l'histoire de ma vie
« Je suis un être versatile, stupide, amnésique et doué d'un immense talent d'autodestruction »
15 Novembre 2011.
Chaque vendredi soir depuis maintenant deux ans je sortais accompagnée de Nikolaï et Irina au Barvikha Luxury, un pub tendance de Moscou où il n’était pas rare d'y croiser quelques figures très influentes. Ce soir là n’y échappa pas.
22h45, j'attendais dans le froid, soufflant sur mes doigts transis. C'était un rude mois de novembre ; le vent gémissait et je tentais, en vain, de déchiffrer ses plaintes. Le moteur de la Dodge Viper de Nikolaï ne mis que peu de temps avant de gronder dans la longue rue Tverskaï, aujourd’hui devenue une sorte de Champs-Elysées russe. Mon ami, vêtu de son costume favori, se conduit comme à son habitude tel un parfait gentleman, ouvrant ma portière tout en complimentant ma somptueuse robe rouge signée Gucci. Irina, à l'arrière, se pencha en avant pour m'embrasser et le raconter encore une fois les frasques de sa mère alcoolique tout en passant sa main dans sa longue chevelure blonde dont elle était si fière.
Mais cette nuit là fut différente.
Irina ne resta que peu de temps en notre compagnie devant malheureusement essuyer un autre drame, sa maman l’avait appelé totalement paniquée, selon ses dires la pelouse rouge de leur manoir prenait feu. Avant qu’elle nous quitte, je séchai du bout des doigts une larme roulant sur sa joue tout en lui promettant, une nouvelle fois que tout irait bien, que ça s’arrangerait bientôt. Nikolaï et moi ne voulions pas rentrer si tôt, nous estimions en effet que la nuit n’était pas encore assez avancée.
Les effluves de l’alcool, le parfum des cigares, l’orchestre des voix et des rires, le tintement des pourboires faisait de cet endroit mon repaire. Ces sons et ces odeurs était mon réconfort, ils comblaient le vide, ils comblaient l’ennui et me permettaient d’échapper quelques heures à la banalité de ma vie.
Nikolaï troubla mes pensées d’un coup de coude, de nombreux hommes ne me quittaient pas du regard. Prise d’arrogance, je me dirigeai vers la piste et balançai mes hanches au rythme endiablé de la musique, captant toute l’attention. Je crois que j’aimais cela, me sentir puissante, désirable, incontrôlable…
Plus tard, mon complice me pris par la main, m’entrainant sur le toit, notre refuge. Lorsqu’Irina buvait trop, elle se mettait presque constamment à pleurer et c’est ici, sous la lueur de la lune, qu’elle s’écroulait dans mes bras me comptant ses malheurs. Et quelque part, je me dois bien de l’admettre, je l’enviai. Chez moi tout avait toujours été trop simple. Mes parents m’aimaient, m’éduquaient, passaient même du temps avec moi, ce qui est plutôt rare chez les personnes de notre rang. Mais la vie me laissait un gout amer et décevant.
Nikolaï sortit de sa poche un cigare et l’alluma ; une épaisse fumée sortie d’entre ses lèvres. Il me le tendit, je déclinai poliment. Du plus loin que je me souvienne, je ne l’avais jamais vu fumer. Jamais. Son père emporté loin de lui depuis neuf longues années à la suite d’un cancer des poumons en était surement la cause.
J’avais assisté à son tragique départ. Tout était allé si vite… En quelque mois, l’homme que je connaissais n’était plus.
"
J'ignorai que tu t'étais mis à fumer " lui dis-je fébrile.
Je ne le reconnaissait pas. Il resta de marbre, ne prononça pas le moindre mot, et son regard, dirigé vers le ciel, semblait plongé dans un vaste néant.
Le souffle glacial du vent m'enveloppa et je fus parcouru d'un long frisson.
"
Tu as froid Vicky ? "
Cette interrogation l’arracha de sa contemplation des cieux. Il plongea ses yeux ébènes dans les miens et me souris longuement. Il était absolument magnifique. Sa chevelure noire et toujours en bataille reflétait parfaitement son petit côté anarchiste ; Nikolaï ne supportait pas recevoir d’ordre de la part de quiconque, ce qui lui valait de nombreux conflit avec sa mère. Il prononça doucement mon nom complet, Victoria Anastasia Adamovitch, et me serra contre son torse musclé, je pouvais même sentir ses abdos à travers sa chemise en flanelle. Sa respiration se faisait de plus en plus pressante tandis que ses bras se resserraient fortement sur ma taille. Ses lèvres effleuraient désormais mon cou, remontant peu à peu vers ma bouche. J’étais tétanisée, je ne pouvais ni bouger, ni parler alors qu’intérieurement mon âme hurlait. Ses mains se firent soudain plus baladeuses, de ma taille, elles passèrent à mes seins, apprivoisant presque chaque petite parcelle de mon corps. Nikolaï… Je t’en pris… Puis il m’appuya contre un mur et tenta d’atteindre mes cuisses, soulevant ma robe. Je ne pouvais plus me contenir, m’arrachant à son étreinte, je le giflais et m’enfuis. A la sortie, j’interpellai un taxi.
16 Novembre 2011.
4h27, je plongeai dans mes draps en satin blanc, des larmes emplissant mes yeux. Ma mère, morte d’inquiétude, tambourinait contre la porte en me suppliant de lui raconter ce qui avait pu se passer, de ne pas la laisser comme ça, dans cette dévorante ignorance. Mes dernières pensées allant à ma défunte sœur, Ana, je m’endormie sans lui répondre, épuisée et toujours secouée de sanglots.
Cette nuit là fut différente, cette nuit là je perdis mon meilleur ami…
J’ouvris les yeux péniblement, une bonne partie de ma nuit se résumait de doigts enfoncés dans ma gorge, vomissant l’alcool et la frustration accumulée dans cette étrange soirée. Le soleil s’était levé et brillait haut dans le ciel. Il caressait mon visage de ses lumineux rayons et sa chaleur me réconforta quelque peu. Pourtant, je me sentais plus seule que jamais. Ana me manquait, j’avais besoin d’elle. Hier soir, je n’avais pas été victime de viol, comme elle, mais je me sentais souillée par les mains de mon propre meilleur ami. C’est ainsi que je pris l’importante décision de m’en aller, de fuir le riche quartier de la Loubianca, de fuir une vie bien trop banale et ennuyante, de fuir des parents trop protecteurs qui ne me comprenaient pas et, je devais fuir Nikolaï…
M’emparant de ma plume et de mon plus beau papier à lettre, je me mis à écrire.
Mes chers parents,
J’ai décidé de m’en aller, de partir de Moscou, de la Russie. Ne vous considérez pas comme responsable je vous en pris. Il est simplement venu le temps de m’envoler loin d’une vie qui ne me convient plus.
Vous avez toujours su être là pour moi, me réconforter quand ça n’allait pas. Vous m’avez apporté tout l’amour et le soutient dont une petite fille à besoin pour se construire. Merci. Merci pour tout cela et pour tant d’autres choses encore. Je regrette tellement de ne pas avoir été une enfant facile à vivre. Je regrette tout le mal que j’ai pu vous faire. Je regrette que ma maladie vous ai fait vivre un enfer. Papa, Maman, je suis profondément désolée. Et je le suis d’autant plus que je suis bien consciente des larmes que je vais à nouveau faire couler lorsque vous découvrirez cette lettre. Je vais prendre le premier avion qui m’éloignera le plus possible de ce pays et je ne reviendrai pas. Ne me cherchez pas, c’est ma décision, mon droit.
Prenez soin l’un de l’autre, vous me manquerez.
Love you.
Vicky.
P.S. J'ai pris Ivanov avec moi.Love you… Je vous aime… Je n’avais jamais prononcé ces mots à l’égard de mes parents. En fait, je ne les avais jamais prononcé pour personne.
18 Novembre 2011
Je posais délicatement mon pied nu sur le sable fin de la plage d’Island Bay et fermais les yeux. J’écoutais les vagues venir s’écorcher contre les rochers, le rire des mouettes voletant au dessus de la mer, les cris des enfants jouant au ballon. L’odeur des algues et du sel emplie mes narines. Je pris une grande bouffée de cet air nouveau. C’était ici, bien ici, à très exactement vingt-six heures de mon ancienne ville que je me sentais chez moi. Je su à cet instant précis que ma nouvelle vie commençait et que je serai heureuse. Enfin heureuse.
Mais finalement, personne ne sait ce que nous réserve la vie, peu importe l’endroit où nous nous trouvons.