Sam. Que dire de plus ou que répondre à ça de toute manière. C’était comme pisser contre le vent, en espérant atteindre une cible très éloignée. Et encore cela serait bien plus facile à accomplir.

Samuel observa Jackson, et attendit la nouvelle salve de sa part. Il sentait que des choses restaient enfermées, et malgré toute l’animosité qu’il avait à son égard, il était prêt à subir son courroux si cela pouvait l’aider. Bien trop gentil comme dirait certains. Ou simplement trop direct pour d’autre. De son point de vue c’était probablement un mix des deux. Une chose était sûre, quelle que soit l’évolution du reporter, ils ne pourraient jamais s’entendre même si la courtoisie pourrait un jour s’immiscer entre eux. Ou l’indifférence ce qui serait déjà un progrès de part et d’autre.  Quand il reprit la parole, Samuel se contenta d’un signe de tête comme pour dire que le coup du gobelet était oublié. Il mit deux doigts sur son front et salua Jackson.

_ « Bon rendez-vous, et au plaisir de ne plus te revoir. »

Samuel lui lança un dernier sourire, et fit quelques pas à reculons avant de se tourner pour rejoindre son bureau. Il comptait terminer son article rapidement, et déguerpir avant qu’il ne sorte du bureau du patron. Une nouvelle altercation et son poing partirait sûrement avant même qu’il n’ait eu le temps de s’en rendre compte. Sam se secoua comme pour évacuer un sentiment mauvais ou une frustration…