(Dakota) la gamine et le centenaire, épisode 3.

« On n'est pas obligé, hein.

Suite à sa remarque, Dakota planta ses prunelles bleutées sur lui.

- Encore heureux. C’est quand on y est pas obligé qu’il faut apprendre. Dans l’urgence : c’est trop tard.

Il lui sourit. Elle avait eu gain de cause. Il retourna donc à l’intérieur mettre la main sur de l’équipement que l’adolescente enfila du mieux qu’elle pût. Après qu’il l’eut aidé à ajuste le casque, elle le vit démarrer le moteur. Il ronronna comme un tigre se prélassant au soleil. Elle prit une inspiration. Elle pouvait le faire, se disait-elle sans relâche. C’était qu’une balade après tout. Il grimpa et l’invita à sa suite. Elle retint son souffle alors qu’elle prenait place derrière lui. Elle le laissa guider ses mains et elle s’accrocha comme elle pût – essayant de ne pas l’asphyxier au passage. Il lui expliqua qu’elle n’avait qu’à lui tapoter le ventre s’il y avait quoi que ce soit. Et, bientôt, ce fût la grande question :

« On y va ?

Elle prit une grande inspiration, contenant sa terreur puis, en la relâchant souffla :

- Ouais. »

Le véhicule s’ébranla et Balth donne tout juste assez de vitesse à l’engin pour qu’il puisse rouler droit sans s’écraser sur le côté. Pourtant, c’était déjà bien assez pour Dakota. Puis, il y eut le premier stop. La vitesse permise aux panneaux d’arrêt était très clairement sa favorite, en tout cas. Il lui demanda si elle lui faisait confiance. Après la soirée d’hier, c’était une question bien bête. Mais, vu le taux de stress qu’elle tentait de maitriser, elle se contentait de lui répondre que oui. Il lui offrit un sourire et redescendit sa visière.

Ils quittèrent l’arrêt et Balthazar prit la direction de la forêt près de la plage. Dakota y était déjà allé quelques fois. C’était magnifique comme endroit. Et très peu connu des touristes. Seuls les voyageurs à sac à dos s’y risquaient, habituellement. Ils y roulèrent plusieurs longues minutes durant lesquelles Dakota se risquait à se décrisper un peu. Elle devait bien admettre que sur une route continue, avec le vent dans les cheveux, la balade était presque agréable. Après une vingtaine de minutes à sillonner les abords de la mer, Dakota eut une idée. Sans réfléchir, elle tapota sur l’estomac de Balthazar qui, aussitôt, ralentis jusqu’à s’arrêter sur le borde de la route. Il croyait très certainement que ça n’allait pas du tout quand il remonta sa visière. Mais, voyant Dakota faire de même, il dût constater rapidement son sourire.

- Un petit tour à la plage, ça te dit ? »

Quand il acquiesça, Dakota en fût plus qu’heureuse. Elle devait autant aimer la plage que lui, la moto. Mais, ça, c’était à peine si elle s’en rendait compte. Il trouva un petit espace dégagé bien vite où il pouvait laisser sa bécane et joindre la plage facilement. Sans même attendre qu’il n’ait finit d’enlever son casque, Dakota s’était déjà débarasser de la plus part de ses vêtements de moto pour les empilés près de la moto, là où il y avait encore de l’herbe. Elle retira ses chaussures, puis ses chaussettes, et fonça tout droit vers le sable en courant. Quand elle toucha l’eau froide qui lui arriva rapidement jusqu’aux chevilles, elle éclata de rire. Elle enfonça ses orteilles dans le sable et lança à Balth :

- Allez, viens !

La palge était bien suffisante pour lui faire oublier tous ses soucis. Même pour un instant. Comme un miroir, Balthazar souriait aussi en s’approchant. Il eut à peine le temps de constater que l’eau était froide de lui-même que Dakota l’éclaboussait déjà férocement en éclatant de rire. Voyant une vengeance possible approcher à grand pas, elle prit ses jambes à son cou, s’égosillant dans le vent :

- Je t’ai euuut ! »

Il sentit un clapotement sur son ventre, c'était le signal. Il ralenti rapidement, mais pas trop brusquement et se rangea sur le bas côté. Il remonta sa visière, tandis que son pied foulait le sol, tournant son visage vers elle. Elle avait un sourire sur les lèvres, ce qui le surprit, elle n'avait pas la tête de quelqu'un qui paniquait. Elle lui proposa de descendre sur la plage, ce qui le fit sourire à son tour. « Ok princesse » lacha t-il en donnant un coup de cheville sur la béquille. Il éteignit le moteur de sa bécane, retirant son casque. Il le posa sur la moto, invitant la jeune fille à faire de même. Ici, il ne craignait pas les vols, parce que c'était pas vraiment un endroit très fréquenté. Balthi regarda Dakota retira son sweat, ses chaussures et ses chaussettes, pour courir en direction de la plage -sans tomber dans les dunes- ce qui le fit rire. Il entendait son rire et il réalisa que c'était la première fois qu'il l'entendait rire. Et ce chant était très agréable. C'était un rire frais, franc et mélodieux, comme une chanson. La voix de Dakota était douce et tendre, comme une voix d'enfant. Il sourit en la regardant courir sur la plage, après avoir passé la colline avec succès. Elle avançait vers l'eau, sûrement pour y tremper ses pieds. Il se décida alors à la rejoindre, courant sur la dune à toute vitesse, comme un gamin à son tour. Il réussit à ne pas tomber, ce qui était pour lui, un exploit et puis rapidement, il couru sur la plage en direction de la mer. Il n'y avait pas grand monde, seulement quelques personnes qui promenaient leur chien, un peu plus loin. Il sourit de toutes ses dents en s'approchant de l'eau, il n'avait pas retiré ses chaussures, il ne voulait pas tremper ses pieds, mais il marqua une expression de surprise -et d'affront- quand l'eau fraîche lancée par la jeune fille lui arriva en plein visage. Elle se mit à rire à nouveau tout en prenant la fuite, ce qui fit rire le beau blond. Il aimait l'entendre rire de cette façon. Il lui laissa un peu d'avance avant de finalement, se mettre à la courser. Il la rattrapa sans trop de mal « viens par ici, petit démon » lança t-il en plaisantant, tandis qu'il lui attrapait les hanches pour la retenir une seconde, avant qu'il ne la fasse quitter le sol de la plage pour la soulever afin de la faire tourner. Il mélangeait son rire au siens, d'une façon très naturelle, très sincère. Finalement, il la reposa sur le sable, cherchant à la chatouiller. Après tout, elle avait commencé. Et puis dans le fond, Balthi n'attendait que ça, des occasions d'être à nouveau un enfant. Il rigolait, et puis finalement, il arrêta quelques secondes, toujours un grand sourire sur son visage. Il ouvrit un peu sa veste, parce qu'il avait chaud et se tourna vers la mer, pour profiter de la vue. C'était magnifique. Le ciel était bleu, parsemé de rares nuages lisses, tandis que la mer, calme, le détendait. Il resta de longues minutes ainsi, debout, à fixer l'océan, à écouter le bruit des vagues, du vent, à juste profiter au final. Il finit par s'asseoir sur le sable, un petit peu plus haut qu'au bord de l'eau, pour éviter les accidents aquatiques et les coudes sur les genoux, il regardait toujours la mer. Il aimait la regarder, l'observer ; pour lui, c'était quelque chose de sensationnel. Il avait grandit dans un village de pêcheur, il avait grandit avec la mer, mais elle n'avait tellement rien à voir avec celle-ci. En Islande, l'eau était bien trop froide pour se baigner, les plages étaient de sable noir, et il y avait souvent des fragments de glaciers sur les plages, c'était magnifique, avec le vert des collines en guise de dunes... Splendide. Et puis il avait vu l'Océan Indien, la mer Noire, la mer Rouge, la mer Méditerranée, l'océan Atlantique, la mer Ionienne, la mer du Nord, l'Océan Pacifique... et à chaque fois, les couleurs, les environnements, les odeurs étaient totalement différentes. Et il adorait que cette ambiance change, d'un bout à l'autre du globe. Putain, qu'est-ce qu'il aimait voyager, ça lui manquait. Il soupira, de bien être. Il se tourna vers l'adolescente avant de lui sourire tendrement et de lui dire « On est bien hein ? »

Bien que Dakota eut voulu partir à toute vitesse pour se sauver de son éventuel assaillant, le sable sous ses pieds en décida autrement. Elle eut du mal sur le départ ce qui la ralentie considérablement. Toujours joueuse, cependant, elle avait continuer de courir en laissant son rire s'étioler dans le vent. Elle avait presque réussis à se faire croire qu'elle avait une chance de l'emporter. Mais c'était sans compter, bien sûr, sur la vitesse que pouvait atteindre Balthazar en quelques enjambées. La longueur et la musculature de ses jambes devait grandement y être pour quelque chose.

Elle lâcha un hoquet de surprise quand les mains de son ami lui attrapèrent la taille. Alors elle quitta le sol, elle s’époumonait déjà à évacuer sa stupéfaction. Il était si fort que la soulevée semblait terriblement facile. Quand ses orteils retouchèrent le sol, son répit ne fût que très bref. Elle lâcha un cris de protestation alors qu'il s'évertuait déjà à la chatouiller. Étant très sensible à ce genre d'attaques, Dakota vit son rire devenir plus fort et beaucoup moins contrôlé.

« Arrêêête ! » suppliait-elle les larmes aux yeux.

Elle dû répéter ses supplications à plusieurs reprises avant que, finalement, Balthi ne s'interrompre pour tenter de se calmer. Le souffle rapide, les yeux brillants, l'adolescent prit appui sur ses genoux pour essayer de stabiliser sa respiration désordonnée. Elle lâchait encore quelques gloussements, ici et là, en attendant de retrouver entièrement son calme.

— C'est bon, t'a gagné, admit-elle, la voix entrecoupée par sa recherche d'oxygène.

Quand ce fût enfin -presque- chose faite, elle se redressa pour constater Balthazar qui regardait l'horizon, le regard serin. Il ne prit d'ailleurs pas beaucoup de temps pour s'asseoir sur le sable chaud, histoire d'en profiter pleinement. Dakota l'imita, profitant de la brise salée pour retrouver un semblant de quiétude. Elle devait bien admettre qu'elle n'avait pas vécu ce genre de moments depuis longtemps.

Les jambes remontées, elle laissait ses doigts de pieds se tortiller dans la poussière dorée. Il y avait ce petit vent qui lui chatouillait le visage qui avait vraiment l'aisance de l'apaiser. C'était très agréable. Bien vite, Balthazar communiqua une question qui lui fit bien comprendre qu'elle n'était pas la seule à profiter pleinement du moment présent et du magnifique endroit.

« Ouais, on est bien, répondit-elle dans décrocher son regard de l'horizon.

Ça, c'était quelque chose qu'elle savait déjà depuis bien longtemps ; il faisait bon vivre à Island bay. Et ce, même malgré les embuches sur sa route sortant de l'ordinaire. Dakota n'échangerait son patelin contre rien au mode. Oh, oui, bien sûr, elle rêvait de découvrir le monde et tout ses secrets, mais elle savait bien que, quoi qu'il advienne, elle était destinée à revenir toujours vers sa si belle terra natale. Un petit sourire marquait ses lèvres. Oh oui, il y avait quelque chose de mystique dans cette ville. Aux yeux de la jeune fille, on ne pouvait que l'aimer ; l'admirer.

— J'adore cet endroit, partageait-elle en fixant sans ciller les vaguelettes qui venaient frôler la rive.

C'était chez elle, songea-t-elle, quand, d'un coup, une question vint la titiller. Elle tourna la tête pour observer Balthazar ;

— Et toi ? D'où est-ce que tu viens ? »

Il ne pouvait pas être de la région. Elle l'aurait connu bien plus tôt. Cette ville était bien trop petite pour qu'il en soit autrement. Elle voulait savoir sa réponse. Qu'il lui parle de lui. Parce qu'excepter son admiration pour les motocyclettes et les sorbets à la limette, elle ne savait pas grand chose sur le sujet vivant assis à ses côtés. Ah ouais, il regrettait d'être vieux aussi. Mais les regrets, pour Dakota, ça ne comptait pas.

Il ne pouvaient pas faire partie intégrante d'une personne selon elle. Elle passait beaucoup trop de temps pour s'assurer de ne pas trop en avoir. Les regrets étaient des mauvais choix. Pas des particularités. Elle n'en avait donc, franchement rien à faire.

Le reste, par conséquent, l'intriguait beaucoup. Raison pour laquelle dll l'observait toujours sans broncher, attendant patiemment l'information.

L'adolescente avait fini par s'installer elle aussi sur le sable, pour profiter de ce merveilleux moment. Un moment calme, de sérénité et de plénitude. Balthazar était concentré sur l'étendu bleu qui s'étalait à perte de vue devant lui, il n'entendit pas tout de suite la question de Dakota. Elle du la répéter, ce qui le tira de ses pensées et les amenèrent à rire légèrement de cette situation. Finalement, le jeune homme fut surprit qu'elle s'intéresse à lui et à sa vie. C'était la première fois qu'elle lui demandait quoi que ce soit sur sa vie, qu'elle semble avoir envie d'en savoir plus sur lui. Balthazar sourit timidement, avant de commencer à répondre « Parce que ça se voit que je ne suis pas d'ici ? » plaisanta t-il doucement. Il avait les genoux relevés, les coudes posés sur eux, alors qu'il observait devant lui, tournant parfois la tête pour croiser le regard de la jeune fille, qui le plus souvent regardait l'océan. Il ne mis pas plus longtemps à lui répondre « Je suis Islandais » savait-elle où ça se trouvait ? Les gens en général, confondaient avec l'Irlande, ou bien plaçaient l'Islande bien plus proche de l'Europe, qu'elle ne l'était finalement du Groenland. Dans tous les cas en réalité, bien peu de personne était capable de désigner l'endroit parfaitement. Bon, ça arrivait, ne soyons pas mauvaise langue. « J'y ai passé toute ma jeunesse et après j'ai vadrouillé » sourit-il. Il était content qu'elle pose cette question. Balthi aimait parler de ses voyages, de ses rencontres et bien entendu aussi, de son pays d'origine auquel il était très attaché et il se rendait de plus en plus compte qu'il lui manquait terriblement. L'Islande, un pays méconnu qui malgré tout, continuait de charmer des touristes. Balthi avait grandit à Höfn, une ville cotière qui avait vu défiler sa vie, ainsi que celles de ses parents. Oui, Höfn, un petit coin de paradis de moins de 2000 habitants, situé dans un petit lagon, sur une presqu'île oubliée. Balthi y revoyait dans sa mémoire, son village. Quelques rares maisons, une chapelle et puis le port qui était le cœur de la ville, le centre de tout. Balthi avait passé sa jeunesse à courir dans les rues de cette petite ville, à longer les plages, à longer les quais portuaires en attendant le retour de mer de son père. Sa maman était institutrice à l'école, et là-bas, tout le monde se connaissait, tout le monde vivait ensemble presque. Il aimait cette communauté bien que la plupart des gens ne partaient jamais de l'île en réalité. Les Islandais n'avaient pas vraiment cet esprit de découverte du monde, ils étaient patriotiques, ils aimaient leurs terres et n'avaient pas envie de partir, de l'abandonner, mais au contraire, ils voulaient la voir prospérer. Balthi sourit. Bientot, il retournerait là-bas, pour voir ses parents, ses amis restés là-bas et pour recharger ses batteries, de tous ces paysages magnifiques, à couper le souffle, pour voir le soleil mourir dans ses couleurs froides, sur la mer. Oui, il en avait besoin. Et peut-être qu'après, il voyagerait encore. Après tout, d'ici quelques temps, il aurait le droit de prendre des vacances et puis, il avait réussi à économiser, malgré le loyer cher de la villa, il ne dépensait pas beaucoup. Il demanda alors à Dakota, qu'il aurait presque pu oublier, plongé dans ses souvenirs réconfortants « tu as déjà voyagé ? » sourit-il à nouveau. Les voyages étaient pour lui, quelque chose d'important, parce qu'ils apprenaient bien plus aux gens, que n'importe quel autre domaine. Il avait toujours été un élève dissipé à l'école, n'arrivant pas à retenir par cœur ce qu'il fallait -heureusement que sa maman était sa maitresse d'école- sinon, il n'aurait jamais pu finir ses études. Mais il avait bien plus apprit par ses voyages, que dans n'importe quelle école. Il connaissait pas mal de pays, de religions, de cultures, de façons de vivre, de philosophies du monde entier. Il n'avait cependant jamais été attiré par les pays occidentaux, du style USA. Mais un jour, il se rendrait en Amérique Latine, parce qu'après avoir fait tout le continent Asiatique, ça resterait une belle découverte et après le Cap Horn, il y avait apparemment pas mal d'îles super sympas à voir et découvrir.

Aux vues de sa question, Balthazar eut un petit sourire gêné. Il lui répondit d'abord par une question qui fit sourire Dakota à son tour. Elle eut bien envie de lui dire qu'il avait l'air d'un touriste, mais comme ce n'était pas vraiment le cas, elle se refusa à le lui partager, faisant ainsi une croix sur une sacrée bonne blague au profit de la vérité :

« Plutôt. Même si tu dois te sentir chez toi un peu partout, tu ne viens clairement pas d'ici si tu crois qu'une fille de quatorze ans est en danger lorsqu'elle voyage seule à 18 heures.

Elle lui fit un petit sourire effronté. Il l'avait trouvé drôle en tout cas. Il avait hoche brièvement la tête, sans doutes en comprennent les accusations. Puis, revenant sur le sujet principal, il lui révéla qu'il était islandais. L'islande. Où c'était déjà ? Songea Dakota. Ce n'était pas un pays terriblement froid ? Elle bougea sa tête doucement de haut en bas. Et le voilà à Island bay. Il y avait de quoi vivre un choc culturel. Quoiqu'à l'entendre parler, elle comprit que les chocs culturels c'était son mode de vie. Voir toute sa vie. Il avait voyager donc ? La chance...

Elle ne pût néanmoins s'empêcher de demander, curieuse :

— C'est comment ? L'Islande ?

S'il y avait bien un trait de caractère prédominant chez Dakota, c'était sa curiosité. Majoritairement, bien sûr, elle la réfrénait, n'aimant pas du tout que les gens le soient vis à vis d'elle. Mais avec Balthazar ça allait. Elle lui faisait confiance. Il était sympa. Alors, quand, après un long silence remplis de reflexions, il se lança à lui poser des questions sur sa propre vie, elle lui répondit d'un haussement d'épaule. Ça lui était presque naturel de se dévoiler comme ça :

— Non, pas vraiment. Ma famille n'a jamais vraiment eut de fric et, avec une fratrie de huit gamins c'était pas tellement imaginable.

Elle laissa son doigt glisser dans le sable, dessinant des formes sans but. Il était clair que les vacances en famille ce n'était pas sujet à discussion quand on habitait dans une région touristique reconnu pour ses plages dorées et sa météo parfaite. 

— Et puis, j'ai que quatorze piges. C'est un peu jeune pour faire le tour du monde toute seule.

Elle devait l'admettre. Ce ne devait, en effet, pas être une situation très commune. Elle ne se démonta pas, cependant. Laissant ses yeux bleus retourner regarder la mer (En fait je viens de regarder sur Google maps, ce serait l'océan en fait. Pas la mer. Oupsy), elle dit, sûr d'elle :

— Mais ça viendra.

Elle devait arrêter d'être si impatiente de vieillir. Elle le savait bien. Mais avec une vie aussi chiante que la sienne, elle ne pouvait penser autrement. Partir. Que ce soit dans un autre pays où dans un autre quartier. Changer d'air, apprendre à ne plus vivre avec le fantôme de ses parents. Être autonome, ne plus dépendre de personne. Ne plus devoir fréquenter le Lycée et ces ingrats d'adolescents... Modeler sa vie comme elle l'entendait.

Ouais, c'était qu'un bien joli rêve que l'âge adulte. Tout le moins, aux yeux de l'adolescente brisée qu'était Dakota Ziegler.

Pourtant, pour Balthazar Williams, elle avait crû comprendre que c'était différent lors d'un discussion antérieur. Il lui avait laisser entrevoir qu'elle avait de la chance d'être si je une. Bien qu'elle en doutait, elle ne pût s'empêcher de le noter et, même, de le lui demander.

— Pourquoi est-ce que tu regrette ?

Elle le regarda et, son regard, démontrant plus que de l'incompréhension, la poussa à préciser :

— Ta vie. De la manière dont tu en parle, elle te va très bien. Alors pourquoi est-ce que tu m'as laisser entendre que ce n'était pas le cas ?

Elle l'observa d'un bref silence avant de répéter sa question :

— Qu'est-ce que tu regrette ? »

Ses prunelles bleues détaillaient son visage. Elle ne comptait pas ne pas obtenir de réponse à cette question. C'est vrai quoi... Il étaient amis oui ou non ?

Savoir partager de tels secrets, c'était bien la base, n'est-ce pas ?

Elle lui demanda comment c'était, là-bas. Il sourit, avant de lui répondre. « C'est vert » en fait, c'était vraiment très vert là-bas, c'était ce qui ressortait le plus en Islande. « Tout est vert, verdoyant, parce qu'il fait très humide, froid, et qu'il y a que des étendues coloriées du plus beau des verts. Et... et les plages sont noires là-bas, tu as des sources naturelles d'eau chaude aussi. On est un pays très avancé sur l'écologie, parce qu'on est tout petit, qu'on est loin de tout et qu'on est peu nombreux, et ça fonctionne plutôt bien. J'viens d'un petit village de pêcheur, mon père partait des mois en mer (et en France, on dit mer pour parler de l'océan, t'inquiète haha) et ma maman était l'institutrice de l'école » lança t-il, pour qu'elle en sache un peu plus sur lui. Parce qu'il avait bien comprit qu'elle s'intéressait autant à l'Islande, qu'à sa vie personnelle, dont elle ignorait tout, finalement. Ce qu'elle répondit, quand il lui demanda si elle avait déjà voyagé, était très juste. En effet partir à huit enfants, c'était une certaine organisation, un gros budget et des gros soucis de logistique. Lui, il était fils unique et était parti tout seul, sauf au début, où il était partit avec Elle. Il acquiesça quand elle lui raconta qu'elle partirait plus tard, « oui, tu as tout le temps devant toi » la rassura t-il. Il cessa de la regarder en souriant, pour profiter de la magnifique vue qui s'étendait devant lui. La vue de l'océan, la mer, qui s'étalait de tout son long face à ses yeux clairs. Il se laissait bercer par la musique des vagues, tandis que le vent était doux. Il aimait qu'on lui demande de parler de chez lui, d'Höfn, de l'Islande, de ses parents. Ca lui faisait du bien de parler d'eux, il n'en parlait presque jamais et c'est vrai que du coup, il avait cette culpabilité en lui, de presque, les oublier finalement. Il fut tiré de ses pensées, quand Dakota reprit la parole. En lui demandant ce qu'il regrettait. Il fit une mine d'incompréhension, en regardant la jeune fille, cherchant alors à comprendre de quoi elle parlait. Elle du reformuler sa question, afin qu'il comprenne où elle voulait en venir. Lors de leur deuxième rencontre, au garage et puis ensuite, en ville ; ils s'étaient chamaillés sur le fait que Dakota était une enfant et que lui, oui, il regrettait ce temps là. Elle avait su lire entre les lignes du jeune homme, pour comprendre parfaitement où il voulait en venir, ce qui le fit sourire. Cette fille était maligne et très intelligente. Il soupira, avant de lui répondre en souriant « ça t'intéresse vraiment de le savoir ? » après tout, ils allaient entrer dans des débats qu'elle ne réalisait pas encore, non pas qu'elle ne soit pas assez mature, ou pas assez vieille, ou pas assez intelligente, ça n'avait rien à voir. Elle venait meme de lui prouver le contraire. Non, c'était... une question d'expériences. Mais il se lança quand même. Il n'en avait pas vraiment parlé à quelqu'un, elle serait donc la première. « Je n'ai pas vraiment de regrets, j'ai aimé mes voyages pendant toutes ces années. J'y ai rencontré des gens supers, j'ai vécu des choses incroyables un peu partout et j'ai vu le monde dans lequel je vivais » commença t-il, avant de s'allonger un peu sur le sable, se retenant par son coude posé sur le sable, les jambes étendues. Sa main jouant avec le sable fin de la plage, qui s'éffritait sous ses doigts, pour finalement s'envoler. « Simplement, quand tu as 18 ans et que tu veux voir le monde, tu ne te rends pas compte que ça comporte des sacrifices, qui n'arrivent que bien des années plus tard » en l'occurrence pour lui, maintenant. Il sourit à l'adolescente, avant de reprendre ses explications « j'ai jamais posé mes valises nul part définitivement, j'ai jamais rien construis, je n'ai jamais eu une vie stable depuis mon départ de chez mes parents. J'ai... » c'était difficile de se confier à une adolescente, il avait une image à tenir auprès d'elle, mais il était trop authentique pour avoir des secrets. « J'ai toujours eu envie de fonder une famille, et plus le temps passe, plus je me dis que je suis peut-être passé à côté et ça, plusieurs fois » avoua t-il, difficilement. On ne pouvait pas être plus sincère que lui, à cet instant très précisément. Il venait d'avouer ce qu'il pensait regretter, parce qu'il était dans son année de trentenaire, la première et que c'était un cap et que lorsqu'il se retournait, il était fier oui, mais il manquait néanmoins quelque chose, quelque chose dont il rêvait au plus profond de lui.

« Ça t'intéresse vraiment de le savoir ?

Suite à son interrogation, Dakota arquait un sourcil.

- Sache, très cher Balthazar, que quand je ne veux pas savoir la réponse, je ne pose pas la question qui vient avec.

Suite à sa phrase, son interlocuteur soupire, faisant ainsi comprendre à l’adolescente qu’il se résignait à répondre. Elle se demanda d’abord bien pourquoi il éprouvait tant de réticence à la lui dire avant de l’écouter attentivement. Il y eut une brève ouverture, en premier lieu. Il précisa qu’il n’avait pas de regrets ce qui était, en soit, un peu contradictoire, mais elle laissa couler. D’accord, il avait beaucoup aimé la vie qu’il avait menée. Alors pourquoi tant d’appréhensions de sa part pour la suite de la discussion ?  Sa main qui jouait distraitement avec le sable en était bien la preuve. Malgré tout il continua. Parlant de sacrifices surprises, il assombrit bien vite le tableau.

Elle eut droit à un petit sourire avant le verset final : il ne s’était jamais arrêter. N’avait jamais rien bâtit. Aux yeux de Dakota, le tableau se précisait. Quand il s’interrompit brièvement, elle comprit que la symphonie touchait à sa fin. C’était le dernier chapitre ; le dernier acte.

Et voilà c’était dit.

Il aurait voulu une famille.

Dakota resta dans son silence un instant, reportant ses iris bleutés sur ses orteils. En un sens, elle comprenait. Bien qu’elle n’ait pas d’enfants (encore heureux) elle devait admettre que sa famille : c’était tous les fondements de sa vie.  Et pas seulement parce qu’ils vivaient tous ensemble. À discuter avec Balthazar, elle avait déjà essayé de se figurer sa vie sans eux. Entre autre cette fois où elle avait appris qu’il était enfant unique. Elle avait ressenti un si grand vide qui, cette fois encore se pointa le bout du nez. Non, elle comprenait très bien ce que souhaitait partager Balthazar.

Seulement… Elle tourna la tête en direction de son ami, songeuse.

- C’est bizarre qu’en ayant vu autant de choses tu n’aies jamais rencontré quelqu’un pour te donner envie de rester au même endroit.

Elle haussa les épaules.

- Cependant tu ne devrais pas le voir comme un regret. (Elle sourit) Quel âge croies-tu avoir Balth ? Ce n’est pas trop tard. Tu as 30 ans, pas 45. Même les femmes de ton âge peuvent encore avoir des gosses.

Son sourire devint un petit rire cristallin.

- Tu as voyagé d’abord et puis après ? C’était ce que tu voulais faire. Maintenant tu veux te poser et c’est très bien.

Elle lui offrit un regard de défis :

- Tu veux savoir, Balthazar Williams ? Tout ce que tu as fait pendant ces douze dernières années c’est d’éviter de finir comme tous ces vieux croulants qui auraient bien voulu avoir le culot de faire ce que tu as fait avant de s’installer en ménage. (Elle haussa de nouveau les épaules) Tout le monde veut vivre sa jeunesse à fond. Y’en a seulement qui réussissent mieux que d’autre. … C’est la fin d’un chapitre, Balthazar. Pas celle de ton histoire.

Sur ses mots, elle lui rendit un nouveau sourire amical avant de se redresser, secouant les pans de sa robe pour en chasser le sable.

- Bon allez ! On la reprend cette balade ? C’est pas en causant dans le sable que je vais m’adapter ! »

Ses petits yeux pétillants détaillèrent Balth qui se redressait en souriant. Elle espérait bien que ses mots lui avait fait réaliser que 30 ans, c’était pas réellement un siècle. Elle avait pris les devants, s’armant de nouveaux de ses chaussures avant de remettre tout l’attirail. Il embarqua le premier et, dos à elle, il démarra le moteur alors qu’elle l’observait toujours à la dérobée, réfléchissant à ses confessions.

Balthazar Williams, père de famille.
Elle sourit, cachée dans son casque. Voilà qui sonnait surprenamment bien.

La jeune fille avait des réponses justes et surprenantes pour son âge. En fait, même la plupart des amis de Balthazar, qui avait aux alentours de trente ans ; n'auraient pas toujours trouvé mieux à dire. Dakota était une adolescente très mature pour son âge, qui surprenait le centenaire par son intelligence. Balthi écoutait ce qu'elle disait, étant d'accord avec elle. Après, il n'avait pas spécialement besoin d'en parler, il n'avait pas besoin de se confier, ce n'était ni un secret, ni une tare ce qu'il venait de dire ; c'était ce qu'il ressentait, mais ça n'était pas grave au point de lui gâcher la vie, il était bien trop optimiste pour ça. Dakota proposa de remonter sur la bécane, ce qui le fit sourire, puis rire. Elle qui il y a encore quelques jours en avait horreur, c'était rigolo qu'elle propose de continuer la balade. Balthi et elle grimpèrent la dune qu'ils avaient descendus à toute vitesse un peu plus tôt, pour finalement retrouver la moto de Batlhi. Le jeune homme referma sa veste, mit son casque et monta dessus, avant la jeune adolescente.

Ils partirent.

Durant le trajet, la balade, Balthi accéléra par moments, histoire de montrer aussi cette facette à Dakota et lorsqu'elle avait peur, elle tapotait sur son ventre, pour qu'il ralentisse. Ils firent de la moto durant un petit peu moins de deux heures, ce qui était une bonne balade. Balthazar était ravie. Finalement, il se décida à ramener la jeune fille. Ils repassèrent par la villa pour manger quelque chose, et pour prendre les affaires de Dakota, qui étaient sèches et propres : elle pouvait se rhabiller avec pour ne pas éveiller les soupçons, si jamais... Finalement, Dakota lui indiqua son adresse, alors c'était ici qu'elle vivait la gamine ? Balthi était content de le savoir. L'après-midi s'achevait, alors qu'il déposait la gamine devant chez elle, à moto. Il s'était très très vite échangé quelques mots avec son frère, tout était ok pour lui, donc, ok pour Balthi. Une fois la gamine descendue de la moto, elle voulu lui rendre le casque, il lança « Garde le, après tout, y'a que toi qui l'utilise » sourit-il. Bon ok, ça lui éviterait d'avoir à se le trimballer à chaque fois. Il devrait juste le payer à Austin, parce qu'à la base, il était dans le garage, destiné à la vente. « Bon, j'espère que tu auras passé une bonne journée, fais moi signe si tu as besoin de quelque chose, ou envie de faire de la moto, ou... je sais pas » rigola t-il enfin. Finalement, il fit un signe de la main, partant de son casque, pour lui dire au revoir et il fit demi-tour à moto, pour partir à nouveau sur la route.